Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PREMIER SERMON

SUR LES DÉFAUTS DES CHRÉTIENS

DANS LEURS PRIÈRES.

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Note de la bibliothèque «Regard»: nous avons modifié certaines constructions de phrase et changé certains mots afin de rendre le texte plus facile à comprendre; le texte original fut publié en 1708).

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SERMON

SUR

Jacques Ch. IV. 3


Vous demandez et vous ne recevez point, parce que vous demandez mal.

Il n’y a point d’exercice de piété, qui soit plus important, plus utile, plus nécessaire, plus agréable et plus glorieux au Fidèle, que la prière, qui est le commerce (la relation) de notre âme avec Dieu.

Mais il n’y en a peut-être aucun dont les hommes s’acquittent avec plus de négligence, et de froideur. C’est pourtant la prière qui nous ouvre les trésors de Dieu, qui attire sur nous les plus rares faveurs, et qui arrête les plus terribles jugements.

C’est par elle:

- que Jacob fut vainqueur de Dieu même;

- que Moïse triompha des Amalécites;

- que Josué arrêta le Soleil;

- qu’Élie fit tomber de la pluie, après une très longue sécheresse;

- que Jonas fut miraculeusement conservé, dans le poisson, qui l’avait englouti;

- que Daniel ferma la gueule des Lions,

- et que les compagnons éteignirent la force du feu.

C’est à la prière que le peuple de Dieu doit toutes les victoires.

C’est par elle que le doute des Chrétiens trouve leur assurance dans les dangers,

et c’est par elle qu’ils triomphent toujours de leurs ennemis.


C’est par la prière:

- que notre âme se purifie, qu’elle se détache de la terre, et qu’elle s’élève dans le Ciel,

- que la vérité se découvre,

- que la foi devient plus éclairée,

- que l’espérance se fortifie,

- et que la charité se nourrit.


Que ne fait-elle point?

Certainement il n’y a rien d’impossible à la prière, non plus qu’à la foi.

Mais il ne faut pas croire que toutes sortes de prières produisent ces merveilleux effets.

Tous ceux qui prient, mais dont les demandes ne suivent point les conditions que Dieu exige, ne doivent rien attendre de ce souverain Auteur de tout bien!

Il ne faut pas s’étonner s’il y a tant de gens dans le monde qui ne sont point exaucés:


C’EST PARCE QU’ILS NE PRIENT POINT COMME IL FAUT.


Vous demandez, nous dit S. Jacques, mais vous ne recevez pas parce que vous demandez mal. (Jacques IV. 3.)

C’est le défaut de la plus grande partie des Chrétiens, et c’est un défaut qu’on ne peut suffisamment condamner.

Si tous nous connaissions bien l’art de prier, ou plutôt si nous savions prier Dieu, comme sa parole nous ordonne de l’invoquer, nous serions les plus heureux de tous les hommes, et nous serions toujours contents.

Nous passerions la plus grande partie de notre vie à nous entretenir avec Dieu, nous vivrions comme des gens, qui sont toujours avec le plus saint de tous les Êtres, rien ne troublerait la tranquillité de notre vie, rien ne serait capable de nous effrayer.

Nous obtiendrions tout ce que nous voudrions,

parce que nous ne voudrions rien d'autre, que ce que Dieu veut.

Nous trouverions toujours celui que nous cherchons, et nous recevrions ce que nous demanderions.

Mais hélas! nous demandons, et nous ne recevons pas, parce que nous demandons mal.


* * *


J'ai l'intention, aujourdhui, de vous montrer les défauts que j’ai remarqués, soit dans nos prières particulières, soit dans nos prières publiques.

Dans ce dessein je vous ferai voir après S. Jacques:

1. Que nous demandons mal.

2. Et que c’est la grande cause qui fait que nous ne recevons pas ce que nous demandons.

S. Jacques avait censuré ceux auxquels il écrit, parce qu’il y avait parmi eux des disputes, et des contestations; il leur en avait montré la source:

D'où viennent les combats, les querelles entre vous?

N’est-ce point de vos voluptés, qui font la guerre dans vos membres?

Vous êtes pleins de désirs, et vous n'avez point ce que vous désirez.

Vous êtes envieux, et jaloux, et vous ne pouvez obtenir.

Vous-vous querellez, vous combattez les uns contre les autres, et vous n'avez point, ce que vous tachez d'avoir, parce que vous ne le demandez point ou si vous demandez, vous ne recevez point, parce que vous demandez mal. (Jacques IV. 1-3.)

Il apparaît de son discours qu’il y en avait parmi eux, qui ne priaient point ou qui priaient mal.

Ces mauvais Chrétiens n’ont eu que trop de sectaires!

Plût à Dieu, que nous fussions exempts des défauts que ce saint Apôtre reprenait dans ceux qui vivaient de son temps.

Tachons de nous corriger, et accordez-nous pour cet effet une religieuse attention.


* * *


Il y a quelques jours nous nous humiliâmes extraordinairement devant Dieu et nous lui promîmes de revenir à lui.

Pour nous acquitter de nos promesses, il faut demander à Dieu son Esprit..., mais il faut le demander d’une manière, qui engage Dieu à nous exaucer.

Apprenons donc tous à prier.

Venez, Chrétiens, je vous enseignerai le vrai moyen d’obtenir de Dieu tout ce qui peut vous rendre heureux; SEIGNEUR, ENSEIGNE-NOUS TOUS À TE PRIER. Amen.


* * *


Je ne saurais croire qu’il y ait des gens parmi nous qui ne prient point Dieu!

Comment pourrais-je soupçonner que des Chrétiens ne fissent point ce que faisaient les Païens mêmes?

Si vous en exceptez quelques profanes, comme était ce Capitaine Grec, qui disait, que c'était aux âmes lâches à implorer le secours de la Divinité, il est certain, que les Païens étaient fort exacts à prier leurs faux dieux.

On disait de Socrate, que sa vie était une continuelle oraison, et l’on rapportait du fameux Scipion, qu’il ne faisait, et n’entreprenait jamais rien, qu’il ne montât au Capitole.

Alors...! Comment pourrais-je me persuader, que des Chrétiens

- qui sentent tous les jours leur misère, et leur indigence,

- qui se voient exposés à mille périls,

- qui ont besoin d’être secourus dans de nombreuses d’occasions,

- et qui entendent continuellement retentir à leurs oreilles le commandement de prier Dieu,

ne voulussent point pratiquer cet exercice de piété?

