UNE OEUVRE HUMANITAIRE IDÉALE
LE NID
C'est vraiment une institution idéale que celle qui porte ce joli nom de «Nid». Ne sentez-vous pas, rien que dans ce nom si significatif, un je ne sais quoi de doux et de moelleux, de chaud et de confortable! Et si j’ajoute que la maison qui porte ce nom remplit toutes ces conditions et quelle est ouverte pour recevoir de tout jeunes bébés, vous conviendrez avec moi que jamais appellation ne fut mieux appropriée.
Surtout, — mais je n’ai pas besoin de vous le dire — si vous pouviez savoir quelle atmosphère de tendresse et d’amour on y respire!
Mais une objection se posera peut-être à votre esprit: «Pourquoi une maison spéciale pour ces enfants?»
L’Armée ne pourrait-elle pas les recevoir dans une de ses institutions déjà existantes, un orphelinat, par exemple?
Les renseignements suivants que j’extrais d’un article paru dans une de nos Revues, y répondront et vous feront toucher du doigt la haute utilité de cette maison, le bien qu’elle a déjà produit et qu’elle est appelée à produire de plus en plus par la suite.
«Supposons, par exemple, — hélas, les cas semblables ne sont que trop communs — qu’une jeune fille ait été entraînée au mal, lorsqu’elle était en place loin de ses parents. Elle restera dans la place où elle se trouve aussi longtemps que possible, et enfin elle donnera naissance à son enfant. Les parents de la jeune fille consentiraient alors à la recevoir chez eux mais sans son enfant; ils ne voudraient point envisager un tel déshonneur!
Que fera la jeune mère ne pouvant laisser son enfant là où il est né, et, d’un autre côté, sa propre maison lui étant fermée?
Comprenez-vous maintenant l'utilité de notre institution pour enfants?
Elle ouvre une porte d’espérance pour les cas semblables. La jeune mère peut y amener son enfant et y séjourner pendant quelques mois elle-même. Elle s’occupera à travailler dans la maison et aura ainsi l’occasion de s'améliorer sous tous les rapports, tout en ayant la joie de suivre son bébé chaque jour, de lui prodiguer ses caresses. Elle s’attache ainsi à lui davantage et l’enfant devient pour sa mère, un élément de relèvement, comme on verra plus loin.
Au bout d’un certain temps, lorsque la mère se sent assez forte pour envisager de nouveau la vie et ses difficultés, on lui trouve une place et, en même temps, une nourrice convenable qui se chargera de l’avenir de l’enfant. Vous comprenez bien que la position de la jeune mère aussi bien que celle de la nourrice en bénéficie par le fait que nous nous intéressons à leur bien-être, quoique nous ne nous chargions d’aucune responsabilité, du moment où la mère s’engage à payer les mois de nourrice.
Supposez encore qu’une de ces pauvres filles ait réussi à se trouver un abri pour son enfant. Ce dernier tombe malade — ce qui arrive assez fréquemment — et la mère reçoit une dépêche ainsi conçue:
«Bébé malade venez le chercher ou nous vous l’apporterons».
Que doit-elle faire?
Elle ne peut demander de recevoir l’enfant dans la maison où elle est en service; il lui est de même impossible de trouver une nourrice d’un moment à l’autre et qu’arriverait-il? C’est que tous deux, la mère et l’enfant se trouveraient dans la rue. Ce qui constitue une de nos grandes difficultés, c’est que ces filles manquent absolument d’amour maternel, au premier abord. Il arrive souvent qu’en parlant de leur bébé, elles emploient une expression qui prouverait qu’elles le considèrent plutôt comme une chose que comme un être humain, et qu’il leur importe peu qu’il vive ou qu’il meure.
Notre premier devoir est donc de leur inculquer un peu d’amour maternel. L’une d’entre elles se refusa même de donner un nom à son enfant. «Je ne veux pas, disait-elle, cela ne me regarde pas». Cependant, au bout de quelques jours, elle y prit intérêt et se mit à aimer son fils; la puissance de Dieu a transformé cette femme et aujourd’hui elle n’a qu’un désir, c’est de travailler pour son enfant et de faire pour lui tout ce qui lui sera possible.
J’extrais les quelques lignes suivantes d’une lettre que nous recevions d’une de ces jeunes filles, et qui vous montrent combien elle s’était attachée à son enfant, un beau bébé dont j’ai devant moi la photographie:
«Je vous ai envoyé le portrait de Winnie pour le «Nid» écrit-elle. N’est-ce pas qu’elle devient belle? Sa nourrice l’a conduite chez un photographe et elle eut beaucoup de peine à la faire rester tranquille. Chère mignonne, combien je l’aime. Il y a un mois que je ne l’ai revue. Dieu est bien bon pour moi et pour mon enfant, je ne puis assez le louer et le bénir pour tous ses bienfaits».
Vous voyez, n’est-ce pas, qu’en entourant ces chers petits d’une atmosphère d’amour et de tendresse, nous faisons, quoiqu’indirectement, du bien à leur mère, car l’amour d’une mère pour son enfant est un puissant moyen pour la garder elle-même du mal. Les officières qui dirigent «Le Nid» ont donné hospitalité à soixante de ces jeunes filles avec leur bébé, durant l’année qui vient de s’écouler; outre cela, elles ont aidé et secouru une douzaine de pauvres femmes mariées.
Nous les aidons à placer leurs enfants dans des asiles ou chez quelqu’un de leur parenté, si possible, mais nous laissons toujours un des enfants à la charge de la mère qui entre pour quelques mois dans notre «Nid» pour se placer ensuite.
