Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L’OBÉISSANCE

AUX

SOUVERAINS

Discours prononcé..., à l'occasion du sacre de Louis XVI,

roi de France et de Navarre,

le 9 juillet 1775

Par un Pasteur du Désert.


Couverture Obeissance


Discours sur la première épître de St Pierre, Chap. II, vers. 13 et 14.

Soyez soumis à tout ordre humain pour l'amour de Dieu, au roi comme à celui qui est au-dessus des autres, aux gouverneurs comme à ceux qui sont établis de sa part pour punir les méchants et pour récompenser les gens de bien.

Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité établie parmi les hommes, soit au roi comme souverain, soit aux gouverneurs comme envoyés par lui pour punir les malfaiteurs et pour approuver les gens de bien. (1 Pierre II, 13-14. V. S.)


Les ennemis de la religion chrétienne l'ont accusée de tout temps d’inspirer un esprit d’indépendance aux hommes. Son divin fondateur n’eut pas plutôt paru sur ta terre, que les rois et les magistrats prirent ombrage de sa grandeur naissante.

Hérode, alarmé, crut qu’il venait lui ravir sa couronne et le faire descendre du trône d'Israël.

Les principaux de Jérusalem lui reprochèrent de refuser le tribut à César et de chercher à s'élever sur les débris de son empire.

D’audacieux témoins le citèrent devant Pilate et le firent condamner au supplice comme rebelle et séditieux.

Un peuple insolent attesta qu’il s’était nommé roi des Juifs, et demanda, pour le couvrir de ridicule, que ce titre lui fût mis sur sa tête mourante.

Ses apôtres ne furent pas non plus à l’abri de la calomnie; on ne cessa de les peindre aux yeux des puissances, comme des ministres de désordre et des perturbateurs du repos public. .

Tous ses partisans, objets des mêmes imputations, ont été taxés, par la malignité des nations infidèles, d’une foi dangereuse, d’un zèle turbulent, et inculpés dans les crimes d’état les plus odieux.


Grâce au ciel, mes très chers frères, le christianisme ne mérita jamais des reproches si flétrissants; jamais le fils de Dieu ne prétendit établir son règne sur les ruines des gouvernements temporels.

Ami de l’ordre, il apporta des cieux la paix sur la terre; il respecta les lois qui en sont la baie, et n’enseigna pas moins à rendre aux potentats qu’à l’Être suprême ce qui leur appartient.

Ses disciples, loin de prêcher la révolte aux peuples, les excitèrent, comme lui, par leur doctrine et par leur exemple, à la fidélité en soutenant les droits de leur maître, ils défendirent l’autorité des chefs de leur nation, et leur consacrèrent, tant par des préceptes d’obéissance que par une conduite respectueuse, des esprits soumis et des cœurs dociles.

Sourds à la voix du fanatisme aveugle, du ressentiment audacieux, de l'esprit de parti toujours entreprenant, ils plièrent, sans murmurer, sous le joug même de leurs persécuteurs et rendirent hommage à la religion par leur douceur comme par leur zèle.

Craindre Dieu, honorer les rois, tels furent leurs principes. (2 Pierre II, 17.)


Instruits à cette école, mes très chers frères, vous y avez puisé les sentiments de subordination qui distinguent toujours le vrai croyant et le bon citoyen: sujets fidèles en même temps que chrétiens réformés, vous ne connaissez point ces détestables principes, qui, opposant les lois d’une religion mal entendue aux régles d’une sage police, font des hommes autant d’ennemis dangereux, et du Dieu que le monde adore, et des princes qui régnent de sa part, sur le monde.

Vous n’êtes point épris de cet enthousiasme furieux qui ne lève les mains au ciel que pour montrer à la terre l’étendard du trouble, qui attaque avec insolence, sous les dehors spécieux d’une fausse piété, les têtes couronnées, et qui ne rend pas moins, en ébranlant la sûreté publique, qu’à répandre, dans les états l’anarchie et la confusion.

