Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS DE ZINZENDORF

La tentation de  Jésus.

(MATTHIEU 4, 1.)

12 Janvier 1760.

Or Jésus étant rempli du Saint-Esprit, s'en retourna de devers le Jourdain, et fut mené par la vertu de l'Esprit au désert. (Luc 4, l.)

Mon but est de rechercher pourquoi une mesure de grâce extraordinaire est indispensable à l’âme, AVANT les heures d’épreuve et de tentation; pourquoi on est consacré d’une manière particulière, et rempli de joie par le Saint-Esprit, AVANT que surviennent des temps mauvais et des jours d’angoisse, desquels on n’aurait pas pu triompher si l’on n’avait été auparavant préparé et trempé à cet effet.

Nous devons être attentifs aussi à la manière dont l’Évangéliste rapporte les circonstances de la tentation de Jésus, lorsqu’il dit: «Le diable se retira d’avec lui pour un temps» (Luc 4, 13).

Cette parole n’est point écrite sans intention, et elle nous prouve que Jésus a fait plus d’une fois encore, dans des choses de moindre importance, la même expérience, selon ce que l’apôtre exprime clairement par ces paroles: il a été TENTÉ en toutes choses, mais sans péché; c’est-à-dire qu’il s’est constamment maintenu ferme vis-à-vis de l’Adversaire, et que LA TENTATION N’EST JAMAIS ARRIVÉE À ÊTRE PÉCHÉ.

Il se présente ici deux idées qui semblent se contredire l’une l’autre.

L’une est de sanctifier nos enfants, de les consacrer à Dieu, de les enrichir de toutes les grâces qu’il est en notre pouvoir de leur communiquer pour les amener à la connaissance d’eux-mêmes, avec l’espérance qu’ils seront ainsi en état de résister aux mauvais jours, par la vertu toute puissante de la nourriture céleste destinée à les unir indissolublement à leur Dieu.

L’autre idée est de peser d’abord ce qu’ils sont en état de supporter, et de ne pas les exposer au danger, de peur qu’après avoir éprouvé l’efficace de la grâce, et fait l’expérience des puissances du monde à venir, ils ne retombent ensuite dans des infidélités qu’ils ne pourraient se pardonner à eux-mêmes, et qui pourraient en effet les retarder dans leur marche pour bien des années.

On a fait l’expérience de l’une et de l’autre de ces deux méthodes, et je sais à peine laquelle est préférable. Il existe de grandes différences; telle méthode peut avoir pour l’un un résultat bienheureux, qui chez un autre produira l'effet contraire. C’est ce qu’il faut soigneusement examiner à l’égard de chaque personne en particulier, et n’agir qu’en conséquence de cet examen.

Mais en général mon principe est: que RIEN N’EST PLUS HEUREUX QUE DE RECEVOIR LE PARDON DE SES PÉCHÉS après une confession générale de la corruption foncière du cœur...

... sans entrer dans des recherches minutieuses de détails, ni faire en quelque sorte la chronique scandaleuse de sa vie passée, afin d’éveiller le moins de scrupules possibles, et de pouvoir s’appliquer le pardon à soi-même en toute simplicité, en oubliant comme un enfant ce qu'on était; on peut ainsi d’autant mieux arriver à être changé, à devenir en réalité comme un enfant par rapport au passé, et faciliter par là l’action de la grâce et du pardon, et cela d’une manière ferme et assurée, sans qu’il reste ni doute, ni hésitation, ni opposition secrète.

Quand cela a sa réalité, QUAND ON SE SAIT ÊTRE UN ENFANT DE DIEU, alors je n’ai plus rien à objecter contre une repentance de détails qui descende jusque dans les profondeurs de l’âme, et qui retrace à la mémoire une foule de faits, desquels on ne se souvient qu’avec une profonde confusion, À CAUSE DE LA GRÂCE REÇUE, qui n’en doit pas moins demeurer ferme et inébranlable.

Que résulte-t-il en effet d’un semblable examen, fait de fond en comble, et dans lequel tout doit absolument venir au jour?

Est-ce un doute à l’égard de son adoption comme enfant de Dieu?

Est-ce peut-être cette réflexion: «Ah! si le Sauveur avait su qui je suis, il ne m’aurait pas pardonné mes péchés?»

Ce serait là une conséquence absurde! LE SAUVEUR SAVAIT TRÈS BIEN CE QUE TU ÉTAIS, mais il s’est aidé lui-même à te le cacher, afin que tu ne vinsses pas à t’en apercevoir avant le temps convenable; il s’est aidé à couvrir l’abîme de ta misère, afin que tu pusses accepter sa grâce, et que tu ne tombasses pas dans le désespoir.

Mais c’est également lui qui aide plus tard à cet examen foncier, à cette enquête sévère, parce que le bienheureux état de pécheur et la connaissance de soi-même se perpétueront d’éternité en éternité devant le trône de l’Agneau, au travers de toutes les modifications de la félicité éternelle, savoir les sentiments de pécheurs rachetés, la modeste appréciation de soi-même, comme d’une créature misérable et indigne, mais:


QUI A OBTENU GRÂCE ,

ET QUI NE POSSÈDE EN ELLE ET AUTOUR D’ELLE

RIEN QUI NE SOIT GRÂCE.


C’est ce que je souhaite à tous mes frères et à toutes mes sœurs, et je désire de tout mon cœur qu’après avoir fait leur paix avec Dieu par le sang de l’Agneau sans défaut et sans tache, et être devenus ainsi des enfants de Dieu, tout ce qui est en eux, aussi bien leur corruption naturelle que les infidélités qu’ils ont commises durant le temps de leur vie, leur soit peu à peu présenté à la mémoire,

afin que leurs âmes éprouvent parfois une salutaire angoisse à LA VUE DU MISÉRABLE ÉTAT D’OÙ ELLES,ONT ÉTÉ TIRÉES, et de la manière dont elles ont dû être délivrées du péché et de la domination de l’Ennemi.

Alors on demande en même temps, et l’on trouve aussi le moyen D’ÊTRE FIDÈLE À L’AVENIR, de veiller et de se conserver.

On apprend comment on doit employer ses forces et la grâce qu’on a reçue, afin que rien ne puisse plus nous nuire, – que nous ne nous laissions plus subjuguer par aucun maître étranger, – que nous n’écoutions plus notre propre esprit, – et que nous ne suivions plus la volonté de la chair et du sang, mais qu’au contraire nous les tenions en bride, prenant soin du corps selon ses besoins, mais prenant garde aussi que le penchant au bien-être temporel ne prenne le dessus et n’éteigne l’esprit.

Outre cela une des choses les plus dangereuses et qu’IL FAUT ÉVITER avec le plus de soin, c’est D’ENTRER EN DISCUSSION AVEC L’ENNEMI DE NOTRE ÂME.

Ce fut là la grande tentation à laquelle notre Sauveur fut exposé, et dans laquelle il a été vainqueur; c’est celle aussi à l’égard de laquelle nous faisons cette prière: Ne nous induis point en tentation; c’est-à-dire: «ne nous fais pas passer par le chemin qu'a dû suivre ton Bien-aimé; nous pourrions succomber, et cela occasionnerait du scandale; il a souffert ces choses pour nous tous.»

Car bien que l’Ennemi soit obligé de se tenir loin de nous (quant à la distance à laquelle il doit demeurer des enfants de Dieu, que ce soit une lieue ou une demi-lieue, c’est ce que je ne veux pas rechercher), il n’y a néanmoins aucun doute qu’il a un porte-voix qui lui est propre, et par le moyen duquel il se fait entendre à distance.

S’il y réussit, il est alors d’une impudence (effronterie) sans égale, et ne se laisse pas facilement renvoyer quand il a une fois une intention arrêtée sur quelqu’un.

Il faut pour cela, il est vrai, que quelque chose l’y ait encouragé de notre côté, que nous lui ayons laissé voir une brèche à laquelle nous n’avions point pris garde; car il ne fait point de tentatives inutiles; il ne se met pas en campagne sans apparence de succès.

Il est des âmes qu’il est obligé de laisser en repos, et prêt desquelles il n’ose pas même s’approcher.

MAIS quand on commence sa journée sans esprit de prière,

qu’on va goûter le repos de la même manière,

qu’on ne se concerte pas sans cesse avec l’Ami de notre âme pour tout ce qui concerne le temple de notre corps:

ON DÉCOUVRE À L’ENNEMI DES CÔTÉS FAIBLES, des brèches par lesquelles il peut pénétrer dans la place; l’atmosphère qui nous enveloppe se déchire, de sorte qu’il lui est facile alors de glisser quelques mots, et d’insinuer ses pensées. 


S’il peut arriver à provoquer des raisonnements et à faire qu'une pensée réponde à l’autre, il a déjà gagné à moitié la partie.

C’est pourquoi notre bien-aimé Sauveur ne peut pas assez bénir et garder les siens, et leur communiquer quelque chose de la dignité de son caractère; car ils en ont besoin durant toute leur vie. Le miracle de sa communion intime avec nous, et son baiser de paix qui couvre notre âme de sainte confusion, détournent de nous bien des dangers, et nous mettent en état, SI nous demeurons ainsi en lui, d’être du nombre de ses membres qu’il honore.

J’ai voulu surtout faire comprendre dans tout ce que je viens de dire, que nulle âme, bien que reçue en grâce, et peut-être même particulièrement bénie, ne doit penser devoir être pour cette raison préservée de toute tentation, et ne doit pas non plus, dût-elle en s’examinant se trouver tout autre qu’elle ne le voudrait, se laisser trop effrayer à cette vue, mais doit saisir au contraire tout de nouveau, et comme si c’était pour la première fois, la grâce qui est devant elle, et faire servir cette expérience à une salutaire humiliation.


* * *


13 Janvier 1750.

Alors Jésus fut emmené par l’Esprit au désert, pour y être tenté par le diable. Et quand il eut jeûné quarante jours et quarante nuits, finalement il eut faim. Et le tentateur s’approchant lui dit: «Si tu es le Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent des pains.» (Matt. 4, 1-3.)

