Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS DE ZINZENDORF

Le témoignage rendu à Jésus.

(MATTHIEU 3, 16.)

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13 Janvier 1757.

Jean avait commencé par cette déclaration: Pour moi, je ne le connaissais point, mais Celui qui m'a envoyé baptiser d'eau m'avait dit: «Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et se fixer sur lui, c'est celui qui baptise du Saint-Esprit» (Jean 1, 33).

Il en avait été de même avec Samuel, lorsqu’il fit venir devant lui les fils d’Isaï dont l’un devait être sacré roi, et qui aurait choisi tous les autres plutôt que celui appelé par Dieu qui regarde au cœur; car lorsque le plus petit parut, l’Éternel dit aussitôt à Samuel: Lève-toi, et oins-le, car c'est lui (1 Sam. 10, 10-12).

Jean a dû de même apprendre à connaître son cousin comme l’homme sur lequel devait descendre le Saint-Esprit, parce qu’on ne devait point en rester à Jean et à son baptême d’eau; car il n’était que le précurseur d’un autre qui devait venir après lui.

Et dès cette heure, ce Jean, qui était lui-même un grand prophète, l’a reconnu sans réplique, l’a accepté avec un saint empressement et une joie intime, et s’est exprimé à son sujet de la manière la plus tendre: Celui qui possède l'Épouse est l'Époux, mais l'ami de l'Époux qui assiste et qui l'entend, est tout réjoui par la voix de l'Époux (il se réjouit, rien que d’entendre sa voix); c'est pourquoi cette joie que j'ai est accomplie (Jean 3, 29).


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4 Juin 1758.

Et voici les cieux furent ouverts, et il fut environné de milliers d’anges qui ne vinrent point l’entourer à l’heure de ses combats, bien qu’ils aient assisté souvent, invisibles, aux actes de sa vie terrestre, en aient été remplis d’admiration, et se soient courbés pour adorer.

Et Jean vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et se poser sur lui, en vue de la douloureuse carrière qu’il avait à parcourir. L’Esprit est descendu sur lui, et il y est demeuré (Jean 1, 32. 33).


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10 Janvier 1746.

Le Père a parlé du haut des cieux, afin que les hommes l’entendissent, et il a ainsi rendu témoignage à la divinité de son Fils.

Venez donc, vous tous de la maison de Christ, et marchons à la lumière du Seigneur. Et pour cela, soyons attentifs:

Quant au Père à cette parole: II A DONNÉ SON FILS.

Quant au Fils, à celle-ci: Demeurez dans mon amour, comme j’obéis aux commandements de mon Père, et je demeure dans son amour.

Quant au Saint-Esprit, à cet avertissement: Ne contristez pas le Saint-Esprit.

Nous aurons ainsi devant nous les trois qualités qui doivent se réaliser en chacun de nous, les trois dispositions selon lesquelles nous devons tous être formés au-dedans et au-dehors.

Quand ces choses sont devenues des réalités, on peut dire alors que le Père, le Fils et le Saint-Esprit reposent sur le cœur qui les possède, que l’Esprit du Père, l’Esprit du Fils, l’Esprit saint est véritablement sur lui.

Le Père a donné: et qu’a-t-il donné?

Le Fils qui était sa joie, dans lequel il prenait tout son plaisir!

Nous ne sommes point en état de comprendre ce que signifient, lorsqu’il s’agit du Dieu saint, ces expressions de joie, de plaisir en quelque chose.

Nous ne voulons point non plus rechercher ici ce qu’il voyait en son Fils dès les siècles éternels.

Ce sont là des choses desquelles nous ne pouvons absolument nous former aucune idée.

Nous dirons simplement qu’après s’être réjoui, le Père a donné la joie de son cœur:


IL A DONNÉ SON FILS, SON UNIQUE.