Je ne veux pas m’étendre à vous prouver la nécessité de la prière et à vous faire bien comprendre que Dieu VEUT absolument que nous l’invoquions, et que c’est l’hommage, et le sacrifice qui lui est le plus agréable, parce que c’est par la prière que nous reconnaissons:

1. Notre dépendance et son empire,

2. Notre indigence et ses richesses,

3. Notre néant et la grandeur,

4. Notre faiblesse et sa puissance,

5. La petitesse de nos lumières et son infinie sagesse,

6. Notre corruption, et sa miséricorde.

Mais s’il n’y a peut-être personne, comme je le veux croire, qui soit assez malheureux pour ne point prier Dieu, on ne saurait nier qu’il n’y en ait beaucoup trop qui le prient très mal.

Examinons les défauts de nos prières, et de ceux qui prient.


Le 1er défaut:

On ne se prépare point à la prière.

Lorsqu’on a à se présenter devant un Prince:

- on étudie toutes les démarches,

- on pense à ce qu’on doit lui dire,

- on tâche de se mettre dans un état qui soit agréable à celui à qui on veut parler,

- on médite toutes les expressions afin qu’il n’y en ait aucune qui puisse lui déplaire.

MAIS ON NE SE PRÉPARE POINT, LORSQU’ON A À PARAÎTRE DEVANT DIEU, devant cet Être suprême, au prix duquel tous les plus grands Rois, et toutes les créatures ne sont rien!

Quand on se lève, et qu'on a encore les yeux et l’esprit appesantis par le sommeil, on prononce quelques paroles, qu’on a apprises dès son enfance, et on appelle cela prier Dieu!

Ou lorsqu’on a passé toute la journée dans la débauche, ou dans le jeu, à dire de nombreuses bagatelles, et souvent des impiétés, quand on est sur le point de se mettre au lit, on va réciter les oraisons.

Ainsi on croit qu'on peut passer tout d’un coup du monde à Dieu et on s’imagine, que notre âme puisse dans un instant, en quelques secondes, prendre son vol jusqu’au Ciel, alors qu’il est certain, qu’elle a besoin de s’élever peu à peu sur les ailes de la méditation, (s’il m'est permis de m’exprimer ainsi.)

C’est là le premier défaut, qui est d’autant plus grave, que ce défaut est peut-être la cause de tous les autres, et que, sans trop le savoir, nous estimons plus les Grands du monde que le Roi des Rois.

Qu’on ne me dise pas que l’on se prépare lorsqu’on paraît devant les Souverains, parce que, comme ils ne connaissent pas les coeurs, la moindre irrégularité, ou une expression peu respectueuse pourrait les choquer!

Mais Dieu, qui est le formateur des cœurs et des reins, lui ne demanderait, ni des pensées choisies, ni des expressions étudiées.

Quand nous parlons de nous préparer devant Dieu, nous n’entendons pas qu’il faille méditer des discours éloquents pour plaire à la Divinité, ou nous revêtir proprement, comme on fait devant les Rois du monde, nous entendons par «se préparer», se mettre dans un état d’humilité, exciter son zèle et la piété, et faire d’autres choses, que nous vous dirons au moment opportun.


Le 2e défaut:

On ne pense point à celui devant qui on doit se présenter.

Savoir, le Dieu de l’Univers, le Créateur et le Maître du monde,

- le Roi des Anges et des hommes,

- celui par qui nous subsistons,

- celui sans qui nous ne serions point,

- celui qui doit nous juger un jour;

- celui qui peut nous rendre, ou éternellement heureux, ou éternellement malheureux.

Nous ne faisons point cette réflexion, ni lorsque nous venons dans ce saint Temple pour lui rendre nos hommages, ni lorsque nous le prions en particulier.

C’est là une des grandes causes de notre impiété; nous ne sommes point saisis, comme nous devrions l’être, d’une sainte frayeur, à l’approche de celui devant qui les Anges et les Séraphins couvrent leurs faces.

C’est là notre second défaut!


Le 3e défaut:

Nous ne faisons aucune réflexion sur l’honneur que Dieu nous fait de permettre que nous lui exposions nos demandes, nous qui ne sommes que des êtres finis, nous poudre et cendre, nous vermisseaux de terre, nous misérables créatures, nous pécheurs, nous dignes des peines éternelles!

Si nous avions autant de liberté de parler aux Grands de la terre, et d’entrer dans leurs cabinets, que nous en avons par rapport à Dieu, nous ne pourrions pas assez nous glorifier de l’honneur que nous recevrions, et nous serions même surpris, qu’il y eût quelque Mardochée qui ne voulût pas fléchir le genou devant nous comme le voulait l’orgueilleux Aman. (Esther III. 3.)

Cependant nous ne pensons pas seulement à l’honneur infini que Dieu nous fait de vouloir que nous ayons un commerce (une relation) familier avec lui, que nous déchargions dans son sein nos prières, et nos soucis, ET QUE NOUS ENTRIONS, COMME IL NOUS PLAÎT, dans son Sanctuaire, O stupidité criminelle!


4e défaut:

Nous ne pensons pas non plus à notre misère qu'à notre indigence.

Nous ne nous disons point à nous-mêmes - avant de prier - ce que nous  devrions nous dire, ou nous le disons bien faiblement:

- que nous ne sommes rien de nous-mêmes,

- que nous ne pouvons rien, non pas même avoir une seule bonne pensée;

- que sans la bénédiction de Dieu aucun de nos desseins ne saurait réussir,

- que sans sa lumière nous ne sommes que ténèbres, et sans la grâce, que corruption;

- que s’il ne nous pardonnait pas nos péchés, nous n’aurions à attendre que la condamnation et la mort éternelle;

- que s’il ne nous conduisait pas, nous nous égarerions sans cesse, et nous tomberions de précipice en précipice;

- que s’il ne nous soutenait pas, et que si sa vertu ne s’accomplissait pas dans nos faiblesses, nous ne manquerions jamais de succomber aux moindres tentations.

Nous ne nous disons pas que nous sommes environnés de nombreux ennemis, cruels, fins, infatigables, et très puissants, et que par la prière nous pourrions obtenir tout ce qui nous est nécessaire.

Ha! que ces réflexions sont nécessaires pour bien prier! Mais nous ne les faisons pas, et c'est ce qui fait que nous demandons mal.


5e défaut.

Nous ne nous faisons pas, pour la plupart, un plaisir de prier Dieu.

