Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA SAINTETÉ DES ÉLUS.

SERMON PRONONCÉ DE NUIT, AU DÉSERT


***


Sermon sur ces paroles (Psaume XV, 1 et 2):


Éternel, qui est-ce qui séjournera dans ton tabernacle?

Qui est-ce qui habitera en la montagne de ta sainteté?

Celui qui chemine en intégrité, et qui fait ce qui est juste,

et qui profère la vérité comme elle est dans son cœur.


Mes Frères bien-aimés en Jésus-Christ notre Seigneur, Dieu ayant autrefois choisi Aaron pour exercer la sacrificature, plusieurs des enfants d’Israël se soulevèrent contre lui et contre Moïse, qui était le conducteur du peuple; et ils voulurent s’égaler à eux. Mais la terre s’étant ouverte, engloutit Dathan et Abiram, qui étaient deux chefs des rebelles, et tout ce qui leur appartenait.

Le feu sortit aussi de la présence de l’Éternel, et consuma Coré et deux cent cinquante hommes, qui avaient pris avec lui des encensoirs pour offrir à Dieu le parfum, quoiqu’ils ne fussent pas sacrificateurs.

Et parce que le lendemain tout le peuple murmura contre Moïse et Aaron, à cause de la mort de tous ces rebelles, la colère de Dieu s’embrasa de nouveau contre ce misérable peuple, et il y eut encore quatorze mille sept cents personnes, qui moururent de cette plaie.

Après quoi. Dieu voulant faire connaître qu’il avait choisi la tribu de Lévi, pour exercer la sacrificature, et pour faire dans son sanctuaire le service qui lui était dû, ordonna que chaque tribu donne une verge, et qu’on mette toutes ces verges dans le Tabernacle d’assignation devant le Témoignage, où il avait coutume de se trouver avec eux: Et il leur dit qu’il arriverait que la verge de celui qu’il aurait choisi, fleurirait. En effet, le lendemain, la verge d’Aaron eut jeté des fleurs, produit des boutons, et mûri des amandes, comme nous le voyons dans le XVIIe chapitre du livre des Nombres.


Par là, mes chers frères, Dieu a voulu nous faire comprendre que ses véritables élus, ceux qui ont l’entrée de son sanctuaire, et dont le service lui est agréable, sont ceux qui font de bonnes œuvres, ceux qui produisent des fruits de justice, de sainteté et de piété.

C’est aussi ce que nous apprenons dans notre texte, où le roi-prophète dit à Dieu:

Éternel, qui est-ce qui séjournera dans ton tabernacle?

Qui est-ce qui habitera en la montagne de ta sainteté?

Celui qui chemine en intégrité, et qui fait ce qui est juste, et qui profére la vérité comme elle est dans son cœur.

Tout le psaume, d’où ces paroles ont été tirées, ne tend qu’à nous apprendre que les personnes impures, injustes, ou impies n’ont point de part en l’alliance de Dieu; que Dieu ne les considère pas comme ses enfants; qu’il les regarde au contraire comme des réprouvés; et que les véritables membres de son Église, ceux qui sont les objets de son amour et de ses grâces, sont ceux qui ont sa crainte, qui obéissent à ses commandements, et qui lui donnent gloire.

Éternel, est-il dit dès l’entrée de ce psaume, qui est-ce qui séjournera dans ton tabernacle? Qui est-ce qui habitera en la montagne de la sainteté? Celui qui chemine en intégrité et qui fait ce qui est juste et qui profère la vérité comme elle est dans son cœur.

Dans ces paroles, avec l’assistance du Saint-Esprit, que nous avons imploré, et que nous implorons encore de tout notre cœur, nous verrons:

1. Ce qu’il faut entendre par le tabernacle de Dieu et par la montagne de sa sainteté;

2. Ce que c’est que séjourner dans ce tabernacle mystique, et qu’habiter en cette sainte montagne;

3. Et enfin qui sont ceux qui ont ce bonheur: C'est celui, dit le roi-prophète, qui chemine en intégrité, et qui fait ce qui est juste, et qui profère la vérité comme elle est dans son cœur.


