Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA TOUR DE CONSTANCE

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I

La vieille ville d’Aiguemortes,

La ville du roi saint Louis,

Pâle et maigre derrière ses portes,

Au bord de la mer, s’étend.

Une tour, comme un vieux garde,

Veille en dehors des remparts;

Haute et sombre, au loin, bien au loin, elle regarde,

Elle regarde la plaine et la mer...


II

L’arbre s’incline, le vent court,

La poussière vole au chemin...

Tout est silencieux dans la vieille tour;

Mais aux temps passés, il n’en était pas ainsi:

Les pêcheurs qui s’attardaient,

Dans la nuit, souvent, entendaient

Tantôt, des femmes qui chantaient,

Tantôt, des voix qui gémissaient...


III

Qu’était cela? — Des prisonnières.

Qu'avaient-elles fait? — Violé la Loi.

Placé Dieu en première ligne,

Et la conscience au-dessus du Roi.

Fières huguenotes, aux assemblées

Du Désert, suivies des leurs,

Le psautier en poche, elles étaient allées

À travers champs, pour prier Dieu.


IV

Mais les dragons du Roi veillaient.

Sur la foule en prière, — en avant!

En avant! Le sabre nu, ils se précipitaient:

Et d’hommes de cœur et d’honneur

Bientôt les galères étaient peuplées;

Et leurs femmes, aux mains des dragons,

À Aiguemortes étaient emmenées

Et la Tour était leur prison.


V

Elles souffraient, les pauvres dolentes,

La faim, la soif, le froid, le chaud.

Elles avaient les saintes langueurs

Des assemblées et du foyer.

Mais, elles avaient la foi, force et baume

Des cœurs meurtris et restés fiers.

Ensemble elles chantaient les psaumes

Dans la prison comme au Désert.


VI

Les jours, les mois, les années se passaient,

Et on ne les sortait jamais de là.

Les unes aux souffrances résistaient,

Les autres, hélas! succombaient.

Mais leur Foi, elles ne l’auraient pas vendue;

Mais leur Dieu, elles ne l’auraient pas trahi;

Non! Huguenotes elles étaient nées,

Huguenotes elles voulaient mourir!


VII

Devant tes pierres brûlées par le soleil,

Qu’un autre passe, indifférent;

O Tour! à mes yeux tu es sacrée.

Je suis tout ému en te voyant,

Tour de la Foi simple et forte,

Symbole de gloire et de piété,

Tour des pauvres femmes mortes

Pour leur Dieu et leur liberté!

A. BIGOT.

Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français 1883




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