Vos maximes puisées dans la source sacrée d’un évangile de paix, les décisions formelles de vos docteurs, vos articles de foi, les preuves éclatantes d’attachement et de fidélité que reçurent de vous vos légitimes souverains; tout annonce pour eux votre déférence et votre respect

Mais quoi de plus propre à ranimer ces sentiments dont vous faites gloire, que la cérémonie auguste et touchante, qui, en consacrant au nom de la patrie un monarque chéri, vient de mettre le comble à votre joie?

Des fêtes publiques, des chants d’allégresse et de reconnaissance ont déjà fait monter, jusqu’au trône où il est assis, vos vœux et vos serments: vous avez célébré, comme le reste de ses sujets, ce jour mémorable, où il a resserré les nœuds chers et sacrés qui l’attachaient à la nation; en recevant les engagements qu’il a pris avec elle, vous lui avez renouvelé les protestations d’une fidélité à toute épreuve vous lui avez juré d’honorer son pouvoir, d’obéir à ses ordres, et de prendre à son sort le plus tendre intérêt.


* * *


Il ne me reste donc, mes très chers frères, qu’à vous entretenir des obligations que vous avez formées: en marquer l’étendue, en établir les fondements, ce sera le sujet et le partage de ce discours.

J’envierais aux magistrats leurs nobles fonctions, si celles du saint ministère n’avaient aussi pour objet le bonheur public; mais tandis qu’ils s’occupent à retenir les citoyens dans l’obéissance par des lois humaines, nous opposons à l’indocilité le frein des lois divines; et joignant ainsi aux règlements civils les préceptes sacrés de la religion, nous avons la gloire d’unir les sujets aux princes, par des liens d’autant plus forts que la conscience les resserre.

Tâche sublime! ce n’est, ô Dieu! que par ton secours que nous pouvons dignement la remplir. Pénètre-nous toi-même de ces grandes maximes, qui tendent au soutien des gouvernements; sois qu’en passant par nos faibles lèvres elles n’y perdent rien de leur dignité, et accompagne-les de la vertu de ton esprit dans le cœur de tous ceux qui nous écoutent.

Amen.


* * *

Première partie


L’autorité civile n’est pas partout la même; elle varie selon les instituts qui la déterminent, et la manière dont elle est distribuée:

ici elle est commune à tous les membres de la même nation;

là, elle n’est placée qu’entre les mains d’un certain nombre;

ailleurs, elle réside dans un seul.

Je n’examine point quelle est la meilleure de ces constitutions; elles ont toutes leurs avantages; elles ont aussi leurs inconvénients!

Il n’est point sur la terre d’établissement parfait; QUOI QU’IL EN SOIT, CHACUN DOIT RESPECTER CELUI DONT IL DÉPEND.

Êtes-vous citoyens d'un état populaire, pliez sous le joug de la multitude;

votre direction est-elle confiée à des maîtres choisis, que leurs lois vous servent de règle;

habitez-vous sous la domination d’un monarque absolu, obéissez aux ordres qui émanent de lui.

Sous quelque forme de gouvernement que vous soyez appelés à vivre, déférez à vos supérieurs, soyez fournis à tout ordre humain, offrez d'abord au roi, comme à celui qui est au-dessus des autres, l’hommage sacré de votre obéissance.

Rendez ensuite aux gouverneurs établis de sa part, aux ministres de ses desseins, aux interprètes de ses lois, à tous ceux qui commandent par son autorité, l'honneur qu’ils méritent. Marqués du sceau public de sa grandeur et de son pouvoir, ils partagent le rang suprême où il est élevé, et ont sur vous des droits incontestables.


Cette obligation, mes très chers frères, d’obéir aux chefs qui président sur nous, n’a pas moins pour objet les méchants que les bons.

Quels que soient leurs défauts, nous devons courber humblement nos têtes sous leur domination, les respecter, les craindre, et LAISSER À DIEU LE SOIN DE LES JUGER.

«Les lois, comme l’a dit un philosophe de nos jours (le Marquis d'Argens), sont les juges des hommes; les rois sont les exécuteurs des lois, et Dieu seul est le maître des souverains

Si chacun avait le droit de les citer à son tribunal, ils dépendraient bientôt du caprice et de l’insolence.

