Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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DE DIX HEURES À MINUIT


«Je suis scandalisé par cette manière de prêcher l’Évangile; une jeune fille comme il faut ne doit pas mettre les pieds dans ces milieux-là! C’est faire tourner la religion en ridicule que de vous envoyer vendre le journal dans ces cafés!»

«Monsieur, dis-je au «Chrétien» qui me tenait ce langage, si nous n’allons pas avertir les âmes qui se perdent dans ces endroits où elles sont en plus grand nombre qu’à l’Église, PERSONNE N'IRA; et, en attendant que les hommes chrétiens aient plus de zèle et de courage, il faut que les femmes fassent cette œuvre.»

«Voulez-vous acheter l'En Avant! dis-je à une de ces malheureuses créatures, qu’on rencontre à chaque pas, la nuit, sur le boulevard. Elle me fit une réponse dont je ne compris pas le sens et la prenant par le bras, je lui demandais si elle croyait qu’elle était née pour une existence si honteuse... Son sourire disparut.

«Que voulez-vous, me dit-elle, QUAND LE PREMIER FAUX PAS EST FAIT, PERSONNE NE NOUS TEND LA MAIN POUR NOUS RELEVER, et alors nous prenons la vie telle qu’elle vient.»

«Je veux vous tendre la mienne, lui dis-je en lui donnant l’adresse de notre salle, et je continuai ma route, ayant reçu d’elle la promesse qu’elle viendrait me voir.


Plus loin, ce sont quatre jeunes gens de bonne famille attablés sur une terrasse. La conversation est fort bruyante et à notre approche, le calme est loin de se faire.

«Nous ne voulons pas de votre journal, dit l’un d’eux (le plus gai de la bande).

«Vous en avez pourtant grand besoin, répondis-je»

«Et pourquoi, s’il vous plaît?

«Pour trouver le bonheur, après lequel vous courez».

«Attrape ça, dit le voisin de gauche, tandis que le gai moqueur devenait sérieux et sortait de sa poche un sou.... Mademoiselle, je vous admire, pour le courage que vous avez dans ce milieu, dit un monsieur à ma brave petite lieutenante J. tandis qu’elle venait de chanter un verset de cantique. On me donnerait vingt francs que je ne voudrais pas faire l’ouvrage que vous faites.



* * *


Nous sommes dans un concert, il y a une foule telle qu’on ne peut circuler, plusieurs des habitués réclament notre chant. J’arrête le patron au passage et lui demande l’autorisation de monter sur la scène. La permission accordée «m’y voilà» et, tandis que le pianiste fait quelques accompagnements, je chante à pleins poumons quelques versets du soli.

Oh! le monde qu’il est trompeur!

Il leurre sa victime, l’attirant vers l’abîme,

Oh! le monde qu’il est trompeur,

Quand il nous promet le bonheur!

Et pendant que les bravos se faisaient entendre, nous invitions quelques personnes à nos réunions, donnant l’adresse de nos salles. Il était tard; nous rentrions; nos journaux étaient vendus, et nous avions le sentiment que durant cette soirée, nous avions saisi les occasions pour faire briller la Lumière du Ciel dans ces endroits si sombres.


* * *


Assise devant une table de café, sur un trottoir, une jeune fille, la tête dans ses mains, ses cheveux d’un noir d’ébène, couvrant sa figure à demi, me frappa. Ses grands yeux noirs paraissaient si tristes et elle avait l’air si jeune! La conversation fut vite engagée.

«Votre mère, lui dis-je, vous sait-elle là?

«Ma mère ne sait pas où je suis, Mademoiselle.

«Voulez-vous venir dans une de nos maisons de Relèvement, où vous apprendrez à gagner honnêtement votre existence?

«Est-ce que je gagnerai quelque chose? Il me faut trouver vingt-cinq francs par mois, et en disant cela elle baissait et la voix et la tête. . .

«Pour votre mère? ajoutais-je, sans indiscrétion.

«Oh! non!»

Et tandis que ses yeux n’osaient plus me regarder, je compris pour qui il fallait qu’elle gagne... son pauvre bébé!... Après l’avoir quittée, je pensais à ceux qui pourraient nous aider à relever nos sœurs, s’ils voulaient s’arrêter pour comprendre leurs souffrances et ouvrir leur bourse pour leur venir en aide.

La Jeanne d'Arc salutiste.

En avant 1899 11 11


 

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