Ce moment a été, selon notre manière de nous exprimer, une détermination, une résolution, qui n’a pas pu se prendre sans douleur, sans amertume. Oh! s’écrie l’apôtre Paul, S’IL N’A POINT ÉPARGNÉ SON FILS, s’il l’a donné pour nous tous, y aurait-il quelque chose qu’il pût nous refuser encore?

Il a donné son Fils POUR TOUS, pour les impurs, pour les rebelles, pour les meurtriers! Il a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils; il a tant aimé les esclaves de Satan , qu’il a donné pour eux la joie de son cœur!

Ne voyez-vous pas, mes bien-aimés, que nous avons quelque chose à apprendre?

Car pour quelle fin l’a-t-il donné?

Était-ce peut-être pour qu'il devînt un roi?

NON, il l'a donné, il l’a sacrifié, il l’a abandonné entre les mains du Diable, car c’est au Diable que l’Écriture sainte impute la trahison de Jésus, les mauvais traitements qu’il a soufferts de la part des pécheurs; c’est le Diable qui l'a conduit au supplice.

Quel motif le Père aurait-il pu avoir, SINON L’AMOUR POUR NOUS, une générosité divine, la disposition d’un cœur dans lequel réside une grandeur mille fois plus magnifique, mille fois plus incommensurable que celle du monarque le plus grand, de l’homme le plus sage et le meilleur, quand leur cœur, leur être tout entier ne serait qu’amour.

Un père d’ici-bas ne doit donc pas se dire: «C’est une chose au-dessus de la conception humaine que de donner son fils en qui l’on a mis toute son affection, de le donner par amour, par miséricorde pour des indignes. Ce serait assez de laisser le sacrifice s’accomplir; mais donner son fils!»

OUI, IL L’A DONNÉ! «C’est pour cela que mon Père m’aime, et il ne me laisse pas seul, a dit Jésus; l’œuvre que j’accomplis fait sa joie, son plaisir; quand je fais le sacrifice de ma vie, quand je lutte avec la mort, c’est lui qui me soutient.»

Telle est l’inexprimable FIDÉLITÉ DU PÈRE À NOTRE ÉGARD, du cœur du Père à l’égard des créatures de son Fils, et cette fidélité nous dit:

«Vous devez être miséricordieux, comme votre Père qui est au ciel est miséricordieux; c’est à cela que vous devez tendre; vous devez prier pour cela avec ardeur, appliquer votre cœur tout entier à devenir tels que lui; et exercer:

premièrement la miséricorde envers Celui qui a donné sa vie pour vous, en lui livrant le cœur, le corps et l’esprit pour le réjouir;

en second lieu à l’égard de tous vos frères;

en troisième lieu à l’égard du monde entier;

en quatrième lieu à l’égard de tous vos ennemis.

Il nous faut être attentifs à ce que notre cœur embrasse ce qui nous aime et ce qui nous hait.»


Et c’est là ce qui s’appelle:

«MARCHER DANS LES SENTIERS DU PÈRE.»


Examinons maintenant ce que c’est que «marcher dans les sentiers du Fils.»

Pour cela, mes bien-aimés, nous devons en même temps aimer sans mesure, et honorer sans limite. Et s’il n’en est pas ainsi, c’est une grande faute; c’est une dissemblance avec notre Époux céleste.

C’est une faute grave lorsqu’une femme aime son mari, sans conserver vis-à-vis de lui le respect qu’elle lui doit, parce qu’il est l’image de Christ.

Mais quelle faute plus grave encore lorsque l’Épouse de Christ, l’Église, ne demeure pas continuellement pénétrée de respect pour son Époux éternel, et ne ressent pas au milieu même de la tendresse la plus intime, un penchant à l’adoration qui tempère cette tendresse, et lui arrache cette confession: «je suis ta créature, un grain de poussière, un atome, un rien!»

