Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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À QUOI PENSENT-ILS?


C’est une question qui vient à l’esprit, quand on regarde les foules couler comme un torrent le long des rues pleines de bruit.

On finit par perdre de vue l’ensemble, l’océan humain, insaisissable et inconscient comme une force de la nature, et on en vient à considérer les unités vivantes, les individus qui constituent cette énorme masse en mouvement perpétuel.


La foule n’a point de pensée, point de direction personnelle ni de vie propre.

Mais tous ces êtres qui s’agitent et se pressent, et que je coudoie, ont comme moi un cœur qui palpite en eux, une intelligence qui les éclaire, une volonté libre qui agit. Ils pensent... À QUOI PENSENT-ILS?

Laissez-moi vous dire tout de suite pourquoi cette question, qui peut paraître au premier abord quelque peu saugrenue. N’allez pas croire que je limite la faculté de penser aux seuls rédacteurs de l'En Avant! ni aux Salutistes, ni aux Chrétiens, ni aux croyants: il y a des incrédules qui sont de profonds penseurs, à l’esprit large et élevé. Je crois même qu’on peut avoir des tendances très méditatives et être un malhonnête homme.

D’autre part, ce serait bien triste et parfaitement injuste, s’il n’y avait qu’une élite intellectuelle qui pût entrer dans le royaume de Dieu.

DANS CE ROYAUME, IL Y A PLACE POUR TOUS: aussi bien pour les plus ignorants et les moins cultivés que pour les grands savants; et même il arrive souvent, comme nous le fait remarquer St-Paul, que les êtres faibles confondent les forts.

Mais je répète ma question: A quoi pensent-ils? parce que je voudrais vous faire part de la réponse que j’ai recueillie l’autre jour dans un journal politique et qui me suggère quelques réflexions; la voici:


Un grand nombre ne pensent à rien qui en vaille la peine.


Hélas! cela n’est que trop vrai; cette affirmation est absolument conforme aux faits. Interrogeons les uns et les autres, essayons d’aller jusqu'au cœur de chacun, de pénétrer les mobiles qui le font agir, les ambitions qui l’animent.

Ne nous restreignons pas à une seule classe sociale; allons partout: dans la mansarde du pauvre, dans l’intérieur de l’ouvrier et de l’employé dans le salon confortable du bourgeois, dans l’hôtel somptueux du millionnaire, et nous verrons que presque partout c'est la mesquinerie des pensées et l’étroitesse des horizons.

«L'homme ne vit pas seulement de pain.» Cette divine parole me vient en aide pour tout éclairer, en montrant le pourquoi de cet effrayant vide de l'âme.

Il y a, aujourd’hui plus que jamais, un nombre incroyable de gens QUI NE VIVENT QUE POUR SE NOURRIR. Ils s’agitent, travaillent, luttent, souffrent dans ce but. Ils y pensent quand commence leur journée, ils y pensent au moment de prendre leur repos; ils ne pensent qu’à cela. — Se nourrir? rien que cela!

Mais, dira quelqu’un, est-ce bien exact?

Passe encore pour celui qui gagne son pain à la sueur de son front, et qui a d’ailleurs de bonnes raisons pour avoir en tête cette triste obsession puisqu’il lutte pour l'existence, sans trêve ni répit.

Mais le riche, mais celui dont la vie est assurée par un travail stable, largement rémunéré, pouvez-vous bien prétendre qu’ils ne pensent qu’à se nourrir?

Eh bien! oui, car:

«SE NOURRIR», ce n’est pas prendre seulement les aliments nécessaires à la subsistance; C’EST AUSSI ENTRETENIR DE TOUTES LES MANIÈRES SA PROPRE VIE.

Le plus pauvre ne pense pas uniquement à manger; il veut s’amuser, selon ses moyens et selon ses goûts.

Pour l’un, «SE NOURRIR» ce sera peut-être jusqu’à noyer sa raison; pour l’autre, ce sera se priver du nécessaire, afin de pouvoir empiler quelques pièces de cent sous.