Il semble que I'on prie Dieu avec une certaine habitude qu’on s’est faite dès son enfance en priant le soir et le matin. On regarde cela comme une tâche qui nous est imposée. On se sent déchargé d’un petit fardeau, quand on a ainsi prié Dieu. Tout cela fait voir que la plupart n'ont aucune piété, car:

Si nous en avions quelque peu, et SI NOUS AIMIONS DIEU, AUTANT QUE NOUS FAISONS PROFESSION DE L’AIMER, nous aurions de saints transports (enthousiasmes) à venir nous entretenir avec Dieu.

Quel plaisir n’a-t-on pas de parler à la personne qu’on aime?

Nous aurions autant de passion de nous enfermer dans notre cabinet, que David en avait d’aller dans le tabernacle!

Mon coeur, disait-il, languit, mes sens ravis ne respirent que tes parvis (Mon âme soupire et languit après les parvis de l’Éternel, Mon coeur et ma chair poussent des cris vers le Dieu vivant. - (Ps. LXXXIV. 2.).

Comme le cerf altéré brame après les eaux courantes (Ps XLII. 1.), nous aurions toujours soif de Dieu; nous aurions pour le moins autant d’empressement d’aller nous entretenir avec notre Père céleste qu’en a un avare de compter ses trésors, et un courtier de voir son Prince afin de recevoir de lui des faveurs considérables.

On nous verrait revenir de ce saint exercice, et sortir de nos cabinets avec un visage rayonnant, comme Moïse, lorsqu’il revint de la montagne.

Mais on ne remarque pas ces mouvements en nous; ainsi il est certain que nous prions rarement.

On croit avoir prié beaucoup quand on a prié une fois, le matin et le soir, et pour le reste de la journée on n’y pense pas.

- David chantait 7 fois le jour les louanges de Dieu.

Sept fois le jour je te célèbre, À cause des lois de ta justice. (Ps. CXIX. 164.)

- Les premiers Chrétiens priaient jusqu'à 6 fois, comme nous l’apprenons d’un livre qui porte, quoique mal à propos, le titre de «Constitutions Apostoliques», et de Saint Chrysostome sur le Psaume 119.

- Tertullien fait mention de trois heures que l'Église destinait à la prière.

- S. Cyprien explique la raison de ces 3 heures; ces heures étaient neuf heures du matin, à midi et 3 heures après midi.

- Les infidèles, comme sont les Turcs prient 5 fois.

- Et combien de fois les superstitieux ne prient-ils pas?

Il est vrai que la piété ne consiste pas dans le nombre des prières, mais il est certain que nous faisons voir, par notre attitude, que nous n'aimons pas Dieu comme il convient en le priant si rarement; surtout si dans ces deux, ou trois fois que nous nous présentons devant lui, nous ne l’invoquons pas comme nous devrions!


6e défaut.

Nous ne demandons jamais à Dieu l’Esprit de prière et de supplication.

On dirait, que de nous-mêmes nous savons prier, cependant S. Paul au chap. VIII. de l’Épître aux Romains, nous dit qu’il faut que le Saint-Esprit soulage de sa part nos faiblesses, et qu’il fasse requête pour nous, par des soupirs inénarrables, parce que nous ne savons point ce que nous devons prier, et comme il appartient.

De même aussi l’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables... (Rom. VIII. 26. V. S.)

Quand nous voulons prier, les soucis du monde, nos passions, et mille autres choses nous agitent; qui est-ce qui peut mieux dissiper ces soucis, et mieux dompter nos passions que le Saint-Esprit?

Comme il connaît les choses profondes de Dieu, Il n’y a personne qui puisse mieux nous instruire de ce qui lui est agréable. Il y a longtemps qu’on nous représente cette vérité, mais nous l’oublions:

AINSI NOUS NE DEMANDONS POINT L'ESPRIT DE PRIÈRE,

et ne l'ayant point, nous demandons mal.

Vous demandez, et vous ne recevez, pas, parce que vous demandez mal.

Voilà quelques défauts généraux de ceux qui prient.

1. Nous prions sans respect,

2. Sans humilité,

3. Sans attention,

4. Avec froideur,

5. Sans foi,

6. Nous ne prions point d’un coeur pur,

7. Nous ne prions point comme il faut au nom de Jésus-Christ,

8. nous ne prions point avec persévérance, etc.

Examinons ces choses en détail.


1er Point:

Je dis que nous prions sans respect.

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de vous le prouver; on n’a qu’à voir comment nous prions Dieu, soit dans les Temples, soit, dans les maisons particulières, soit le matin, ou le soir, et selon l'habitude de faire nos prières, soit à l'entrée, et à la fin de nos repas. 

OSERIONS-NOUS PARLER À NOS SOUVERAINS COMME NOUS PARLONS À DIEU?

On n’a qu’à voir la posture dans laquelle plusieurs prient, dans le Temple; n’avons-nous pas la douleur de voir, pendant la prière, des gens qui rient, qui parlent, et qui peut-être se moquent des autres (et qui, au 21e siècle, s'amuse avec leur portable [ajout de la bibliothèque Regard])

JE NE SAIS PAS SI ON PEUT POUSSER PLUS LOIN L’INSOLENCE.

On n’a qu’à voir la manière dont on fait prier les enfants!

Tandis qu’un Père, ou une Mère sont occupés à d’autres choses, on commande à ses enfants de prier. Ces enfants, qui, voyant que leurs Pères ou leurs Mères n’ont pas de respect pour Dieu, prient aussi eux-mêmes sans respect, et ces défauts se perpétuent avec l'âge.

On devrait tous être dans un profond respect, à l’exemple des Anges qui adorent le Vivant aux siècles des siècles.

Que ce défaut est grand!

N’avoir point de respect pour le premier de tous les Êtres, pour cet être qui a le ciel pour son trône, et la terre pour son marchepied, et qui a fondé l’un et l’autre par sa parole.

On a un grand respect pour des mortels, lorsqu’on les voit élevés dans quelque dignité, et surtout lorsqu'ils sont sur un trône, environnés de gardes, et ON N’EN AURAIT POINT POUR CELUI PAR QUI LES ROIS RÈGNENT, et les Princes administrent la justice, POUR CELUI QUI DISPOSE DES COURONNES, ET DES DIADÈMES, et de ceux qui les portent! Quel dérèglement!


2e point:

Nous ne prions point avec humilité.

On dirait que nous sommes quelque chose devant Dieu, quand on voit avec quel orgueil nous venons en sa présence.

Nous ne considérons pas que nous sommes de pauvres mendiants, et QUE NOTRE VIE DÉPEND DE DIEU.