Bénissons donc le ciel lorsqu’il nous donne, dans son amour, des protecteurs et des pères; mais ne montrons jamais un front audacieux aux tyrans mêmes qu’il pourrait nous susciter:

chérissons les rois humains, pacifiques et bienfaisants, comme les ministres de sa bonté,

et respectons les autres comme les émissaires de sa justice.

Souvenons-nous que des princes cruels sont souvent moins à craindre que l’anarchie; leur méchanceté peut réprimer la méchanceté même, renverser les bornes de leur autorité, sous prétexte qu’ils ont des vices: ce serait ouvrir la porte à la licence, au désordre et à l’oppression.

«Il faut, disait un illustre Romain, supporter le luxe, ou l’avarice des puissances, comme les années de stérilité, les orages et les autres dérèglements de la nature. Il y aura des vices tant qu’il y aura des hommes; mais le mal n’est pas continuel, et on est dédommagé par le bien qui arrive de temps en temps.» (Tite Live)

Ce n’est cependant pas, mes très chers frères, que nous devions obéir aux rois au préjudice des devoirs que la conscience nous impose.

Rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu, (Marc XII, 17.) C'EST LA PREMIÈRE DE NOS OBLIGATIONS; toutes les autres lui sont subordonnées!

Maîtres du monde, c’est par ce Dieu seul que vous régnez sur nous. (Jean XIX, 11.)

Pourriez-vous justement lui disputer notre préférence, et pourrions-nous vous l’accorder sans crime?

Ah! laissez-nous la douce liberté de lui offrir l’hommage de notre dépendance, ou souffrez que dans l’amertume de nos regrets, nous surpassions les bornes que vos lois nous assignent.

Quel que soit le respect que nous vous devons, nous ne saurions manquer à celui que mérite l’Être suprême; c'est pour l'amour de lui qu’il nous est ordonné de vous être soumis; et dans le choix pressant de vous déplaire ou de l’offenser, nous oserions vous dire, avec cette assurance qu’inspire la droiture des intentions:


Jugez vous-même s'il est juste de vous obéir plutôt qu’à Dieu.

(Actes IV, 19.)


Mais s’il est des cas, mes très chers frères, où nous puissions être dispensés de nous soumettre à nos supérieurs, il n’est du moins aucun de nous qui puisse se soustraire aux ordres légitimes qu’ils nous prescrivent. Des lois ÉQUITABLES n’admettent ni excuse ni exception; et chaque citoyen, quelle que soit la place qu’il occupe, est également obligé d’y souscrire.

Le magistrat sur son tribunal, et le ministre au pied des autels; le marchand, l’artisan, le laboureur et le soldat; tous les membres de la patrie doivent, de concert, en respecter les chefs, et ne vivre ensemble, sous leur autorité, que pour en faire la règle invariable de leur conduite.

C’est pour montrer la force de cette obligation que je destine mon second point.


* * *

Seconde partie


Le sacre des rois n’ajoute rien à leur dignité; mais il semble accroître la vénération que les hommes leur doivent.

La majesté de la religion qu’ils prennent à témoin de leurs engagements, le concours solennel des chefs de la nation, les vœux des peuples sur qui ils vont régner; tout inspire pour eux la confiance et le respect:

oints au nom du Seigneur, ils reçoivent de lui le droit de gouverner les nations de la terre;

IL préside lui-même à leur installation, et verse sur eux l’huile sainte qui les consacre:

c’est LUI qui met la couronne sur leur tête, le sceptre dans leurs mains, et le trône sous leurs pieds;

l’autorité qui leur est confiée est une émanation de SON autorité,

et le pouvoir dont ils sont revêtus, une émanation de SON pouvoir.

Il n'est point de puissance, dit l'écriture, qui ne vienne de Dieu, et toutes celles qui subsistent ont été établies de Dieu. Le prince est son ministre. Il est chargé d’accorder, de SA part, des récompenses à celui qui fait bien, et il porte le glaive de SES vengeances pour punir celui qui fait mal. (Rom. XIII, 1-4)

J’ajoute que les rois, marqués du sceau de la divinité, sont ici-bas ses images vivantes. Leur élévation retrace SA grandeur, la splendeur qui les environne annonce la gloire, leurs bienfaits sont des signes de SA bonté, et leurs châtiments des présages de SA justice. (Ps. LXXXII, 6.)

