UNE PAGE DE MON EXPÉRIENCE
Chacun d’entre nous a des raisons multiples pour louer Dieu de sa bonté, de sa tendresse compatissante, du parfait amour qui nous a inondés de preuves de sa fidélité et de sa patience.
Mais toute âme qui veut faire le bilan moral de sa vie, suivre à travers toute son existence, depuis sa plus tendre enfance peut-être, les traces de la main paternelle de Dieu la conduisant sûrement à travers des circonstances multiples et en apparence très contradictoires, y découvre une unité parfaite, voulue de Dieu.
Il l’a conduite suivant une ligne immuable, tendant toujours vers le même but: le développement de son âme, sa croissance spirituelle. Pour cela, Il a dû peut-être écarter de son chemin ce qu’elle aurait aimé ou choisi, mais qui eût été pour elle cause d’arrêt ou peut-être même de recul dans sa vie intérieure.
J’aime repasser dans mon cœur la suite de ces directions merveilleuses de Dieu dans ma vie, la manière providentielle et tout amour dont il a tout arrangé pour mon plus grand bien, comment il a formé mon âme à son image, comment il a placé devant moi telle circonstance, telle épreuve, tel chemin étroit, obscur ou crucifiant, mais toujours si bon et si béni pour mon âme, et qui m’ont permis de dire:
«Ta Volonté est bonne, agréable et parfaite.»
«Toutes choses concourent ensemble au bien de ceux qui aiment Dieu».
Mon âme Te loue pour ton immense amour.
Merci pour toutes choses
Cela veut dire beaucoup.
Je revois défiler devant mes yeux les circonstances où, seule avec mon Dieu, dans un élan de mon être entier, en ces heures étrangement douloureuses où ma raison ne comprenait rien, mais où ma confiance en la bonté de mon tendre Père céleste sentait, si elle ne comprenait pas, qu’il était tout amour quand même et où je ne pouvais dire à mon Dieu qu’une chose:
«Tu sais que je t’aime. Merci, Seigneur, pour ta présence et ta paix immense. Merci pour la douleur même, parce que je sens que tu attires mon âme tout près de toi. Je ne comprends pas, mais je te bénis.
Je sens que c’est un précieux privilège que de t’adorer sans comprendre, d’avoir part à la joie intense et profonde de tes enfants.
Merci de ce que tu as éloigné de mon cœur le murmure et le «pourquoi?»
J’ignorais, en effet, pourquoi ceci ou cela — tous ces chemins divers — pourquoi ce creuset. Mais je savais que tu m’aimais, non malgré tout cela, mais que tout cela, que le monde trouvait cruel, était de ta part amour et fidélité.
Aujourd’hui que je te connais mieux, j’apprécie davantage l’immense grâce que tu m’accordais d’incliner mon cœur et ma volonté, et une fois de plus je m’écrie du fond de mon âme:
«Merci, Seigneur, Merci pour toutes choses»
Je ne connaissais pas alors ce vieux chant salutiste dont un verset est celui-ci:
Merci pour les épreuves.
Merci, Seigneur, merci;
Si tu nous en abreuves,
Merci, Seigneur, merci.
Mais si les paroles m’étaient inconnues, (et pour cause) la joie que j’éprouvais à les réaliser était intense et réelle. J’apprécie surtout la grâce que Dieu m’a faite de ne pas permettre que le pourquoi ait effleuré mes lèvres ou ma pensée.
J’aime revivre par le souvenir ces heures que le monde appelait douloureuses et où la joie de Dieu inondait mon cœur, où j’attendais avec une impatience que je ne puis réprimer, les moments de récréation où je montais dans ma chambre, fermais ma porte à clef et répandais mon âme et lorsque les nécessités de mon travail ne me permettaient pas de le faire, les versets de cantiques montaient d’eux-mêmes à mes lèvres et bouillonnaient dans mon cœur.