Méditons, mes chers frères, ces paroles avec une application religieuse; afin que nous en recueillions les fruits que l’Esprit de Dieu nous y présente, pour notre instruction, pour notre édification, et pour notre salut.


I.

Il est ici parlé du tabernacle de Dieu, et de la montagne de sa sainteté.

Dans le livre de l'Exode, chap. XXVI, XXVII et XL, nous voyons la description du tabernacle, qui comprenait le lieu très saint et le lieu saint, joignant lequel était le parvis.

Le lieu très saint, qui était séparé du lieu saint par un voile, et dans lequel était l’arche de l’alliance, dans lequel aussi le seul souverain sacrificateur entrait une fois l’an, pour y présenter à Dieu le sang du sacrifice pour le péché, et pour lui offrir le parfum, représentait le ciel, qui est le véritable lieu très saint, dont nous ne saurions voir la gloire des yeux de la chair:

où l’Église triomphante et bienheureuse est recueillie;

où Jésus-Christ, le seul souverain sacrificateur de la nouvelle alliance est entré, pour y présenter à Dieu son père, le sang du sacrifice de la croix, qui a été répandu pour la rémission de nos péchés, et qui est toujours frais et vivant aux yeux de Dieu; et pour lui offrir le parfum mystique de son intercession et de nos prières.


Le lieu saint était séparé du parvis par une tapisserie.

C’était là que les sacrificateurs faisaient le service ordinaire. Là était l’autel du parfum. Là était la table, sur laquelle étaient continuellement les pains de proposition. Là était le chandelier d’or, dont les sept lampes étaient sans cesse allumées depuis le soir jusqu’au matin; de sorte qu’il n’y avait jamais là des ténèbres.

Or, ce lieu saint représentait l’Église, qui est encore sur la terre, composée des seuls fidèles,

qui sont les sacrificateurs spirituels,

qui sont séparés des mondains par la sainteté de leur vie,

qui offrent continuellement à Dieu les sacrifices spirituels d'un cœur contrit et humilié, de leurs louanges et de leurs actions de grâces, et le parfum mystique de leurs prières,

qui sont continuellement nourris du pain céleste, qui est Jésus-Christ, et de la Parole, qui est aussi la nourriture spirituelle de nos âmes;

qui sont sans cesse éclairés de la lumière de cette divine Parole, et de celle du Saint-Esprit;

et qui font eux-mêmes luire incessamment la lumière de leurs bonnes œuvres, afin de porter les autres hommes à se convertir et à donner gloire à Dieu.


L’autel de l’holocauste et du sacrifice pour le péché, qui était vis-à-vis de l’entrée du pavillon du tabernacle; et la cuve avec de l’eau, dans laquelle les sacrificateurs se lavaient, et qui était entre le tabernacle et l’autel de l’holocauste et du sacrifice pour le péché; nous représentaient afin que nous pussions entrer dans le tabernacle mystique, c’est-à-dire, dans l’Église, et ensuite dans le ciel.

il fallait que Jésus-Christ souffrît la mort pour nous, et que maintenant par la foi il faut:

que nous soyons participants du fruit de son sacrifice,

que nous soyons lavés dans son sang, et sanctifiés par son Esprit;

que nous mourions nous-mêmes au péché;

que nous nous offrions nous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu, ce qui est notre raisonnable service, c’est-à-dire

que nous fassions  à Dieu un sacrifice de nos passions déréglées,

que nous nous consacrions pour jamais à son obéissance et à son service,

et que nous enflammés du sacré feu de son amour, du zèle de sa gloire, et de la charité envers nos prochains:

car c’est là l’holocauste spirituel que nous devons lui offrir, si nous voulons entrer dans son tabernacle mystique.


