1904
Par le Général
Je ne sais pas quels sont les sentiments dominants qui remplissent le cœur de mes camarades en envisageant la nouvelle année.
Peut-être ne se sont-ils pas arrêtés pour former aucun plan à son sujet. En ce qui me concerne, la pensée qu’il m’est encore permis d’y entrer, m’inspire des sentiments de gratitude, de reconnaissance et de louange que je ne puis exprimer.
Pour commencer, sa venue prochaine m’a rappelé toutes les marques d’amour, toutes les faveurs dont j’ai été comblé durant les heures écoulées maintenant de ma vieille année 1903.
Quelle année de grâce et de bénédiction elle a été!
Il est vrai que quelques grosses vagues impétueuses sont venues se jeter sur ma pauvre barque, que des vents d’orage l’ont secouée, menaçant de la couler bas et de la faire sombrer. Mais quel en a été le résultat?
Ces atteintes, dures et pénibles, il est vrai, n’ont pas éteint les feux de l’amour et du zèle, ni infligé un dommage durable au vaisseau lui-même.
Grâce à la miséricorde infinie, nous sommes toujours à flot, et de la poupe à la proue, nous voguons toujours droit en avant.
Il est vrai, oh! oui, tellement vrai, que cette année s’est clôturée par une perte irréparable, indescriptible pour moi personnellement et pour l’Armée en général. D’une façon mystérieuse ma précieuse fille, dont la présence était une si large part de la lumière, de la joie et de la force de ma vie, a été prise à mon côté.
La place laissée vide dans mon cœur par ce désastre ne pourra jamais être comblée et la lumière éteinte en cette sombre nuit ne brillera jamais plus de nouveau. J’ai été douloureusement blessé et ce fut pour moi un pénible coup! 1903, par cette visitation, restera gravé dans ma mémoire tant que je serai ici-bas.
Où, alors demanderez-vous, trouverez-vous la raison de louanges?
Je réponds: cela réside dans le fait que je ne me suis jamais permis de penser que ce trésor perdu était à moi. N’ai-je pas des raisons pour être reconnaissant de ce qu’un esprit qui a si bien compris mes désirs les plus profonds et les plus intimes, une âme qui s’est si profondément intéressée à leur succès, une vie qui les a si fidèlement représentés, une énergie qui pensait sans cesse à les réaliser dans le vaste monde, ait jamais appartenu à ma maison ou combattu à mon côté?
Mais, si ma chère fille m’a été enlevée, n’ai-je pas des raisons pour être reconnaissant, du riche don dont je suis toujours en possession, celui d’avoir devant moi les occasions de 1904?
Laissez-moi regarder autour de moi et énumérer tous les biens que je possède.
Les évaluer serait impossible. Je n’aurais pas assez de place pour les énumérer.
Pour commencer, je me possède d’abord moi-même.
Quelques-uns mettront en doute que je compte pour quelque chose dans le monde, je suis content qu’il en soit ainsi; mais je compte pour quelque chose pour moi-même.
Je remercie Dieu de ce que je vis avec une grande mesure de force physique et de vigueur pour un vieillard tel que moi, avec un esprit toujours éveillé, et une âme lavée dans le précieux Sang de mon Sauveur. N’est-ce pas quelque chose?
Il y a ensuite l’Armée du Salut!
La plus puissante organisation des temps modernes qui présente une religion absolue, intransigeante, si l’on considère qu’elle est encore dans son enfance, et qu’elle a plus que jamais l’esprit Sang et feu. N’est-ce pas quelque chose!
Puis il y a encore ma famille!
Si un membre m’a été enlevé, les autres restent qui combattront loyalement et fidèlement auprès de leur Père et porteront haut le Drapeau, même s’ils étaient appelés à combattre contre un monde en armes. N’est-ce pas quelque chose?
Puis j’ai encore mes Camarades!
Un corps d’hommes et de femmes plus braves, plus intelligents, plus dévoués, n’a jamais suivi un chef chrétien à la bataille. N’est-ce pas quelque chose?
Puis voici mes sympathiques amis tout autour du monde.
Eux qui, jour après jour, portent mon nom devant le Trône de Dieu! On parle de réunion de prières! Voici des centaines de milliers d’âmes vivantes, depuis le petit enfant qui apprend à balbutier jusqu’au guerrier aux cheveux gris qui va descendre au tombeau, qui prient continuellement pour que mon courage ne défaille pas, que ma foi ne sombre pas et que ma victoire soit complète. N’est-ce pas quelque chose?
Mais voici, mes Camarades, le meilleur de tous — car j’ai réservé le meilleur pour la fin — voici le grand Jéhovah Lui-même!
N’est-il pas mon Père, mon Seigneur et mon Dieu?
Oh! quel trésor je possède en Lui!
Il est le grand Océan, source de toutes les rivières de l’espérance, de la force, de la paix et de la joie de l’humanité qui vient vers les cœurs et les vies des hommes. Et II est à moi!
Oui, Lui dont le sourire fait le Ciel et dont le froncement de sourcils fait l’Enfer.
Il m’appartient car mon Bien-aimé est à moi, et je suis à Lui!
Quel merveilleux Consolateur il a été pour mon âme remplie de tristesses en ces sombres derniers jours!
Je désire ardemment vous dire, mes Camarades, ou plutôt je suis contraint de dire tout autour du monde, combien merveilleusement son bras peut soutenir le cœur dans le tourbillon le plus furieux des épreuves terrestres.
