Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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MÉLI-MÉLO


GERTRUDE OU LA PATIENCE MISE A L'ÉPREUVE

Il y avait au siècle dernier un écrivain qui s'appelait Abouzit; on disait de lui qu’il ne s’était jamais impatienté. Il est assez naturel de juger les autres d’après soi et comme cette patience inaltérable aurait été fort difficile à imiter, on préférait n’y pas croire.

M. Abouzit avait depuis trente ans une servante qui s’appelait Gertrude. Elle était habile ménagère et fort soigneuse sur la direction de la maison. Aussi M. Abouzit, toujours occupé d’études sérieuses, lui avait-il donné toute sa confiance.


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LE COMPLOT

Un jour, quelques amis de notre écrivain dirent à cette femme:

Est-il vrai que votre maître ne s’impatiente jamais?

Jamais, répondit-elle; Monsieur prend le temps comme il vient; il trouve tout bon et je crois vraiment que rien ne le contrarie.

Eh bien, Gertrude, nous avons fait un pari: si vous voulez nous aider, celui d’entre nous qui gagnera vous récompensera.

Volontiers, mes beaux messieurs, dit la vieille, que dois-je faire, s’il vous plaît?

Nous avons résolu de mettre la patience de M. Abouzit à l’épreuve, faites-le donc impatienter et nous serons contents de vous.



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GUET-APENS

Gertrude trouva bien l’idée un peu singulière; mais, vaincue par les instances de ces messieurs, elle se mit en devoir de faire tout de travers en rentrant au logis. Le philosophe vit le jour même son ménage sens dessus dessous, son dîner manqué, son souper brûlé, et ainsi du reste. Le soir venu, il jeta un regard étonné sur la bonne et s’en alla tranquillement se coucher.



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AUTRE TENTATIVE

Oh! dirent les amis, cette impassibilité ne durera point, attendons.

Un bon lit était de tous les biens matériels de ce monde celui que M. Abouzit semblait estimer davantage. Gertrude le savait et voyant que le remue-ménage de la veille n'avait amené aucun résultat, elle imagina de ne point faire le lit de son maître. Le savant y dormit tout de même et dit simplement en s’éveillant: «Gertrude, vous avez oublié de faire mon lit.» Celle-ci donna quelques mauvaises raisons et l’on n’en parla plus.


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C’EST EN VAIN

Le jour suivant même manège, et le pauvre dormeur ne laissa paraître aucun trouble. Enfin le troisième jour, le lit devenant de plus en plus... dur et... détestable, la servante pensa qu’elle allait être rudement grondée et que la mauvaise humeur de M. Abouzit, si longtemps contenue, n’en éclaterait que plus vivement. La vieille se réjouissait intérieurement de son petit succès et songeait à la récompense promise.


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Ô SURPRISE!

Effectivement, le soir son maître l'appela et la faisant asseoir avec bienveillance auprès de lui, il lui dit d’un ton grave: «Gertrude, voilà trente ans que vous me servez avec zèle, je pense qu’après tant de fatigues vos forces diminuent et que mon lit vous paraît trop difficile à remuer, car voilà trois jours que vous ne le faites plus! Eh bien, ma fille, que cela soit ainsi dorénavant, ne vous en tourmentez pas, car je commence à m’y habituer


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ON S'EXPLIQUE

Gertrude se jeta en pleurant aux pieds de M. Abouzit: «Ô mon maître, dit-elle, que je suis coupable et que vous êtes bon!»

Alors elle avoua la méchante promesse qu’elle avait faite et le singulier pari qui en avait été la cause. Le sage sourit; tendant la main à Gertrude, il l’aida à se relever, la consola et la rendit confuse par son extrême indulgence.


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IL EN EST TOUJOURS AINSI

Ceux qui avaient exigé cette épreuve, en conçurent encore plus d’estime pour le philosophe, mais ils ne purent faire accepter la moindre récompense à Gertrude, car elle se repentait d’avoir fait une si mauvaise action.


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RÉPARATION

Pour réparer sa faute, elle fut depuis dévouée plus que jamais à son maître. Il avait à peine le temps de manifester un désir que ce désir était satisfait, et si les circonstances contraires rendaient passagèrement sa vie amère et difficile, du moins trouvait-il chaque soir l'oubli de ses maux sur un lit meilleur que tous les lits du monde, un lit préparé par la bonne vieille Gertrude.

Stoltz.


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SOUVENONS-NOUS

Ne pensez-vous pas que quand tout va de travers (et non après) une pensée sur M. Abouzit nous aiderait à être plus patients? Je le crois. J’y penserai, et vous aussi, n’est-ce pas?


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LA PATIENCE ET LA BIBLE

Mieux vaut un esprit patient qu’un esprit hautain. Ecclésiaste.

Soyez patients dans l’affliction. La charité est patiente. Le Serviteur du Seigneur doit être doué de patience. St-Paul.

Seigneur, donne-nous à tous ce don. Amen.

Marius.

En avant 1904 02 13


 

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