Oui, vous les riches, bien que vous ayez beaucoup de biens, ce qui enfle souvent votre coeur, vous êtes pourtant des mendiants devant Dieu!

Il dépend de Dieu de vous réduire à la dernière misère, et sans Dieu toutes vos richesses ne vous seraient d’aucun usage.
Sans lui le pain et les viandes délicates que vous mangez, ne vous nourriraient pas, et toutes vos richesses ne peuvent vous garantir d’une maladie et de la mort:

Les Grands de la terre jugent de ce qu’ils sont devant Dieu, par ce qu’ils sont devant les hommes!

Cependant il est certain que leur élévation, leur autorité et leur puissance n'empêchent pas qu’ils ne soient eux-mêmes rien d'autre que de pauvres mendiants!

Ils ne tiennent le haut rang qu’ils occupent, que de la libéralité de Dieu, qui peut en un moment, les en faire descendre.

Nous ne considérons pas encore que nous sommes des «criminels», et des «criminels» qui méritent la mort, nous nous présentons devant Dieu comme si nous étions innocents et saints, et comme si Dieu était obligé de nous écouter, et de nous exaucer!

Nous serions fort indignés qu’un criminel condamné à la mort nous demandât sa grâce avec insolence, et pourtant nous demandons, avec un orgueil insupportable, à Dieu le pardon de nos péchés.

Ha! se peut-il que la poudre (la poussière dont nous sommes tirés) s'égale, en quelque façon, au Dieu de l’Univers?

Que de pauvres créatures ne reconnaissent pas ce quelles sont devant leur Créateur, que des «criminels» dignes des plus grands supplices osent parler insolemment à leur Juge.


3e point:

Nous prions Dieu sans attention.

La plupart roulent leur prière sur leur langue, comme un torrent; on récite les prières qu’on a apprises comme des perroquets, et souvent nous les achevons sans nous être bien aperçus que nous les avons commencées.

PEUT-ON SE MOQUER PLUS OUVERTEMENT DE DIEU,

QUE DE LUI PARLER, SANS PENSER À CE QU’ON LUI DIT?

Ce peut-il que des créatures qui n’ont rien, sinon la bonté de leur Créateur, lui demandent des grâces desquelles dépend leur bonheur sans avoir la moindre application, le moindre sentiment dans leur demande?

Nous blâmons ceux de l'Église Romaine qui récitent leurs chapelets, et leurs litanies, etc. sans savoir ce qu’ils disent, et nous les imitons; aussi il vaudrait autant que nous parlassions une langue qui nous fut inconnue. Nous sommes donc beaucoup plus blâmables qu’eux!

Ces pauvres gens croient que, pourvu qu’ils débitent leurs prières Latines, c’est assez même s’ils ne les comprennent pas, mais nous, nous savons certainement, que nous offensons Dieu en priant de cette manière.

Combien de gens, qui, dans les Temples, chantent des Psaumes qui sont de véritables prières sans savoir ce qu’ils chantent?

Combien qui se lèvent pour prier, et qui n’écoutent point ce qu’on dit; qui tournent leurs yeux de tous côtés pour regarder les autres et voir si on les regarde?

Comment appellerons-nous cela?

C’est faire semblant de prier Dieu, et ne penser qu’au monde, quelle impiété!


4e point:

Il y en a, qui ne prient pas tout à fait sans attention, mais ils sont troublés par de nombreuses distractions.

Je ne parle pas de ceux qui en ont, malgré eux et qui essaient de s'en séparer, je parle de CEUX QUI ENTRETIENNENT LEURS DISTRACTIONS, qui s’y laissent aller sans peine: certainement ce défaut est plus grand qu’on ne pense!

Et qu’on ne me dise pas que l’on ne peut pas fixer son esprit; c’est une erreur!

Si nous avions à nous présenter devant un Prince pour défendre notre vie, nous y penserions si bien que nous ne penserions à aucune autre chose; et il n’y a point d’homme qui aient une affaire importante qui lui tient au coeur, ait des égarements d’imaginations.

Ainsi ces distractions VOLONTAIRES marquent, que nous n’avons point de respect pour Dieu, et que nous n’avons pas trop à coeur notre salut.

Quand nous avons à nous présenter devant Dieu, nous ne savons point renvoyer nos affaires, et nos soucis; NOUS VOUDRIONS PENSER À DIEU ET AU MONDE EN MÊME TEMPS.

C’est comme si nous voulions regarder le ciel, en même temps, du même oeil, regarder la terre. Nous ne savons point fermer la porte de notre cabinet au monde, nous y laissons entrer toutes les pensées mondaines, tous les objets de vanité, ce qui fait bien voir que le monde n'est pas crucifié pour nous.


5e point:

Il y en a qui n’ont pas ces distractions, ou qui en ont peu, et qui prient avec attention; mais en quoi consiste réellement leur attention?

Quand ils sont au Temple à suivre le Ministre qui prie la prière qu'on lit, ils la savent souvent par coeur, aussi n'écoutent-ils pas avec une même attention qu'une histoire qu’on leur raconterait ou une autre chose qui ne leur serait pas indifférente, ou de beaux vers qu’ils voudraient apprendre.

Ces gens-là ne pensent pas qu’ils demandent à Dieu des grâces, qui leur sont d’une absolue nécessité, et que sans ces grâces ils ne sauraient être heureux; et ils ne sentent pas trop leurs besoins.

Ce défaut est d’autant plus grand, que peu de gens s’en aperçoivent.

Je suis persuadé, que si on demandait à un homme, qui sort de la prière, et qui a suivi le Pasteur en récitant après lui les mots que le Pasteur prononce, quoiqu’il n’ait pas trop réfléchi sur ce qu’il demande à Dieu; si dis-je, on lui demandait s’il a bien prié Dieu, il ne manquerait pas de dire qu’il croit l’avoir fait et il serait fort content de sa dévotion: cependant ce pauvre homme s’abuse misérablement:

IL N’A PAS PRIÉ DIEU,

MAIS IL A RÉCITÉ UNE PRIÈRE, DONT IL A ENTENDU LES TERMES.

6e point:

La froideur avec laquelle nous prions est un grand défaut.

Certainement si nous demandions à un homme une faveur aussi froidement que nous demandons des grâces à Dieu, il ne se persuaderait jamais que nous eussions véritablement besoin de ce que nous lui demandons.

