Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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NOTRE OEUVRE SOCIALE À PARIS

(suite)

Un fruit d’une ancienne tournée de cadets en Champagne 


Le jeune Henri H..., âgé de 17 ans, originaire du département de la Haute-Marne, était employé dans une maison de librairie quand il vint à l'Hôtellerie populaire. Son attitude convenable, sa figure sympathique, ses vêtements soignés attirèrent notre attention, et nous eûmes ensemble de longs entretiens.

Sa mère avait connu l’Armée du Salut il y a quatre années, lors d’une tournée de salut en Champagne, accomplie par les cadets de l’École Militaire, sous la direction du cher Capitaine d’E.-M. Miche, et elle avait gardé un bon souvenir des doctrines répandues par l’En Avant! Aussi, apprenant dans un voyage à Paris qu’une hôtellerie populaire existait sous les ordres de l’Armée, elle avait enjoint à son fils d’y prendre logement.

La conduite de cet enfant, d’un caractère léger, bien qu’il se considérât comme un homme doté d’une grande expérience, ne donnait pas lieu à la critique et tous ses voisins l’aimaient assez à cause de sa bonne humeur et des petits services qu’il rendait parfois.

Le veilleur de nuit avait fréquemment de longs colloques avec H... et ne cessait de l’exhorter à donner sans arrière-pensée son cœur à Dieu. Mais l’enfant trouvait toujours des prétextes, basés sur les difficultés de son travail, pour éluder cet acte décisif.

Il manquait à l’appel un soir de la fin du mois de décembre, quoiqu’il eût acquitté le matin la location de son lit. Nous ne savions que penser de cette absence insolite lorsqu’un inspecteur de la police de sûreté nous renseigna à cet égard.


Henri H... avait commis un détournement assez important au préjudice de son patron et, sur la plainte portée, il avait été mis en état d’arrestation et écroué au dépôt de la préfecture de police. Nous ne savons rien de plus sur le sort de ce jeune homme qui a suivi la mauvaise voie au lieu de pénétrer hardiment dans celle que lui avait indiquée l’Armée du Salut.


* * *


Parti du domicile de son père, boucher dans une localité du département d’Ille-et-Vilaine, le jeune Ernest D âgé de 18 ans, né à Château-Gontier (Mayenne), a poussé ses pérégrinations jusqu’à Paris. Il affirme qu’il venait pour y travailler, mais on ne peut ajouter aucune créance à des allégations de cette nature, après avoir vu l’attitude louche, les regards sournois et les vêtements sales et déchirés du voyageur.

Il vint à notre hôtellerie ou il se fit inscrire sous le faux nom de Gohard Émile, grâce à un acte de naissance prêté par un camarade sans conscience. Nous apprîmes la vérité par une lettre de D. père qui envoyait à son fils un mandat-poste.

La prudence nous recommandait une grande réserve, aussi fîmes-nous connaître à D père la situation de son enfant. Peu de jours après, D... père nous remerciait et nous demandait de lui renvoyer son fils. Aucun moyen de persuasion ne fut négligé à cet égard; mais nous étions en présence d’un enfant dans l’âme duquel le vice avait imprimé ses affreux stigmates; nos efforts furent vains.

Nous avons, en effet, appris récemment que ce jeune homme avait été mis en état d’arrestation et écroué au dépôt de la préfecture de police. Nous avons demandé à Dieu d’ouvrir les yeux de cet enfant et de lui donner un moyen de salut.

Il ne me semble pas, en effet, que l’heure de la grâce soit écoulée, et en dépit des faits passés, grande est toujours notre foi. La puissance divine est infinie et il suffit parfois d’un simple fait, d’un souvenir pour réveiller la conscience et produire de grands résultats. C’est pourquoi nous n’oublierons pas le fugitif dans nos prières.


* * *


Lorsque le jeune Gabriel F..., âgé de 18 ans, tailleur, originaire de la Charente, arriva à Paris, il y a un an, il trouva facilement du travail, grâce aux bonnes recommandations qu’il apportait. Tout alla bien pendant quelques mois; puis Gabriel oublia vite la prière et le chemin de l’église.

Il fréquenta des camarades d’atelier dont l’unique plaisir consistait à courir les établissements tenus par les marchands de vins. La pente rapide fut vite franchie: un jour F... se trouva sans emploi par suite de ses habitudes d’intempérance. Au lieu d’abandonner les camarades auxquels il devait sa chute, ce pauvre jeune homme les fréquenta davantage encore.

Une infirmité très apparente sur laquelle il avait passé jusque-là lui donna les ressources dont il avait besoin et il n’éprouva aucune honte à recevoir l’aumône aux portes des églises les plus fréquentées.

Pendant les premières semaines qu’il logea à l’hôtellerie populaire, nous n’eûmes rien d’anormal à signaler dans son attitude; mais à partir du mois de janvier, le veilleur de nuit eut plusieurs fois à se plaindre de F... qui reçut très mal les observations à lui adressées.

F. comprit si peu notre œuvre qu’il nous quitta sous le prétexte qu’il n’avait pas la liberté nécessaire pour ses faits et gestes.

Nous l’avons aperçu plusieurs fois à l’une des portes de l’église Notre-Dame-des-Victoires: à son aspect nous avons constaté une fois de plus la réalité de la parole de Salomon: «La pauvreté et la honte sont le partage de celui qui rejette la correction.»


* * *


Joseph K..., âgé de 16 ans, garçon de café, originaire du département des Vosges, est arrivé à Paris au commencement de l’année dernière pour y chercher fortune. Ne trouvant aucune place qui lui convint, il se rendit à pied au Havre,pensant que les pierres y étaient moins dures qu’a Paris. Déçu dans ses espérances, il revint ici et s’y livra à mille occupations où il ne rencontra que misère.

Nous eûmes avec cet enfant quelques entretiens, au cours desquels il nous fit connaître que son père et sa mère étaient décédés, mais que son frère aîné était dans une excellente situation et ne désirait pas mieux que de lui être utile. Il nous exhiba une lettre de laquelle résultait la preuve que Joseph K... pouvait retourner dans son pays d’origine et y trouver immédiatement une petite place sous la direction de son frère. Nous demandâmes alors à K... pourquoi il hésitait à accepter cette proposition si honorable. Il balbutia quelques paroles inintelligibles, mais nous comprîmes que cet enfant vicieux ne désirait rester à Paris que pour donner carrière à ses mauvais instincts.

Toutefois, nous le pressâmes tellement qu’il accepta les propositions de son frère et qu’il se mit pédestrement en route; mais arrivé à Châlons-sur-Marne, il se décida à revenir sur ses pas sous un prétexte futile.

Très surpris de ce retour inexplicable, nous suppliâmes, dans son intérêt, ce pauvre garçon, d’obéir à notre conseil désintéressé, li le promit. Nous ne l’avons plus revu. Que Dieu bénisse et protège ce pauvre enfant, et lui tienne lieu des parents disparus. Dieu ne nous laisse pas orphelins sur la terre si nous nous abandonnons pleinement à Lui.

Tout chrétien sait, par expérience, que celui qui s'appuie sur Dieu devient invincible, et les puissances créées ne peuvent pas plus prévaloir contre lui que contre Dieu lui-même.

(À suivre).

En avant 1899 07 29


 

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