Nous avons aussi dans notre maison, quelques enfants dont les pauvres mères avilies sont faibles et à peine capables de prendre soin d’elles-mêmes, à plus forte raison n’arrivent-elles pas à payer les mois de nourrice. Dans ce cas, nous les aidons en gardant leur bébé un peu plus longtemps et en leur permettant de payer ce qui leur est possible jusqu’à ce que la mère soit relevée.
Lorsqu’un enfant est malade ou faible, il est impossible de demander à une nourrice pauvre et gagnant sa vie, de le prendre chez elle, et nous consentons à le garder jusqu'à son rétablissement. Si donc notre «Nid» est un bienfait pour de pauvres mères sans secours et sans abri, à plus forte raison aura-t-il sa raison d’être et sera-t-il une bénédiction pour les chers petits eux-mêmes, car pour la plupart, ils héritent de leurs pauvres parents toutes espèces de vices et de maladies qui demandent les soins constants et assidus.
Outre les soins que nous leur prodiguons pendant le jour, ils en réclament aussi pendant la nuit, et nous avons toujours une Officière de garde comme dans les hôpitaux; les enfants dorment dans un grand dortoir bien aéré, sous sa surveillance.
Pendant la journée les bébés s’amusent ensemble et, lorsqu’il fait chaud, ils se récréent sur un gros tas de sable, courent et trottinent dans la salle de jeux et se développent merveilleusement.
Le docteur qui vient visiter le «Nid» plusieurs fois par semaine et qui s’intéresse vivement à ses petits malades, parle de notre œuvre avec éloges. Il y a quelques jours qu’il disait à une de nos amies en parlant de cette branche de notre œuvre:
«Le terrain dans lequel travaillent ces Officières est aussi mauvais qu’on peut se l’imaginer à tous les points de vue. Outre les dispositions maladives et vicieuses dont ces pauvres petits êtres ont hérité, il faut se souvenir qu’ils n’ont subi aucune bonne influence et qu’ils n’ont point d’habitudes d’ordre et de propreté. C’est souvent au moyen de drogues qu’on les a endormis, ou c’est en les effrayant ou en les frappant qu’on les a réduits au silence. On n’a rien fait pour eux de ce qui doit se faire pour les petits enfants, au lieu de cela ils ont eu à supporter toutes espèces de maux et de mauvais traitements.
Malgré
cela
au bout de quelques semaines, les petits habitants du Nid sont
entièrement transformés; ils deviennent roses, potelés et
sages.
Toutes les fois que je quitte la maison je sens plus fortement
que le
dévouement et l’attention donnés à ces enfants est admirable
et
digne de louanges et que ce «Nid» est un foyer merveilleux.»
Laissez-moi, avant de terminer, vous parler encore d’une autre classe de malheureux que nous abritons sous notre toit. Je veux parler de ces pauvres petites filles de l’innocence desquelles les hommes ont cruellement profité et auxquelles ils ont ravi leur candeur.
Deux d’entre elles, qui sont encore nos hôtes en ce moment, eurent à se présenter dernièrement devant le Tribunal, pour témoigner des outrages dont elles avaient été victimes; les deux hommes furent condamnés à 5 ans de prison.
Mais, en attendant, que doit-il advenir de ces enfants?
Vous ne voudriez pas les mettre en compagnie d’autres enfants dans une maison de relèvement ou ailleurs, où ils pourraient répandre une mauvaise influence sur des cœurs innocents.
Elles ne peuvent pas non plus rester dans le même entourage où chacun les connaît et sait leur histoire. Comprenez-vous, maintenant, à quoi sert notre institution «le Nid»?
NOUS NE REVENONS JAMAIS SUR LE PASSÉ DE L'ENTANT APRÈS AVOIR EU UNE PREMIÈRE ENTREVUE AVEC ELLE.
Nous essayons d’effacer de son souvenir ce qui lui semble un terrible rêve, mais en même temps nous n’oublions pas et nous exerçons une surveillance continuelle les entourant de soins physiques et moraux.
Chacune d’entre elles a son travail journalier à accomplir selon ses capacités. Les unes cousent, tandis que d’autres sont à leurs jeux, à leurs jardins; ou à leurs leçons. Leurs journées sont remplies et heureuses à en juger d’après leurs mines joyeuses. Ne croyez pas cependant que nous en fassions des «demoiselles». Non, nous les formons dans le but de les rendre utiles, et deux ou trois d’entre elles sont aujourd'hui des aides dans notre institution, et soignent les bébés.
Nous avons aussi quelques cas préventifs, et Dieu nous a toujours merveilleusement aidées. Une pauvre petite fille sans mère nous fut un jour amenée par son père désespéré. Depuis deux ans que sa mère était morte, elle avait passé dans 18 asiles différents. Personne ne voulait la garder. C’était une petite «tigresse» indomptable. Nous vîmes qu’elle serait perdue au bout de quelques mois si quelqu’un n’entreprenait pas sérieusement son éducation. Nous la reçûmes donc. Elle fut bien pénible pour commencer, mais maintenant qu’elle a passé une année avec nous, son père nous dit qu’il ne la reconnaît plus. Elle désire ardemment apprendre à tout faire afin de pouvoir rentrer chez elle, d’aider son père et de le soigner.
Savez-vous, chers lecteurs, quel est le secret de notre succès?
NOS OFFICIÈRES TRAVAILLENT PAR AMOUR POUR LEUR SAUVEUR ET POUR LES TOMBÉS.
C’est par sa puissance que le cœur de ces pauvres mères est changé. C’est sa grâce qui bénit les enfants. Sans l’Esprit de Dieu, l’atmosphère de paix et d’harmonie qui règne dans notre «Nid» ne durerait pas vingt-quatre heures.
Nous bénissons donc l’Ami des enfants pour ce qu’il nous a aidés à accomplir et nous lui en donnons toute la gloire!
En avant 1904 01 09
Table des matières |