Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

DISCOURS DE ZINZENDORF

Le nom de Jésus

----------

(À part quelques exceptions, ce sont plutôt des fragments de discours, et même parfois des pensées isolées; la richesse des matériaux rendait impossible une reproduction complète, qui d’ailleurs aurait offert plus d’une répétition d’idée.

Quant aux dates inscrites en tête de chaque morceau, elles indiquent l’année où ce discours a été prononcé, et il nous a paru que pour tout lecteur un peu versé dans la connaissance de l’histoire de l’Unité des Frères, ces dates devaient offrir un intérêt véritable; c’est pourquoi elles ont été conservées.)


(26 février 1738.)

L’ange du Seigneur apparut à Joseph dans un songe, et lui dit: «Joseph , fils de David, ne crains point de recevoir Marie, ta femme; car ce qui a été conçu en elle, est du St-Esprit. Et elle enfantera un fils, et tu appelleras son nom Jésus, car il sauvera son peuple de leurs péchés.» (Mat. 1, 20. 21.)

Et il n’y a point sous le ciel d’autre Nom qui ait été donné aux hommes, par lequel ils puissent être sauvés. (Act. 4 , 12.)

Son Nom est une forte tour, et la ville de refuge dans laquelle nous pouvons nous retirer. (Prov. 18, 10. Nomb. 35, 15. 28.)

C’est là ce qui n’est compris que par un bien petit nombre d’hommes.

L’ange du Seigneur explique à Joseph ce que ce Nom signifie: TU APPELLERAS SON NOM JÉSUS, CAR IL SAUVERA SON PEUPLE DE LEURS PÉCHÉS.

Cette explication était nécessaire pour deux raisons:

D’abord parce que les Juifs, aveuglés par leur propre esprit, attendaient le Messie comme roi temporel, et ne regardaient qu’à leur état misérable et à l’oppression étrangère sous laquelle ils gémissaient.

C’est la manière d’agir de tous les hommes dans l’état naturel; ils ne connaissent point d’autres malheurs que les souffrances corporelles, et les afflictions particulières ou publiques, et NE VEULENT PAS SE LAISSER CONVAINCRE QUE LE PÉCHÉ EST LA VÉRITABLE CALAMITÉ; c’est pourquoi le prophète s’écriait déjà: Pourquoi les hommes se dépitent-ils (se plaindraient-ils) contre la vie? Qu'ils se dépitent (se plaignent) contre leurs péchés! (Lam. 3, 39.)

En second lieu, parce que les Juifs auraient pu conclure, des délivrances d’autrefois, que leur Silo serait semblable à l’un de ces libérateurs que le Seigneur envoyait à son peuple, lorsqu’il était dans la détresse et qu’il criait à lui, comme avaient été les Juges qui l’avaient délivré de ses ennemis, et avaient rétabli toujours de nouveau le gouvernement de Dieu tombé en ruines, ce qui leur avait fait donner le nom de sauveurs de la nation.

Les Juifs auraient pu facilement appliquer cette expérience de leur histoire à leur situation vis-à-vis des Romains dont-ils ne supportaient la domination qu’avec peine. C’est pourquoi les anciens prophètes déjà avaient dit: Voici ton Roi vient à toi débonnaire (Zach. 9, 9). Toutes les idées de Gédéon, de Samson, de Baruc, tombaient ainsi d’elles-mêmes.

C’est pourquoi aussi Jean fut envoyé au peuple, afin de lui expliquer que la délivrance promise consistait en toute autre chose, savoir, dans la rémission des péchés (Luc 3.3).

Et c’est également pour la même raison que l’ange déclare expressément que le Sauveur délivrera son peuple de la misère ET de l’empire du péché.


Il est apparu, afin qu’il ôtât nos péchés

(1 Jean 3, 5).


Mais quel est le peuple qu’il doit délivrer?

C’est là ce que comprenaient sans peine les Juifs qu’il avait toujours reconnus tout particulièrement comme siens. Je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël (Matt. 15, 24). Il est venu chez soi, et les siens ne l’ont point reçu (Jean 1,11).