Écoutez-le lui-même:

«Vous devez suivre mon exemple, nous dit-il, j’aime mon Père du plus grand amour, je l’aime plus que vous ne pourrez jamais l’aimer; cependant j’obéis à la plus légère impulsion qu’il me communique; je garde le plus petit de ses commandements qui m’est aussi précieux, aussi indispensable que le manger et le boire; je vis dans l’obéissance vis-à-vis de lui.

Je lui suis néanmoins semblable; moi et le Père sommes un; je suis Dieu de nature; mais je n’en ai pas moins le plus profond respect pour lui; je lui suis soumis, et pourtant je l’aime, je l’aime au delà de ce qui peut s’exprimer, et je sais aussi qu’il m’aime, que je suis la joie de son cœur, et que tout ce qui est à lui est à moi.»

Voyons enfin ce que c’est que «marcher dans les sentiers du Saint-Esprit

J’appuie l’idée que nous devons nous faire de nos relations avec l’Esprit saint sur ces paroles: «Ne contristez pas l’Esprit!»

Mais comment ces paroles peuvent-elles s’appliquer au Saint-Esprit?

N’est-il pas l’Esprit tout-puissant, le Dieu éternel:

qui non seulement sonde les cœurs, mais les tient tous dans sa main,

qui donne à toutes choses la vie et le mouvement,

qui peut produire en nous notre première et notre dernière pensée,

qui distribue tous les dons selon son bon plaisir, et peut les reprendre tous aussi,

qui peut décider si une âme sera sauvée ou si elle sera éternellement perdue,

qui peut ressusciter les morts,

qui redonne la vie à la création tout entière, à la nouvelle création,

qui fera revivre nos corps mortels,

qui a ressuscité Jésus des morts?

Comment un tel Esprit peut-il se contrister?

Pourquoi ne fait-il pas toutes choses comme il les veut?

Cela provient de sa longanimité; IL EST PATIENT; il a un cœur maternel; il est indulgent.

Si l’on se souvenait sans cesse de la fidélité, de la sollicitude de l’Esprit, si l’on était constamment attentif à son onction, quelle éducation bienheureuse des âmes cela ne produirait-il pas? On se dirait alors sans cesse: «Comment pourrais-je me plaindre de la légèreté d’un frère, de l’amour-propre d’une sœur, de la mauvaise manière d’être d’un enfant, de l’inhabileté d’un ouvrier?»

Le Saint-Esprit, lui, n’a-t-il pas un cœur si tendre, si maternel, qu’il est joyeux et satisfait dès qu’il voit seulement devant lui ses enfants vivants, et ne lui en coûte-t-il pas énormément lorsqu’il doit parfois se montrer sévère et faire un exemple?

SI DONC NOUS VOULONS MARCHER DANS SES SENTIERS, nous devons nous revêtir de ses sentiments de tendresse, tellement que ce soit en réalité pour nous une plus grande souffrance lorsque nous sommes obligés de faire souffrir les autres, que lorsque nous souffrons nous-mêmes, et que nous trouvions en tous cas toujours plus d’excuses pour les autres que pour nous-mêmes.

Notre sérieux, nos regards attristés doivent produire sur leurs cœurs un effet infaillible, sinon rien n’est encore réel.

GLOIRE SOIT AU PÈRE, AU FILS ET AU SAINT-ESPRIT, comme il était auparavant et comme il est maintenant, et qu’il nous conduise par sa grâce, afin que nous marchions dans ses sentiers!


* * *


16 Janvier 1746.

Je veux m’entretenir aujourd’hui avec vous du bon plaisir que prend le Père dans les mérites de son Fils.

Commençons par poser en principe que LE SAUVEUR EST D’UNE VALEUR INAPPRÉCIABLE, dans ce sens aussi, qu’il est la loi vivante.