C'est pourtant avec cette froideur que nous recherchons les biens du ciel; ce qui prouve clairement, où que nous ne nous soucions pas trop de ces biens célestes, que nous n’en concevons pas l’excellence, ni le malheur qu’il y a d’en être privés, ou que nous nous flattons que Dieu nous les donnera sans prendre garde à la manière dont nous l’invoquions: ce qui fait que nous ne les obtenons pas!

Vous demandez, mais vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal.

Ce peut-il qu’un malade demande avec beaucoup d’ardeur la guérison de son corps à un homme qui a la possibilité de le guérir;

qu’un pauvre misérable qui n’a pas de quoi soutenir sa vie demande du pain avec beaucoup d’instances;

qu’un coupable condamné à mort implore la grâce avec de grands transports,

ET QUE NOUS..., NOUS DEMANDIONS FROIDEMENT

- le pardon de nos péchés,

- l’illumination de nos entendements,

- la sanctification de nos cœurs,

- la consolation de nos âmes,

- la Foi, l’Espérance et les autres vertus, des biens éternels, la félicité?

Ha! que ce défaut est «criminel»!


7e point:

Il y a des gens, qui semblent prier Dieu avec chaleur, mais ce sont des gens qui échauffent ordinairement leur imagination.

Ces gens, quand il leur arrive quelque disgrâce, sont extraordinairement éloquents dans leurs douleurs, ils ont alors des élévations admirables; il semble que leur coeur brûle; dans ces moments-là ces gens poussent des prières enflammées!

Mais hélas! ce n’est que leur imagination qui est échauffée par la douleur, et non leur coeur proprement qui prie.

Ils ne peuvent pas le reconnaître lorsqu’ils sont ainsi échauffés, mais dès que la douleur est passée, leurs prières redeviennent aussi froides qu’auparavant; ce qui prouve que l’ardeur quelles avaient auparavant, n’est pas celle avec laquelle il faut prier.

8e point:

Il y a un défaut qui n’est pas moins grand que les précédents, c’est que nous ne prions pas avec foi, et avec confiance.

On ne saurait douter que ce ne soit un grand défaut, après avoir entendu Saint Jacques:

Si quelqu'un a besoin de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui la donne à tous bénignement; mais QU’IL LA DEMANDE EN FOI, ne doutant nullement; car celui qui doute est semblable au flot de la mer agitée du vent. QUE CET HOMME-LÀ NE S’ATTENDE PAS DE RIEN RECEVOIR DU SEIGNEUR. (Jacques I. 5.)

Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée.

Mais qu’il la demande avec foi, sans douter; car celui qui doute est semblable au flot de la mer, agité par le vent et poussé de côté et d’autre.

Qu’un tel homme ne s’imagine pas qu’il recevra quelque chose du Seigneur: c’est un homme irrésolu, inconstant dans toutes ses voies.(Jacques I. 5-8. V. S.)

La vérité est que nous n’avons presque point de confiance en Dieu.

Quand nous demandons à un ami, à un protecteur, à un homme généreux et honnête, quelque faveur, nous ne doutons pas, qu’il ne nous l’accorde.

Cependant nous savons que ceux à qui nous nous adressons ne sont que des hommes, et par conséquent des gens qui peuvent changer à notre égard; des hommes qui sont naturellement inconstants qui peuvent avoir des raisons de nous refuser ce que nous leur demandons, et qui souvent n’ont pas le pouvoir de faire ce que nous voudrions.

ET NOUS..., NOUS N’AVONS POINT DE CONFIANCE EN DIEU,

QUI PEUT TOUT, QUI EST NOTRE PÈRE, ET QUI NOUS A DONNÉ SON FILS! 

Que peut-il refuser, qui nous soit véritablement salutaire, après ce don inestimable de Jésus-Christ?

Ce défaut de confiance est la cause que nous ne nous adressons presque jamais à Dieu sinon à l’extrémité!

Nous cherchons toutes les autres voies pour obtenir, ce que nous désirons.

Quand nous n’en trouvons plus, alors nous allons à Dieu, parce que nous ne savons plus que faire alors qu’il faudrait toujours commencer par lui.

Quand quelqu'un est malade, il appelle plutôt son Médecin à son aide, que Dieu à son secours;

mais quand on est bien mal et que les Médecins font plus craindre qu’espérer, on appelle tous les Ministres de l'Évangile, et encore là, on ne témoigne pas beaucoup sur le résultat de leurs prières, car si l’on guérit, on prêche plus l’habilité du médecin, qu’on ne bénit Dieu de sa délivrance!


9e point:

Il y a un autre défaut, qui est encore plus grand que les autres; c’est que nous ne prions point d’un coeur pur.

Nous demandons souvent pardon à Dieu des péchés que nous avons commis, mais que nous voulons encore commettre.

Alors que plusieurs prient Dieu, ils pensent secrètement au péché qu’ils veulent faire, ils méditent quelque dessein de vengeance, ou de luxure.

Peut-on plus outrager la Divinité?

De quels supplices ne serait pas puni un criminel, qui en même temps qu’il demande sa grâce pour un crime, commettrait ce crime-là même?

C’est ce que font plusieurs personnes!

Nous savons que Dieu est la Sainteté même, qu’il ne peut voir le péché, sans le punir; et non seulement nous sommes assez malheureux pour commettre des péchés sans nombre, mais nous avons encore l’insolence de lui en demander le pardon, sans avoir pris la résolution de les quitter.

Ô Cieux! soyez-en étonnés!


10e point:

Un autre défaut de nos prières, c’est que nous ne prions pas comme il faut: au nom de Jésus-Christ.

Je sais bien que nous finissons toutes nos oraisons par le nom de ce Divin Sauveur, et par la prière qu’il nous a enseignée:

MAIS CE N’EST QUE NOTRE LANGUE QUI LE DIT,

ET NON NOTRE COEUR!

Nous ne sentons pas comme nous devrions et nous oublions trop souvent:

- que ce n’est que par Christ, que nous avons accès à Dieu,

- que ce n’est que par son sang, que nous avons la liberté d’entrer dans les lieux Saints;

- que ce n’est que lui qui peut rendre nos sacrifices agréables,

- et qu’une oraison, comme le disait Saint Augustin, qui ne se fait pas par Jésus-Christ, se convertit en péché.

Nous faisons profession de dire que nous ne méritons rien devant Dieu; et nous condamnons ceux qui croient mériter quelque chose de sa part; mais dans le fond, nous croyons avoir quelques mérites:

- Ceux qui ont quelque rang dans le monde, ceux qui sont distingués par leur savoir, par leurs richesses, par leur autorité;

- Ceux qui vivent moralement bien, croient, quoiqu’ils disent, mériter plus que les autres!