Ils portent SON nom, ils partagent l'empire qu’il exerce sur nous, et:


EN LEUR DONNANT LE POUVOIR DE NOUS COMMANDER,

IL NOUS IMPOSE L’OBLIGATION DE LEUR OBÉIR.


N’oublions donc jamais, mes très chers frères, que la religion et la politique se tiennent par la main:

l’une est, il est vrai, descendue des cieux;

l’autre a pris naissance sur la terre:

l’une tend à faire des élus,

l’autre à former des citoyens;

l’une porte ses vues dans la vie à venir,

l’autre se renferme dans la vie présente.

Mais, en différant dans leur origine ainsi que dans leur but, elles se réunissent dans leurs opérations; leurs intérêts sont ici-bas les mêmes, et leur sort est lié.

Les devoirs du fidèle sont inséparables des devoirs du sujet; et un homme pieux est par cela même un bon patriote.

Ainsi St Paul ne veut pas seulement qu'on soit soumis aux rois par la terreur de la punition, mais par un motif de conscience. (Rom. XIII, 5.)

Il établit sur ce que nous devons à l’Être suprême l’obéissance qui leur est due et fait, des sentiments que nous avons pour lui, la base inébranlable de ceux qui nous consacrent à leur autorité.

Aimez-vous Dieu, respectez-vous ses lois? Vos volontés sont-elles les tiennes; vous chérirez vos maîtres, vous courberez sans peine vos têtes sous leur joug, et, vous soumettant comme dit St Pierre, à tout ordre humain pour l'amour de ce Dieu, vous vous ferez une loi de plaire à des supérieurs qui le représentent.


Cette soumission, mes très chers frères, est d’autant plus agréable au Dieu par qui les rois règnent, que TOUT ANNONCE EN LUI L’AMOUR DE L’ORDRE.

L’univers, arraché par sa main puissante au sein du chaos, offre de toutes parts des traits de sagesse et d’arrangement: il y a mis chaque être à sa place; il a prescrit à tout la destination, et établi les moyens les plus propres à concourir au bien général.

Des lois aussi simples qu’invariables font mouvoir, sans peine et sans confusion, les vastes corps qu’il jeta dans l’espace. Dociles à sa voix, les astres suivent de point en point la route uniforme qu’il leur traça: les jours et les nuits, les mois et les saisons se succèdent sans s'interrompre.

Il règle enfin la génération des êtres vivants; et un passereau, comme dit l’écriture, ne naît ni ne meurt sans sa permission. (Matth. X. 29.)

Osons, mes très chers frères, prendre Dieu pour modèle; suivons de concert, dans la société, la marche qu'il nous trace dans la nature; imitons l’harmonie que sa providence fait régner dans le monde; et, respectant des institutions qui secondent ses vues:


Soyons soumis à tout ordre humain pour l'amour de LUI.


Le devoir sacré d'obéir aux rois, mes très chers frères, n’est pas moins fondé sur les promesses qu’ils reçoivent de nous, que sur la volonté du Dieu qui les élève au rang suprême.

Par quelque route qu’ils montent sur le trône, dès qu’ils y font assis légitimement, nous formons avec eux des liens indissolubles.

Si c’est la naissance qui les y place, le sang auguste, qui coule dans leurs veines, doit exciter pour eux notre vénération.

Si c’est le choix public, le pouvoir suprême, dont ils font revêtus, est dans leurs mains un gage de notre soumission.

Si c’est la valeur, la sûreté que nous leur devons, et les lauriers qui ceignent leur front victorieux, leur méritent l’hommage de notre dépendance.

Ô peuples! refuseriez-vous à ceux qui vous gouvernent, un tribut que des titres si solennels leur ont consacré?

Vous serait-il permis de secouer leur joug sous le moindre prétexte?

Ah! si les traités et les serments qui vous unifient dépendaient ainsi de votre inconstance; si chacun avait droit de les anéantir, les états crouleraient sur leurs fondements, et la licence enfanterait partout la discorde et le trouble.

Citoyens, n’oubliez jamais qu’en confiant à vos supérieurs le soin de votre honneur, de votre fortune et de votre vie, vous leur avez remis l’empire qu’ils ont sur vos volontés, et qu’il suffit qu’ils soient chargés de vous protéger, pour que vous le soyez de leur obéir.