Et la raison véritable pour laquelle on envisage au milieu de nous la conduite légale, non seulement comme quelque chose d’inutile, mais même d’abominable, est celle-ci: c’est que la loi devient ainsi une rivale de la sainte personne de Jésus-Christ, une idole, un faux-dieu qui est mis en opposition avec le Sauveur lui-même, et DEVIENT ALORS UN RETRANCHEMENT DERRIÈRE LEQUEL SE RETIRENT TOUS LES TRAÎTRES QUI NE VEULENT PAS AIMER LE SAUVEUR.

Ils prétendent néanmoins vivre saintement, ou qui plutôt se revêtent de l’apparence de la sainteté pour cacher d’autant mieux leur inimitié contre Jésus, et se dispenser de suivre les ordonnances de sa maison, affectant d’imiter le Sauveur, et se couvrant d’un faux vernis de sainteté qui trompe les autres, et les empêche de distinguer ce qui est une vraie, image de Christ de ce qui ne l’est pas.

Les conséqences de cette erreur sont terribles; et comme le Sauveur est promis positivement dans les prophètes pour loi, et qu’il s’est représenté de cette manière dans sa sainte personne, en disant: «Me voici, il est écrit de moi dans le livre, dans la Thora et les prophètes; ta loi est écrite dans mon cœur; c’est dans mon cœur qu’il vous faut apprendre la loi de mon Dieu, c’est en moi qu’il vous faut l’étudier.»

C’est là en effet que se trouvent l’Urim et le Thummim;

c’est là qu’est la Schechina;

là que se trouve chez elle l’image de Dieu;

là que se rencontrent toutes les qualités, tous les traits de cette image;

là que demeurent tous les instincts d’un enfant de Dieu;

là qu’est la sainteté intrinsèque des choses, de la matière et des personnes;

là que se réalisent l’obéissance de la créature vis-à-vis de son Créateur, l’obéissance de l’enfant vis-à-vis de son Père;

là, l’affection réciproque, cordiale, humble, liturgique;

là, l’obéissance de l’écolier vis-à-vis de l’Esprit saint; tout est là, visible, incarné, et quiconque veut ces choses ne doit pas les chercher dans un livre, ni les apprendre par le moyen de préceptes et de recettes de morale.

Car en possédât-on un grand nombre;

connût-on même le livre tout entier qui contient depuis le plus grand jusqu’au plus petit de ces conseils de la sagesse,

eût-on rassemblé tous les meilleurs matériaux et construit à grand peine un laboratoire,

eût-on même le feu véritable,

eût-on tout ce qui est nécessaire pour une œuvre aussi grande que celle de former une sainteté pareille à celle de Jésus,

LA CLEF DE VOÛTE (le Seigneur Jésus) FERAIT POURTANT TOUJOURS DÉFAUT, et l’on n’arriverait à aucun résultat véritable; tout s’écroulerait de nouveau en un instant; et voulût-on recommencer à y travailler durant une nouvelle série d’années, cela n’irait pas mieux, et l’on finirait par quitter ce monde comme un alchimiste, en n’emportant que de la fumée.

Oui, pour qu’un homme puisse être saint, puisse être vertueux, pour que le Saint-Esprit puisse remplir à son égard avec joie et bonne volonté sa vocation maternelle, pour que l’Époux puisse l’aimer et lui donner le baiser de paix, pour que les saints anges se fassent une joie d’avoir à s’occuper de cet enfant, il faut qu’il cherche UNIQUEMENT sa sainteté dans le cœur de JÉSUS, dans la personne de JÉSUS, et il ne doit pas même savoir comment il parvient à la posséder.

IL N’A BESOIN DE SAVOIR QU’UNE CHOSE, c’est que son JÉSUS L’AIME BEAUCOUP PLUS QU’IL NE PEUT LE CONCEVOIR; alors l’homme nouveau est formé, d’abord comme enfant, puis comme jeune homme, et enfin comme homme fait, aussi bien au-dedans qu’au-dehors; mais dès la première minute de son existence, il est ce qu’il doit être à toujours, rendu agréable dans le Bien-aimé.