Mais comme son ministère ne fut nulle part aussi mal reçu que dans sa patrie et au milieu de son peuple, et que les Juifs ne voulurent pas l’accepter pour leur Messie, car ils voulaient un roi d’Israël temporel, qui les rendît heureux par le rétablissement d’un royaume temporel, les gentils furent dès lors appelés à ce royaume spirituel, oui, LE MONDE TOUT ENTIER Y FUT APPELÉ, et maintenant cette expression son peuple a une étendue sans limites.

J’ai encore d’autres brebis, disait Jésus, qui ne sont pas de cette bergerie, et il me les faut aussi amener (Jean 10, 16).

Nous ne sommes en effet ni du tronc, ni de la bergerie de Juda, mais NOUS AVONS ÉTÉ APPELÉS PAR GRÂCE, et nous devons en quelque sorte remplacer les héritiers directs.

C’est pourquoi il est écrit, Matt. 28, 19: Allez et enseignez toutes les nations, et prêchez l’Évangile à toute créature, en commençant par Jérusalem; et vous serez mes témoins tant à Jérusalem que dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout de la terre (Act. 1, 8).

C’était le désir le plus ardent, le vœu le plus intime du Sauveur, de voir bientôt se répandre en tous lieux le feu qu’il était venu allumer sur la terre.


IL EST LE SAUVEUR DE TOUS LES HOMMES (1 Tim. 4, 10),

mais ceux qui croient en lui en font seuls l'expérience, en jouissent et en profitent.


Les apôtres, dans tous leurs discours et leurs écrits, offrent le salut à tous d'une manière si pressante et si générale, que quiconque le veut, a droit et espérance de l’obtenir. Car:

Jésus est le Réparateur de toutes les brèches,

le Sauveur suffisant pour la guérison du genre humain tout entier,

et la Victime de propitiation, non seulement pour nos péchés, mais aussi pour ceux de tout le monde (1 Jean 2, 2).


L'ancienne paroi de séparation est renversée; les abîmes sont comblés; tellement que ceux aussi qui étaient loin sont approchés par le sang de Christ (Eph. 2, 13.)

Cette universalité du salut n’est nullement en contradiction avec les propres paroles de Jésus: Tu as donné à ton Fils pouvoir sur tous les hommes, afin qu'il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés; — Je ne prie point pour le monde, mais pour ceux que tu m'as donnés (Jean 17, 2. 9).

Il s’agissait alors d’un testament, et Jésus avait à instituer ses héritiers et à désigner des legs. Mais bientôt après, sur la croix, il ne s’occupe plus exclusivement des siens qui étaient dans le monde, et qu’il avait aimés jusqu’à la fin, il se souvient aussi de ses bourreaux, de ses ennemis, des plus grands pécheurs, des criminels, et il prie pour eux (Ésaïe 53, 12).

Le premier exaucement de sa prière se manifeste à l’égard d’un de ceux qui étaient crucifiés avec lui, et qui, converti par son intercession, devient à l’instant même son ami.

Mais qu’est-ce que le péché duquel il doit nous délivrer?

Que le péché soit en lui-même une chose mauvaise, et qui ne peut procurer le bonheur de l’homme, c’est là ce que chacun sait et reconnaît, et il serait superflu de nous arrêter à décrire ce qu’il est d’une manière minutieuse; mais on peut le désigner sommairement d’après Jean 16, 9. Ne pas croire en Jésus, c’est là le péché, qui conduit soit à haïr directement le Sauveur (Jean 15, 18. 19), soit à n’éprouver pour lui, à cause du sens charnel, aucune affection, aucun penchant, et à ne désirer nullement sa communion (Rom. 8, 7).

Et cette inimitié de l’incrédulité va si loin que des enfants et des serviteurs de Dieu, chez lesquels on ne remarque absolument rien de choquant, et qui possèdent au contraire beaucoup de qualités aimables, sont haïs et méprisés uniquement parce qu’ils sont du nombre des amis de Jésus. Vous serez haïs de tous à cause de mon Nom (Matt. 10, 22).

Cette parole se réalise au sein même de la chrétienté.

Chacun sait en effet que ce n’est point un honneur ni un mérite aux yeux des hommes que de déclarer franchement vouloir suivre Jésus. De combien d’opprobre et de persécutions n’est pas au contraire souvent accompagné le témoignage qu’on rend de lui?

