JE NE VEUX POINT DONNER MON ISAAC
Elle aimait tendrement son enfant, sa fille unique, la confidente de ses pensées, de ses sentiments les plus intimes, l'âme qui, au sein des difficultés de la vie, des épines du chemin, des blessures de la route, la comprenait toujours, auprès de laquelle elle était sûre de trouver un écho, où elle pouvait déverser le trop-plein de son cœur, certaine d’être comprise.
Les épreuves de sa vie avaient été nombreuses. L’élasticité de sa nature si gaie, si bonne, si dévouée, était demeurée la même et, dans ses paroles, jamais une plainte! dans son âme, jamais une pensée amère! Mais aux heures difficiles où les souvenirs affluaient à son esprit, c’était un réconfort pour elle de s’épancher auprès de son enfant bien-aimée qui était sa vie. Et, le soir, «quand du jour la clarté se retire», à la lueur des étoiles scintillant dans le ciel clair, appuyée sur son bras, elles communiaient ensemble.
Ô moments bénis, souvenirs si doux! Les plans d’avenir se faisaient. Cette mère et cette fille ne devaient jamais se quitter, elles avaient résolu de vivre l’une pour l’autre et cela semblait si beau, si bon! un parfait sentiment de quiétude chez la mère, une immense joie chez l’enfant.
Dieu en avait décidé autrement.
Insondable mystère, semblait-il! Dans l’âme de la jeune fille avait germé et grandissait chaque jour un immense désir de se dépenser pour Dieu.
Où? quand? comment?
À toutes ces questions il n’y avait point encore eu de réponse précise, mais le désir était intense et bien qu’il n’eût point été question de séparation, un pressentiment étrange (préparation divine ou appel précis) avait envahi l’âme de la mère.
Un après-midi donc, par une belle journée d’été, elles causaient quand la conversation fut soudainement interrompue par l’arrivée du facteur. Entre autres choses il apportait un journal, feuille religieuse dont la lecture avait été souvent bénédiction. La jeune fille le prit. «Écoute, maman, dit-elle, je te lirai ceci».
C’était toujours une si grande joie pour toutes les deux de communier ensemble dans une pensée élevée, soit dans une lecture, une récitation de poésie ou un échange d’idées; et la lecture commença.
C’était une histoire commentant le sacrifice d’Abraham. Un grand-père expliquait à sa petite-fille la nécessité absolue de donner à Dieu tout ce qu’il demande de nous, même si cela doit nous coûter beaucoup.
Or, cet homme avait un fils pasteur qui désirait devenir missionnaire et le père s’opposait à ce désir, alléguant qu’on pouvait servir Dieu sans s’exposer ainsi... et toute une série de bonnes raisons de ce genre. La fillette savait cela et avec la logique enfantine elle répliqua: «Pourquoi donc alors, grand-père, ne veux-tu pas qu’oncle Paul aille raconter aux petits païens les belles histoires que tu nous racontes?»
La vérité le frappa en plein cœur! Il comprit la leçon que Dieu lui donnait par la bouche de son enfant. Il obéit à sa conscience et donna à Dieu son Isaac.
C’était cette histoire que la jeune fille avait entrepris de lire à sa mère, sans plan préconçu, sans application à son propre cas. Mais à peine quelques lignes avaient-elles été lues que la mère arrêta la lecture.
En femme qui connaît bien sa Bible, elle avait deviné toute la suite et, reprise peut-être dans sa conscience ou éclairée soudainement d’une lumière à laquelle elle ne voulait point obéir, elle dit avec un accent auquel sa fille n’était point accoutumée: « Inutile de continuer, «JE NE DONNERAI POINT MON ISAAC».
Avec ménagement et toute la tendresse dont elle était capable, la jeune fille hasarda: «Et si Dieu te le demandait, maman?» — Un moment de silence. L’effort de la mère pour dominer son émotion donnait à sa voix un ton étrange: «Quand je serai morte. Ma fille est à moi et je la veux toute à moi.» La jeune fille se tut. Il sembla que la résistance de sa mère lui avait précisé sa vocation.
... Quoi qu’il en soit, le temps passa et, — préférant obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, et même qu’à sa mère bien-aimée qu’elle chérissait si tendrement, — la jeune fille s’offrit comme officière dans l’Armée du Salut.
Parents qui lisez ces lignes, épargnez-vous le regret éternel d’avoir refusé à Dieu ce qu’il vous demandait pour son service. Ne lui refusez jamais votre Isaac!
* * *
Mais il y a des Isaacs de tout genre.
Quel est-il pour vous?
Quelle est la chose que vous préférez à Dieu, et au sujet de laquelle vous dites: TOUT, EXCEPTÉ CELA!
Livrez-Lui tout maintenant. Mettez sur l’autel ce qui vous coûte le plus et vous connaîtrez en échange la joie parfaite, la paix qui surpasse toute intelligence.
Jeune homme, jeune fille qui lisez ces lignes, qui avez un jour désiré consacrer votre vie au salut des âmes, vous qui avez réalisé l’appel de Dieu, qui l’avez entendu vous dire: Vends tout et suis-Moi! qu’attendez-vous pour obéir?
N’écoutez plus la crainte ni le doute, Ne parlez plus de ce qu’il faut souffrir! N’arrêtez pas vos regards sur la route; Jésus vous dit: «POUR TOI, J’AI SU MOURIR!»
En avant 1904 03 12
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