Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

PLAINTES DES FIDÈLES DU REFUGE.

***

1686.


La pièce qu’on va lire fut publiée, «pour remplir quelques pages blanches,» à la fin du petit volume intitulé: La Séduction éludée, ou Lettres de M. l'évêque de Meaux à un de ses diocésains qui s’est sauvé de la persécution, avec les Réponses qui y ont été faites, et dont la principale est demeurée sans réplique (s. d. n. 1.; sur la copie imprimée à Berne en Suisse), in-18 de 96 p.

Ces lettres avaient été écrites par Bossuet à M. de Vrillac, bailli de la Ferté-sous-Jouarre (V. Bulletin, l. ll, p. 412), réfugié en Hollande, et les réponses étaient de la plume de Jean Rou, l’auteur de ces intéressants Mémoires, dont nos lecteurs connaissent déjà quelques extraits et qu’ils liront bientôt en leur entier (Ibid. t. III, p. 488. et t. IV, p. 634). La publication de cette correspondance est censée faite par une tierce personne à qui elle avait été communiquée.

Ce recueil étant rare, nous croyons devoir lui emprunter les strophes suivantes, qui ne sont certainement pas sans caractère et sans valeur, et qui pourraient bien être de Jean Rou, quoique rien ne l’indique positivement. Elles portent ce titre:


PLAINTES DES FIDÈLES PERSÉCUTÉS,

MAIS QUI MARQUENT LEUR RÉSIGNATION À LA PROVIDENCE DIVINE.

1686.


I.

Que le vent souffle, que l’orage


Contre nous exerce sa rage;

Que la mer en courroux fasse écumer ses flots

Contre la fragile nacelle;

Qu’on l’agite toujours par d’injustes complots;

Puisque Jésus est avec elle,

Il tancera les vents; et nos pauvres troupeaux,

Abordant sûrement en des climats nouveaux,

Paîtront en quelque lieu sous ce Berger fidèle.


II.

Que Satan Unisse à ses forces

Du monde et de la chair les flatteuses amorces,

Qu’il fasse contre nous agir mille ressorts;

De ces trois conjurés et de tous leurs complices,

Un cœur bien affermi méprise les efforts!

Mourir pour Dieu sont des délices;

Et quand, dans ces grands sacrifices,

Par une vive foi l'âme soutient le corps,

C’est dans les plus cruels supplices

Que les héros chrétiens se montrent les plus forts.


III.

Au débris de nos tabernacles,

Dont au peuple on fait des spectacles,

Qu’on joigne, si l’on veut, les prisons et les fers,

Dieu se fera de pierres vives

Une église au milieu des plus affreux déserts,

Et, sur de plus heureuses rives,

D’autres temples étant ouverts

À nos familles fugitives,

Leurs langues et leurs voix aujourd’hui si captives

Béniront hautement le Dieu de l’univers.


IV.

Sion ne peut être détruite;

À quelque extrémité que puisse être réduite

L’Église où le Dieu fort plante ses pavillons,

Si nous prions, si nous veillons,

Si nos cœurs à ses lois cessent d’être rebelles,

Ses anges par milliers nous couvrant de leurs ailes,

Nous mettront à l’abri des plus fiers tourbillons,

Et de l’enfer ému les plus noirs bataillons

N’auront point de pouvoir sur nos troupes fidèles.


V.

Grand prince, en qui l’Europe admire,

Des vertus qu’on ne peut décrire,

Et qui de nos amours sont les nobles objets,

Souffre qu’avec respect mon zèle ose te dire

Que la rigueur que l’on t’inspire

Contre tes fidèles sujets,

Est un piège qu’on tend aux illustres projets

Qui te mènent là droit au trône de l’Empire.


VI.

En nous perdant tu romps la digue

Qui s’oppose à l’injuste ligue

Que forme contre toi la race des Césars.

Contre la secrète cabale

Si funeste à la France, à nos rois si fatale,

Nos pères ont été les plus fermes remparts,

Et leurs fils dans le champ de Mars

Te suivant fièrement de victoire en victoire,

Ont essuyé mille hasards

Oui leur ont mérité quelque part en ta gloire.


VII.

Que ta justice et ta clémence

L’emportent donc sur ta puissance,

Dans tes arrêts et tes édits.

Des temples abattus, des pasteurs interdits

Sont une triste récompense

De tant de sang versé pour la gloire des lys;

Mais si j’en crois mon espérance,

Un jour nos vœux seront ouïs,

Et, l’Astre qui luit à la France

Versant sur nos troupeaux une douce influence,

Les cachots les plus sourds, de nos chants réjouis,

Annonceront la délivrance

Que j’attends de la Providence

Et des grandes vertus qui couronnent LOUIS.


Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français. / 05



 
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