Hélas! nous ne méritons que la mort et la condamnation, et ce n’est que pour l’amour de Jésus-Christ que Dieu daigne nous écouter.


11e point:

Un autre grand défaut de nos prières, c’est que nous nous lassons de demander à Dieu les mêmes choses et nous voudrions qu’une seule prière suffise pour obtenir ce que nous demandons.

Nous voudrions que Dieu nous exauçât dans l'instant où nous élevons nos cœurs vers lui, ALORS QUE NOUS RENVOYONS DE JOUR EN JOUR D’OBÉIR À SES COMMANDEMENTS.

Si nous étions bien persuadés de l'excellence des biens que nous demandons, et du besoin réel que nous en avons, nous les demanderions, jusqu'à ce qu’on nous les eût donnés, nous chercherions jusqu'à ce que Dieu se soit laissé trouver par nous; nous heurterions à la porte du ciel, jusqu'à ce qu’elle nous eût ouverte.

Malheureusement, nous trouvons l’exercice de la prière pénible, et nous agissons comme ces gens du monde qui croient se rabaisser trop s’ils demandaient plusieurs fois les mêmes choses.

C’est là un défaut de nos prières!


12e point:

Mais allons plus loin..., un des grands défauts de nos oraisons, c’est que dans le même temps que nous faisons nos prières, notre coeur demande d’autres choses.

En même temps que nous disons, ton Nom soit sanctifié, plusieurs disent que notre réputation soit étendue dans le monde, et que notre nom soit connu.

Lorsque notre bouche dit, Ton règne vienne, notre coeur aspire de pouvoir régner sur les autres.

Dans le même temps que nous disons à Dieu, Ta volonté soit faite, notre coeur dit, que notre volonté soit faite, accorde-nous, Seigneur, non ce que tu veux, mais ce que nous voulons.

Dans le même temps que nous disons Donne-nous notre pain quotidien, notre coeur dit, donne-nous des richesses, des plaisirs, des grandeurs, etc.

Dans le même temps que notre bouche dit, pardonne-nous nos péchés, comme nous pardonnons, notre coeur dit, pardonne-nous Seigneur, mais permets-nous de ne point pardonner à tel de nos frères parce que....

AINSI NOUS NOUS MOQUONS DE DIEU, et notre bouche est contraire à notre coeur, NOUS SOMMES DES HYPOCRITES!

13e point:

Cela me fait penser à un autre défaut qui s'approche de celui que je viens d’indiquer. C’est que nous demandons à Dieu des choses qui sont absolument CONTRAIRES À SA VOLONTÉ.

Nous voudrions que Dieu contentât nos passions et nous le prions de nous accorder des choses que nous n’oserions pas demander aux hommes, et que nous ne voudrions point que les hommes soient au courant de ces demandes à Dieu.

Un Païen disait, qu’il fallait parler avec les hommes, COMME SI DIEU NOUS ÉCOUTAIT, et qu’il fallait parler à Dieu, COMME SI LES HOMMES NOUS ENTENDAIENT, et qu’il ne fallait pas demander à la Divinité, ce que nous ne voudrions pas que les hommes apprennent.

Mais pour nous, nous parlons souvent avec les hommes, comme s’il n'y avait point de Dieu qui nous écoutât, et nous disons à Dieu des choses que nous ne voudrions pas que les hommes entendent.

Un homme, qui a reçu un violent affront, souhaite trouver les occasions de se venger; et les disciples mêmes de Jésus-Christ demandaient que le feu du Ciel descende sur les Samaritains.

Les disciples Jacques et Jean, voyant cela, dirent: Seigneur, veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consume?

Jésus se tourna vers eux, et les réprimanda, disant: Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés. (Luc IX. 54-55.)

Ici je ne saurais m’empêcher de faire remarquer une illusion que se font certaines personnes:

- Elles s’imaginent que les ennemis qu’ils ont, sont les ennemis de Dieu!

- Elles croient que, comme il leur est permis de demander à Dieu qu’il confonde les ennemis de la vérité, il leur est permis de demander aussi à Dieu qu’il extermine leurs propres ennemis, quoiqu’il y ait une très grande différence.


14e point:

Un autre défaut de nos prières, c'est que nous demandons des choses qui nous seraient néfastes.

Nous demandons, par exemple, que Dieu nous donne de grandes richesses, et nous ne considérons pas que dans ces richesses nous pourrions oublier Dieu et le renier.

Plusieurs demandent que Dieu leur donne des enfants, et ils ne considèrent pas que ces enfants seront peut-être le sujet de leurs larmes, ou qu’ils en seront idolâtres.


15e point:

Un autre grand défaut, c’est que dans nos prières nous n’avons pas assez égard à la vocation dans laquelle nous sommes; nous ne demandons pas ce qui est conforme à cette vocation, ou plutôt nous demandons ce qui y est contraire.

Il y a des choses qui conviennent à un Magistrat, d’autres à un Pasteur, d’autres à un Marchand, d’autres à un homme de guerre, d’autres à un Père de famille, et d’autres à un enfant.

Sachons donc demander ce qui convient à notre état!


16e point:

Un grand défaut de nos prières, c'est que lorsque nous demandons des choses corporelles, nous ne les demandons point avec la condition que Dieu nous les donne s'il les juge utiles pour avancer sa gloire et pour notre salut.

Généralement nous sommes beaucoup moins sages que ce Païen, qui disait:

Donne-moi ce qui m’est propre, et salutaire, même si je ne te le demande point,

et ne me donne point ce qui peut me nuire, même quand je te le demande.

De plus il arrive que, lorsque nous suivons les penchant de notre coeur, nous demandons les biens corporels, AVANT les spirituels.

Nous devrions chercher premièrement le Règne de Dieu et sa justice!

Les choses de la terre occupent trop souvent les premières places dans notre Esprit.

Dès que nous sommes réveillés, nous y pensons d’abord, nous dirions volontiers, si nous osions:

Seigneur, donne-nous de grandes richesses, élève-nous dans les honneurs, après cela, donne-nous, si tu le trouves à propos, ton Esprit!

Ne devrions-nous pas commencer par demander à Dieu son Esprit, et sa crainte?

La crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse;

Tous ceux qui l’observent ont une raison saine.

(Psaume CXI. 10.)


17e point:

Ce n’est pas un simple petit défaut de demander avec plus d’ardeur les biens corporels que les biens spirituels.