CE QUE JÉSUS LUI-MÊME A ÉTÉ AUTREFOIS POUR LE PÈRE CÉLESTE, lorsque celui-ci le contemplait du haut des cieux et se réjouissait en lui; ce qu’il a été pour le Saint-Esprit, qui s’est tenu continuellement à ses côtés, C’EST CE QUE DEVIENT LE NOUVEL HOMME dès le premier jour de sa vie spirituelle:

il arrive à la lumière, il est porté, il est nourri;

il pourra encore verser des pleurs;

il pourra encore être malade;

il pourra avoir bon ou mauvais visage;

il pourra encore avoir en lui bien des choses contre lesquelles d’autres se heurteront, et à cause desquelles il sera inférieur à ses frères en beauté, en amabilité, en habileté:


MAIS IL N’EN SERA PAS MOINS UN ENFANT NÉ DE NOUVEAU;

Il sera soigné comme tel, et aura sa place parmi les membres de la famille.


C’est là proprement le bon plaisir que Dieu prend en ses enfants; c’est de là qu’il découle.

Mais là aussi est pour nous la source de l’humilité.

Car lorsqu’un enfant de Dieu se considère lui-même, et qu’il a la certitude d’être bien réellement un enfant de Dieu, il n’en résulte nullement le danger que se sont imaginé les bonnes âmes de l’Église catholique et d’ailleurs, savoir qu’il doit s’en suivre une très haute opinion de soi-même, une forte dose d’orgueil, et qu’en pensant: «je suis un enfant de Dieu, je suis sauvé, je suis déjà dans le ciel, je vis déjà dans l’éternité parce que je vis en Jésus,» on tombe ainsi dans un orgueil insupportable.

Non, certes; l’effet qui se produit est entièrement contraire, car alors vient la sainte confusion qui nous fait voir en nous tant de choses peu propres par leur nature à nous élever, que nous sommes bien heureux de nous oublier nous-mêmes pour ne plus nous souvenir que d’une chose, C’EST QU’IL EXISTE UN SAUVEUR, et que nous appartenons à ce Sauveur, que NOUS SOMMES ATTACHÉS À CE SAUVEUR, que NOUS VIVONS DANS CE SAUVEUR, et que c’est pour l’amour de ce Sauveur que nous sommes agréables au Père du ciel, aimés et considérés par lui.

S’il était possible qu’on apprît ces choses par de longues et laborieuses années d’études, ou par l’expérience, il pourrait arriver en effet qu’un homme de 80 ans, qui en serait à sa cinquantième année d’étude, ne se trouvât néanmoins en fin de compte qu’un grand ignorant, bien qu’il pût difficilement ne pas tomber dans la bonne opinion et la satisfaction de lui-même et de sa science.

Mais parce que la foi est une chose universelle, parce qu’on a des milliers de frères et de sœurs de toute espèce, grands et petits, riches et pauvres, intelligents et bornés, parce que C’EST UNE AFFAIRE DE CŒUR QUE CHACUN PEUT S’APPROPRIER, il n’y a pas plus de motifs de s’en glorifier que de l’air que nous respirons, de la vue, de l’ouïe et du mouvement. «Que je suis une heureuse créature! je vois, j’entends, je marche, je parle!»

Cela ne doit pas aller plus loin: la bonne opinion qu’on a de son existence, de la possession de ses sens, de sa pensée, de la grâce d’être une créature humaine, d’être sous l’élection de grâce, celle qui nous apprend à traiter nos membres et notre homme extérieur tout entier d’une manière convenable et avec respect, c’est là le seul orgueil qui découle de la certitude de notre salut.

Cette disposition est nécessairement accompagnée de la pensée qu’il existe un Sauveur et Créateur de toutes choses, qui s’est revêtu de notre pauvre chair et de notre sang, et que je suis, moi, os de ses os, et avec moi des milliers de créatures.