Les tentations (selon l'expression consacrée par la théologie) ont dans le règne de Dieu un droit particulier, mystérieux, et qui n’a point encore été éclairci jusqu’ici, du moins par nous. La chose ne se laisse pas expliquer; on ne peut que dire d’une manière générale: «Je t’ai tenté; je t’ai mis à l’épreuve; j’ai voulu que tu fisses l’essai de tes forces.»

Mais quant au rapport qui existe entre ces faits et le droit dont nous parlons, c’est ce que nous ne savons point à priori.

Cependant il n’en est pas moins divinement vrai que les événements les plus importants du règne de Dieu, ont dû, avant de pouvoir être confiés à certains instruments choisis pour cela, traverser ces tentations et ces épreuves ÊTRE EN QUELQUE SORTE PESÉS PAR CE MOYEN, et que les instruments eux-mêmes ont dû également, soit au commencement de leur œuvre, soit après y être entrés déjà depuis longtemps, soutenir aussi une de ces épreuves qui ont pour conclusion ce témoignage:


«Maintenant je sais que tu aimes Dieu;»

ou

«tu as été trouvé fidèle.»


C'est ainsi qu’Abraham a soutenu l’épreuve, tandis que Moïse a succombé, et n’a pu pour cette raison entrer dans le pays de la promesse qu’il n’a entrevu que de loin.

Josué et Caleb se sont légitimés, tandis que leurs dix compagnons ont failli.

Saül et Salomon ne sont point demeurés fermes.

Cyrus au contraire s’est montré, dans l’œuvre qui lui était demandée, un serviteur de Dieu;

Belschatsar s’est trouvé trop léger dans la balance du sanctuaire.

Pierre n’est point resté debout,

Paul a remporté la victoire: j'ai gardé la foi.

La tentation du paradis ne doit donc pas nous paraître si étrange; elle y est bien plutôt à sa place, puisque c’est d’après un décret éternel que les hommes de Dieu, les princes de son peuple, les sacrificateurs de l’Éternel doivent être tentés et mis à l’épreuve. Les anges eux-mêmes ont eu leur heure de tentation, sans cela il n’existerait ni diable, ni archange Michel.


Le premier Adam a succombé, le second est demeuré vainqueur.


Si donc, nous aussi, nous sommes, en certains temps et à certaines heures, tentés et mis à l’épreuve, il n’y a là rien qui doive nous surprendre. Il est vrai que la chose en elle-même est peu agréable, mais on ne peut promettre à aucune âme qu’elle demeurera à l’abri de semblables expériences, surtout si elle doit devenir propre à quelque chose; et c’est pourquoi chacun doit se tenir sur ses gardes.

Mais aussi si l’on est trouvé fidèle et droit, cela promet pour l’avenir un grand bonheur et une vraie sécurité.

Heureux qui n’a que des tentations humaines! On peut alors se reposer avec assurance sur son fidèle Sauveur, avec la ferme confiance qu’il ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces, et qu’il veillera à ce que la tentation prenne une issue telle que nous la puissions supporter, ou que du moins, si nous ne résistons pas complètement, nous ne devions pourtant pas être rejetés, que le poison puisse être changé en miel, et que de cette faiblesse résulte peu à peu pour nous un affermissement: si nous n’en remportons pas ainsi beaucoup d’honneur, nous en aurons du moins du profit.

«J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point, dit le Sauveur à son disciple Pierre; Satan a élevé des prétentions à ton égard; il a demandé à te cribler; je ne l’ai pas accordé volontiers, car je sais que tu ne résisteras pas; mais je me suis réservé que ton cœur ne se perde pas loin de moi.»

Il est très compréhensible dès lors que le Sauveur ait été conduit au désert par le Saint-Esprit lui-même, et placé dans des circonstances telles qu’il ait pu montrer ce qui était en lui.

Dès cette heure aussi Satan ne se sentit plus en sûreté en sa présence, et ne s’approcha plus volontiers de trop près; il l’envisagea comme un homme à part, un homme singulier qui différait du genre humain tout entier. Il avait senti en lui quelque chose de divin et de surnaturel, sans parvenir à trouver le ressort par lequel il eût pu confondre les sens et les pensées du Sauveur, le faire sortir de la simplicité, et provoquer chez lui un mouvement charnel comme chez les autres hommes.

Mais pour que le Sauveur pût être mis ainsi sur une même ligne avec le premier homme pour être tenté, il fallait bien des circonstances préparatoires. Il fallait d’abord qu’il devînt un être faible et misérable, privé de toutes ses forces viriles.

En le voyant réduit à cet état, Satan se dit sans doute:

«C’est le moment favorable pour découvrir son côté faible. Il doit être tourmenté par la faim, et cela ne pourrait-il point l’engager à faire usage de sa puissance pour faire un miracle?

Et si je le conduisais sur le faîte du temple, à l’endroit le plus dangereux, n’aura-t-il point peut-être de crainte pour sa vie, car il ne peut avoir de confiance en moi, et ne se résoudra-t-il point, pour prouver ce qu’il peut faire, à se jeter lui-même en bas, plutôt que de s’exposer à ce que je le précipite moi-même?

Peut-être aussi sera-t-il saisi de vertige, car il est assez faible pour cela.

Ou bien encore dans sa profonde misère ne pourrait-il point être tenté par un changement de position, si je lui oflrais tout ce qu’un homme peut désirer?

Ne pourrais-je pas obtenir de lui par ce moyen ce que j’ai obtenu d’Ève par un simple motif de curiosité et en éveillant ses appétits charnels?»

Satan met ainsi en jeu tout ce qui peut produire de l’impression sur le cœur humain, et il aurait en effet, comme Dieu de ce monde, cédé ce qu’il promettait; il aurait peut-être, avec l’espoir d’obtenir le tout, fait le sacrifice de beaucoup. C’était un acte désespéré. Le Sauveur n’eût-il pas été lui-même le Créateur, mais seulement un ange, et eût-il accepté les propositions du diable, tout serait devenu sa propriété, et Dieu, comme Juge, aurait dû le lui concéder.

Mais tout cela fut sans résultat, parce que JÉSUS NE SE LAISSA PAS SÉDUIRE. Le Sauveur raconte à ce sujet, dans un autre endroit, comment il avait vu Satan, récusé et renvoyé de devant le Juge, s’enfuir avec la plus grande précipitation, en voyant sa cause perdue, et tomber du ciel comme un éclair.

Le Sauveur est devenu à ce moment le Juge des deux parties, de Satan et d’Adam, de l’ange et de l’homme. Satan peut désormais conserver ceux qui veulent demeurer avec lui, mais il est obligé d’abandonner tout ceux qui s’enveloppent de la justice de Christ, et se cachent dans les fentes du Rocher.


* * *


16 Mai 1746.

Ce n’est pas sans raison qu’il est écrit: «Jésus fut emmené par l'Esprit au désert.» Car dès l’instant où l’on voudrait s’exposer de soi-même à quelque chose de semblable, par un esprit de formalisme quelconque, on tomberait dans une espèce de charlatanisme spirituel.

Si une âme doit être dépouillée de toute force, être réduite à rien afin de devenir propre à quelque chose; si le Sauveur la veut à cette école, le Saint-Esprit saura bien venir la chercher pour l’y conduire.

Il n’est pas besoin d’y aller de soi-même avant d’y être mené, et lorsqu’on s’y trouve, il n’y a autre chose à faire qu’à avoir patience et à demeurer dans cet état aussi longtemps que Dieu le trouvera bon.

On ne comprend pas, il est vrai, à quoi l’on est utile au monde: on mange, on boit, on se couche, on se lève, on est aussi heureux dans son cœur que cela est possible en pareil cas; on est satisfait, lors même qu’on ne peut dire avec vérité qu’on puisse faire la plus petite chose pour Dieu.

Lorsque des personnes qui possèdent de riches et précieuses qualités, et qui, sans cette volonté expresse du Seigneur, ne pourraient manquer d’être employées d’une manière utile; de ces fortes individualités autour desquelles il se fait beaucoup de bruit dans le monde, sont ainsi mises à l’écart pour un temps, laissées en quelque sorte en friche, et semblent être devenues complètement inservables, cela leur est très bon.


* * *


16 Mai 1746.

Le tentateur s'approcha de lui.

Le Diable est le machiniste qui fait mouvoir la corruption répandue dans le monde entier. Il est dès lors tout naturel qu’il soit sans cesse en mouvement pour examiner sa machine avec ses innombrables rouages, et prendre garde à tous les canaux qui sont distribués partout, et se montrent sans cesse à découvert en mille endroits différents.

La source proprement dite du mal ne se trouve plus maintenant en tel ou tel individu isolé. Le péché originel a été produit dans nos premiers parents, mais il s’est distribué dès lors en tant de millions de bras et de branches, que quiconque est un homme en a sa part.

Il suffit donc d’être une créature humaine pour que LE CHEF-D’ŒUVRE DE SATAN , LA CORRUPTION NATURELLE, se réalise et opère; les canaux de la corruption naturelle sont en communication avec lui; la voie par laquelle il peut venir à nous est ouverte.

Mais la source elle-même n’est nulle part ailleurs qu’en nos premiers parents!

Là est la racine de l’arbre dont CHAQUE HOMME forme un rejeton dans lequel cette sève corrompue pénètre par le moyen de la racine, et le Diable est saisi d’un ardent désir (ainsi que s’exprime le Sauveur, Luc 22, 31) d’essayer sa puissance et de se procurer une joie, s’il n’en reçoit pas la défense expresse. C’est de cette manière qu’il s’est approché du Sauveur; il le savait être un génie, un homme supérieur, un prophète, et même un prophète tel qu’on n’en avait point encore vu de semblable; mais il se sera dit sans doute: «Il ressemble pourtant aux autres hommes; je veux essayer si je ne puis rien obtenir de lui.» Il mit donc en jeu ses ressorts divers, mais sans succès. «Le Tentateur s’approcha en vain de lui.»

Ce qui me plaît surtout dans les réponses du Sauveur, c’est qu’elles prouvent avec évidence que le Diable n’a abouti à rien.

Et je pense que c’est là aussi ce qui nous importe le plus.

Quand Satan s’approche de nous, mes bien-aimés, nous ne pouvons absolument pas remporter la victoire par des raisonnements ou des arguments.

