Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES CAMISARDS

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Nous empruntons à «l’Évangéliste du 21 octobre» le morceau suivant composé à l’occasion d'un tableau de M. Labouchère et d’une visite à la Maison de Roland, par un historien, poète à ses heures, M. le pasteur Daniel Benoît.

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Si vous avez du sang huguenot dans les veines,

Regardez cette gorge étroite des Cévennes.

Au fond brûle un hameau: ce sont les miquelets,

Qui viennent, en chantant quelques hideux couplets,

D’ajouter un forfait à leurs crimes infâmes,

En massacrant là-bas des vieillards et des femmes.


Partout des cris de mort mêlés aux cris d’effroi.

Vengeur des opprimés, Dieu fort, réveille-toi.

Or, sur un cheval blanc s’avance, tête haute,

Un jeune homme, un héros, le pâtre de Ribaute.

Le courage et la foi l’ont sacré chevalier;

C’est le chef camisard; salut à Cavalier!

Ses hardis compagnons l’entourent; un prophète,

Qui soutient leur courage au sein de la tempête,

Chevauche à ses côtés. Armé pour le bon droit,

Il est fidèle à Dieu, s’il résiste à son roi.


Le pouvoir de Louis a pris fin où commence

Celui d’un potentat plus grand, la conscience!

Ils vont à petits pas, scrutant tout du regard.

Soudain un cavalier cévenol, l’œil hagard,

Apparais et du doigt leur montre le repaire

Où vient de s’arrêter la bande incendiaire.

C’est bien: des assassins les instants sont comptés;

Bientôt des coups de feu, dans l’air répercutés,

Diront aux réformés, que le pouvoir opprime,

Qu’un vengeur veille au ciel et qu’il punit le crime.


Je vous aime, ô proscrits, valeureux camisards,

Qui teniez en échec les troupes de Villars,

Et qui, de vos rochers faisant des forteresses,

Restiez calmes et forts au sein de vos détresses.

Mon vers ému s’anime à vos noms familiers.

Dans vos rangs on comptait les héros par milliers.


Et lorsque de Roland je visitais naguère

La cachette où souvent dormit l’homme de guerre,

Je pleurai... Cependant, malgré tous vos exploits,

Je te préfère encore, Église sous la croix!

Quand tes pasteurs allaient, candidats au martyre,

Consoler de Sion la fille qui soupire;

Lorsqu’armés seulement d'espérance et de foi,

Ils prêchaient au Désert, malgré l’édit du roi;

Lorsqu’au bruit des torrents mêlant le chant des psaumes,

Ils imploraient les dons du ciel sur tous les hommes,

Et qu'ils priaient surtout pour leurs persécuteurs;

Quand ces saints, qu’on osait traiter de séducteurs,

Saisis par les dragons au fond des solitudes,

Où leur voix expliquait la Bible aux multitudes,

Expiraient, pour le Christ heureux d’avoir souffert,

Et pour les accueillir voyant le ciel ouvert;

Alors leur sang était la semence féconde

Qui doit germer un jour pour le salut du monde;

Et ces martyrs étaient les vrais triomphateurs.

O Jésus, mets un peu de leur foi dans nos cœurs!

D. BENOIT.

Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français 1881




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