Gloire, louange, honneur et magnificence lui soient rendus pour moi et pour tous mes frères! tel est le cantique qui s’échappe alors de notre cœur.

Dès qu’on a saisi ce point de la sainteté, ou plutôt de la sanctification,

on sait qu’aussitôt que nos péchés nous sont pardonnés en son Nom ,

aussitôt que l’Esprit saint nous a déclarés absous,

aussitôt que le Père nous a donné le baiser de paix, nous a acceptés pour ses enfants, et que nous avons reçu sa bénédiction paternelle pour l’amour de son Fils bien-aimé,

aussitôt aussi nous avons le droit de penser à lui devenir semblables; semblables d’esprit et de cœur à Celui auquel nous sommes maintenant unis pour l’éternité, et auprès duquel nous demeurerons à jamais.

Alors la morale règne dans le cœur, alors existe le penchant pour les bonnes mœurs, alors se développe le désir d’être semblable à ce Jésus au cœur intime, humble, qui a marché aussi par la foi, confiant, chaste, généreux, miséricordieux, plein de grâce.

Le désir de notre âme qui tend vers notre céleste Époux, nos secrets soupirs après lui, nos larmes de tristesse, lorsqu’il ne nous est pas à toute heure ce qu’une mère est à son enfant, ce sont là nos délices dans la loi de l’Éternel selon l’homme intérieur. Et partout où se rencontrent ces saintes aspirations produites par l’Esprit, là est la foi.

C’est là vivre dans la foi au Fils de Dieu, espérer en lui, bien qu’on ne le voie point encore, se confondre par la foi avec la précieuse, l’intime personne qui nous appartient pour l’éternité, et que ni le Diable, ni le monde ne peuvent nous ravir.

C’est pourquoi nous veillons;

C’est pourquoi nous parlons;

C’est pourquoi nous dormons en son Nom;

C’est pourquoi nous sommes malades en son Nom;

C’est pourquoi nous sommes pèlerins en son Nom;

C’est pourquoi nous délogeons en son Nom!

Tout cela sur son compte et à ses frais; tout cela en vue de lui, parce que NOUS LUI APPARTENONS, parce que nous nous appelons chrétiens, parce que nous avons été tirés de lui, parce que nous avons été formés en lui lorsqu’il a rendu l’esprit.

C’est ce moment qui nous introduit dans la sainteté, qui fait de nous des hommes tout nouveaux, quant au cœur, quant à l’esprit, quant à la volonté, quant à toutes nos forces; qui nous apprend à croire, comme l’Agneau, à espérer, comme l’Agneau, à craindre, comme l’Agneau, à pleurer et à nous réjouir, comme l’Agneau, et cela AVEC UNE CONTINUELLE PENSÉE VERS LUI, UNE CONTINUELLE TENDRESSE POUR LUI.

Nous mangeons, nous sommes en santé, nous travaillons, nous parlons, nous écrivons, nous donnons, nous veillons, mais toutes ces choses se font comme à moitié, avec une certaine absence de l’esprit, et celui qui nous observerait attentivement, ne tarderait pas à s’apercevoir que tout cela n’est pas notre chez-nous, et se dirait que nos pensées sont ailleurs.

«Où donc êtes-vous?

Où désirons-nous être pour l’éternité!

Vous ne vous sentez donc pas à la maison?

Oui, nous sommes à la maison, mais non pas entièrement; ici, ni les choses, ni les hommes ne nous possèdent en entier; nous vivons, mais non pas nous, Christ vit en nous, et il vous faut être satisfaits que ce que nous faisons et ce que nous disons soit encore bon à quelque chose; car si nous étions seuls pour ces choses, vous auriez à faire à des hommes qui ne seraient pas à eux.»