C’est un charlatanisme suranné de prétendre qu’il faut avoir fait des études, être devenu un bon philosophe, être pourvu de motifs suffisamment plausibles pour triompher du Diable quand il s’approche; il est bien loin d’en être ainsi.

Car lorsque le Diable dit: «Commande que ces pierres deviennent des pains!» ce n’était nullement donner une réponse directe et selon la logique, que de répliquer: «l’homme ne vivra pas de pain seulement.»

Le Diable n’engageait point le Sauveur à apaiser sa faim, mais à prouver par un miracle qu’il était le Fils de Dieu.

La vraie question n’était donc pas celle de la faim, mais celle de l’accomplissement d’un miracle, à l’occasion d’une pressante nécessité corporelle qu’on pouvait fort bien après quarante jours penser à soulager, sans être accusé d’intempérance ou de précipitation. Mais que la réponse fût plus ou moins appropriée à la question, le Diable se trouva congédié.

Il revint une seconde fois à la charge, en disant: «Précipite-toi du haut de cette tour, car il a été ordonné aux saints anges de le porter dans leurs mains.» Le Sauveur répondit: «Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu.»

La plupart des commentateurs expliquent ainsi ces paroles: «Tu ne dois pas exiger de trop grandes choses de ton Dieu, tu ne dois pas aller trop loin à l’égard des miracles;», mais c’est là une explication absurde.

D’autres mettent une grande importance à l’omission que le Diable fit de ces paroles sur tous tes sentiers; mais ce n’est point là non plus une explication satisfaisante. Le Diable n’aurait pu appliquer à faux cette parole au Sauveur qui ne connaissait d’autres sentiers que ceux de son Père, et qui, par conséquent, se fut-il précipité du haut de la tour ou du faîte du temple, n’en aurait pas moins toujours été sur ses sentiers.


La vérité est qu’un homme de Dieu ne doit pas faire les caprices du Diable;

et lors même qu’il connaîtrait peut-être un moyen de le faire sans danger:

IL NE LE VEUT PAS.


Lorsque les gens de Nazareth conduisirent un jour Jésus au sommet de la montagne sur laquelle était bâtie leur ville, pour le précipiter, et qu’ils le tenaient au milieu d’eux, il disparut avant que personne s’en aperçût, et on ne sut point où il était allé (Luc 4, 29-30). Si Judas n’avait pas espéré quelque chose de semblable, il n’aurait jamais vendu son Maître, même pour des milliers de pièces d’argent.

Le Sauveur n’aurait donc nullement tenté Dieu, s’il se fût précipité du haut du temple. Mais il répond au Diable: «Tu ne dois pas te figurer que tu puisses te moquer de moi. Il est écrit: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu.» Ce fut le premier rayon de la majesté du Sauveur, son premier regard de flamme sur Satan. «Je ne permettrai pas que tu choisisses pour ton divertissement Celui devant lequel les démons tremblent.»

Et lorsqu’enfin le Diable lui dit: «Je te donnerai toute la gloire et les richesses de ce monde, si tu te prosternes devant moi pour m’adorer,» c’en fut assez.

Ce n’était plus là une tentation, C’ÉTAIT UN BLASPHÈME, c’était une rage satanique; aussi le Sauveur lui ordonna-t-il de s’éloigner sans retard, et ne voulut-il pas l’écouter davantage.

Ainsi donc, lorsque le Tentateur s’approche de nous, ce n’est nullement notre affaire, à nous disciples de Jésus, de chercher de sages paroles et des arguments plausibles pour le combattre, et contester avec lui; non:


Lorsque notre Ennemi nous déclare la guerre,

Veut nous conduire au mal, ébranler notre foi,

Ne discutons jamais, et répondons: «Arrière!

J'appartiens à Jésus: tu n’as plus rien en moi!»



* * *


28 Mai 1740.

C’est une vérité bien connue de la Parole de Dieu, que le monde, s’il n’y avait point de Sauveur, serait un royaume de Satan , et tous les habitants de la terre, ses esclaves. C’est pourquoi les saints apôtres sont bien éloignés de parler du Diable d’une manière aussi légère qu’on a coutume de le faire de nos jours.

L’épître de Jude nous apprend que les anges mêmes redoutent de parler avec lui plus qu’il n’est convenable. (9)

Paul, dans sa 2e épître aux Corinthiens 4, 4, ne l’appelle pas le soi-disant Dieu de ce siècle, et n’ajoute aucune injure à son nom.

Dieu lui-même ne paraît nullement être en lutte avec Satan pour cette raison, puisqu’il a permis que ses serviteurs l’appelassent ainsi sans restriction aucune.

Les serviteurs du Dieu de ce siècle sont appelés des princes, des puissants, des seigneurs de ce monde, les gouverneurs des ténèbres de ce siècle, les malices spirituelles qui sont dans les airs (Eph. 6 , 12).

Il n’est nul besoin d’effrayer les gens avec des fantômes; il suffit de leur dire que:


TOUS LES HOMMES QUI NE SE RÉCLAMENT PAS

«DU DIEU AVEC NOUS», EMMANUEL,

SONT INÉVITABLEMENT ENTRE LES MAINS DE SATAN.


L’apôtre Paul dit que Dieu nous a délivrés de la puissance des ténèbres, et nous a transportés au royaume de son Fils bien-aimé (Col. 1, 13).

Le Fils a donné son sang pour payer notre rançon, et obtenir de son Père qu’il nous pardonnât nos péchés et nous prît de nouveau à lui comme ses enfants; et il n’existe pas un seul homme qui ne puisse dire:

«J’appartiens à la grande réconciliation opérée pour le monde entier. Seigneur Jésus, rachète-moi par le trésor valable pour l’éternité.»

Parce qu’il est des hommes qui se reconnaissent en effet eux-mêmes pour rachetés, et que SATAN EST OBLIGÉ DE RECONNAÎTRE AUSSI POUR TELS, il s’efforce selon sa manière de découvrir des moyens pour arriver à les reprendre sous sa domination.

S’il rencontre des hommes tièdes, de ceux qui se convertissent une douzaine de fois, desquels le Sauveur parle (Luc 11, 24-26), en disant: quand l’esprit immonde est sorti d’un homme (et il est obligé de se retirer dès que l’âme se tourne seulement du côté du Sauveur), il revient une autre fois, et lorsqu’il voit qu’il y a encore place pour lui, que le Sauveur n’est pas encore le maître du cœur, qu’il peut rentrer chez lui, il revient s’y établir, et la position de cet homme est pire que la première. Cela ne lui coûte pas beaucoup de peine.

Mais lorsqu’il trouve de la résistance, qu’il voit du sérieux véritable, lorsque les âmes comprennent leur bonheur et en jouissent, il emploie une autre méthode; il essaie de les surprendre par ruse et il a mille moyens pour cela.

Mais il ne faut pas se figurer qu’il se présente sous une forme qui inspire l’horreur ou l’épouvante, comme on le croit souvent à l’égard des tentations; loin de là!

Lorsqu’on est tenté par Satan , on pense avoir devant soi quelque chose d’agréable, on y prend plaisir; on est enlacé par un fil presque invisible, mais d’autant plus dangereux qu'on ne sait point ce qui se passe.

Je vais tâcher d’éclaircir la chose par un exemple:

Un homme est dans la détresse sans apercevoir aucun moyen d’en sortir, peut-être même pour des choses qui concernent la cause du Sauveur. Il se présente à lui une occasion de se tirer d’embarras.

Un ami dévoué s’intéresse à sa position et lui offre son secours. MAIS ce secours dépend d’une condition en apparence insignifiante, de laquelle il se demande néanmoins: «LA CAUSE DU SAUVEUR NE POURRAIT-ELLE POINT EN SOUFFRIR?»

Il finit cependant par se persuader que c’est le Seigneur lui-même qui a mis au cœur de cet ami de venir à son aide, bien qu’il soit obligé de consentir à quelque chose qui lèse sa liberté morale.

Il voudrait sortir de détresse; d’ailleurs chacun trouverait qu’il y a de l’entêtement à refuser une semblable proposition à cause de la légère condition qu’on y attache. S’il sent en lui quelque appréhension de ce genre, et qu’il ne se dégage pas à l’instant même de ces pensées, en se disant qu’il n’a besoin d’aucun autre secours que de celui du Sauveur, s’il se laisse entraîner par les hommes, quels qu’ils puissent être, à sortir de détresse par leur moyen (ce qui porte avec soi une cause cachée de ruine), il pourrait bien, il est vrai, être approuvé du monde, MAIS QUICONQUE A L’INTELLIGENCE DES CHOSES DE DIEU DIRA: «Cet homme a été tenté par le Diable

Si le Diable réussit à nous faire succomber à la tentation, il ne nous reprend cependant pas pour cela sous sa domination; il ne peut pas nous enlever au Sauveur; mais il nous tourmentera, il nous persécutera, il nous martyrisera jusqu’à ce que nos yeux se fondent en pleurs. Et il ne le fera point en secret, mais il portera l’affaire devant le tribunal de Dieu, et reconnaîtra ouvertement qu’il nous a tentés et qu’il est demeuré vainqueur.

C’est pourquoi il est appelé dans l’Apocalypse 12, 10: l'Accusateur des frères, qui les accuse jour et nuit devant Dieu. Il va droit à ce tribunal sans perdre de temps, et si l’âme ne rentre pas aussitôt en elle-même, et ne se jette pas aux pieds de l’Agneau pour demander grâce, si elle hésite, ne fût-ce qu’un quart d’heure, elle arrivera déjà trop tard; le Diable l’aura devancée.

Lorsqu’il a ainsi atteint son but, et que l’âme qui a succombé à une de ses tentations ne se laisse pas aussitôt délivrer par le sang de l’Agneau, et ne se tient pas fermement attachée à la Parole de Dieu et à l’onction de l’Esprit, haïssant sa propre vie jusqu’à la mort, SATAN ACQUIERT ALORS UN DROIT LÉGITIME SUR ELLE; il obtient la permission de faire auprès d’elle une de ces tentatives auxquelles il prend son plaisir.

