PORTANT LA CROIX
«Et Lui, portant la Croix s’avança jusqu’à la place appellée la place du Crâne.»
Lui, portant sa croix, s’avança. Rien d’autre!
Quel pathétique dans ce silence, quelle majesté dans cette solennité et ce mystère! Humiliation, résignation et douleur unies au courage, à la foi, à la compassion; majesté royale et ineffable; gloire éternelle couverte, bien plus, dissimulée sous la honte, la dégradation et le crime!
Dans ce silence sur son voyage, nous distinguons pourtant la marque d’un roi et la souveraine grâce du Rédempteur du monde.
Il ne s’arrêta pas à discuter les mérites de Son cas, le bien fondé ou l’injustice du verdict prononcé contre Lui:
Il s’avança portant sa croix.
Il aurait pu faire éclater l’évidence par des arguments sans réplique et par des appels à la loi et à la conscience de son juge, puisqu’il pouvait dévoiler les fourberies, les hypocrisies, les préjugés de ses accusateurs. Mais non! Il n'ouvrit même pas la bouche.
Il y a des moments dans la vie où la conduite et le caractère sont mieux soutenus par le silence. Et c’était un de ces moments.
– Il ne se plaignit même pas de l’injustice et de la dureté du traitement qui lui était appliqué.
– Il supporta tout.
– Il ne demanda ni clémence, ni faveurs.
– Il possédait le pouvoir d’abandonner Sa vie et de la reprendre ensuite.
– Il eût pu détourner le jugement, épargner à ses épaules le fardeau de cet arbre rugueux, disperser ses ennemis par cette puissance avec laquelle il apaisait la tempête et mettait en fuite les démons.
Mais non! Lui, portant sa croix, s'avança, de son propre mouvement, «à une place appelée la place du Crâne».
Et nous, comment portons-nous notre croix?
Nous ne sommes pas chrétiens sans la croix.
Un chrétien sans la croix est un non-sens; autant parler d’un pauvre ignorant la pauvreté, d’un malheureux sans souffrance, d’un blessé à la bataille qui n’aurait pas éprouvé la sensation de la douleur.
Suivre Christ, c'est participer à ses souffrances et à la fin qu'il se proposait par sa mort.
Afin qu’il pût sanctifier le monde avec son propre sang, Jésus souffrit sans espoir de délivrance.
L’auteur de l’Épître aux Hébreux insiste sur ce point: qu’entre le Maître et le disciple il doit y avoir un portement de croix, ininterrompu. C’est pourquoi, avançons, et suivons-le dans le monde en portant son opprobre.
Si nous lui sommes fidèles, nous aurons, comme Lui, à sacrifier les félicités et les joies de la famille, à souffrir, en dénonçant les hontes, les hypocrisies, le formalisme, à voir nos motifs méconnus, nos caractères diffamés, la puissance par laquelle nous faisons le bien qualifiée de terrestre ou de diabolique, à être calomniés, ma! interprétés, maudits, frappés et persécutés.
Nous serons placés dans des situations où notre silence sera considéré comme une preuve de culpabilité, où nous serons pourchassés jusqu’à un Golgotha. C’est dans la nature des choses qu’il en soit ainsi
CHRIST N’EST PAS VENU POUR APPORTER LA PAIX TOUT D’ABORD,
MAIS L’ÉPÉE.
Le détrônement du péché doit précéder le règne du bien, et la puissance du mal doit être détruite avant que commence le règne de l’amour.
En avant 1904 04 02
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