II est vrai que les témoins de Jésus ne se laissent pas arrêter par ces contradictions, parce que l’amour pour la croix de Christ, et le bonheur dont ils jouissent dans la communion de leur Maître, leur sont plus précieux que toute autre chose au monde. Ils savent d’ailleurs que Jésus le premier a été plus qu’ils ne le seront jamais eux-mêmes, haï et persécuté (Jean 15, 18), et que l’opprobre dont on les couvre n’est rien en comparaison de celui auquel il a été exposé durant sa vie (Nous avons comme caché notre visage arrière de lui, dit Ésaïe au nom des Juifs, tant il était méprisé, et nous ne l'avons rien estimé, Ésaïe 53, 3), et de celui qu’il doit supporter encore tous les jours de la part du monde. Dans les souffrances, comme en toute autre chose, notre Maître a le pas sur nous.

Rappelons-nous seulement, chacun en particulier:

le peu d’affection et de respect que nous avons eu pour lui,

la misérable opinion que nous nous sommes faite de lui dès nos plus jeunes années,

les mauvais penchants de nos cœurs,

notre ingratitude à l’égard de ses mérites,

notre répulsion à le suivre,

notre crainte secrète vis-à-vis de ceux qui étaient siens,

à nous, qui nous appelons cependant tous chrétiens, et qui avons tous été baptisés en son Nom.

LE PÉCHÉ GÎT DONC DANS L’INCRÉDULITÉ, et se manifeste soit par l’indifférence, l’éloignement, la froideur pour le Sauveur, soit par une inimitié déclarée et une rébellion ouverte.

La manifestation du péché en actes que la conscience et la loi condamnent, n’est que la conséquence et la preuve de la corruption intérieure; C’EST DANS LE FOND DU CŒUR QUE LE PÉCHÉ LUI-MÊME DOIT ÊTRE CHERCHÉ, et c’est en effet d’après l’état de leur cœur que les hommes se rangent en deux classes:

ceux qui sont entièrement morts,

et ceux qui ont été rappelés à la vie.

Ceux qui sont complètement morts et insensibles à leur état, c’est-à-dire qui demeurent en repos, sont considérés pour la plupart comme des gens de bien, honnêtes, paisibles, même comme des gens pieux et craignant Dieu, parce qu’ils ont conservé un sentiment de Dieu, et que leur conscience parle encore. Mais ils n’en sont pas moins complètement morts à l’égard du Sauveur, insensibles et froids quant au seul bien véritable; pour ce qui regarde Jésus, ils vivent sans lui, c’est-à-dire sans Dieu.

Ils peuvent, il est vrai, avoir malgré cela de très bonnes intentions, chercher à faire le bien, être remués par des exhortations de la Parole de Dieu, ou par la puissance de la grâce prévenante; ils peuvent en venir même parfois à des conclusions solides et à des réflexions sérieuses; mais cela ne va pas plus loin, et tout reste dans le domaine de l’imagination ou de la raison pour s’évanouir de nouveau bientôt après; aussi cela ne peut être une naissance qui vienne de Dieu, puisque cet état n’est point permanent.

Il peut se rencontrer même que de telles personnes ne soient nullement ennemies du règne de Dieu, que non seulement elles n’y apportent aucun obstacle, mais qu’elles s’emploient même utilement, et qu’elles aiment ce qui est bon; mais leur cœur demeure pierre.

Elles peuvent aussi arriver à comprendre qu’elles sont misérables et n'ont rien à offrir à Dieu; mais ce sont là des pensées fugitives qui ne les laissent pas moins paresseuses, négligentes et insouciantes, et elles ne peuvent s'arracher à cet état elles n'ont point de force pour s’aider elles-mêmes, et demeurent ainsi dans la mort.

Néanmoins elles restent affectionnées au bien, et leur cœur est l’objet de la tendre sollicitude du Sauveur, de sorte qu'elles seront promptement secourues, dès qu’il verra le moment favorable pour les conduire sur les sentiers de la grâce; à moins qu’elles ne se complaisent assez dans leur état pour y périr misérablement.

