Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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TÉMOIGNAGE D’UN EX-RÉTROGRADE


C’était en 18... J’étais alors garçon de café à Paris depuis quelques années; la vie était pour moi bien pénible, non pas à cause du travail, mais parce que dans ma conscience je sentais avec angoisse que ma manière de vivre était abominable. Le jeu, la boisson, les passions les plus viles, tout ce qu’il y a de plus odieux, faisait de moi un être dégradé.

Élevé par des parents catholiques fort sincères, je n'avais jamais pu oublier qu’il existait un Dieu puissant, mais je ne le connaissais qu’en juge implacable, ma position était bien triste. Un jour, une réaction se fit en moi, je me rendis à l’Église, et là j'ouvris avec sincérité mon cœur à un prêtre qui, voyant mes fautes si grandes, douta lui-même de la puissance de Jésus et me dit que je ne pouvais être absous avant quinze jours.

C'était la première fois qu’on me tenait un pareil langage; effrayé, tout de suite me vint cette pensée:


Et si d’ici quinze jours je venais à mourir, où irais-je?


Ce fut tout, le mauvais en moi reprit le dessus; et dès ce moment, toute bonne inspiration cessa; plus que jamais, j’étais esclave de mes passions puisque le pardon ne pouvait plus être pour moi.

Quelque temps se passa ainsi; je travaillais alors dans un grand café de la place de l'Opéra. Souvent je voyais des jeunes filles et des jeunes gens portant l'uniforme de l’Armée du Salut venir inviter les consommateurs aux réunions ou vendre avec bien des difficultés le journal «En Avant!» cela m'intéressa et un dimanche après-midi, ayant quelques heures de liberté, je me rendis afin de me distraire, à la Salle Auber, pour entendre un peu ces gens qui me paraissaient bien drôles avec leurs costumes si bizarres.

Je fus bien surpris! J’entendais pour la première fois parler de Dieu et du PARDON d’une manière bien simple; l’espoir me revint; j’achetai quelque temps après quelques livres qui me firent comprendre ce qu'était en réalité le Salut. «DIEU EST AMOUR» fut ce qui brisa mon mauvais cœur.

J'obtins alors du Sauveur le pardon la paix et la joie; et laissant tout ce qui aurait pu me faire perdre ce que j’avais trouvé avec tant de peine, je devins un Soldat du Salut, heureux, joyeux et dévoué au service du Maître.

Tout alla bien pendant longtemps. J'étais très attaché aux Officières qui m'avaient aidé à connaître Dieu en vérité et qui avaient, par leurs bons conseils, fait de moi un bon chrétien. Mais le moi existait toujours sans que je pusse m’en apercevoir et fut pour moi la cause d’une chute terrible; JE DEVINS RÉTROGRADE.

Voici comment: les Officières du poste reçurent successivement leurs changements, les Officiers divisionnaires également, l’amitié de quelques camarades me fut retirée. Le vide se fit dans mon cœur, ma foi vacilla; je pus vivre quelque temps encore demi-victorieux, demi-défaillant; enfin:


DE BOUILLANT, J'ÉTAIS DEVENU TIÈDE:

LA CHUTE VINT.


Quelle chute! Comme l'esprit des ténèbres eut vite repris la proie qui lui avait échappé quelque temps! comme il sut facilement me rendre plus mauvais qu'avant de connaître la voix céleste!

Six mois après ce jour fatal, je dus me rendre au régiment. Moi qui aurais dû y arriver apportant le témoignage que Dieu garde et soutient ses fidèles serviteurs, je venais, l’âme avilie, me plonger dans un gouffre où peut-être il n’y aurait plus d’issue pour moi.

Dire quelle a été cette vie pendant ces trois années de caserne, serait quelque chose de monstrueux; des passions nouvelles s'ajoutèrent aux anciennes; je devins bientôt un alcoolique invétéré.

Mes camarades m’appelaient: le buveur d’absinthe.

C'était la seule boisson qui pouvait parfois m'étourdir et ENGOURDIR MA CONSCIENCE; aussi ce poison était mon breuvage favori. Un matin, je dus aller à la corvée de viande vers six heures; je revins seulement vers dix heures, complètement ivre; je fus puni sévèrement, mais cela ne me guérit pas, au contraire. J’étais connu dans tous les lieux de plaisir, le bal me rendait fou, je glissais, je glissais toujours, me roulant de plus en plus dans cette fange qu’on appelle la débauche, me faisant parfois horreur à moi-même, mais ne pouvant plus résister à l’attraction du mal.

Voilà l'état où était plongé celui à qui Dieu avait dit une fois: «Prends ta croix et suis-moi,», mais qui, la trouvant trop lourde, l'avait rejetée avec dédain. 


Rien ne peut décrire l'état d’âme d‘un rétrograde!

Que cet exemple serve à ceux qui ne sont pas fermes. Oh! par grâce, CRAMPONNEZ-VOUS À LA CROIX, priez et luttez sans relâche; quand le pas est fait en arrière, il est trop tard: c’est la vie remplie de larmes amères que Dieu ne peut plus sécher, la prière étant bannie, la foi n’existe plus, c’est la mort de l’âme.

Mon service militaire fini, je repris mon ancien métier dans un café d’hôtel de Lille, ayant à cœur d’acquérir une position sérieuse. Je me remis à prier avec un peu de ferveur; mais cela ne pouvait durer, ne voulant pas obéir et abandonner ce qui était pour moi une cause de chute, voulant garder ce qu’il me coûtait trop d'abandonner pour suivre la voie du Sauveur.

Malheureux, toujours plus malheureux, c’était ce que je ressentais, le soir, fatigué par le travail, la conscience bourrelée de remords, résistant toujours aux appels divins.

Un soir, vers dix heures, faisant mon service dans la salle du café, j'entendis prononcer ces mots: Armée du Salut. L’impression pour moi fut grande. Immédiatement, je prêtai l'oreille, et je pus savoir qu'il se trouvait des salutistes à Roubaix. Je me promis d’y aller quand j’aurais une soirée de libre, afin de voir à l’œuvre ceux qui avaient été mes amis autrefois.

Libre de mon temps, un mois après, je me rendis à la recherche de l'Armée du Salut. Je trouvai, non pas à Roubaix, mais à Croix, de vrais serviteurs de Dieu. Être sauvé ce soir-là n'était pas dans ma pensée; mais à la réunion biblique qui se tenait chez M. Dumoulin.


DIEU PARLA À MON ÂME, brisa l’entrave et me libéra de cet esclavage qui avait été pour moi bien terrible pendant les longues années passées dans la désobéissance la plus absolue.

Depuis ce moment, une œuvre glorieuse s’est faite dans mon cœur; tout a été mis sur l’autel: sentiments, liens du monde, famille, et j’ai obtenu cette paix et ce bonheur que je cherchais; mais pour l’avoir, j’ai dû céder à la voix du Maître et regardera lui seul.

M. J., Soldad

En avant 1899 02 04



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