Il y a cinquante ans, je relevai quelque par une strophe d’une poésie qui me plut et me profita, dans une certaine mesure, à cette époque. Il y a longtemps qu’elle était disparue de mon esprit, mais, l’autre jour, au sein de l’angoisse de mon cœur, elle me revint étrangement encore et encore, et s’imposait à moi.
À un certain endroit, ma mémoire me fit complètement défaut et refusa d’aller plus loin, et j’en fus attristé. Mais là où le souvenir me manqua, la foi vint dans un verset d’un autre poème qui le remplaçait très bien. Il agit comme un charme, instantanément, et si sombres que les nuages ont été depuis, il les a toujours fait disparaître.
Oui, Dieu est à moi, et c’est comme mon Dieu qu’il vient avec moi en 1904: et c’est comme Son Soldat que j’entre aussi avec Lui en 1904.
J’entre en 1904 en me prosternant à Ses pieds pour l’adorer, pour l’aimer de tout mon cœur, pour me confier à Lui comme à mon Père Céleste, pour communier avec Lui comme avec l'Ami qui demeure à jamais, et pour le servir de toute mes forces et de toute mon âme.
Et tous ces trésors vont encore être augmentés par les occasions que m’offre 1904 de servir Dieu et tous ceux qui m’entourent. Si vous voulez seulement y penser vous en serez émerveillés! Je suis ébloui, plein d’amour et de louange en contemplant leur nombre et leur magnificence.
Voici d’abord l’occasion qui s’offre à vous de nourrir les affamés, de vêtir les indigents, et de protéger des rigueurs de l’hiver beaucoup de pauvres sans amis, sans foyer et qui errent dans ce monde sans espoir pour cette vie ni pour l’autre. N'est-ce pas un privilège?
Un pauvre homme envoya l'autre jour deux francs cinquante pour joindre aux fonds qui sert à la distribution de soupe chaude qui est faite à minuit aux pauvres sans asiles. Il avait su, disait-il ce que c’était que d’errer ainsi dans les rues, mais grâce à l’Armée, il était sorti de cet état misérable, car l’Armée avait fait de lui un homme.
Cette occasion de nourrir ainsi les affamés et de les aider à se relever est un grand privilège. Je suis heureux que ce soit le mien.
J’aurai aussi l’occasion en 1904 de relever au moins quelques pauvres esclaves du vice et du crime, ivrognes, courtisanes, joueurs, etc., de faire de tels pécheurs des Saints, CE QUI EST L’UN DES PLUS GRANDS MIRACLES FAIT PAR DIEU DANS LE MONDE.
Quelle glorieuse tâche sera la mienne en 1904! J’aurai l’occasion de conduire des centaines, pourquoi pas des milliers de pauvres pécheurs perdus du bord de l’Enfer à la Fontaine de l’infinie Miséricorde et de les engager sur le chemin du Ciel. N’est-ce pas un privilège que de sauver des âmes!
En 1904, j’aurai l’occasion de pousser de l’avant chaque Officier et chaque Soldat à la recherche de plus de Salut, plus de Sainteté, plus de Divin Courage et plus d’Ardeur passionnée en continuant cette guerre contre le péché, la mort et l’enfer, dans l’esprit de Christ, Pourquoi pas?
N’est-ce pas un privilège que tout cela, mes Camarades, et bien d’autres choses encore?
Parce qu’ici ou là quelques-uns ont déserté, dois-je tourner le dos à mon Seigneur, poser la croix qu’il a posée sur mes épaules ou abandonner le sentier épineux qu’il m’a appelé à parcourir?
Dieu me le défend Parce que mon cœur a été transpercé par la douleur et mes yeux remplis de larmes, dois-je me détourner de la précieuse œuvre de Christ lui-même, de guérir les cœurs brisés, et de calmer l’agonie de ceux qui pleurent tout autour de moi? DIEU ME LE DÉFEND.
Parce que je suis appelé à goûter — seulement à goûter — un peu de l’agonie de Gethsemané, du ridicule du tribunal de Pilate, de la désertion de la Croix, dois-je cesser de faire des efforts pour me sacrifier moi-même en vue d’amener les hommes à se réjouir en ce Salut pour lequel Jésus a agonisé? DIEU ME LE DÉFEND.
Non, mes Camarades, Dieu m’a épargné, j’irai de l’avant.
Mais j’entends quelqu’un me dire: «Tout ce que vous avez écrit, Général, vous concerne vous-même». Oui, dans un certain sens c’est vrai. Je suis étroitement lié à tout cela. Mais vous devez l’être comme moi. Tout cela est aussi bien pour vous que pour moi, mes Camarades. Ne sommes-nous pas unis par des liens qui ne peuvent être brisés?
L’Enfer a essayé de nous séparer, et cela à chaque nouveau progrès, mais il a essayé en vain. AINSI DONC, NOUS ALLONS DE L’AVANT, ET NOUS Y ALLONS ENSEMBLE.
Je ne puis pas le faire sans votre compagnie; vous êtes mes mains, mes pieds, ma tête et mon cœur; je suis sans force sans vous. Mais vous viendrez avec moi. Vous m’accompagnerez de vos prières, de vos chants, de vos efforts, dans les rues, dans les cafés, de maison en maison, et de mille autres manières encore. Je compte sur vous.
En avant 1904 01 02
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