Ces morts spirituels sont tantôt des gens vertueux, qui poussent parfois si loin leur fausse piété encouragée par Satan, et leur prétendu amendement, qu'ils finissent par marcher en apparence dans la sainteté des anges; tantôt des gens vicieux, qui, bien que vivant eux-mêmes dans tous les péchés, ne blasphèment pas néanmoins, et laissent tranquillement subsister le bien, comme Félix, car ILS SONT MORTS QUANT AUX CHOSES SPIRITUELLES.

Une autre espèce d’incrédules se compose non de morts, mais de vivants, d’incrédules actifs, animés de l’esprit du Prince de ce monde, et enflammés du feu de la géhenne. (Jacq. 3, 6.)

Ils portent en eux l’image du Diable, et sont des ennemis déclarés, manifestés, déjà condamnés, du règne de Christ, cherchant par mille moyens et avec intention à lui susciter des obstacles, et se faisant un mérite particulier et un devoir de religion de se laisser employer comme instruments contre l’œuvre et les serviteurs de Dieu; ils en retirent souvent plus de honte et de dommage que de gloire et de profit, et ne le font pas moins.

Ils deviennent ainsi de dangereux instruments de Satan , jusqu’à ce qu’ils finissent par être ses martyrs; mais ils sont en même temps des pécheurs qu’il est presque impossible de convaincre, à cause des motifs bien arrêtés de leur erreur, et le Seigneur doit se servir pour les sauver, si cela doit arriver jamais, de moyens tout à fait extraordinaires.

Ceux-ci également sont tantôt vertueux, comme Saul qui ne respirait que le carnage et croyait devoir combattre à outrance le Nom de Jésus, tout en étant irréprochable quant à la justice de la loi, et parfaitement pieux quant aux ordonnances; tantôt vicieux, devenus au milieu même de leurs grossiers péchés, des moqueurs et des ennemis de la Vérité, pour lesquels les serviteurs et les servantes de Christ sont insupportables, parce qu’ils condamnent leur conduite: l’histoire d’Hérodias en est un frappant exemple (Marc 6, 18. 19).

Tous ces différents pécheurs, sans distinction, sont malheureux et perdus, et il leur fallait un Libérateur qui vînt à leur aide, s’ils devaient être sauvés.

Mais qu’est-ce qu’être sauvé?

C’est être arraché à la domination des ténèbres, et transporté dans le royaume de Jésus, qui est lumière.

Il est venu délivrer les morts de leur mort,

rendre à la liberté les esclaves de Satan ,

enlever l’inimitié et l’incrédulité,

et donner en échange la foi et l’amour.

Il faut que le Sauveur lui-même opère le commencement d’une semblable délivrance, et tout véritable témoin de Jésus se gardera d’exiger jamais d’aucun homme qu’il commence à se délivrer lui-même. Le Sauveur a dit: JE les attirerai tous à moi, ils n’auront qu’à se laisser sauver et réconcilier.

C’est LUI qui veut tout opérer par son Esprit, allumer son feu sur la terre, répandre son amour dans tous les cœurs, faire revivre les morts en leur communiquant son souffle de vie; il suffit de se tenir en repos, d’attendre, d’être attentif à écouter sa voix lorsqu’il s’approche du cœur avec sa puissance, son feu, sa force d’attraction et son Esprit, et de ne consulter alors ni la chair ni le sang, mais d’obéir à l’instant même à son impulsion divine.

C’est à Dieu à déterminer selon sa sagesse quelle est la manière la plus favorable de s’approcher de chaque âme en particulier. Les méthodes, les occasions, les moments sont si différents qu’il est impossible de les déterminer à l’avance. L’un est saisi par le Seigneur au moment où il écoute une prédication, un autre dans sa maison, un troisième sur le grand chemin, un quatrième au milieu des champs, un cinquième au sein même de ses péchés.

C’est pourquoi il n’est pas selon l’Évangile de prescrire certaines règles, d’exiger certaines méthodes, de vouloir certaines dispositions dans lesquelles les âmes devraient se trouver préalablement, ni de s’attacher à quelque chose de méthodique quand on travaille à enrôler des âmes sous la bannière du Sauveur.

IL FAUT ABANDONNER À LA LIBRE GRÂCE DE DIEU LE CHOIX DES MOYENS dont elle pourra et voudra se servir pour arriver jusqu’à elles. Mais comme le Seigneur est toujours disposé à aller au-devant de toute âme par sa grâce prévenante, c’est un péché criant et inexcusable que de chercher à se soustraire à l’action du Saint-Esprit, au moment où il s’approche avec sa force divine, ou de demeurer indifférent ou léger à l’égard de ses invitations et de ses appels.