Le riche, dans ses plaisirs et ses ambitions, sera naturellement plus raffiné, plus difficile que l’homme du peuple.


QUE DE MANIÈRES DIFFÉRENTES DE CHERCHER SON PROPRE BIEN!


Il y a des gens qui vivent toute une dure vie de labeur, se levant tôt et se couchant tard, peinant et se démenant, pour avoir, à la fin, quelques maigres jours de repos, entourés de confort, dans le luxe cher à leur cœur.

II y en a qui veulent rester ignorés dans leur paisible aisance, leur idéal étant la tranquillité; d’autres donneraient jusqu’à leur dernier sou pour arriver aux honneurs,

À un degré plus élevé peut-être, c’est le désir du pouvoir, la soif de commander à ses semblables, d'imposer ses idées, sa volonté, de voir une multitude d’hommes à ses pieds.

Pour le cultivateur, l'ambition, c'est de remplir ses greniers;

pour le commerçant, c'est de faire de l’argent;

pour le fonctionnaire, c'est d’avancer;

pour tous, c’est d’augmenter leur somme de bien-être, de bonheur, de puissance ou de plaisir; c'est de nourrir leur vie propre.

Voilà à quoi ils pensent.

Or, ne penser qu’à cela, c’est ce que l'Écriture sainte appelle PERDRE SON ÂME.

Il n’est pas nécessaire, pour perdre son âme, d'être un voleur ou un assassin; il suffit de la négliger, d’agir et de vivre comme si elle n’existait pas.

Si vous ne pensez qu’à la nourriture de votre corps et à la satisfaction de vos intérêts matériels, vous vous perdez fatalement.

Vous pouvez même cultiver votre intelligence et trouver en cela des plaisirs très élevés, sans avoir une seule pensée pour votre âme immortelle.

On parle de progrès; où est-il?

Est-ce le progrès que de laisser s'éteindre en nous l’étincelle divine?

Ah! vous traitez comme sornettes la croyance à une âme créée par Dieu et dont nous sommes responsables devant lui?

Très bien! voyez les fruits.

Ce que vous apercevez aujourd'hui, ce sont des hommes se traitant eux-mêmes comme s’ils étaient purement animaux. C'est la morale personnelle fondée uniquement sur la recherche du plaisir.

S'il s’agit de leurs rapports mutuels, que voyons-nous?

Un atroce égoïsme, qui mène aux pires résultats. Chacun ne consulte que son intérêt propre. PLUS DE DISTINCTION ENTRE LA VÉRITÉ ET LE MENSONGE; ces mots mêmes n’auront bientôt plus de sens. Si mon intérêt me commande de dire oui, je dis oui, sans m’inquiéter si c'est non. Telle est la règle qu’on suit actuellement. C'est très simple, mais C'EST ÉPOUVANTABLE!

Des incrédules eux-mêmes en jettent le cri d’alarme, affirmant, et c’est vrai, qu’on ne saurait guère tomber plus bas. ...

Quel est l’objet habituel de vos pensées?

Quelles sont vos ambitions?

Que demandez-vous à la vie?

Cherchez une réponse à ces questions; c’est le commencement de la sagesse.

Au lieu de regarder toujours à l'extérieur, faites ce que jamais peut-être vous n'avez fait; regardez au-dedans de vous-même, descendez au fond de votre propre conscience, et si, en parcourant ce royaume intérieur, vous avez honte de n’y trouver que le vide, tant mieux! c’est le chemin du salut.

Alors levez plus haut les regards de votre âme; après avoir tant pensé à tout ce qui est secondaire:


RECHERCHEZ L’ESSENTIEL,

«la seule chose nécessaire»;

PENSEZ À DIEU.


Réduit à vos propres ressources, vous ne saurez pas, vous ne pourrez pas le trouver. Tant mieux encore! vous sentirez combien vous êtes loin de lui, vous éprouverez le besoin d’un Rédempteur qui vous mène jusqu’à lui, et Jésus-Christ vous sera révélé. Il se donne à vous, pour vous sauver de vous-même.

Ch. Fleury.

En avant 1899 10 28


 

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