Ce que le Seigneur Jésus se réserve dans ce cas, c’est d’accorder à cette pauvre âme la grâce que sa foi ne défaille point, et de poser des barrières que Satan n’ose pas outrepasser. Il pardonne ensuite de nouveau et laisse le coupable rentrer en grâce, selon qu’il voit son angoisse et sa détresse, son humiliation et son anéantissement.

II nous serait parfaitement impossible de résister seuls à un pareil ennemi. C’est pourquoi le Sauveur s’est chargé avec joie de ce fardeau, et l’a pris sur sa personne sacrée: il a été tenté en toutes choses, comme nous sommes tentés nous-mêmes.

Il a été affaibli durant quarante jours par la faim et d’autres circonstances extérieures, jusqu’à être réduit à la dernière extrémité à laquelle puisse être poussé un homme pour être tenté et succomber à la tentation.

La perte de ses forces, sa grande indigence, la désagréable société des bêtes sauvages, un cœur plein d’épouvante, comme peut l’être celui d’un homme seul dans un désert depuis quarante jours, n’en était-ce pas assez pour qu’il pût en être ainsi?

C’est dans ce misérable état qu’il reçut la visite du Tentateur. Il eut sans nul doute le sentiment qu’il avait à faire avec quelque chose de puissant et de mystérieux.....

Satan lui dit alors: «Puisque tu as faim, commande que ces pierres deviennent des pains

Le Sauveur répondit: «Il est vrai que j’ai faim, mais je vis pourtant encore; il faut aussi savoir vivre sans pain. Il est écrit: l'homme ne vit pas de pain seulement; j'en fais maintenant l’expérience.»

Le Tentateur le conduisit ensuite sur une montagne élevée, et lui dit: «Jette-toi en bas: tu obtiendras par ce moyen une grande renommée et une autorité incontestable, quand tu prêcheras plus tard au milieu du peuple. N’est-il pas écrit dans la Bible qu’il donnera ordre à ses anges de te porter sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte contre quelque pierre? et il le fera sûrement, puisque tu es le Fils de Dieu.»

Jésus répondit: «Il est aussi écrit: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu. Ce n’est peut-être pas le moment favorable pour faire cet essai.»

Le Diable lui montra enfin toutes les gloires du monde qui séduisent si facilement le cœur de l’homme, et lui promit toutes ces choses s'il voulait l’adorer. Le Sauveur répondit: «Tu es le Diable! car il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu le serviras lui seul.»

La tentation était terminée. Satan était démasqué et obligé de s’enfuir.


JÉSUS S’EN ÉTAIT TENU SIMPLEMENT À LA SAINTE PAROLE

ET N’AVAIT POINT AIMÉ SA VIE.


Nous, nous avons outre cela son sang, LA RANÇON PARFAITE qui ôte à l’Ennemi tout droit de disputer avec nous. Lorsque celui-ci s’approche de nous, nous n’avons nul besoin de lui répondre, il suffit de nous tourner vers le Sauveur qui le renvoie à l’instant.

Lorsqu'on demande à une âme qui demeure dans l’atmosphère de la croix, et se désaltère avec le sang de l’Agneau, comment elle désire que les choses se passent, elle répond: «Selon qu’il est écrit. — Mais c’est désagréable. — Ce n’est pas ce dont je me préoccupe; ma propre vie ne m’est point précieuse jusqu’à la mort.»

C’est ce que firent les trois jeunes hommes dans la fournaise. Notre Dieu peut nous délivrer, dirent-ils; mais s’il ne veut pas le faire, nous ne voulons néanmoins pas obéir à ce qu'on exige de nous. Lorsqu’on s'attache ainsi au Sauveur avec amour et confiance, et qu'on ne prétend pas forcer sa volonté, il a promis de nous secourir, et il peut le faire aussi.

Celui qui s’en tient simplement à cette assurance, et ne se crée point d’inquiétudes, qui, lorsqu’il a manqué en quelque chose, s’en humilie enfantinement; lorsqu’il ne se sent coupable de rien, aime son Sauveur et s’abandonne à lui; lorsqu’il se présente une occasion d’acquérir de l’honneur et d’arriver à la richesse, se dit aussitôt:

«Je n’ai besoin de rien; si le Sauveur veut ces choses pour moi, elles me seront données,» celui-là n’a rien à craindre, il surmontera la tentation.

Notre cœur, notre tête, nos principes ne sont plus les mêmes qu’auparavant, et l’Ennemi ne peut plus s’approcher de nous que par ruse et tromperie. Lorsqu’il veut nous persuader quelque chose, nous chantons:

Si Satan veut nous nuire,

Par tes anges fais dire:

Ces enfants seront saufs et sains.

Étends sur nous tes ailes,

O Jésus, Cœur fidèle!

Chacun dit en son cœur:

Que jamais je n’oublie

Combien je t’ai coûté

Pour être racheté.

La plus haute science d’un soldat de Jésus-Christ, c’est de garder son cœur, afin qu’il ne s’occupe d’aucun objet hors de lui, et qu’il n’attache aucun prix aux avantages temporels, aux richesses, aux honneurs, aux agréments de la vie.

Il faut se défaire aussi de cette fausse idée généralement répandue qu’on est obligé de se justifier aux yeux du monde.

Il est vrai que c’est une grande grâce lorsqu’on peut s’expliquer réciproquement, mais cela ne peut avoir lieu qu’entre gens dont les yeux sont ouverts sur la seule chose nécessaire, et qui ont l’intelligence éclairée.

Quand les adversaires inventent toute espèce d’accusations et pensent qu’ils ont ainsi en mains les armes qui vont leur donner la victoire, tout cela ne repose néanmoins sur aucun fondement. Mais si l’on veut se défendre et se disculper, c’est alors qu’on leur donne des armes redoutables, et c’est ce qui arrive très souvent dans le monde.

Nous demandons d’un soldat de Christ un cœur qui aime les sentiers du Sauveur, qui puisse dire:

«Je ne veux que ce que veut mon Maître. Ma seule affaire est de me plonger dans l’océan de sa grâce; tout le reste je le lui abandonne; il peut me conduire au travers du monde selon son bon plaisir

Le Sauveur éveille généralement d’avance ce sentiment dans les âmes qu’il appelle à triompher en succombant avec son peuple.


* * *


7 Juin 1758.

Il faut que le Tentateur ait une permission expresse de Dieu pour qu’il ose nous tenter, OU BIEN qu’il découvre dans le cœur une communication secrète avec lui; l’un ou l’autre, il n’y a point d’autre alternative.

Lorsque Satan demande une permission semblable, qu’il l’obtienne ou non, il n’a jamais d’autre but que de prostituer les sacrificateurs de l’Éternel, les princes du peuple de Dieu. C’est là sa gloire, son triomphe, son orgueil, sa fantaisie favorite.

Parmi tous les sages de l’Arabie, il n’a choisi ni un Tsophar, ni un Élihu (qui était, sans contredit, une noble créature de Dieu), mais c’est précisément Job qu’il a demandé de pouvoir tenter. Il a de même insisté sans aucun doute pour obtenir l’autorisation de s’approcher du Sauveur, bien que ce fût une folie et une sottise, et il y a été autorisé par Dieu. Car il est dit expressément que Jésus fut conduit par l'Esprit au désert pour y être tenté.

Ainsi celui qui est tenté, et qui n’est point amorcé et attiré par sa propre convoitise, ou entraîné par son propre esprit, doit rechercher scrupuleusement s’il n’y a point encore une relation, un point de contact quelconque avec Satan.

Quelque pénible et angoissant qu’il soit de penser que Satan puisse encore élever des prétentions à l’égard d’une âme qui est comptée au nombre des amis du Sauveur, on ne peut nier cependant qu’il n’y en ait qui tombent en tentation, qui succombent même à la tentation, et il se passe difficilement une année sans que nous ayons ici ou là quelqu’un de ces tristes exemples.

Qu’on attribue ces chutes à une cause ou à une autre, qu’on ne soit pas d’accord sur leur origine, il n’en est pas moins vrai qu’il est très facile qu’une tentation du démon se cache sous la tromperie du propre esprit.

Quand Satan, par exemple, remarque qu’il y a dans un frère quelque chose de bien fondé, et qu’il pourrait devenir plus tard utile dans le service du Seigneur, ce que Satan veut chercher à prévenir, il éveille dans cette âme de dangereux raisonnements, et se sert d’arguments tels que celui-ci: «personne ne prend garde à toi; ta vie tout entière se passera sans être utile à rien,» et il réussit en effet par ce moyen à faire qu’on soit obligé de laisser cette âme inutile.

Si l’on demande: «est-ce là une simple tentation du propre esprit?»

Je répondrai: Non, c’est une tentation de Satan; car elle vient de l’orgueil, et c’est là non seulement la méthode et le genre de Satan, mais c’est son goût, sa prédilection. Il veut être quelque chose; ce fut la cause de sa chute, et c’est là, à proprement parler, le penchant qu’il cherche à produire et à développer dans l’homme.


Aspirer à des choses élevées, vouloir être quelque chose,

c’est là ce qui appartient aux principes de Satan lui-même.


Et il n'a point d’autre intention que de condamner à l’inaction par ces réflexions intempestives et cette présomption de soi-même, une âme dont le développement intérieur n’est point encore suffisant, à la vérité, mais deviendrait promptement assez complet pour que le Sauveur pût l’employer utilement à son service.

C’est là ma manière de voir à l’égard des tentations.

S’il n’existait pas dans le cœur quelque chose de cette malheureuse disposition, diamétralement opposée à l’humilité, à l’abaissement, à la débonnaireté du Sauveur, il n’y aurait rien à craindre, et l’on pourrait se rire de Satan. Car bien qu’un frère ne pût se sentir à l'aise, lorsqu’il saurait que Satan rôde autour de lui, il trouverait de semblables idées ridicules, et ce lui serait une folie de se dire: «Je suis mis de côté, on ne veut pas de moi.» Car il penserait aussitôt: «Si le Sauveur me trouve capable, il saura déjà venir me chercher.» Ou bien remarquât-il en lui le moindre mécontentement, il se dirait: «C’est un trait enflammé du malin. Dieu soit loué! il n’a fait que passer sans m’atteindre.»

Mais que se passe-t-il?