Il peut arriver ainsi qu’on laisse passer un moment duquel dépendait une grande grâce et un grand salut, un moment qu’on ne pourra retrouver peut-être durant des jours et des années, et qu’on cherchera en vain jusqu’à ce que le Saint-Esprit, qui, dans cet intervalle, s’en est allé en son lieu (Osée 5, 15), revienne dans ses compassions.

Aussi, lorsque viennent ces heures de grâce, ces moments favorables, il faut tout abandonner et tout laisser en suspens, parce que toutes choses, sans en excepter les affaires les plus importantes de la vie, peuvent être remises à un autre temps, plutôt qu’une de ces visites.

Oui, fût-on dans un temple, si l’on vient à sentir dans son cœur que le Saint-Esprit commence une de ses prédications intimes, il faut, selon le conseil de Luther, laisser prêcher le prédicateur visible, et suivre de préférence avec recueillement l’impulsion de grâce de Celui qu’on ne voit pas.

Il faut y être attentif afin de ne pas gâter, ni contrarier, ni arrêter l’œuvre de Dieu, mais de l’affermir au contraire par la prière et la supplication.

Et cela peut se faire d’une manière bien simple, dans le secret du cœur, si on ne le peut autrement, par ce seul soupir: «Seigneur, aie pitié de moi! Seigneur sois apaisé envers moi qui suis pécheur!» soupir qui a autant de valeur devant Dieu que beaucoup de paroles; car Moïse ne prononçait pas un mot (Ex. 14,15), et cependant il est dit de lui qu’il criait à Dieu.

Mais il ne doit y avoir dans ces choses rien de forcé ni d’affecté; il faut au contraire que tout soit parfaitement simple et opéré par la grâce de Dieu, sinon on retarde et sa marche et celle des autres; IL FAUT LAISSER À LA GRÂCE LIBRE ACTION DANS LE CŒUR, jusqu’à ce que la foi se rencontre avec la Parole. (Héb. 4, 2.)

Cela ne dépend nullement du degré d’intelligence, de savoir-faire, de courage ou de mérite personnel, encore moins d’un génie qui pénétrerait jusque dans les profondeurs divines, mais simplement de la libre miséricorde de Dieu dans l’ordre de la grâce.

La cause unique de toute grâce ne doit être cherchée QUE DANS LES MÉRITES DE CHRIST, et dans la parfaite satisfaction qu’il a donnée à la justice divine; lui seul, dans sa forme sanglante à la croix, doit ainsi nous suffire pour toutes choses; il doit devenir et demeurer le seul motif de notre félicité et de notre salut.

Car c’est sur la croix qu’il a été lui-même baptisé du baptême de sang, et OINT COMME SAUVEUR DU MONDE: c’est là que son Nom de Jésus a été scellé pour nous d’un sceau éternel.

C’est pourquoi quiconque comprend le mystère de la croix et des plaies de Jésus, peut avoir consolation et secours, fût-il le plus insigne pécheur, car Jésus a fait propitiation pour TOUS les péchés qui ont été commis, et qui se commettront à jamais.

Il a prié pour le monde entier du haut de sa croix, en disant: Père, pardonne-leur! et lorsqu’il s’est écrié: TOUT EST ACCOMPLI! il a prononcé aussi l’absolution générale sur tous les hommes; car celui qui croit en lui, ne sera pas condamné. (Jean 3, 18).

Il n’y a donc pas à se mettre en peine de ce que les âmes ne soient peut-être pas suffisamment humiliées et froissées de leurs péchés. Toutes, en effet, doivent ressentir, lorsqu’elles sont en état de grâce, une espèce de contrition, autant que le Sauveur, pour de bonnes raisons, trouve convenable et nécessaire à chacune d’elles, afin de briser la propre volonté et de la renouveler; la jouissance même de la parfaite réconciliation conduira inévitablement à cette humiliation; mais certaines âmes peuvent expérimenter en un moment ou en quelques heures, tout ce que d’autres pressentent plus ou moins durant des années, parce que chez les unes les circonstances sont exceptionnellement favorables pour agir sur elles, tandis que chez les autres les obstacles semblent insurmontables.

