Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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SEUL!

OU CE QUE ME DIT UNE TOMBE


Aux pieds des ruines du vieux château de Goswyl voisin du lieu où je suis en repos se trouve un cimetière, tout au plus de cent tombes aux croix noircies entremêlées de pierres tumulaires d’une immaculée blancheur. Le tout est assis sur une petite colline dominant le lac et dans les eaux duquel se reflètent par un beau soleil les cimes des Alpes neigeuses.

Sur ce pittoresque petit plateau il semble que les puissances de la nature environnante sont descendues pour livrer combat au génie des pouvoirs humains en ce champ de bataille en miniature!

Ce qui m’a frappé, ce n’est pas tant la réflexion de l’engloutissement d’un si fragile et mortel pouvoir, mais bien davantage une tombe à l’épitaphe française, la seule et unique de la contrée. Ce monument fut élevé par la Société française à la mémoire d’un brave et vaillant soldat de 21 ans, clairon-trompette aux mobiles de 1870-1871.

Enfant des Pyrénées, il était venu, refoulé comme tant d’autres de cette armée malheureuse, au sein de notre Suisse, laissant l’espoir du revoir à de vieux parents, alors qu’il partait le cœur chaud et fort de l’amour de la défense du pays.

Après tant de souffrances, recueilli sous le toit hospitalier d’un des humbles chalets de la contrée, miné par la maladie, le désir irréalisé de revoir ce qui lui était cher en ses montagnes pyrénéennes, il était venu mourir entre les bras d’une mère étrangère.

Sans amis, sans camarades, seul suivi de celle qui à son chevet avait passé la dernière nuit, son cercueil porté par six hommes du pays avait été déposé après une courte prière dans le sol même de la terre helvétique.


Ce tableau si abrégé me donnait de reporter ma pensée vers la mémoire de ceux qui dans une sainte guerre, se sont donnés d’un amour aussi fort, et qui, à l’exemple du clairon-trompette, nous ont laissé dans un dernier adieu, en une de leurs salves, un mot sur le grand rendez-vous dans la Patrie Céleste: «En Avant! Courage, Camarade!»


Beaucoup d’entre nous avons connu aussi leurs combats, leurs luttes, tâche noble et dure à la fois, où la haine mortelle, les privations, les coups même ont imposé à leurs cœurs généreux l’empreinte de la souffrance. Mais épris eux tous d’un but sublime que donne une charge spirituelle ils ont lutté et sont restés vainqueurs.

Honneur à de tels braves, et qu’en leurs noms notre souvenir les suive, tous eux aussi clairons-trompettes des mobiles de l’Éternel, Jacquenoud, Lesueur, Jeanmonod, etc., à vous, qui sur la terre étrangère, alors que dans vos tombeaux, couverts peut-être d’épines, de broussailles, vous qui dans le vieux cimetière de campagne où dans celui de la ville avez donné le meilleur de votre être, partout où vous dormez: salut à vous tous.

La lutte a pris fin, pour vous, mais dans nos cœurs, encore animés de votre exemple, coule ce même sang généreux; par delà les âges, vos mémoires augustes nous redisent ce que nous devons être.

Sans souci du lendemain, regardons en haut, là où s’en vont les braves, les vaillants tombés au champ de bataille. Ici-bas que vos tombeaux nous redisent:

Pas besoin de pierre tumulaire, écrite en lettres d’or,

Seulement quelques mots en petits caractères

Disant: Il n'est plus à son poste: Il est mort!

Triomphe digne d’envie, où nos regards portés tous en avant nous donnent d’entrevoir le Roi des rois!

Combattons le bon combat, achevons notre course, et gardons la foi! nous souvenant que notre cité n’est point permanente! C’est pourquoi recherchons celle qui est à venir.

Courage, Amis! Soldats! Camarades! Officiers!

Car la vie est une arène

Où le devoir grandit,

D’un triomphe obtenu,

Et dont la palme est aux Cieux!

J. Coulin.

En avant 1903 12 12


 

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