D’où vient que Satan soit si familier avec moi?

Il faut que quelque chose l’attire; qu’est-ce que cela peut être? Cher Sauveur, toi qui sondes les cœurs et les reins, montre-moi où est ce mal, afin que je m’en laisse délivrer; il faut que cette racine mauvaise soit extirpée jusqu’au fond, et que je puisse dire à Satan: «Voilà ce qui t’appartient; pour moi je suis à mon Sauveur, je suis un salaire de ses souffrances.»

Pourquoi mon cœur serait-il angoissé de ceci? Je puis en être délivré, je sais combien mon Sauveur m’aime. Il est disposé à me garder dans sa grâce, SI JE SUIS DISPOSÉ ET PRÊT À LE LAISSER AGIR.»

Telles sont les pensées qui m’ont été suggérées par notre texte: c’est que chaque âme qui aime véritablement son Sauveur, ne doit point se laisser détourner de l’examen sérieux de soi-même, jusqu’à ce qu’elle ait découvert le motif des prétentions que le Tentateur élève encore à son égard.


* * *


7 Mars 1742.

Il est écrit.

Qui a prononcé ces paroles? C’est notre Dieu éternel et vivant, à l’heure où il était devenu un homme faible et misérable. Il avait passé quarante jours au désert sans prendre de nourriture, environné de faiblesse, tenté comme nous; Satan se présente devant lui et le soumet à des épreuves et à de terribles tentations.

Notre Sauveur avait à réparer dans cet instant ce qu’Adam avait détruit; il avait à prouver en sa personne que Satan, malgré toute sa finesse, n’arriverait pas à vaincre tous les enfants de Dieu.

Il devait comme second Adam, comme nouvel Adam, enseigner par un exemple irrécusable que Satan peut être vaincu par une créature faible et misérable.

Je veux suivre ici pas à pas la méthode du Sauveur vis-à-vis de Satan , et nous verrons par là, mes bien-aimés, comment nous aussi, nous pouvons, à l’exemple de Jésus, manier l’épée de l’Esprit qui est la Parole de Dieu (Eph. 6, 17).

Cette Parole contient trois choses distinctes:

D’abord des mystères,

En second lieu des connaissances (L'auteur entend par là les vérités qui sont plutôt du domaine de la pensée que de celui du coeur, et qui ne sont pas indispensables pour le salut)

Enfin des vérités fondamentales.

Satan a tenté Jésus de trois manières différentes.

Il a mis à l’épreuve sa conviction la plus intime;

il a voulu confondre sa raison et son jugement;

il a voulu séduire son cœur.

Et pour repousser cette triple attaque, NOTRE SAUVEUR N’A EMPLOYÉ QU’UNE SEULE ET MÊME ARME, mais il l’a tirée et brandie de trois manières différentes.

La première tentation fut: «Si tu es le Fils de Dieu, commande que ces pierres deviennent des pains

Satan mettait ainsi au jour un mystère d’une façon intempestive. Il dit à Jésus qu’il est le Fils de Dieu.

Cela ne pouvait que paraître singulier au Sauveur, puisque personne alors n’avait encore l’idée que le Sauveur fût le Fils éternel de Dieu, c’est-à-dire Dieu lui-même, car ces deux noms étaient identiques pour les Juifs.

Jésus avait été jusque-là un charpentier; il avait vécu durant trente ans à Nazareth; il avait été soumis à ses parents, et personne n’avait remarqué en lui quoique ce fût d’extraordinaire.

À l’âge de douze ans, on s’était étonné de son savoir et de ses réponses, lorsqu’il était resté à Jérusalem au milieu des docteurs de la loi, mais il était ensuite retourné avec ses parents à Nazareth, où il était demeuré jusqu’à l’âge de trente ans.

Ce fut alors qu’il se rendit auprès de Jean-Baptiste à qui tout le peuple courait avec empressement, et qu’il se fit baptiser. C’était ce qu’on est convenu d’appeler de nos jours «un réveil.» On se disait: «Je veux maintenant prendre soin de mon âme; il y a là un grand prophète qui pardonne à tous leurs fautes et leurs péchés, je veux y aller aussi.»

Jésus n’est pas le dernier à s’y rendre. Il reconnaît que c’est là une chose voulue de Dieu; il va auprès de Jean et lui dit: «Baptise-moi.» Mais Jean lui répond: «Je ne sais ce que tu veux dire. Pourquoi te baptiserai-je?»

Il ne savait point que ce fût le Fils de Dieu, mais il savait que Jésus était un saint homme, un grand prophète. Il se rappelait encore fort bien que sa mère lui avait raconté comment il avait tressailli dans son sein, lorsqu’elle avait entendu la salutation de Marie.

Jean dit expressément qu’il ne le connaissait point avant qu’il vînt pour être baptisé, et que ce fut l’acte même du baptême qui le lui révéla; selon la parole qui lui avait été dite: Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer sur lui, c'est celui qui baptise du Saint-Esprit (Jean 1, 33). Il n’a pu donc le baptiser pour aucune autre raison sinon qu’il était son cher cousin de Nazareth, le saint homme qui l’avait devancé lui-même sur le chemin de la vérité. Jean lui dit: «II faut que je te baptise, et tu es plus saint que moi! c’est bien plutôt moi qui aurais besoin d’être baptisé par toi.»

Jésus lui répond: «Fais seulement ce que je te demande; il faut que je me soumette aussi à cette économie de Dieu: je suis devenu semblable aux pécheurs, il faut aussi que je devienne semblable aux gens pieux. Baptise-moi seulement.» Et comme Jean le baptisait, le Saint-Esprit descendit sur lui, et DIEU PARLA DU CIEL en disant: C'EST ICI MON FILS BIEN-AIMÉ (Matt. 3, 17).

Ce fut seulement alors que Jean apprit qu’il avait devant lui le Fils de Dieu, et chaque fois qu’il voyait ensuite passer Jésus, il le montrait aux troupes, en disant: «Voilà l'Agneau de Dieu qui porte les péchés du monde (Jean 1, 29. 36)

Je tire de là cette conclusion qu’il n’était point encore arrivé au Sauveur de s’entendre dire par qui que ce fût qu’il était le Fils de Dieu; il n’y en a pas d’exemple auparavant. Jésus entendit donc un grand mystère en apprenant qu’on l’envisageait comme Fils de Dieu; mais il ne voulut point l’accepter de Satan.

Satan essaie de le surprendre par le point d’honneur: «Prouve que tu es le Fils de Dieu en ordonnant que ces pierres deviennent des pains.»

Le Sauveur ne pouvait répondre négativement; il ne pouvait nier qu’il fût le Fils de Dieu, et il ne le nia pas non plus; mais il se contenta de répondre simplement: «II est écrit: l'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de chaque parole qui sort de la bouche de Dieu. (Je l’ai lu au 5e livre de Moïse)

C’était ce que pouvait en effet affirmer notre cher Sauveur, puisqu’il était alors dans l’affaiblissement d’un jeûne de quarante jours, et qu’il vivait encore; la preuve était irrécusable.

Lorsqu’on est au désert au milieu des bêtes sauvages, ce n’est pas le moment de prouver qu’on est le Fils de Dieu, car il importe peu que les bêtes sauvages et le Tentateur le sachent ou non. Aussi Jésus se contente-t-il de répondre qu’on peut vivre sans pain.

Ceci aussi est un mystère que chacun ne peut pas saisir.

Ce n’est certes pas un péché, c’est au contraire UNE CHOSE PARFAITEMENT LÉGITIME QUE DE PRIER CHAQUE JOUR SON CHER PÈRE CÉLESTE POUR DEMANDER LE PAIN QUOTIDIEN.

Cette parole n’est donc pas écrite pour tous, mais c’est un mystère qui est là pour ceux qui doivent parfois jeûner, et sont appelés à faire cette expérience dans leur vocation comme serviteurs de Dieu. Dès qu’il en est ainsi, c’est un mystère, c’est un cas spécial au sujet duquel il ne convient de disputer avec personne; car si je voulais essayer de prouver à quelqu’un qu’il est possible de vivre sans pain, on parviendrait bien vite à me fermer la bouche; et si l’on me poussait à bout, je serais obligé d’en fournir la preuve sur moi-même, et selon le cours ordinaire des choses, je ne me tirerais pas d’affaire.

La première tentation de Satan fut donc de vouloir couvrir de ridicule le Sauveur au moyen d’un mystère qui était hors de saison.

Jésus le réduisit au silence par un autre mystère, que Satan ne pouvait réfuter, puisque Jésus lui aurait cité aussitôt l’exemple de Moïse et d’Élie. Mais Satan avait trop de finesse pour continuer l’entretien, et la première tentation fut ainsi terminée.

Ne pouvant rien obtenir par des mystères, Satan essaie de surprendre Jésus au moyen des connaissances.

Il lui dit: «Il est écrit: J'ordonnerai à mes anges de te porter en leurs mains, de peur que tu ne heurtes ton pied contre quelque pierre. (6) Cela est clairement exprimé dans la Bible, tu le sais. Jette-toi donc maintenant en bas et fais-en l’expérience

Le Sauveur ne se laisse pas dérouter du plan qui lui est tracé. Je suis un homme misérable, se dit-il, je suis un ver et non point un homme; la risée du monde, et un objet de mépris pour mon peuple; je suis dans un état de profonde humiliation; il importe par dessus tout que je ne pèche, point et que je garde maintenant mon cœur. Il est vrai que je ne puis nier la vérité de ce passage des saints Livres, mais il est aussi écrit: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu. (7) (Deut. 6, 16.)


Comment doit-on répondre par conséquent, lorsque Satan nous présente une de ces vérités, une de ces connaissances qui ne sont pas indispensables au salut, mais desquelles on sait positivement qu’elles se trouvent dans la Bible?

Si cette vérité se trouve isolée, sans qu’un autre passage vienne l’éclairer et l’expliquer, il faut l’accepter telle qu’elle est.