Oui, c’est un bonheur que nous ne vivions pas seuls, et que CHRIST VIVE EN NOUS, car:

il subvient à tout; lorsque nos pensées ne sont pas en ordre, lui les met en ordre;

Il nous met les paroles sur les lèvres;

Il règle nos actions; il saisit nos affaires, afin qu’elles ne nous échappent pas des mains;

Il accomplit notre travail, afin qu’il réussisse;

Il trace la route à nos pieds, pour que rien ne se néglige, et que nous ne nous arrêtions pas vingt fois en chemin pour réfléchir que Dieu s’est fait homme, que nous sommes siens, que nous lui appartenons, que nous ne sommes pas ici chez-nous, et que nous irions volontiers nous reposer entre ses bras.

Dans ce cas il nous retient, il nous fait sentir sa présence en esprit, et nous nous apercevons que nous ne sommes pas entièrement seuls, que l’absence n’est pas si complète, que son Esprit nous enveloppe, que nous sommes appuyés sur son bras, et cela nous console et nous maintient en nous-mêmes.

Si notre éloignement de lui nous devient néanmoins parfois trop pénible, il nous apparaîtra aussi un moment ou un autre d’une manière extraordinaire, soit dans sa forme sanglante à la croix, soit dans telle ou telle circonstance de sa vie terrestre qui nous est particulièrement importante, édifiante, attrayante, et nous oublions de nouveau notre tristesse, le deuil de notre âme se dissipe, nous ne pensons plus aux misères de cette pauvre vie, parce que son cœur nous réjouit, parce que nous l’avons comme entrevu, parce que nous nous sommes restaurés dans la proximité de son cœur.

C’est là, à proprement parler, ce qui fait qu’on peut en user avec nous comme avec des gens ordinaires, c’est que nous ne sommes pas seuls, mais que son Esprit nous environne sans cesse, et que nos actes ne sont pas accomplis au hasard, mais sont soumis à la détermination du Père céleste qui a tout préparé en vue du règne de son Fils, et qui a d’innombrables serviteurs, dirigeant tout, et mettant tout en ordre lorsque quelque chose doit s’effectuer.....

Il me reste encore un mot à ajouter.

C’est qu’il ne pourra jamais être proposé, en dehors de la personne et de l’exemple de notre Sauveur Jésus-Christ, un fondement vrai sur lequel puisse être basée une appréciation équitable du juste et de l’injuste; c’est là une chose impossible.

Aussitôt, au contraire, qu’on appartient au Sauveur, on possède aussi à l’instant, au dedans de soi, non seulement la mesure réelle du juste et de l’injuste, du bien et du mal, sans avoir besoin même d’y arrêter sa pensée, mais il se produit en même temps une juste proportion de toutes choses qui s’étend jusqu’aux personnes et aux circonstances, ce qui n’a nullement lieu quand on distingue simplement entre vices et vertus; en un mot:


tout ce qu’on cherche dans la morale se trouve réuni en un tout,

aussitôt qu’on regarde au Sauveur; tout se trouve résumé dans son humanité.


Le fait admirable, qui résoud tant de difficultés, se réalise également alors, savoir que ce qui est permis à l’un, n’est pas permis à l’autre, que ce qui est mauvais parfois pour un seul des frères peut-être, est au contraire louable et bon pour des milliers d’autres; et cela se trouve si clairement dans la Morale véritable et vivante, dans la Loi vivante, dans notre Seigneur Jésus-Christ, qu’il ne nous reste plus rien à désirer à cet égard.

LA se trouve aussi la réelle appréciation des choses qui sont de Dieu, et de celles qui sont de César.

Dieu agissant, par des motifs de sa profonde sagesse, tantôt en sa qualité de Créateur, tantôt comme Autorité suprême, comme chez les Juifs; tandis que d’autres fois il laisse l’autorité temporelle devenir son image sur la terre, soit quant à l’ensemble, soit pour tel ou tel pays, telle ou telle ville, peut-être pour un seul village, pour une seule maison, où certaines choses sont ordonnées et d’autres défendues, et deviennent pour cette raison bonnes ou mauvaises; il peut arriver même que les mêmes choses soient ordonnées dans un endroit et défendues dans un autre, ou vice versa.

