Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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FOU

MÊME APRÈS SA MORT!


Un vieil ivrogne, décédé le verre en main, fut, ces jours-ci, conduit à sa dernière demeure dans ces conditions inouïes:

Pour obéir à la volonté formelle, exprimée par le défunt en présence de nombreux témoins, le cortège fit halte sur le chemin du cimetière. Le cercueil fut déposé sur deux chaises.

Sur le drap mortuaire on plaça plusieurs rangées de verres pleins d’eau-de-vie, et, porteurs, parents, amis, burent et trinquèrent à la mémoire du défunt.

Puis le cortège reprit sa marche vers le but final...


J’ai cru rêver en lisant ce fait divers à la quatrième page d’un journal, l’autre jour. Et pourtant c'était bien vrai, et j’ai encore devant les yeux la coupure que j’en ai gardée. Oui, mais alors cela s’est passé dans quelque pays barbare, quelque coin reculé, inconnu du monde civilisé, dans quelque peuplade primitive... Eh bien, non, vous vous trompez, c’est en France, dans une commune d'un département de l’Ouest et que le journal en question donnait en toutes lettres.

Si vous aviez rencontré sur votre route la macabre cérémonie, ce coup de la mort, réédité du coup de l'étrier, ne vous eût pas, je pense, donné envie de trinquer autour de ce cercueil.

Mais ce qui m’a peut-être le plus frappé, dans ce fait divers, c’est ce mot «amis» dont on qualifie certains personnages du cortège. Que des porteurs aient accepté de jouer cette scène tragi-alcoolique, jusqu'à un certain point, je le conçois... ; même que des parents du mort aient aussi rempli leur rôle, je le conçois encore: peut-être craignaient-ils, jusqu’au dernier moment, d’être déshérités par le malheureux jusque dans sa tombe; mais des amis I ce mot «ami» comme il jure dans cette sinistre farce!


HÉLAS, LE MONDE A DE CES CRUELS AMIS...


Il me semble contempler cette scène avec des yeux qui percent le voile du monde de l'invisible, et je perçois la présence d’un acteur que personne ne peut voir: c’est l’esprit du mort.

Il a accompagné le cortège et ne perd aucun de ses mouvements. Et lorsqu’autour du cercueil les verres s’entrechoquent, l’esprit s’agite désespérément, faisant des contorsions indicibles pour arrêter ces profanateurs de la mort. Mais il ne peut y réussir et, tandis qu’ils vident leur verre, une horreur, une angoisse affreuse est dépeinte sur les traits du revenant...

C'est que celui-ci, au seuil de l’éternité, s'est subitement réveillé à LA RÉALITÉ TERRIBLE DU JUGEMENT DERNIER, et il voudrait avertir, il voudrait arrêter, il voudrait supplier ces gens, tandis qu’il est encore temps pour eux...

Oh! que de réflexions tout ceci nous suggère; quel abîme d'iniquité, de cynisme, de honteuse déchéance, quel signe des temps! Et le monde n’a pas un mot de blâme, pas un haut-le-cœur devant une telle abjection; le monde accepte... pour un peu il admirerait, il imiterait même; en tous cas, il désapprouverait celui qui aurait voulu s'opposer à ce scandale: «Il faut respecter la volonté, d'un mourant», eût-il déclaré hypocritement! Que chacun se mêle de ce qui le regarde! tel serait le verdict qui condamnerait l’opposition généreuse d’une conscience indignée. Oui, c’est bien cela le monde!


«En France, a dit Chamfort, le fameux philosophe ironiste, en France, on laisse en repos ceux qui allument le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin.» Cela n’arrive certainement pas qu’en France, mais partout où il y a un cœur humain; cependant, cela arrive beaucoup trop en France, étant donné l’idéal de liberté, de justice et de morale dont nous voulons donner des leçons à l’Univers.


Envisageons résolument la situation:

Le mal est grand; opposons-lui donc le remède plus grand encore.

Non, pas de palliatifs, de calmants; moins, beaucoup moins de discours, mais des actes; une protestation héroïque, qui paye de sa personne, et non point tant de sa langue.

Si les chrétiens, les véritables chrétiens, voulaient!

Non pas s’ils savaient, mais s’ils voulaient, quelle leçon ils pourraient donner au monde!

Mais, voilà:

- il faut payer de sa personne.

- Il faut entrer dans l’arène et non pas applaudir.

- Il faut résister, en barrant la route de son corps, et non pas en criant; arrêtez!

- Il faut renouveler le mot de l’antique: Frappe, mais écoute!

Salutistes, et nous tous chrétiens français, aimons-nous notre patrie?

«Vive la France!», répond-on.

Oui, «vive la France», c’est bien; mais «sauvons la France!», c’est mieux.


Si nous voulons qu’elle vive, notre patrie,

il faut qu’elle soit sauvée.


Donnons Jésus Christ, faisons le christianisme apostolique. Renonçons et aimons, luttons et croyons! Et si nous ne voyons pas les résultats pendant notre vie, notre sacrifice ne demeurera pas stérile, nous en avons la certitude; mais, un jour, il germera fécond pour le salut de notre chère France. En tout cas, nous aurons fait notre devoir.

Français, levons-nous, la patrie est en danger!

A. Antomarchi.

En avant 1899 02 11


 

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