L’autorité des rois, mes très chers frères, doit nous être d’autant plus recommandable, qu'elle seule affermit notre prospérité. Il fut sans doute un temps où, exempts des passions qui les divisent, les hommes vertueux habitaient sur la terre sans se la disputer; où la cupidité ne les cantonnait point dans des limites nationales, et où, n’ayant besoin ni de souverains pour leur commander, ni de juges pour terminer leurs contestations, chacun pouvait dire, l’univers est à moi.

Mais ce temps fortuné, cet âge d’or n’est plus. Les hommes pervers se sont dépouillés de cette autorité dont la nature les avait revêtus; il a fallu, pour les contenir dans les bornes sacrées de la justice, régler leurs possessions, fixer leurs titres, et défendre les droits des bons contre l’audace des méchants: de là les institutions politiques, les rois qui président, et les gouverneurs établis de leur part.


Sans eux, mes très chers frères, l’intérêt, l’envie, l’orgueil lèveraient parmi nous leur tête insolente, et souffleraient au loin la dissension.

Chacun voudrait commander, aucun ne voudrait obéir;

chacun voudrait accumuler des biens, aucun ne voudrait se les procurer au prix de ses sueurs.

De ces prétentions naîtraient les querelles, les débats et les meurtres; la loi du plus fort, quoique la plus injuste, serait la dominante; nous ne vivrions ensemble que pour nous déchirer mutuellement.

Dans ce désordre affreux, nos jours s’écouleraient dans l’oubli du travail, sans lequel la terre se couvre de ronces et de chardons; nous négligerions les ressources de l’industrie, et nous serions en proie à l’indigence.

Mais, SOUS DE SAGES GOUVERNEMENTS, la justice, le calme et la prospérité habitent sur ce globe; les souverains y protègent du haut du trône les peuples dociles qui leur font confiés; le magistrat punit le méchant, et y récompense l'homme de bien; chaque citoyen y cultive à loisir l’héritage de ses ancêtres et y goûte sans trouble le fruit de ses travaux.

Alors; mes très chers frères, les champs et les forêts se couvrent d’abondance; les arts naissent en foule de l’exercice des talents; l'émulation fait fleurir le commerce, et enrichit les peuples; la terre, enfin, montre de toute part une face riante, et jette, pour parler avec l'écriture, des cris d'allégresse.


* * *

Application


Heureuses donc; mes très chers frères, les nations paisibles où les souverains dominent sans crainte; et où les juges ont le pouvoir de faire droit à l’affligé!

Heureuses surtout celles à qui le ciel donné de bons rois!

Heureuses la France! ses chefs augustes se perpétuent; et le bon ordre y fait fleurir les branches de l'administration.

Prince bienfaisant; qui en êtes la gloire et les délice, pour vous occuper de notre bonheur, vous n’avez pas attendu l’onction sainte et les serments qui vous lient à nous; en montant sur le trône; vous avez, appelé des conseillers sages des amis des lois et de la patrie; vous les avez chargés de veiller avec vous à sa félicité, de seconder votre amour pour elle, et de n’ouvrir l'oreille à ses soupirs que pour la soulager.

Telle que l’aurore d'un jour serein, la première année de votre règne a porté dans nos cœurs l’espérance et la joie.

Vous n’avez signalé votre autorité que par des actes multipliés de justice et de bienveillance tout nous annonce en vous un père autant qu’un roi.

Qu’il est beau pour un homme de faire ainsi le bonheur des hommes, de ne commencer la carrière de cette vie que pour leur en adoucir les peines, et d’illustrer le rang qu’il tient au milieu d'eux par la gloire qu’il leur procure!

Le conquérant, qui, après avoir saccagé des villes, désolé des provinces, anéanti des peuples, ne voit du haut du trône que les traces fumantes de leurs malheurs, N’A D’AUTRE RÉCOMPENSE DE SES EXPLOITS QUE LA HONTE ET LE REPENTIR.

Des milliers d'hommes, livrés au désespoir ou noyés dans leur sang, flétrissent ses lauriers, et empoisonnent la jouissance de ses victoires.

