À UN ENFANT
Enfant, tu grandis; que ton cœur soit fort!
Lutte pour le bien, la défaite est sainte;
Si tu dois souffrir, accorde à ton sort
Un regret parfois, — jamais une plainte.
Écris, parle, agis sans peur du danger;
L’univers est grand; que ton œil y plonge!
Tu pourras faiblir, même propager
Une erreur parfois, — jamais un mensonge
Si tu vois plus tard d’indignes rivaux
Toucher avant toi le but de la vie:
Trahis seulement, sûr que tu les vaux.
Du dépit parfois, — jamais de l’envie.
Le mal ici-bas trône audacieux.
D’un amer dégoût, si ton âme est pleine:
Nourris dans ton sein, montre dans tes yeux
Du mépris parfois, — jamais de la haine.
Et si, dans ce monde, étroite prison,
Un trouble apparent met l’âme en déroute,
Que l’œuvre de Dieu laisse à ta raison
Un souci parfois, — mais jamais un doute.
Eugène Manuel.
En avant 1904 03 05
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