Je vois encore ces compartiments de chemin de fer où après avoir comprimé mon cœur toute une journée, lutté contre moi-même et tenu ma langue captive, je pouvais enfin lui rendre la liberté, ouvrir mon âme toute grande et chanter de Dieu les bontés magnifiques.
Oh! ces heures de voyage hebdomadaire où, seule dans ce compartiment de chemin de fer (je pense que Dieu permettait que je sois chaque fois seule) je priais à haute voix, chantais à pleins poumons de précieux cantiques et où la présence de Dieu remplissait ces quelques mètres carrés et les transformait en vraie chambre haute. Je ne sais ce que pensaient les voyageurs d’à côté, mais je ne les voyais ni ne les entendais: je ne voyais que Dieu me tenant par la main, m’inondant de sa paix et de sa joie, transformant mes difficultés en bénédictions et de mes lèvres, de mon cœur, de ma pensée, s’élevait un éternel merci.
Je ne puis jamais songer à ces heures, à ces années devrais-je dire, sans sentir s’élever en moi un cantique d’actions de grâces. J’entends encore cet ami chrétien, homme de longue expérience, me dire: «Vous vivriez cent ans, que vous ne pourriez, traverser une épreuve plus douloureuse».
J’étais assez de cet avis, mais, néanmoins, à part moi je ne pouvais m’empêcher de conclure que, tout compte fait, ce serait cent ans de ciel, malgré la souffrance, et je louais Dieu une fois de plus. N’était-il pas en droit d’éprouver ma foi et ma consécration et puisque je disais: «JE T’AIME, QUOI QUE TU FASSES»! ne devais-je pas, pour être logique et si mon amour était réel, accepter tout de sa main?
Je n’échangerais pas pour je ne sais quoi au monde ces expériences bénies, car leur souvenir est toujours pour moi une occasion de force de vigueur nouvelle en même temps que de rafraîchissement, et si je passe par le désert, qu’il semble que mon âme se dessèche, un regard sur ce passé illumine mon horizon.
La bonté merveilleuse de mon Dieu ensoleille ma vie, je sais dès lors que dire, car si le diable fait rage et veut semer le doute dans mon cœur, je puis m’appuyer toujours sur cette preuve irréfutable: l’œuvre réelle que Dieu a accomplie dans mon cœur, son amour sublime pour moi, pauvre pécheresse.
Comme conclusion toute naturelle, je ne puis que répéter avec cet homme de Dieu de l’Ancienne Alliance:
«Que dirai-je? Il m’a répondu et II m’a exaucé.
Je marcherai humblement jusqu’au terme de mes années.
................................................................................
Seigneur, c’est par tes bontés qu’on jouit de la vie.
................................................................................
Voici, mes souffrances mêmes sont devenues mon salut.
C’est pourquoi: Nous ferons résonner les cordes de nos instruments,
Tous les jours de notre vie,
Dans la maison de l’Éternel.
Heureuse dans la lutte, heureuse du privilège de pouvoir combattre pour mon Dieu, je veux chaque jour vivre plus fidèlement pour Lui, me dévouer corps et âme à Son Service et lui gagner des âmes.
* * *
PURETÉ, SAINTETÉ
Sois pur, le reste est vain, et la beauté suprême.
Tu le sais maintenant, n’est pas celle des corps;
La statue idéale, elle dort en toi-même.
L'œuvre d’art la plus haute est la vertu des forts.
Le saint est le très noble et très sublime artiste,
Alors que de sa fange il tire un être pur,
Qui tire un être aimant d’une bête égoïste,
Comme un sculpteur un Dieu d’un lourd métal obscur.
Sache que les héros, les saints tu les imites
En détruisant en toi l’égoïsme d’abord;
Meurs à toi-même afin de vivre sans limites:
Toute âme pour grandir doit traverser la mort.
Jean Lahor.
En avant 1904 02 27
Table des matières |