Nous n’avons donc rien à prescrire au Sauveur quant à la manière d’humilier les pécheurs et de leur faire grâce, mais nous devons nous en remettre à lui, et abandonner à sa sagesse et à sa fidélité le soin de juger quelle est la mesure d’angoisse utile à chaque âme, et quel temps plus ou moins long est nécessaire pour parvenir à la convaincre et â la sauver.

Sa joie serait, sans contredit, de délivrer et de secourir à l’instant. Voici, ton Roi vient, pour sauver et pour délivrer. (Zach. 9, 9).

La méthode du Sauveur n’est pas de prescrire de longues procédures de repentance et d’interminables préparations; il ne demande souvent au contraire qu’un seul mot prononcé du fond du cœur, et la grâce est là, et délivre de tous les péchés.

Et comme la plus grande misère est proprement de n’avoir pas le Sauveur, et de ne pas l’aimer; comme d’un autre côté le ciel sur la terre est de vivre dans son amour et dans sa grâce, il est, certes, très heureux que nul plus que lui ne soit désireux de se faire connaître à l’âme comme Sauveur, et qu’il soit si empressé à faire à tous le don de la foi; car il est positif qu’il vient lui-même au-devant de nous pour nous offrir le salut.

* *

1er Janvier 1750.

On ne peut nier que les noms n’aient une certaine importance, mais il ne faut pas néanmoins leur en attribuer une trop grande, car sur cent exemples cela ne se confirme peut être pas une seule fois.

Personne cependant ne disconviendra que le nom de Moïse n’ait eu une signification réelle, non plus que celui de Jodidja qu’avait reçu Salomon; il est vrai également que le changement du nom d’Abram en Abraham , de celui de Jacob en Israël avait sa juste raison d’être, et qu’Ève avait été appelée de ce nom, parce qu’elle devait être la mère de tous les vivants.

II n’y a aucun doute non plus que Josué, fils de Nun, n’eût reçu son nom par l’esprit prophétique, parce qu’il devait être un grand capitaine qui mettrait Israël en repos, et deviendrait par là un type du Sauveur qui devait délivrer son peuple de leurs péchés, comme Josué avait nettoyé le pays des Cananéens.

Cependant, comme nous venons de le dire, il ne faut pas attacher à ces choses plus de valeur qu’elles n’en ont en réalité; de fidèles serviteurs et de fidèles servantes du Seigneur sous l’Ancienne Alliance ont eu des noms dont la signification n’était rien moins que favorable, et le contraire s’est rencontré également; la grande idée qu’on avait eue, par exemple, à l’égard de Caïn ne s’est pas réalisée.

Mais on n’a jamais accordé à aucun nom autant d’importance qu’à celui de Jésus, et cela avec raison.

Nous ne pourrons jamais arriver à exprimer tout ce que ce Nom renferme de joie, et tout ce qu’il signifie pour nous. Et cependant que d’hommes pour lesquels il n’a pas sa vraie signification!

Les uns le traitent d’une manière, les autres d’une autre, lui attribuant tantôt trop, tantôt trop peu. S’ils sont obligés d’envisager Jésus comme Dieu, ils le déprécient; s’ils le considèrent comme homme, ils veulent s’élever avec lui au-dessus des nuages.

Dieu soit loué que nous le connaissions, et que nous sachions d’une manière positive combien il est grand, et combien il est petit: assez grand pour nous maintenir dans le respect et l’adoration, assez petit pour nous amener à la communion la plus tendre, la plus étroite, la plus intime, dégagée de tout scrupule, comme avec l’ami le plus rapproché de notre cœur!

Lorsqu’on est arrivé à conquérir cette intimité, et qu’on jouit véritablement du bonheur de le posséder, tel qu’il est, non seulement lorsqu’il nous bénit, mais aussi dans les heures de luttes et de tentations où l’âme s’écrie: «Je ne te laisserai point que tu ne m’aies béni! Que deviendrais-je sans toi?» lorsqu’on peut lui dire avec toute assurance: «Mon Dieu et mon Époux, tu sais toutes choses; tu sais que mon cœur et mes pensées s’attachent à toi, aussi vrai que tu vis!» il n’y a rien à demander de plus; c’est le degré le plus élevé auquel nous puissions parvenir, et celui qui veut pousser les âmes au-delà est un fanatique.

