Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

----------

NOTRE OEUVRE SOCIALE A PARIS

(suite)


S’exposer à des poursuites judiciaires uniquement pour dormir sous notre toit est un fait tellement anormal que nous croyons devoir le signaler à nos lecteurs.

Au mois de mars dernier, le sieur Prosper G..., âgé de 43 ans, journalier, notre ôte depuis quelques jours, fut surpris fumant au lit. Comme ce cas présentait une certaine gravité à cause des inconvénients qui pouvaient en résulter, G... fut congédié pour un temps.

Le 15 avril suivant, un homme dont la physionomie offrait une parfaite ressemblance avec celle de G..., arrivait à l’hôtellerie porteur d’une copie d’acte de naissance au nom de K... Charles, âgé de 38 ans, né à Quimper (Finistère), journalier. L’employé chargé de l’inscription fut stupéfait de cette ressemblance absolue avec G..., l’hôte congédié, et le nouveau venu.

Mais comme on rencontre souvent des ménechmes (Personne ressemblant tel un frère ou une sœur à une autre, même s'ils sont totalement étrangers l'un à l'autre.) sur cette terre, il attendit l’occasion de vérifier l’identité de K.... Ce locataire assidu manqua un soir à l’appel. Le lendemain, le directeur d’un hospice parisien nous faisait prévenir de l’entrée dans son établissement du sieur G... Prosper , blessé assez grièvement dans la nuit par un cocher ivre. Une visite à l'hospice prouva que G... et K... n’étaient qu’un même individu.

G..., qui aimait notre hôtellerie, avait usé de ce stratagème pour redevenir notre hôte. Lorsqu’il nous vit, il fut surpris et alarmé. Il craignait, en effet, l’intervention de la police, ne se rendant pas compte comment nous avions connu son transfert à l’hospice. Il nous fut facile de le rassurer à cet égard et de lui affirmer qu’il pouvait être en repos de ce côté. Toutefois, nous lui démontrâmes combien sa conduite était blâmable vis-à-vis de Dieu, auquel le mensonge est en horreur; G... comprit et avoua sa faute.

Nous avons mis à profit cette circonstance pour l’entretenir du christianisme vainqueur de tout péché et lui avons présenté la parole de Dieu. G... nous a prié de lui pardonner le mensonge qu’il avait commis; nous lui avons conseillé de s’adresser d’abord au Dieu de vérité que nous servons et de réclamer non seulement le pardon de ce mensonge, mais encore de tous ses péchés.

Nous l’avons quitté tout réconforté de notre visite et, quelques jours après, le blessé est rentré à l'hôtellerie. Il a repris, cette fois-ci, son véritable nom.


* * *


L'ivrognerie a plongé dans le vice et la misère un tailleur d’habits originaire de la Savoie, le sieur Antonin C... âgé de 43 ans. Pendant les premières années de son existence à Paris, C... ne manquait pas pius au travail que le travail ne lui manquait. Mais les heures de repos qui auraient dû réconforter cet homme s’il avait su communiquer avec son Dieu et obtenir la force dont il avait besoin, lui pesaient, et il prit le chemin du cabaret.

La sûreté de main lui fit bientôt défaut; son travail fut déprécié et il tomba rapidement au dernier rang des ouvriers de l’atelier où il avait occupé la première place. Lui qui avait touché jusqu’alors un salaire élevé, connut les journées de chômage, et, peu après ses ressources épuisées, il abandonna le logement où il avait vécu heureux, élaborant tant de rêves dorés.

Les lits d’hôtels de dernière catégorie où l’on couche à la nuit, les lits des asiles municipaux lui devinrent aussi familiers que certains bancs du boulevard. Une nuit même il fut réduit à prendre place sur un banc dans l’hôtel Fradin, si connu de la plupart de nos habitués.

La situation était donc terrible pour C..., aussi vint-il à l’hôtellerie dès qu’il connut cette œuvre. Il fut d’abord très assidu à nos réunions, puis il retomba dans son ancienne vie de péché.

Il vint à plusieurs reprises à l’hôtellerie dans un tel état d’ébriété qu’il fallut le congédier. Dieu lui avait réservé par notre occasion une planche de salut, C... a refusé de l’utiliser. On nous a affirmé récemment que ce pauvre homme était retourné dans son pays; puisse-t-il y rencontrer notre Dieu toujours compatissant pour les misères des pécheurs, et saisir enfin le salut apporté par Jésus-Christ aux hommes de bonne volonté.