Trompé dans les désirs qui lui inspirait une folle ambition, il pleure, ainsi qu'autrefois Alexandre, sur les vastes limites qu’il vient de reculer, et les louanges qu’il reçoit, comme les régions qu'il a subjuguées laissent dans son cœur la tristesse et l’ennui.

Mais un monarque doux, paisible et bienfaisant, se plaît, du rang suprême où le ciel l’a placé, à tourner les yeux sur des nations dont il fait l’assurance; il joint au plaisir pur de leur être utile, celui de voir la raconnaissance lui dresser des autels dans tous les cœurs, et goûte des délices préférables à ceux des plus beaux triomphes.

Ici le ministre et le magistrat, contents dans l’exercice de leurs fonctions, lui offre de concert, l’hommage flatteur de la religion et de la patrie;

là, le négociant, l'artisan et le laboureur le bénissent du fruit de leurs travaux;

ici, le père, environné de ses enfants chéris, semble n’avoir d'entrailles que pour sentir qu’il doit leurs jours à sa vigilance:

au sein du patrimoine de ses aïeux, l'héritier célébré en lui son défenseur;

le vieillard ne vit que pour le louer;

les villes, les provinces et les hameaux retentissent du bruit de son nom;

chacun exalte ses vertus; tous demandent au ciel SA CONSERVATION, et voudraient qu'il fût un Dieu sur la terre que pour être immortel.

Ô vous, qui êtes l’objet de notre espoir et de nos vœux, puissiez-vous longtemps, avec une princesse si digne d’être assise sur votre trône, jouir de ce spectacle qu’offre toujours: aux bons souverains un peuple satisfait!

Puissent des rejetons, dignes de votre sang et de vos vertus, les perpétuer!

Puissions-nous, enfin, ne tenir aux lieux qui nous ont vu naître, que par les douces chaînes qui nous lient à vous!

Ces protestations de tous vos sujets ne cesseront d’être dans nos cœurs et dans nos bouches: qu’elles montent du fond de ces déserts où nous nous assemblons, jusqu'à votre trône!

Daignez être assuré que le même intérêt qui nous attache au séjour de nos pères, fixe sur vous nos tendres regards; et que, SOUMIS À TOUTES LES LOIS QUI NE BLESSENT POINT NOS CONSCIENCES, ce n'est qu’à regret que nous violons les autres.


Si nous avions le triste sort d’être sans Dieu dans le monde, vous seriez aujourd’hui le maître absolu de nos volontés!

MAIS IL EST, CE DIEU À QUI APPARTIENT NOTRE PREMIER HOMMAGE; vous reconnaissez, comme nous, son empire; vous l’adorez dans la sincérité d’une âme droite: verriez-vous d’un oeil courroucé monter vers lui notre encens et nos vœux?

Ah! rappelez, pour tant de sujets utiles et confiants, ces tendres sentiments qui vous attachent à la nation; soyez touché de leur innocence, de leurs soupirs et des larmes qu’ils ont si souvent répandues sans murmurer et sans se plaindre.

Souvenez-vous enfin, qu’ils sont enfants de la patrie dont vous êtes le père; que des liens d’amour, de reconnaissance, d'intérêt, les retiennent dans vos états; et qu’en brisant leurs fers, vous n'avez point à craindra qu'ils abandonnent un séjour qui leur plaît.

Pleins de la confiance que vous leur inspirez, ils osent se flatter qu’en montant sur le trône, vous jetterez sur eux des regards favorables, mais, si par une providence, dont ils doivent toujours respecter la rigueur, vous laissiez encore leurs nœuds sacrés sans force, leurs enfants sans titre, et leur fortune sans sûreté; si vous abandonniez leurs temples dans la poudre, ils n’iraient point d’une main hardie les relever et y fléchir le genou, contents d’adorer, sous a voûte du ciel un Dieu présent partout, ils mettraient devant lui le doigt sur la bouche; et s’il leur échappait des soupirs douloureux, ils ne formeraient point de plaintes téméraires; ils prieraient ce Dieu qui vous a confié le sceptre, d’incliner vers eux votre cœur bienfaisant; mais ils vous offriraient les sentiments respectueux du leur; et en l’invoquant comme le plus grand de tous les êtres, ils ne cesseraient de vous honorer comme le meilleur de tous les souverains.

