EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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UN MEURTRE EMPÊCHÉ

C’était samedi soir, ou plutôt dimanche matin vers 1 heure, je passais rue Auber et vendais l'En Avant! lorsque soudain, sur le trottoir de droite, s’engagea une vive discussion entre un monsieur correctement vêtu et une dame du monde.

L’altercation fut si vive qu’elle aboutit bientôt à des menaces, et voici quels furent les propos de ce mondain:

«Si tu veux accomplir cet acte et m’être infidèle, je te brûlerai la cervelle.» La dame, vexée au plus vif: «Fais-le, fais-le, lâche, misérable, bandit.» Il n’en fallut pas davantage. L’individu tira de sa poche gauche une arme dont le canon me fit bondir.

Précipitamment je m’élançai au milieu de la foule et, d’un coup de poing sur l’avant-bras de l’homme en question, j’empêchai un meurtre. Le revolver tomba à mes pieds, et, ce qui est plus merveilleux encore, c’est qu’au lieu de s’exciter contre moi, notre homme me regarda et me remercia vivement.

La dame, blême, me jeta un long regard de compassion et, au milieu de ses larmes qui coulaient abondantes, elle laissa à demi échapper ces paroles: «Je ne vous oublierai pas!»

Je ramassai l’arme au milieu des cris de: «Vive l’Armée du Salut!» Détail étonnant: la baguette de sûreté resta fixe dans la chute. Les quelques personnes, témoins de la scène, ne pouvaient revenir de cet incident. Je leur persuadai que le doigt de Dieu avait été là, et elles le crurent bien.

Je pressai fortement l’auteur de l’attentat de demander à Dieu pardon de sa grande culpabilité. Il me le promit de bon cœur. Devant cette sincérité et ce regret, la dame promit, pour sa part, d’être à l’avenir une épouse fidèle et loyale.

Ainsi s’établit la réconciliation.

La dame m’acheta 10 En Avant! et le monsieur 2, puis ils se séparèrent avec force remerciements et promesses de venir souvent à nos réunions.

En rentrant, je jetai l’arme aux égouts.

Cadet Omnès.

En avant 1899 07 15