Enfin le parvis, qui joignait le lieu saint, et qui était pour tout le peuple, représentait L’ÉGLISE VISIBLE, OÙ PEUVENT SE TROUVER LES MONDAINS, LES PROFANES ET LES HYPOCRITES,

qui s’approchent de Dieu de leur bouche, mais dont le cœur en est bien éloigné,

qui ne se sont pas consacrés à son service et à son obéissance,

qui ne se sont pas sanctifiés,

et qui n’offrent pas à Dieu des sacrifices de justice.

Ceux-là sont bien dans la communion extérieure de l’Église, mais ils n’en sont pas pourtant les membres, et ils n’ont pas l’entrée du tabernacle de Dieu.


Ainsi, mes chers frères, le tabernacle mystique est l’Église de Dieu, dont une partie est dans le ciel, et l’autre est encore sur la terre, où elle obéit aux commandements de Dieu, et lui offre sans cesse des sacrifices spirituels de justice, de louange et d’actions de grâces. Car, comme il est dit dans l’Apocalypse, chap. V, v. 10, Jésus-Christ nous a faits rois et sacrificateurs à Dieu.

Et, comme dit saint Pierre dans sa première épître, chap. Il, v. 5 et 9,

nous sommes une sainte sacrificature, pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus-Christ:

nous sommes la race élue, la sacrificature royale, la nation sainte, le peuple acquis;  afin que nous annoncions les vertus de celui qui nous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière.


Par la montagne de la sainteté de Dieu, l’Esprit de Dieu entend la même chose que par le tabernacle.

Car d’un côté, par cette sainte montagne il entend le ciel, qui est la montagne mystique, où l’Église triomphante est élevée, et où elle est hors de l’atteinte des persécuteurs.

En effet Moïse priait autrefois sur la montagne pendant que le peuple de Dieu combattait contre des ennemis, pour nous montrer que Jésus-Christ, notre véritable Moïse, prierait pour nous dans le ciel, pendant que nous combattrions sur la terre contre la chair, le monde et le diable, qui sont les ennemis de notre salut.

Jésus-Christ fut aussi transfiguré sur une haute montagne, pour marquer qu’il serait bientôt couronné de gloire dans le ciel.

De l’autre, par la montagne de la sainteté de Dieu, l’Esprit de Dieu entend aussi l’Église, qui est encore sur la terre, et que nous appelons militante.

Elle est appelée une montagne:

1. Parce que par la foi et par l’espérance elle s’élève vers le ciel, où elle doit un jour être recueillie.

2. Parce que la persécution la contraint souvent de chercher des asiles sur les montagnes, et d’y faire son séjour: ce qui avait été figuré par la situation de Jérusalem, qui était sur une montagne.

3. Et enfin parce que l’Église est le royaume de Dieu, et que dans l’Écriture les royaumes ou les monarchies sont représentés comme des montagnes.


En effet dans le VIIIe chapitre de l’Apocalypse, la monarchie des Romains, qui fut détruite dans le cinquième siècle après la naissance de Jésus-Christ, est représentée par une grande montagne ardente, qui fut jetée dans la mer.

Et dans le IIe chapitre de Daniel, il est dit qu’une pierre coupée sans mains brisa la statue que Nebucadnetsar vit en songe, et dont les quatre parties différentes représentaient les quatre monarchies-idolâtres qui devaient longtemps opprimer le peuple de Dieu, savoir celle des Babyloniens, celles des Mèdes et des Perses, celle des Grecs, et celle des Romains païens et antichrétiens, et qu’après cela cette pierre coupée sans mains devint une grande montagne qui remplit toute la terre.

Ce qui nous montrait que Jésus-Christ, qui est cette pierre coupée sans mains, détruirait ces quatre grandes monarchies idolâtres, dont la dernière, qui est celle des Romains, fut ruinée dans le cinquième siècle, comme nous venons de le dire, mais a été rétablie par les papes, et doit bientôt être abolie, et qu’après cela Jésus-Christ établirait son règne par toute la terre.

C’est ce que veut dire aussi le prophète Ésaïe dans le IIe chapitre de ses Révélations, où il est dit qu'aux  derniers jours la montagne de la maison de l'Éternel sera affermie au sommet des  montagnes; qu’elle sera élevée au-dessus des coteaux;  et que toutes les nations y aborderont. Car par là l’Esprit de Dieu veut nous faire entendre qu’aux derniers jours, où nous sommes déjà parvenus, le règne de Dieu sera établi sur tous les règnes du monde, et que tous les peuples de la terre se convertiront.