Cela fait voir qu’il y a un grand dérèglement en nous, que nous estimons plus le corps que l'âme, le présent qui passe, que l’avenir éternel, les biens périssables, que les biens qui ne finiront point.

Nous souhaitons toujours être exaucés dans les prières que nous faisons, pour demander à Dieu ce qui regarde notre corps, et nous craignons quelquefois d'être exaucés lorsque nous demandons des biens spirituels.


18e point:

C'est encore un défaut de demander avec plus d’ardeur d’être délivrés des peines de l’Enfer, que d'être affranchit du péché et des biens qui nous attachent au monde.

Nous demandons avec plus de ferveur de posséder la gloire du ciel et la félicité du Paradis, que la sainteté pour y aller, et cependant nous devrions souhaiter plus d'être délivrés du péché, que des peines, et désirer plus fortement la sainteté, que la félicité.

L’amour propre peut nous faire faire les premières prières,

mais il n’y a que l’amour de Dieu, qui nous fasse faire les secondes.

19e point:

Enfin, car je m’aperçois que j’ai déjà passé les bornes destinées à ces exercices, le grand défaut dans nos prières, c’est que nous demandons souvent des choses à Dieu dans une méchante vue, comme le dit Saint Jacques dans le verset que je vous explique.

Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de l'employer à vos voluptés.

Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions.(Jacques IV. 3. V. S.)

On demande d’avoir de l'esprit, et de l'intelligence, non pour avancer la gloire de Dieu, pour défendre la vérité, pour édifier son Église:

- mais pour acquérir de la réputation,

- pour faire parler de soi,

- pour se faire admirer;

- en un mot, pour se distinguer des autres.

On demande d’avoir des richesses, non pour faire du bien aux pauvres, pour faire des fondations, pour soutenir des familles:

- mais pour paraître plus dans le monde,

- pour bâtir de superbes édifices,

- pour meubler richement des maisons,

- pour ne rien refuser à ses sens,

- pour avoir tout ce qu’on souhaite.

On demande d’avoir de la santé, non pour l’employer à travailler à l’œuvre de la vocation, non pour soulager les misérables et pour secourir ceux qui sont malades,

- Mais pour bien se divertir,

- pour faire bonne chère,

- pour faire des voyages de plaisir.

On demande d'être dans les honneurs, non pour servir la patrie, pour défendre les innocents, pour défendre la cause de la veuve, pour récompenser les vertueux et pour punir les vicieux;

- mais pour avoir un rang dans le monde,

- pour pouvoir abaisser ceux qu’on n’aime pas,

- pour se prévaloir sur les autres de son autorité.

Mais il est temps de finir, car le temps ne me permet pas de passer à d'autres Points et de vous montrer que ces défauts nous empêchent d’être exaucés, selon ce que dit S. Jacques:

Vous demandez, et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal.

Je vous donnerai les autres Points dans un prochain sermon ainsi que les conditions de la Prière.


APPLICATION.


N’êtes-vous pas surpris, Mes F. que dans le premier exercice de piété que nous apprenons dans notre enfance et que nous pratiquons tout le reste de nos jours, nous y commettions tant de défauts.

Si nous péchons, même en faisant nos prières, de combien de péchés ne sommes-nous pas coupables?

Notre piété n’est point aujourd’hui divisée en une foule de cultes et de services comme elle était sous la Loi; Nos prières sont nos sacrifices et nos oblations, et cependant nous nous en acquittons si mal.

Quand je réfléchis sur les causes de tous ces défauts, j’en trouve plusieurs.


La 1ère cause est, que nous ne nous faisons point l’idée de Dieu que nous devrions nous en faire.

Il est vrai que si on nous demande ce que représente Dieu, nous disons:

- que c'est le plus parfait, le plus puissant, et le plus sage de tous les êtres;

- qu’il est infiniment élevé au-dessus de tout ce qui existe,

- que nous ne subsistons que par lui,

- que nous sommes ses créatures,

- que nous tenons de lui la vie, le mouvement et l'être,

- qu’il est le Roi des Rois,

- que toute la nature dépend de ses ordres,

- qu’il est l’Arbitre de tous les événements, l’Auteur de tout bien, le Dispensateur de toutes les grâces, le Juge de l’Univers;

- que toutes les créatures obéissent à ses ordres,

- que d’une parole il peut bouleverser le ciel et la terre, et les réduire en poudre,

- et que ne disons-nous pas de plus!

Mais nous n’agissons point comme des gens qui sont persuadés de ces vérités, et il semble bien que dans la plupart de nos prières nous oublions ces réflexions.

C’est là une grande cause du peu de respect et d’humilité que nous faisons paraître dans nos oraisons; car si nous pensions bien à ce que Dieu est et à ce que nous sommes, nous nous anéantirions devant lui.


La 2e cause des défauts de nos prières, c'est que nous sommes plus frappés des choses visibles que des invisibles; on ne se fait pas une assez grande idée des biens que l’on demande; on ne pense pas que LA FOI EST PLUS PRÉCIEUSE QUE L’OR, et L’ESPÉRANCE QUE L’ARGENT.

- Si nous avions vu une montagne en feu,

- Si nous entendions des voix et des tonnerres, comme on en entendit sur le Sinaï:

- Si nous contemplions un trône tout resplendissant de lumière;

- Si Dieu se présentait à nous, comme Jésus-Christ le présenta à Saint Jean:

Un tel objet nous remplirait de frayeur, et nous serions devant lui dans une profonde humilité!

Mais nous ne voyons point Dieu: Misérables que nous sommes!

Il est vrai que nous ne voyons pas l’invisible, mais ne voyons-nous pas ce monde qu’il a fait?

Ne s’est-il pas comme représenté dans les Saintes Écritures, où nous pouvons le contempler comme dans un miroir?

Comment donc disons-nous que nous ne voyons pas Dieu?


La 3e cause de l'imperfection de nos prières, c'est que dans le fond nous n’aimons pas Dieu!

Nous disons que nous l’aimons, nous avouons qu’il n’y eut jamais d’objet qui méritât plus notre amour, cependant dans le fond nous nous trompons nous-mêmes!

Si nous l’aimions, ne prendrions-nous pas plaisir d’être continuellement avec lui, de nous entretenir avec lui, et de lui ouvrir notre coeur?

Ne lui demanderions-nous pas son amour avec de violents transports?

SE PEUT-IL QUE NOUS N’AIMIONS PAS CE DIEU QUI NOUS A TANT AIMÉS?