Oui, cultivons, mes très chers frères, les sentiments de résignation qui nous animent; formons des voeux pour notre délivrance; attendons-la des lumières du siècle, de la douceur du gouvernement, et du monarque bienfaisant qui préside sur nous.

Ne nous livrons point à des démarches téméraires, distinguons avec soin ce que nos supérieurs ont droit d'exiger de notre obéissance; de ce que Dieu prescrit à notre dévotion en évitant scrupuleusement tout ce qui pourrait nous mériter le moindre reproche.

Ne surpassons jamais, par un zèle mal entendu, les bornes légitimes qui nous sont assignées; toujours circonspects autant que religieux, montrons la pureté de nos intentions par une vie paisible et tranquille, en pratiquant, comme dit St Paul, tous les devoirs de la piété. (1 Tim. II, 2.)

Honorons, enfin, le titre de sujets en même temps que celui de chrétiens; et n’oublions pas que, tandis que la religion nous oblige à rendre à l'Être suprême le culte qu’il mérite, la reconnaissance, ainsi que l’intérêt, nous fait un devoir de respecter les chefs qu’il a placés sur nous.

Si l’auguste emploi de nous gouverner et de nous rendre heureux est digne d’envie, il est aussi bien pénible pour eux.

Être sans cesse en garde contre l’illusion des grandeurs humaines, repousser la voix de la flatterie, chercher la vérité à travers le masque de l’imposture, connaître le bien et s'appliquer sans relâche à le faire... Que de devoirs effrayants à remplir! que d’obstacles à vaincre!

Oh! combien est pesant le fardeau de la royauté!

Combien de soucis assiègent le trône!

Bénissons Dieu, mes très chers frères, d’avoir placé sur nous un prince vertueux, épanchons dans cette hymne d’actions de grâces que nous allons chanter, la confiance qu’il nous inspire.

Souvenons-nous que, quel que soit le zèle dont il est animé, il compte sur le nôtre, et que, pour s'acquitter de ses obligations, il a besoin d’un peuple docile.

Aidons-le à porter cette charge accablante que le ciel et nos vœux ont mis sur sa tête; soulageons, en l’aimant les soins qu’il nous donne, et demandons au Monarque suprême qu’il l'enseigne à bien nous gouverner.

Ô toi, qui présides sur la vaste étendue de l'univers; toi, qui disposes des rois, des royaumes, ratifie, du haut des cieux, les serments qui nous lient au prince chéri que tu nous as donné.

C’est par toi qu’il domine, et qu’il doit rendre la justice; tu as confirmé les droits de sa naissance; tu l’as, marqué du sceau de ton pouvoir; et en l’honorant ce sera t’honorer; agrée pour lui l’assurance inviolable de notre amour, de notre obéissance et de notre respect; cultive dans son cœur les germes de sagesse et d’intégrité, qui nous le rendent cher.

Accompagne-les des fruits précieux que nous en attendons; préside à ses conseils lorsqu’il nous jugera et soutiens son bras, soit qu’il le lève pour lancer des châtiments, ou pour distribuer des récompenses; qu’armé du glaive de ta justice, il intimide le coupable et encourage l’homme de bien; que son trône soit en tout temps le refuge de l’innocence et que les malheureux y trouvent en lui leur consolateur.

Abaisse, ô Dieu! ses regards bienfaisants sur les débris épars de nos sanctuaires et réjouis-nous, sous sa domination au prix des jours pendant lesquels tu nous as affligés. (Ps XC, 15.)

Tu as posé Seigneur, les premiers fondements de cette monarchie; tu l’as soutenue à travers une longue suite de siècles; ne permets pas qu’elle soit ébranlée; écarte de son sein tout ce qui pourrait en écarter le calme et la prospérité; et que ton bras, étendu jusqu’ici pour la protéger et pour la défendre, ne l’abandonne point.

Bénis-nous, bénis notre patrie, bénis tous ceux qui la gouvernent; et reçois-nous, les uns et les autres, dans le séjour de la félicité.

Amen.



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