Mais si l’on a au contraire vingt, trente autres passages qui donnent à comprendre dans quel sens celui qui nous est présenté doit être pris, et quelle en est la portée, il faut alors répondre: «il est AUSSI écrit

C’est pourquoi il répond: «Il est aussi écrit: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu. Tu ne dois pas faire des miracles par désœuvrement et sans but réel; tu ne dois pas demander qu’il tombe des cailles du ciel, quand il y a suffisamment de manne. Puisque je suis monté jusqu’ici par le moyen des escaliers, je puis descendre de la même manière et je n’ai nul besoin de me jeter en bas.»

Jésus répond donc à une vérité écrite par une autre vérité écrite, tout aussi claire, tout aussi positive, tout aussi incontestable.

Mais lorsque Satan voit qu’il ne peut confondre la pensée et le jugement du Sauveur, appuyés sur la Parole de Dieu, non plus que l’entraîner par l’attrait d’une manifestation de sa puissance à laquelle les douleurs de la faim auraient fourni cependant un prétexte plus que plausible, il change sa tactique et affecte la commisération: «Pauvre homme, tu es ici abandonné au désert parmi les bêtes sauvages, privé de toute société humaine, sans savoir ni quand ni comment lu pourras sortir de cette misérable position.»

Il se peut qu’à cette heure le Sauveur se fût déjà dit ces choses à lui-même, car il était au comble de la perplexité. Et Satan vient lui dire: «Écoute, je m’intéresse à toi, je veux te donner un bon conseil et te tirer d’ici. Tu sais que le royaume de David, ton père, t’a été promis, tandis que le reste du monde m’est laissé en propriété. Je veux te céder le gouvernement du monde entier, sans réserve, sans restriction, si tu consens seulement à m’en rendre l’hommage une fois pour toutes.»

Ce fut comme si le Sauveur eût compris tout à coup quel était celui qu’il avait devant lui; Satan s’était fait ainsi à lui-même son procès. Il en voulait au cœur; le moment était venu pour lui de prendre la fuite. C’était ici une vérité fondamentale de laquelle dépend le salut de l’âme. Il ne s’agissait plus d’une vérité à l’égard de laquelle on pût encore contester;

SATAN CHERCHAIT À ENTRAÎNER JÉSUS À UNE DÉCISION, À UN CHOIX EN SA FAVEUR. Jésus ne pouvait donc plus l’écouter sans porter atteinte à l’honneur de Dieu.

«RETIRE-TOI DE MOI, SATAN!» s’écrie-t-il, et ce fut la fuite de Satan qui provoqua sans nul doute l'approche des saints anges.

Nous venons de voir comment le Sauveur se défendit avec l’épée de l’Esprit, jusqu’à en frapper son adversaire, et, plus terrible que le Chérubin du paradis, réussit à le chasser du désert, lorsqu’il voulut l’entraîner à l’idolâtrie, comme on chercha plus tard à engager les martyrs chrétiens à boire une fois seulement à la santé de l’empereur de Rome.

Voyons maintenant comment nous devons, nous, nous servir de la Parole; comment nous devons nous conduire à l’égard de ceux qui nous interrogent quant aux mystères; comment à l’égard de ceux qui s’informent des connaissances, comment enfin nous devons agir quant à notre propre cœur.

Mais il faut auparavant que je cherche à vous faire comprendre la raison pour laquelle l’Écriture sainte peut être ainsi divisée à juste droit en mystères, en connaissances et en vérités fondamentales.

L’apôtre Paul dit (1 Cor. 12, 8):

À l'un est donnée par l'Esprit la parole de sagesse. C’est là un premier don.

À l'autre par le même Esprit la parole de connaissance. C’est là le second.

Plus loin ce n’est plus de dons qu’il s’agit, car connaître les vérités fondamentales, ce n’est point là un don à part, que tel ou tel possède seul, mais ces vérités sont indispensables à tous; on ne peut être sauvé sans elles.

C’est pourquoi l’apôtre dit:

qu'il travaille à exhorter et à enseigner tout homme en toute sagesse, afin de l'amener à Christ et à sa connaissance, et de le rendre, parfait en Jésus-Christ (Col. 1, 28).

Tout homme de Dieu doit être rendu par la Parole accompli en toute bonne œuvre (2 Tim. 3 , 17).


La connaissance de la gloire de Dieu en Jésus-Christ appartient à tous,

et les vérités de ce genre sont des vérités fondamentales.


Mais ce qui n’est que pour les sages et les prudents, pour les docteurs (desquels il n’existe au reste point d’autres que ceux qui sont instruits directement de Dieu), c’est ce qu’on nomme une connaissance.

Et ce qui est, pour les âmes que Dieu a non seulement douées d’intelligence d’une manière toute spéciale, mais encore de vues profondes dans ses divins mystères, c’est là le don de la sagesse qui n’est pas pour tous, parce que tous ne seraient pas en état de le porter. Et c’est pourquoi c’est une grande fidélité du Sauveur de ne pas le communiquer à tous les hommes et de vouloir que plusieurs restent en arrière à cet égard. Tel est l’ordre établi à l’égard des mystères divins.

Comment donc devons-nous nous conduire quant à ces mystères, lorsque nous sommes tentés à leur sujet, et QUE NOUS NE LES COMPRENONS PAS?

Nous ne devons nullement nous arrêter à les sonder, mais nous sortir d’embarras par une vérité bien claire et bien nette.

Ce mystère que le Fils de Dieu pouvait créer du pain, lorsqu’il le voudrait, était vrai, mais encore hors de saison; il suffisait, pour que cela arrivât, que le Sauveur eût devant lui quelques milliers de personnes n’ayant rien à manger; c’est pourquoi il ne se laisse pas entraîner à le faire dans ce moment, mais déclare au contraire: qu’il fait précisément l’expérience qu’on peut aussi vivre sans pain.

Lors donc que le monde et Satan nous mettent à l’épreuve par le moyen d’un mystère, nous ne devons pas le moins du monde entrer en discussion, mais nous en tenir en toute simplicité à une vérité que notre cœur a comprise et reçue.

Et comment devons-nous agir à l’égard des autres âmes?

Lorsqu’on me demanderait, par exemple; «Comment on se nourrit du Seigneur Jésus dans la Sainte-Cène; comment le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un?»

Dois-je exprimer ma manière de voir?

Serait-elle compréhensible à tous?

Non, certes! Je connais même telle vérité qui ne serait peut-être comprise que par un homme sur mille; parce que DIEU VEUT LES CŒURS ET NON PAS LES TÊTES; or, comme leur tête ne pourrait la supporter, on leur présente simplement le mystère, en ajoutant: il est écrit.

Si quelqu’un dit: «J’aimerais qu’on m’expliquât ce mystère,» on lui répond avec le prophète Jérémie: «Tu demandes de grandes choses, ne les désire point» (45, 5). Contente-toi de ce que tu vois écrit; sois satisfait d’en éprouver une douce impression; il est bon que tu ne comprennes pas ces choses; elles sont souvent d’un poids accablant pour l’âme qui apprend à les connaître.

L’apôtre Paul connaissait des mystères; il avait été ravi au troisième ciel, mais il avait entendu des paroles qu’on ne peut exprimer et il lui en coûta cher pour demeurer debout. C’est pourquoi nul homme ne doit s’efforcer d’obtenir l’explication d’un mystère.

Qu’une âme ne saisisse pas complètement le mystère de la Sainte-Cène, celui de la Trinité, celui de l’élection éternelle de grâce, il ne lui en arrivera pourtant pas de tort pour son salut, si elle est fondée du reste quant à sa foi en l’Agneau de Dieu; et elle n’en reste pas moins un cher enfant.

Il peut en être autrement, lorsqu’on est appelé à enseigner les autres. Si un homme ne comprend pas les mystères, il ne doit pas avoir l’audace, la témérité d’enseigner publiquement la doctrine de la Sainte-Cène, de l’élection de la grâce, ou telle autre semblable, sinon il est un séducteur des âmes. Le secret de l'Éternel est pour ceux qui le craignent, et son alliance pour la leur donner à connaître (Ps. 25, 14).

Si tu sais quelque chose, mais que tu ne le comprennes pas encore complètement, ne t’en glorifie pas; pourquoi troublerais-tu les faibles, au risque de leur causer du dommage? Rends grâce à Dieu pour ta modeste part de connaissance, et que ce peu te soit précieux.

La pénétration des secrets du Seigneur est sans contredit une grâce excellente, mais on ne peut en discourir, et l’on s’écrie avec Paul: O profondeur des richesses, et de la sagesse et de la connaissance de Dieu! Que ses jugements sont incompréhensibles, et ses voies impossibles à trouver! Qui est-ce qui a connu la pensée du Seigneur, ou qui a été son Conseiller? (Rom. 11, 33.)

Tel est le langage de l’apôtre à l’égard des mystères.

D’abord ils ne sont pas nécessaires à tous.

En second lieu il n’est bon d’en disputer ni avec Satan, ni avec le monde, ni avec les enfants de Dieu.

Troisièmement, il faut user de patience envers ceux qui ne peuvent les saisir.

Quatrièmement, aucun homme ne doit se permettre de parler de mystères qu’il ne comprend pas suffisamment, car il pourrait ne pas rencontrer le conseil de Dieu, et devenir ainsi un menteur.

Lorsqu’on se contente de l’Écriture sainte, et qu’on ne présente les mystères qu’avec les propres paroles et les expressions de la Bible, cela peut encore aller; mais aussitôt qu’on veut démontrer et rendre évidente la figure même du mystère, c’est aller trop loin.

Les âmes auxquelles est accordée la révélation des mystères, en sont dans l’admiration, mais elles savent que cela n’est pas donné à tous, et que chacun n’en reçoit qu’autant qu’il peut en supporter.

On pourrait enlever aux âmes bien des scrupules en leur donnant la clef des mystères, si l’on osait le faire; si l’on pouvait dire ouvertement à tous ceux qui désirent connaître le sens de tel ou tel passage, comment il doit être compris; mais il n’appartient à personne qu’au Saint-Esprit lui-même d’expliquer ces choses, et il en use à l’égard de chacun selon qu’il lui plaît. Si donc vous avez besoin de savoir quelque chose, laissez Dieu vous le manifester (Ph. 3, 15).


Après les mystères, viennent les connaissances.