Au reste, cette montagne mystique n’est pas simplement appelée la montagne de Dieu, mais la montagne de la sainteté de Dieu; parce que la sainteté est la plus excellente qualité de Dieu, et que DIEU VEUT NOUS FAIRE SOUVENIR QUE NOUS DEVONS ÊTRE SAINTS COMME IL EST LUI-MÊME SAINT.

Saint, saint, saint est l'Éternel des armées, disent les séraphins dans le VIe chapitre d’Ésaïe. Tout ce qui est en toute la terre c’est sa gloire.

C’est pour cela que dans l’Écriture l’essence de ce grand Dieu est souvent exprimée par le terme de sa sainteté, comme nous le voyons dans le psaume XXIV, dans le LXXIX, dans le CV, dans notre texte et ailleurs.

Cependant l’évêque de Rome, ce grand et superbe Antéchrist, a bien la hardiesse d’usurper ce glorieux attribut de Dieu, qui nous déclare dans sa Parole, qu’il est jaloux de sa gloire, et qu’il ne la donnera pas à un autre.

Car quoique cet homme de péché soit plongé dans toutes les impuretés de Babylone, qui est appelée la grande Paillarde, la mère des paillardises et des abominations de la terre, il ne laisse pas de se faire appeler le Très-Saint, le Très-Saint Père, Sa Sainteté, TITRES QUI N’APPARTIENNENT QU’À DIEU SEUL.

Mais nous ne devons pas nous étonner de cela, puisque ce superbe Antéchrist se fait appeler Dieu, et Sa Divine Majesté, et qu’il se fait adorer comme Dieu; ce fils de perdition étant assis comme Dieu dans le temple de Dieu, et se comportant comme s’il était Dieu, comme saint Paul l’avait prédit dans sa seconde épître aux Thessaloniciens chapitre I.


II.

Maintenant, mes chers frères, il est aisé de comprendre ce que c’est que séjourner dans le tabernacle de Dieu, et habiter sur la montagne de sa sainteté.

C’est être membre de son Église,

c’est être du nombre de ses enfants,

c’est avoir part au salut de Jésus-Christ,

c’est être la sacrificature royale, pour offrir à Dieu dans son sanctuaire mystique les sacrifices spirituels qui sont agréables à ses yeux, et le parfum mystique de la prière,

c’est être repu du Pain céleste, qui est Jésus-Christ, et de la Parole, qui est aussi le pain mystique dont nos âmes ont besoin d’être nourries;

c’est être éclairé de sa lumière, être rempli de ses consolations et de ses grâces, avoir part à tous les biens dont sa sage providence pourvoit tous ceux qui le craignent, être honoré de sa protection,

et enfin être fait participant de la gloire et de la félicité céleste.


C’est là, mes chers frères, l’heureuse et glorieuse condition de ceux qui séjournent dans le tabernacle de Dieu, et qui habitent sur la montagne de sa sainteté. C’est ce qui fait dire au Psalmiste dans le psaume LXXXIV:

«Éternel des armées, combien sont aimables tes tabernacles!

Mon âme ne cesse de désirer ardemment, et même elle défaut (languit) après les parvis de l'Éternel.

Mon cœur et ma chair tressaillent de joie après le Dieu fort et vivant.

Tes autels, ô Éternel des armées, mon Dieu et mon roi!

Oh! que bien heureux sont ceux qui habitent dans ta maison, et qui te louent incessamment! Il vaut mieux un jour dans tes parvis que mille ailleurs.

J’aimerais mieux me tenir à la porte de la maison de mon Dieu, que de demeurer dans le tabernacle des méchants.

Car l’Éternel nous est un soleil et un bouclier:

L’Éternel donne la grâce et la gloire; et il ne refuse aucun bien à ceux qui marchent dans l’intégrité.»


