Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE PSAUME DE MA GRAND-MÈRE

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L’ancienne poésie provençale refleurissant de nos jours a trouvé de brillants rejetons dans ces deux fils de la vieille Occitanie, Jasmin et Mistral. Nous empruntons à un recueil fort distingué, «Li Bourgadieiro» de M. Bigot, de Nîmes, le morceau suivant, fruit d’une heureuse alliance entre la langue des Troubadours et nos vieux souvenirs protestants:


LE PSAUME DE MA GRAND-MÈRE.


I

Avec ton fourreau de futaine

Qui se noue avec un cordon.

Avec ton écriture ancienne

Livre que ma mère-grand lisait:

Va, ne crains pas que je froisse

Ton papier plus jaune que blanc;

C’est avec respect que je t’ouvre.

Vieux psaume de ma pauvre grand-mère


II

En te voyant, vieux psaume, je crois

Quelle est assise à mon côté.

Comme au temps jadis, je la vois

Sur notre porte tricotant;

Avec son juste de sergette

Sa robe de couleur café;

Son œil vif derrière ses lunettes

Et sous sa coiffe de vieille un air de bonté.


III

Tu me rends les longues veillées,

Des histoires quelle nous disait,

Et Monsieur Paul (1), et l’assemblée

À Lèques (2), ou sous les mûriers.

Les jours de deuil, les jours de fête

Qui ont consacré le nom protestant,

Devant toi passent sur ma tête,

Vieux psaume de ma mère-grand.


IV

Ah! c’était une bonne huguenote!

En te portant, à petits pas

Chaque dimanche elle allait au temple,

Eut-il plu gros comme le bras,

Dévote sans affectation,

Elle ne dormait pas à la prière.

Elle mettait chaque chose à sa place:

Savait donner, et du sien.


V

Sous le carton qui te recouvre,

Au bord d’un feuillet, je vois

À côté d’une date, je lis ces mots:

«Aujourd’hui, ma fille a fait un beau garçon.

Dieu le bénisse sur la terre!»

Mes yeux se mouillent en pensant

Que c’est pour moi, cette prière,

Vieux psaume de ma mère-grand!


(1) Le célèbre ministre Paul Rabaut. On voit encore à Nîmes la maison où il mourut, et qui porte son nom. La rue Grétry, où elle est située, est toujours la rue de Monsieur Paul.

(2) Site sauvage des environs de Nîmes, où se tenaient, entre deux murs de rochers aujourd’hui disparus, les assemblées du Désert.

Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français / 1866



 
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