Mais précisément parce que dès l’instant où l’on est, où l’on vit dans le Sauveur, LE SAINT-ESPRIT SANCTIFIE CHAQUE CŒUR EN PARTICULIER, forme chaque enfant de Dieu quant à l’esprit, au cœur, à la conduite selon qu’il est convenable pour la société.

Le lieu, le but qui lui sont assignés, aussi bien que d’après sa disposition particulière et son caractère, et le rend bienheureux, rempli de la vie d’en haut, conforme à l’image de son Époux céleste, et propre à édifier ceux qui l’entourent, toutes préoccupations secondaires et toutes conclusions hasardées nous sont ainsi épargnées, et la chose existe, elle est là, nous la possédons sans le savoir, et nous ne nous apercevons que nous pourrions fort bien ne pas l’avoir, que lorsque, venant à nous éloigner de Celui qui est notre Vie....

C’est sans contredit une chose précieuse au-delà de toute expression, de pouvoir dire avec une entière certitude, avec une pleine assurance: «Je fais ceci, je ne fais pas cela, je puis telle chose, je ne puis pas telle autre,» et DE POUVOIR L’AFFIRMER SANS EN FAIRE LA MOINDRE APPLICATION À CEUX QUI NOUS ENTOURENT; car c’est de là aussi que découle le bonheur de ne point se scandaliser à l’égard des autres, comme l’exprime l’apôtre Jean: Celui qui est né de Dieu ne voit rien en son frère qui le fasse tomber (1 Jean 2, 10); il sait ce qu’il doit faire, il connaît sa propre hygiène, mais il ne connaît pas celle de son frère.

Cela produit alors une communion mutuelle, affectueuse, intime, cordiale, aimable. Non seulement d’innombrables mésintelligences sont alors dissipées, mais elles n’arrivent plus même à se produire.

On s’accorde sur les choses capitales; on parvient à une identité de principes qui naissent instantanément dans le cœur; le moment vient, où LE CŒUR EST UN CŒUR SELON DIEU, un cœur de l’Agneau; où la chose n’est plus en question, où l’on n’a plus besoin d’y réfléchir, où l’on est assuré que cela est devenu notre nature, que nous sommes tels en réalité; et que si nous ne faisions pas telle chose, nous agirions contre Jésus-Christ et contre notre nature, et que si nous faisions telle autre chose, nous nous renierions également nous-mêmes.

C’est ainsi qu’il en est, mes bien-aimés, dans la plupart des choses qui regardent l’abaissement ou l’élévation du cœur, l’avarice ou la générosité, la paresse ou l’amour du travail, l’amour ou la haine, les joies communes ou la douleur.

Ce sont alors des cœurs qui sont tous comme un seul cœur; il n’y a pas la plus légère différence;

C’est on n’a pas besoin de la moindre réflexion; car on est ainsi, ou on ne l’est pas;

C’est on est ce que serait le Sauveur lui-même à l’égard de telle ou telle chose, ou l’on est ce qu’il ne serait pas; IL N’Y A PAS D’ALTERNATIVE.

L’acte qui doit être accompli, la parole qui doit être prononcée, l’occasion dont on pourrait profiter, sont avantageux ou préjudiciables à la cause du Sauveur, il lui importe qu’il en soit de telle ou telle manière; il y perd ou il y gagne, c’est là tout.

Il n’existe par conséquent nulle part dans le monde, en dehors du Sauveur, une certitude en matière de vertu; C’EST LUI qui nous rend semblables les uns aux autres, C’EST LUI qui nous rend saints et heureux, des enfants de Dieu, et qui nous fait atteindre les divers degrés auxquels nous devons arriver...


 


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