Ce sont des vérités divines qui n’appartiennent pas aux profondeurs de la sagesse, mais QUI SONT CLAIREMENT ÉNONCÉES DANS LA PAROLE et que chaque âme ATTENTIVE et qui lit et médite SÉRIEUSEMENT l’Écriture sainte, peut arriver à comprendre. C’est un très grand bienfait pour une certaine classe de prédicateurs; c’est un don de Dieu que de posséder un trésor de ces connaissances.

Mais il se présente aussi parfois une vérité qui n’est pas un mystère et qui n’en prête pas moins à toute espèce de difficultés; tel est le 9e chap. de l'épître aux Romains où se trouvent ces deux propositions contradictoires et néanmoins parfaitement combinables:

Dieu a rejeté son peuple, et Dieu n'a pas rejeté son peuple, et dans lesquelles il s’agit de L’ÉLECTION IRRÉVOCABLE DU PEUPLE DE DIEU et de SA RÉJECTION INTERVENUE POUR UN TEMPS.

De même le 7e chap. aux Romains parle de l’état d’un homme réveillé qui demeure encore dans les œuvres de la loi, et de celui d’un homme qui demeure dans la grâce. Cette différence est exprimée par un seul petit mot grec qui ne peut se rendre dans notre langue (Rom. 7, 25).

Mais comme un homme peut être sauvé sans avoir une vue claire de ces choses, ni posséder les expressions propres pour les exprimer, on les nomme des connaissances, c’est-à-dire des vérités qui demandent à être expliquées. Cette explication d’ailleurs n’est pas donnée par tous de la même manière.

L’un se préoccupe trop des versets qui précèdent;

L’autre de ceux qui suivent.

Un troisième va même jusqu’à négliger le rapport de la parole qu'il explique avec ce qui précède et ce qui suit.

En un mot, les interprètes ont des manières de voir différentes.

Si l'on dit, par exemple, qu’on ne doit pas du tout prêcher la loi, mais uniquement l’Évangile, l’Écriture nous dit expressément que la loi a été notre conducteur pour nous amener à Christ (Gal. 3, 24). C'est par la loi qu'est donnée la connaissance du péché (Rom. 3, 20).

Cependant l’apôtre Paul nous dit d’un autre côté: Christ vous devient inutile à vous qui voulez être justifiés par la loi, et vous êtes déchus de la grâce (Gal. 5, 4). Il dit positivement que les témoins de Jésus ne sont pas là pour remplir le ministère de la lettre, c’est-à-dire pour prêcher la loi. Il va jusqu’à dire que la lettre tue, mais que c'est l'Esprit qui vivifie (2 Cor. 3, 6).

Il est vrai qu’en ne prêchant point de loi, mais uniquement l’Évangile, rien que le Sauveur, rien que la miséricorde, rien que les plaies et la mort de Jésus, les cœurs fidèles et sincères croissent d’autant plus rapidement dans la sanctification, sans négliger pourtant pour cela cette exhortation: A la loi et au témoignage! S'ils ne parlent point selon cette parole, certainement il n'y aura point d'aurore pour eux (Ésaïe 8, 20).


La doctrine de la grâce affermit le cœur,

et la grâce elle-même le rend pur.


Comment tous ceux qui ont la loi de la liberté écrite dans le cœur, ne marcheraient-ils pas selon que la loi l’exige.....?

Quand on connaît le cœur de Jésus, quand on aime le Sauveur et son sang, on apprend à reconnaître en même temps ce qui est mal, à haïr le péché, ET L'ON FAIT CE QUI EST BIEN, SANS MÊME AVOIR BESOIN D’Y RÉFLÉCHIR.

Et à l’égard des choses pour lesquelles nous ne sentons pas de certitude, il est écrit: Tout ce qui ne se fait pas avec foi est un péché (Rom. 14, 23). C’est ici, en effet, une vérité divine: «Les meilleures choses me deviennent péché, dès que mon Sauveur ne me les permet pas.»

N’est-ce pas là la règle la plus exacte, la précision la plus parfaite quant à la SANCTIFICATION, que de ne pouvoir plus faire quoi que ce soit autrement qu’au nom de Jésus, et de laisser de côté tout ce qu’on n’est pas convaincu de pouvoir faire par la foi?

Quels prédicateurs de la loi sont jamais arrivés à un résultat semblable, malgré toute la peine qu’ils se donnent, et tous les scrupules dont ils s’enveloppent?

Ne rien faire qu'au nom de Jésus, c’est là la religion de tous ceux qui ont trouvé leur guérison dans ses meurtrissures. Et n’est-ce pas là ce qui s’appelle affermir la foi? (Rom. 3, 30.).....

Ceux qui veulent expliquer les mystères ne méritent pas le moindre support.

Qui donc les appelle à prêcher ce qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes?

Qui les appelle à prophétiser s’ils n’ont pas reçu l’esprit de prophétie?

Les connaissances, au contraire, sont en général du domaine des prédicateurs. Celui qui doit enseigner aux autres la vérité doit posséder pour lui-même des connaissances et des lumières; il doit être sur un terrain solide.

S’il a le malheur de ne pas arriver pour son propre compte à ce qu'il y a de plus positif et de meilleur; si moi je ne puis pas non plus parvenir à produire dans son esprit une conviction plus éclairée, je ne dois pas néanmoins lui imposer mon opinion.

Lorsque dans l’examen de ces choses la connaissance de mon interlocuteur n’a pas été éprouvée jusqu'à sept fois, je dois garder pour moi ma connaissance, et ne pas l’imposer à la conscience de celui qui n’a encore peut-être qu’une connaissance éprouvée deux ou trois fois. Il est juste aussi que je lui laisse autant de temps que le Sauveur m’en a laissé à moi-même, s’il est d’ailleurs un enfant de Dieu et qu’il aime son Sauveur.


Arrivons à notre dernière classe de vérités.

Que doit-on faire à l'égard des vérités fondamentales, de celles qui touchent au cœur, sans lesquelles on ne peut être sauvé et dont l’Écriture sainte nous déclare que celui qui n'est pas tel, ou qui ne possède pas ces choses, ne peut point parvenir au but?

C’est ici un cas tout différent.

Lorsque Satan veut séduire mon cœur, je ne l’écoute à aucun prix.

Lorsqu'un prédicateur veut anéantir ou renverser une de ces vérités essentielles, alors il est écrit: «Retire-toi de moi!»

Pourquoi?

Parce qu’il s’agit d’une vérité de laquelle dépendent la vie et le salut des hommes.

Si je ne puis expliquer un mystère à quelqu’un qui persiste à vouloir le comprendre, et qu’une autre personne vienne et dise: «je l’explique de cette manière,» puis encore une autre d’une autre manière, je ne suis nullement dans l’obligation de décider de la chose, et encore bien moins d’imposer ma conviction; mais je me contente de penser: «Que celui qui peut saisir ce mystère, le saisisse!»

Si par contre quelqu’un veut traverser un fleuve au printemps, et que j’entende dire que cet homme, étranger au pays, s’informe de la possibilité de la chose, laquelle on lui affirme, tandis que je sais moi qu’il y va de sa vie, puis-je me tranquilliser?

Ne dois-je pas plutôt me hâter d’aller à lui et lui déclarer qu’on veut l’entraîner à sa perte, et que ceux qui lui donnent un semblable conseil sont des menteurs ou des ignorants?

Il en est précisément de même au spirituel.

Lorsqu’il s’agit d’opinions, de connaissances, de mystères, on peut exprimer simplement sa conviction et laisser aux autres la liberté de l’accepter ou de la rejeter.

Mais lorqu’un homme est entraîné à sa ruine éternelle, lorsque des centaines et des milliers d’âmes sont conduites à leur perte, alors il est permis de crier: «au voleur et à l’assassin!» et de REFUSER COMPLÈTEMENT À CES SÉDUCTEURS TOUT DROIT DE PRÊCHER.

Retire-toi de moi, Satan! tu m'es en scandale; tu occasionnes des scandales! Malheur au monde à cause des scandales! Malheur à l'homme par lequel le scandale arrive! (Mat. 18, 7.)

Quiconque, par exemple, pose un autre fondement du salut que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié;

Quiconque contredit l’apôtre Paul en affirmant que ce n’est point par la foi, mais par les œuvres qu’on est justifié;

Quiconque tord l’Évangile de quelque manière que ce soit et l’enseigne autrement que celui qui était la Vérité même, l’apôtre Paul déclare que fût-ce un ange du ciel, il est Anathème! (Gal. 1, 8.)

Si quelqu’un me dit:

«Cet homme est converti!

Pourquoi?

Il me l'a dit, et je le crois!»

et qu’un autre prétende qu’en améliorant sa vie, on peut être sauvé, je répondrai:

«Non! et encore Non! et je demanderai:

As-tu le Sauveur?

Connais-tu l’Agneau de Dieu?

Ton cœur a-t-il été subjugué par ses douleurs?

Tes péchés t’ont-ils été pardonnés pour l’amour de son sang?

Sais-tu que le plus grand péché, c’est l’incrédulité?

Sais-tu que ta plus grande misère, c’est de ne pas connaître l’Agneau de Dieu, de n’être pas nuit et jour en communion avec lui?

Ton désir le plus ardent est-il d’apprendre à connaître ton Sauveur?»

Si l’on me répond:

«Non, mais je m’efforce de faire du bien à mon prochain,» j’ajouterai:

«Tu es dans une profonde erreur et tu ne seras jamais sauvé par cette voie, car nulle chair ne sera justifiée devant Dieu par les œuvres de la loi (Rom. 3, 20).


ÊTRE SANS CHRIST, C'EST ÊTRE SANS DIEU

(Eph. 2, 12).

Si quelqu'un n'aime pas le Seigneur Jésus, qu'il soit anathème l Maranatha!

(1 Cor. 16, 22.)


Celui qui n’aime pas le Seigneur Jésus du fond de son âme, qui ne l’aime pas assez tendrement, assez intimement, assez exclusivement, pour pouvoir dire en toute vérité et sans aucune affectation: «Amen, tu sais toutes choses, tu sais que je t’aime» (Jean 21, 17), celui-là est encore sous la malédiction, et nul homme ne peut venir à son aide; il est perdu, aussi longtemps qu’il demeure dans cet état.