La 4e cause, c'est que dès l’enfance on n’inspire pas assez aux enfants la crainte qu’ils doivent avoir de Dieu et le besoin qu’ils ont de sa grâce.

On leur dit bien, en général, qu’il faut craindre Dieu; on les fait prier Dieu, mais tout cela se fait si faiblement, qu’il ne faut pas s’étonner, si quand on est venu à un âge plus avancé, on prie Dieu sans savoir ce qu’on dit, parce qu’on a ainsi prié Dieu, dans l’enfance.

- Si de bonne heure on nous faisait bien connaître ce qu’est Dieu, et que notre bonheur ou notre malheur dépendent de lui.

- Si dès qu’on parle de Dieu dans nos maisons, nous étions tous dans le respect,

- Si nos enfants nous voyaient anéantis en la présence de cet Être Souverain:

ILS SERAIENT SAISIS DU MÊME RESPECT et cela ferait de vives impressions dans leurs âmes.


La 5e cause de ce que nous ne prions pas Dieu comme il faut, c'est que plusieurs regardent la prière comme une chose inutile.

Il y en a qui ne croient pas que Dieu puisse les entendre, et qu’il se mêle des choses d’ici-bas;

Il y en a d’autres qui disent: à quoi sert de prier, puisque tous les événements sont déjà réglés?

D’autres, qui, quoi qu’ils sachent qu’il y ait une Providence et que Dieu leur ait ordonné de prier – en sorte qu’on ne peut lui refuser cet hommage – étant sans impiété, ils agissent pourtant comme si ces prières ne servaient de rien.


La 6e cause est que la plupart des Chrétiens vivent dans le «crime»; les uns dans l’impureté, les autres dans des haines implacables, d’autres dans de méchantes pratiques;

Comment est-ce que de telles gens pourraient prier Dieu?

Comment oseraient-ils présenter des offrandes qu’ils savent lui être abominables?

On l'a fort bien dit, que:

MENER À DIEU UNE CONSCIENCE COUPABLE,

C'EST LUI AMENER UN TÉMOIN CONTRE NOUS.

C’est aussi se faire son procès,

c’est se livrer entre les mains de la sévère Justice.

7e cause. L’amour du monde! Quand nous venons pour prier Dieu, notre cerveau est rempli de mille idées mondaines.

Une âme ainsi occupée pourrait-elle donner place aux idées de la grandeur de Dieu?

Et les vertus Chrétiennes, qui composent la dévotion pourraient-elles compatir avec ces mouvements que le commerce (les relations) du monde nous communique?

Comment veut-on qu’on soit en état de prier Dieu quand on sort de la débauche, ou qu’on a quitté le jeu, ou qu’on a passé la journée à se réjouir avec les mondains et que notre esprit en est encore agité?


8e cause. Les divers soucis, et les inquiétudes que nous avons, tantôt pour nous-mêmes, tantôt pour les autres.

Ces soucis font que nous n’écoutons point ceux qui nous parlent, et que nous ne nous écoutons pas nous-mêmes lorsque nous parlons à Dieu.

Le vrai moyen de se défaire de ces soucis serait de prier Dieu avec ardeur.


9e cause. Ajoutons, que nous donnons trop d'importance à nos affaires.

Un marchand, qui est tout occupé par son négoce est plein de crainte et d’espérance et ne pense à d’autres choses.

Un autre n’a l’esprit rempli que de procès.

Un autre est occupé dès le matin à mille autres choses.

On s’imagine que pourvu qu’on ne fasse de tort à personne on peut se charger d’affaires, pour gagner innocemment du bien. On ne voit pas qu’on est coupable quand on s’ôte le temps de prier Dieu, et de bien prier Dieu.


10e cause. On ne sent pas assez sa misère. C’est une autre cause des défauts de nos prières. En voici une preuve.

Quand un homme a de violentes douleurs, ou qu’il se croit près de la mort, il prie Dieu avec bien, plus d’ardeur qu’auparavant, parce qu’il sent son état.

- N'avons-nous point d’autres maux que des maux temporels?

- Les maux et les misères de notre âme ne sont-elles pas matières à de plus grandes conséquences?

- Ne devrions-nous pas nous préparer toujours à notre fin et penser que chaque jour nous pouvons mourir?

Mais hélas! nous ne le faisons pas! Nous ne sentons pas nos maux spirituels, et nous croyons devoir vivre longtemps. Quel aveuglement!


11e cause. On fait tout ce qu’on peut pour diminuer son zèle, et rien pour l’augmenter!

Où sont ceux qui ont remarqué que le Jeûne enflamme leur dévotion pour prier Dieu avec plus d’ardeur?

On lit des livres qui détournent de la piété, on fait mille et une choses qui distraient de la dévotion, mais:

QUE FAIT-ON POUR AUGMENTER LA PIÉTÉ?

12e cause. Plusieurs ne règlent point les heures de leur dévotion, pourtant il est certain que l’habitude fait beaucoup chez nous.

Quand on s'est accoutumé de manger à certaines heures et qu’on ne le fait pas, on s’aperçoit qu’on a besoin de nourriture.

Si on en faisait aussi une sainte habitude pour prier Dieu à certaines heures et que cela fût réglé, notre conscience nous presserait lorsque nous ne le ferions pas.

Souvent tout est réglé chez nous...,

SAUF L’HEURE DE PRIER.

13e cause. On ne regarde pas les défauts de la prière, comme des péchés, mais seulement comme des imperfections.

Hélas! ne nous abusons pas, Mes Frères, on ne peut pas outrager plus la Divinité, qu’en priant mal.


14e cause. Nous ne pensons point à la mort, ni au jugement, car si nous y pensions tous les jours, nos prières seraient très ferventes!

Ah! Chrétiens, pourquoi n’y pensons-nous pas?

Y a-t-il quelque chose au monde qui doive plus nous occuper?

Dieu veuille nous faire la grâce d’y bien penser et nous faire si bien connaître les défauts de nos prières, que nous travaillions à les corriger incessamment.

Dieu veuille nous donner à tous son Esprit de prière, afin que l’invoquant, comme il nous l’ordonne, nous puissions obtenir ce que nous lui demandons:

LA GRÂCE SUR LA TERRE, ET LA GLOIRE DANS LE CIEL.

AMEN.


Confessez donc vos fautes l’un à l’autre, et priez l’un pour l’autre, en sorte que vous soyez guéris:

LA FERVENTE SUPPLICATION DU JUSTE PEUT BEAUCOUP. (Jacques V. 16. V. D.)

 






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