C’est là le terme final, la limite extrême de notre connaissance; la sagesse suprême, c’est de le connaître, non pas d’une manière abstraite, et dans des profondeurs ou des hauteurs inaccessibles, mais de manière à pouvoir se coucher sur son sein et à s’attacher si fortement à lui que rien au monde ne puisse plus nous séparer.

Nous sommes un même esprit avec lui, et son âme nous accompagne sans cesse; nous pouvons, dès cette vie, l’embrasser de toute la puissance de notre foi jour et nuit.


* * *

6 Janvier 1755.

Le Nom de Jésus est un nom qui procure le salut, et je ne crains pas d’affirmer que s’il peut y avoir une puissance dans un simple nom, c’est bien certainement le cas à l’égard de l’énonciation humble, sentie, pleine de foi, du Nom de Jésus.

Ne nous préoccupons donc pas trop de Dieu et du Créateur, et restons-en à Jésus. Si nous prêchons Jésus aux païens, et qu’ils en viennent à savoir que Jésus est mort pour eux, nous leur dirons alors qu’il est celui qu’ils ont cherché, et duquel la grâce, qui leur est indispensable, ne leur fera pas non plus défaut. Alors ils se prosterneront au pied de sa croix, et il ne faudra pas une bien grande science pour leur prouver qu’il est Dieu, et leurs cœurs se réjouiront d’une sainte joie.

Lorsqu’ils auront appris à connaître réellement le Sauveur, ils sauront aussi tout ce qu’ils ont besoin de savoir, et deviendront eux-mêmes des prédicateurs de la justice, comme nous l’avons vu au Groenland à l’égard de plusieurs de nos aides-nationaux. Leurs cœurs et leur intelligence s’étaient ouverts.

Oui, restons-en à la chose essentielle. Jésus! Jésus!

Nom glorieux devant lequel toutes les créatures devraient s’incliner avec adoration, Père de l’économie actuelle, tout en tous jusqu’à la fin des temps, pour toutes les églises, jusqu’à ce qu’il nous introduise lui-même dans le sanctuaire du Père que personne ne connaît, que celui à qui le Fils veut le révéler!


* * *

23 Octobre 1743.

Les siens, ses enfants, ceux qui lui sont attachés, qui ne connaissent point de secours en dehors de lui, pour lesquels il est parfaitement suffisant, et qui, s’ils examinent la chose de près, ne voudraient pas même être sauvés autrement que par ses plaies, son sang et sa mort, ceux-là sont assurés qu’il les délivrera de tous leurs péchés, leur donnera du secours contre tous leurs ennemis, et ne permettra pas que personne devienne le maître de leurs consciences et de leurs âmes.

Mais ce n’est pas des siens seulement qu’il veut prendre soin; SA SOLLICITUDE S’ÉTEND AU MONDE ENTIER.

Il est incontestable qu’il montre à l’égard de ses rachetés une fidélité qui n’est, ni universelle, ni ordinaire, et de laquelle tous ne peuvent pas se réjouir, mais que tous non plus ne désirent pas, et c’est là qu’il faut chercher le motif de cette différence.

Car le signe distinctif d’une âme à laquelle a été faite une grande grâce, une grande miséricorde, qui se rassasie dans les plaies de Jésus, et contemple sa face en justice, c’est précisément UNE SOIF ARDENTE DE GRÂCE ET DE MISÉRICORDE.

Où existe cette soif, là aussi existe l’élection de grâce, là se rencontrent des soins particuliers, là se manifeste une fidélité spéciale du Sauveur comme Berger.

Partout au contraire où ces soins particuliers du Sauveur ne se remarquent pas, là n’existe non plus aucun désir, aucune soif extraordinaire d’y avoir part, et les choses demeurent à peu près toujours au même point.

Mais pour en être entièrement exclu, il faut véritablement se raidir et se cuirasser contre cette grâce qui parcourt le monde entier, contre cette miséricorde qui supplie toutes les âmes de se laisser sauver.





Table des matières