Le Sauveur s’est exprimé d’une manière tout à fait catégorique au sujet de Simon le pharisien:

«Tu as voulu me bien traiter, lui dit-il, et tu m’as invité dans ta maison; mais je n’appelle pas encore cela de l’amour. Cette pauvre pécheresse qui est ici à mes pieds, et pour laquelle tu n’as que du mépris, que tu regardes comme une créature vile et dégradée, je l’ai reçue en grâce; elle sait que je l’aime, et elle sait aussi ce que c’est qu’aimer; aussi ne peut-elle cesser d’embrasser mes pieds; elle ne peut s’empêcher de trahir devant cette nombreuse société combien elle m’aime, parce que tant de péchés lui ont été pardonnés» (Luc 7, 44-47).

Celui donc auquel les péchés sont pardonnés, aime beaucoup Jésus; mais auparavant cet amour ne peut pas exister.

Pour que les péchés puissent être pardonnés à un homme, il faut qu’il se connaisse, qu’il sache qu’il a besoin de ce pardon.

Quiconque n’en a que faire, quiconque ne se sent pas malade, n’obtient pas le secours du vrai Médecin, n’apprend pas à connaître le cœur de Jésus, et n’éprouve par conséquent point de véritable amour pour lui. Et cela parce qu’il ne sait pas que tout a été accompli pour lui, que Dieu a opéré l’œuvre de son salut, et que l’Esprit de Jésus peut seul lui manifester ce mystère.

Mais celui qui comme David s’est écrié: les cordeaux de la mort m’avaient environné, les détresses du sépulcre m’avaient rencontré, j’avais rencontré la détresse et l’ennui, mais j’invoquai le nom de l’Éternel en disant: Je te prie, ô Seigneur, délivre mon âme! (Ps. 18, 3-4) celui-là arrive aussi nécessairement à répéter avec lui: Tu as mis à couvert mon âme de la mort, mes yeux de pleurs, et mes pieds de chute (56:13 / 14).

Voici, dans ma paix une grande amertume m’était survenue; mais tu as jeté tous mes péchés derrière ton dos (Ésaïe 38: 17. D. M)

Alors on aime, et on sait pourquoi l’on aime.

On cherche alors à conserver et à nourrir continuellement dans son cœur cette vérité fondamentale que l’amour pour Jésus découle de ses souffrances et de sa mort, de ses plaies et du pardon des péchés; on fait de l’amour de Jésus jusqu’à la mort, le principe de toute la religion et de toute la théologie, principe duquel découle le salut pour le temps et l’éternité, aussi bien que tout amour véritable de notre part.

Si quelque chose doit réveiller les morts, si quelque chose doit être prêché aux vivants, si les multitudes qui sont devant le trône de l’Agneau entonnent leurs cantiques d’actions de

grâce, c’est qu’il a été mort et qu'il nous a rachetés à Dieu par son sang (Apoc. 1, 5).

C’est là dès maintenant, et ce sera en toute éternité le texte de nos adorations et de nos louanges. Amen.


* * *


5 Janvier 1745.

«Il est écrit.»

C’est un vrai trésor que le Sauveur accorde à ses enfants lorsqu’il leur donne un cœur:

qui peut croire avec simplicité tout ce qui est écrit,

qui n’aperçoit nulle part des contradictions,

qui ne sait rien de tous les scrupules et de toutes les arrière-pensées suggérées par la raison,

qui peut bien, à la vérité, être embarrassé parfois lorsque d’autres lui présentent des objections, et se dire: «Que dois-je répondre?», mais qui n’en fait jamais lui-même et accepte la Parole telle qu’il la trouve écrite.

Si ces enfants de Dieu lisent que le Sauveur est notre Père, ils pensent aussitôt: «Quelle bénédiction de savoir que le Sauveur est notre Père!»

S’ils entendent annoncer, un quart d’heure après, que le Père de notre Seigneur Jésus-Christ est notre Père, ils pensent également: «Quelle grâce que le Père de notre Seigneur Jésus-Christ soit aussi notre Père?»

Car tous les deux se trouvent dans la Bible. Si vous invoquez comme votre Père celui qui, sans avoir égard à l'apparence des personnes, juge selon l'œuvre de chacun (1 Pierre 1, 17); Me voici, moi et les enfants que Dieu m'a donnés (Héb. 2, 13).

Une semblable application de la Parole au cœur, est une chose très importante; ce qu’on lit devient alors vérité; on en jouit, on le possède, dût-on devenir pour cette raison la risée de tous ceux qui ne le possèdent point. Car tandis que ceux qui ne le possèdent pas, qui n’en jouissent pas, peuvent se fatiguer à en éplucher les moindres fils jusqu’au dernier, pour disputer ensuite si ce sont là des fils d’or ou s’il s’y mêle encore un peu de soie, ceux au contraire qui possèdent la simplicité de cœur, ont aussi le plus souvent toutes les vérités, plus ou moins mélangées les unes avec les autres, il est vrai, et qu’ils auraient grande peine à énumérer dans l'ordre voulu.

C’est là un très grand bonheur que nous demandons au Seigneur de nous conserver, afin que tout ce que nous apprenons se change pour nous en suc et en sang, que nous goûtions et savourions ces choses, et que ce que nous ne sommes pas encore en état de goûter et de savourer, nous le laissions de côté pour un autre temps. 


Il en est des vérités qui nourrissent notre âme comme des aliments qui nourrissent notre corps.

Nous avons parfois un appétit meilleur que d’autres, certains mets nous font alors un plaisir particulier. La même chose se produit à l’égard de vérités divines auxquelles nous sommes rendus plus particulièrement attentifs, et desquelles nous nous disons: «Ce sont là de précieuses vérités,», mais qui peuvent néanmoins fort bien ne pas arriver cette fois-là jusqu’à notre cœur, tandis qu’une autre fois elles nous seront peut-être une vraie nourriture, un délicieux breuvage, une vie, et que nous sentirons notre âme en recevoir de la vigueur et de la santé.

Il faut avoir soin de faire cette distinction: nous croyons TOUJOURS, mais nous jouissons davantage une fois bien plus qu’une autre.


* * *


4 Janvier 1745.

L'homme ne vivra pas de pain seulement.

La nourriture de Jésus, son armure tout entière, son bouclier et ses armes, c’était en réalité la Parole de Dieu.

Il arrive très souvent qu’il se rencontre dans la Bible une expression parfaitement claire, un mot tout à fait positif, auxquels on ne prend pas garde à force d’habitude, ou bien auxquels on attribue un sens soit trop profond, soit trop superficiel.

Il en est ainsi de cette réponse de Jésus à Satan, de laquelle on a tiré une foule d’idées mystiques. La plupart ont supposé qu’il y était question de la Parole de Dieu, de l’Écriture sainte et de son importance, tandis que la pensée du Sauveur était simplement celle-ci:

«quand on a reçu une Parole derrière laquelle on peut se retrancher; quand Dieu a parlé de telle sorte qu’on est en droit de lui dire: Tu m’as donné la parole! alors on a tout ce dont on a besoin; on peut se nourrir, on peut vivre.» Toute la question revient en effet à ceci:


SUR TA PAROLE, J’IRAI!

À TA PAROLE, JE FERAI!


Nous n’avons pas besoin d’autre chose dans l’église. Les ouvriers et les serviteurs de Dieu, où qu’ils soient, n’ont pas besoin de savoir autre chose sinon «LE SEIGNEUR L’A DIT!» Les disciples s'en allèrent et firent comme Jésus leur avait commandé.

À la fin de son ministère, Josué rend ce témoignage qu'il n'a pas manqué une seule des bonnes paroles que le Seigneur leur Dieu avait prononcées en faveur de son peuple.

Et Moïse fait ressouvenir Israël qu'il n'était pas tombé à terre une seule des paroles qui étaient sorties de la bouche de l’Éternel.

La pensée du Sauveur était donc qu’il pouvait SE REPOSER SUR LA PAROLE DE SON PÈRE; il lui suffisait de ne pas mourir, bien qu’il souffrît la faim.

C’est aussi là notre règle, et notre unique désir se résume en ceci: «Dis seulement une parole,» seulement un «Oui,» ou un «Non;» fais-nous connaître ta volonté, dis un seul mot.

FAIS QUE TA PAROLE SOIT CONTINUELLEMENT NOTRE NOURRITURE, dans la vie, dans la souffrance, à l’heure de la mort, dans le manger et le boire, dans la conservation de notre vie, dans ce que nous faisons pour ta sainte cause.

C’est là ce qui nourrit l’espérance de nos âmes et de nos corps.

Quand nous sommes attaqués, nous nous défendons avec la Parole;

Quand les ennemis invisibles nous enveloppent, nous les combattons au moyen de la Parole.

La voix la plus faible, si elle est parfumée d’onction, fait trembler Satan , et un seul mot de cette divine Parole auquel on le renvoie avec toutes ses exigences, suffit pour le mettre en fuite.


* * *


4 Janvier 1746.

La réponse de Jésus contient, à côté de sa simplicité même, une étonnante profondeur. Elle signifie en effet:

«il n’est nullement nécessaire que je change ces pierres en pain; car ce n’est pas à cause du manque de pain que je vis ainsi, c’est parce qu’il m’a été ainsi ordonné de Dieu.»

Il est incontestable qu’il dépend de la volonté de Dieu de conserver avec peu de chose la vie d’une foule de personnes, tandis qu’ailleurs beaucoup est insuffisant pour un petit nombre, lorsqu’il veut les châtier par là et montrer à leur égard la puissance de son bras.

Personne alors n’a assez pour n’être pas pauvre, et personne n’a trop peu pour n’être pas richement pourvu.

Il remplit de biens ceux qui ont faim, et renvoie les riches à vide (Luc 1, 53).

Il ne donne pas de grandes richesses à ceux qui ont faim, et cependant ils sont rassasiés;

Il ne prend rien aux riches, et cependant il ne leur reste rien.

La chose est dirigée de cette manière; elle se trouve tout entière dans ce seul mot: CONTENTEMENT ou MÉCONTENTEMENT.


Se décharger sur lui de tous ses soucis,

ou se tourmenter comme un païen.





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