C’est aussi pour cela que dans le psaume XLII, le Psalmiste parle en  ces  termes:

«Comme le cerf brame après les eaux courantes, ainsi mon âme brame après toi, ô Dieu.

Mon âme a soif de Dieu, du Dieu fort et vivant.

Oh! quand entrerai-je et me présenterai-je devant la face de Dieu!»


III.

Voyons maintenant qui sont ceux qui ont part en tous ces grands avantages.

Éternel, dit le roi-prophète, qui est-ce qui séjournera dans ton tabernacle?

Qui est-ce qui habitera en la montagne de ta sainteté?

Celui, ajoute-t-il, qui marche dans l'intégrité, qui fait ce qui est juste, et qui profère la vérité comme elle est dans son cœur.


Il dit premièrement que c’est celui qui marche dans l'intégrité.

Notre vie, mes chers frères, est représentée dans l’Écriture comme un voyage. Nous ne faisons que passer dans ce monde.

Nous y sommes aujourd’hui, et nous n’y sommes plus demain.

Nous y sommes des étrangers et des voyageurs.

Nous n’y avons point de cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à venir, dont Dieu lui-même est l’architecte et le bâtisseur.


Les élus partent de la terre, et marchent toujours vers le ciel.

Les réprouvés partent aussi de la terre, et marchent toujours vers l’enfer.

Le chemin par lequel passent les élus pour aller au ciel, sont les bonnes œuvres, l’observation des commandements de Dieu.

Et le chemin par lequel passent les réprouvés pour aller à l’enfer, sont les mauvaises œuvres, l’accomplissement des desseins du diable.


Le roi-prophète dit donc ici, que ceux qui séjourneront dans le tabernacle de Dieu, qui habiteront en la montagne de sa sainteté, sont ceux qui marchent dans l’intégrité, c’est-à-dire CEUX QUI SONT ENTIERS, ceux QUI SE CORRIGENT de tous leurs défauts, et QUI OBSERVENT TOUS LES COMMANDEMENTS DE DIEU.


Ce ne sont pas ceux:

qui renoncent à quelques péchés, et qui en commettent toujours d’autres, sous prétexte qu’ils disent qu’on ne peut pas être parfait dans ce monde;

qui ne sont pas idolâtres, mais qui sont blasphémateurs, ou qui ne sont pas blasphémateurs, mais qui sont idolâtres;

ou qui ne sont ni idolâtres, ni blasphémateurs, mais qui profanent le jour  du repos,

ou qui désobéissent à leurs pères et à leurs mères,

ou qui sont vindicatifs, ou impudiques, ou ivrognes, ou larrons, ou injustes, ou usuriers, ou médisants, ou calomniateurs, ou faux témoins.


Mais ce sont ceux

qui renoncent à tous leurs péchés,

et qui se défont de toutes leurs mauvaises habitudes,

et qui obéissent à tous les commandements de Dieu.

Car celui qui a fait un commandement, a fait aussi tous les autres. C’est pourquoi lorsqu’on en viole un seul, on se rend coupable de tous, comme dit saint Jacques dans le chapitre II  de son épître catholique.

C’est celui, ajoute le roi-prophète, QUI FAIT CE QUI EST JUSTE, c’est-à-dire qui ne fait point de tort à son prochain, qui rend à autrui ce qui lui est dû, et qui rend aussi à son Dieu l’honneur, l’obéissance, le service et la gloire qui lui est due.

C’est celui, dit enfin le roi-prophète, QUI PROFÈRE LA VÉRITÉ COMME ELLE EST DANS SON CŒUR, c’est-à-dire qui est sincère et de bonne foi envers les autres hommes, ayant de l’horreur pour le mensonge et pour la fraude.

Et qui est fidèle envers son Dieu, qui ne cache pas le talent qu’il lui a commis, qui ne renie pas la vérité qu’il lui a fait la grâce de lui faire connaître, qui ne la tient pas injustement captive dans son cœur; mais qui la confesse devant les hommes, afin qu’un jour Jésus-Christ le confesse lui-même devant son Père et devant ses anges.