* * *


Vous êtes des gens d’une nature particulière, nous disait un soir le sieur Jean L..., âgé de 36 ans, employé aux écritures, originaire du département de la Manche; vous ne croyez pas aux difficultés constantes que l’on rencontra à chaque pas, rien ne vous arrête. Je ne vous comprends pas du tout!

Il nous fallut plus d’un entretien avec ce cher ami pour l’amener à comprendre le secret de notre force. À plusieurs reprises, L... marié et père de cinq enfants, avait trouvé très lourd le fardeau de l’existence et songé à partir avant l’heure fixée par son Créateur. Toutefois, une faible lueur d'espérance restait encore dans son âme, il comptait, en effet, qu’un jour quelqu’un lui tendrait la main et l’arracherait à la triste existence qu’il subissait par suite de son étourderie. Il avait entendu parler plusieurs fois des salutistes, et avait éprouvé la curiosité de les voir de près.

Toutes facilités lui furent données pour cela dans le courant de l’hiver dernier, et il put un jour apercevoir le Dieu inconnu qui donne aux salutistes ce qu’il ne possédait pas lui-même: LA GRÂCE QUI DÉTRUIT LE VIEIL HOMME ET LE TRANSFORME EN HOMME NOUVEAU.

Un des compatriotes de L..., employé à l’hôtellerie, lui montra un jour les dons qu’il avait reçus de Dieu. Leur existence présentait certains côtés identiques: les conseils devenaient donc plus appréciables par leur réalité. Les vérités révélées à L... ont eu déjà quelques résultats sur son existence. Il a repris foi en l’avenir, mais il ne possède pas encore le salut.

Au point de vue matériel, il a retrouvé une situation qu’il avait perdue il y a quelques mois, et il pourra dès lors subvenir aux besoins de ses enfants. Nous avons foi dans les promesses de Dieu pour cet homme qui pourra ériger son ancien loyer sur de nouvelles bases puisées dans un véritable christianisme et réparer amplement le préjudice moral qu’il a causé.


* * *


Le sieur Jules C..., âgé de 20 ans, sans profession, originaire de la Haute-Marne, est issu de commerçants dans une brillante situation de fortune. Il perdit sa mère de bonne heure et la tendresse de son père lui fit constamment défaut, dit-il. Il quitta à l’âge de 15 ans le domicile paternel et entreprit de longs voyages toujours pédestrement. Il parcourut successivement la Belgique, la Hollande, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la France.

Et si l’on demande à C... pourquoi ces pérégrinations insolites, il répond avec un semblant de naïveté devant lequel on reste désarmé, qu’il était à la recherche d’une occupation quelconque. Il en trouvait parfois, dit-il, mais la nostalgie de la route le reprenait de suite. Dans le cours de ses voyages il alla au Mas-de-la-Ville où il fut accueilli avec la plus exquise bienveillance dans l’œuvre de relèvement, mais son caractère ne pouvait se prêter aux exigences du règlement, et il partit le troisième jour. Il en fut de même dans beaucoup d’autres localités. Cependant il se souvient d’une longue période de deux mois passés chez un jardinier de Valence qui le congédia pour paresse et indocilité.

Paris devait posséder un jour ce Juif-errant moderne. C... arriva dans notre grande ville au mois d’août dernier pour travailler dans un chantier quelconque. Beaucoup de patrons l’ont déjà occupé, mais tous ont dû le congédier en présence de l’irrégularité de son travail.

Nous ayons vu à l’hôtellerie pendant quelques semaines ce pauvre déshérité de foi et d’énergie; nous avons tenté plusieurs fois de ramener la vie dans ce cadavre ambulant. C... a écouté avec politesse nos observations, mais ses réponses intempestives ne nous ont pas permis d’insister. Du reste, C... n’a plus reparu à l'hôtellerie.


Nous croyons cependant que cet enfant prodigue répondra un jour à l’appel persistant de son père qui est tout disposé à lui rendre sa place au foyer et au magasin. Ce sera le premier pas vers un but plus élevé: la réconciliation du pécheur avec son Dieu qui l’aime et l’attend. Il y aura de la joie dans le Ciel ce jour-là!

(À suivre)

En avant 1899 06 24

 

Table des matières