Ce sont ceux-là, mes chers frères, qui sont les véritables membres de l'Église de Dieu, les véritables fidèles, les véritables enfants de Dieu, les véritables sacrificateurs spirituels.

Ce sont ceux qui sont la nation sainte et la sacrificature royale, dont le service est agréable aux yeux de Dieu, qui sont les objets de son amour et de sa miséricorde, et qui seront un jour les héritiers de son royaume céleste.

Mais pour les débauchés, pour les ivrognes, pour les impudiques, pour les mondains, pour les gens de mauvaise foi, pour les injustes, pour ceux qui n’ont pas de la charité pour leur prochain, pour les jureurs, les renieurs, et les blasphémateurs, pour ceux qui profanent le jour du repos, pour ceux qui renient la vérité, qui la tiennent injustement captive dans leur cœur, en ce qu’ils ne la confessent point, qui préfèrent les biens et les vanités du siècle à la gloire et au service de leur Dieu, et qui depuis plusieurs années persévèrent dans cette horrible infidélité; ceux-là ne doivent pas se flatter d’être les membres de l’Église de Dieu.

CE SONT DE FAUX CHRÉTIENS, QUI ONT QUELQUEFOIS L’APPARENCE DE LA PIÉTÉ, mais qui en ont renié la force.

Ces mondains, ces profanes, ces hypocrites et ces infidèles ne séjourneront point dans le tabernacle de Dieu, ils n’habiteront point en la montagne de sa sainteté; mais ils en seront jetés hors comme des réprouvés.


C’est ce que le roi-prophète veut aussi nous enseigner dans le psaume XXIV.

Qui est-ce, dit-il, qui montera en la montagne de l'Éternel; et qui  est-ce  qui demeurera dans le lieu de sa  sainteté?

L'homme, ajoute-t-il, qui a les mains pures et le cœur net, c’est-à-dire, l’homme dont les actions sont justes, saintes, et pieuses, et dont la conscience est sans reproche, qui est fidèle à son Dieu, et qui obéit à ses saints commandements.


Ceux dont  la vie n’est pas pure et sainte, font connaître par l’impureté de leurs mœurs, qu’ils n’ont pas la conscience bonne; qu’ils n’ont pas la crainte de Dieu devant les yeux. C’est pourquoi le démon n’a pas de la peine à les séduire, et à les entraîner dans l’infidélité. Car, comme dit saint  Paul dans le Ier chapitre de sa première épître à Timothée, ceux qui ont rejeté la bonne conscience, c’est-à-dire la crainte de Dieu, font naufrage à l'égard de la foi.

Un péché les entraîne dans un autre péché, ils roulent de précipice en précipice, jusqu’à ce qu’ils tombent dans l’abîme. Lors même qu’ils persévèrent dans la profession de la vérité, Dieu ne laisse pas de les considérer et de les rejeter comme des infidèles. Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renient par leurs œuvres, comme dit l’Apôtre dans le Ier chapitre de l’épître à Tite. C’est pourquoi Dieu veut qu’ils soient chassés de son Église. Ce grand Dieu, qui est la sainteté même, ne souffre point dans son sanctuaire et sur la montagne sainte, des personnes injustes, impures et souillées.

Pourquoi pensez-vous, mes chers frères, que Dieu eût autrefois ordonné de mettre les lépreux hors du camp, comme nous le voyons dans le Ve chapitre des Nombres, si ce n’est pour nous marquer que ceux qui sont infectés du péché, qui est la lèpre spirituelle, ne sont pas du nombre de ses enfants, et qu’ils ne doivent pas être supportés dans la communion de ses fidèles?

Par l’ancienne loi, Dieu avait défendu de manger de la chair de pourceau, ni de celle des oiseaux de rapine, ni de celle des animaux qui se traînent sur la terre. Cela était mystérieux, et nous montrait que nous ne devons pas nous souiller dans les ordures du vice, ni faire tort à nos prochains, ni attacher nos cœurs au monde, comme les animaux qui sont toujours attachés à la terre. Car, comme disait saint Jean dans le IIe chapitre de sa première épître catholique, si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est point en lui.

En effet ceux qui aiment le monde, sont infidèles à Dieu, dès qu’il faut s’exposer à la misère et à la souffrance pour lui donner gloire.

Nous voyons même dans le chapitre XIV des Nombres, que ceux qui entraient dans une maison souillée de lèpre, ou qui touchaient un corps mort, en étaient souillés, et ne pouvaient pas participer aux choses saintes.

Cela nous montre que nous ne devons pas même vivre dans la communion des Églises corrompues, ni fréquenter les pécheurs, qui sont des personnes mortes dans un sens mystique; car en vivant dans la communion des Églises corrompues, ou en fréquentant les pécheurs, on se rend complice de leurs péchés, et on se prive des grâces célestes.


Retirez-vous du milieu d’eux et séparez-vous-en, dit le Seigneur; et ne touchez aucune chose souillée. Et je vous recevrai, et je vous serai pour Père, et vous me serez pour fils et pour fille, dit le Seigneur tout-puissant, comme nous le voyons dans le VIe chapitre de la seconde épître de saint Paul aux Corinthiens.

D’un autre côté, ce service que les personnes impures et profanes rendent à Dieu, ne lui est point agréable. Le sacrifice des  méchants, dit le sage dans le XVe chapitre des Proverbes, est en abomination à l’Éternel.

Mais il agrée la requête des droituriers. Celui qui offre le sacrifice de louange, dit ce grand Dieu dans le psaume L me glorifiera; et à celui qui redresse son chemin, je ferai voir la délivrance de Dieu; mais Dieu a dit au méchant: Qu’as-tu que faire de réciter mes statuts et de prendre mon alliance dans ta bouche, puisque tu as de la haine pour la correction, et que tu as jeté mes paroles derrière toi?

La nouvelle alliance est bien l’alliance de grâce, MAIS ELLE N’A PAS ÉTÉ FAITE POUR NOUS FAIRE VIVRE DANS LE PÉCHÉ.

Lisez bien l’Évangile, et vous verrez que le salut n’est pas pour les pécheurs impénitents; et que si nous voulons être sauvés, IL FAUT NÉCESSAIREMENT:

que nous changions de conduite;

que nous crucifiions la chair avec ses convoitises;

que nous donnions la mort au vieil homme;

que nous mourions au péché et que nous ressuscitions en nouveauté de vie;

que nous soyons régénérés,

que nous devenions de nouvelles créatures; c’est-à-dire, que nous renoncions à toutes nos mauvaises habitudes, et à tous nos mauvais désirs;

que nous menions désormais une vie pure et sainte;

que nous vivions saintement en nous-mêmes, justement envers nos prochains, et religieusement envers Dieu.

Autrement il n’y a point de salut;

car sans la sanctification personne ne verra le Seigneur.


C’est ce que Jésus-Christ proteste à Nicodème dans le IIIe  chapitre de saint Jean: En vérité, en vérité, lui dit-il, à moins que quelqu'un soit né de nouveau, il ne  peut voir le royaume de Dieu, c’est-à-dire à moins qu’une personne soit entièrement changée, à moins qu’elle devienne sainte et innocente comme les petits enfants qui naissent, elle n’a point de part au salut.


Ha! qu’il y a de gens qui seront un jour trompés, qui s’imaginent être du nombre des fidèles, et qui un jour seront condamnés aux flammes éternelles de l’enfer!

Ils diront à Jésus-Christ:

Seigneur, n’avons-nous pas mangé et bu en ta présence, et n’as-tu pas enseigné dans nos vues? C’est-à-dire n’avons-nous pas vécu dans la communion extérieure de ton Église?

N’avons-nous pas écouté  ta Parole?

N’avons-nous pas participé aux sacrements de ton alliance?


Mais Jésus-Christ leur dira:

Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le métier de l’iniquité; vous, qui vous êtes fait une coutume et un métier d’offenser Dieu, en persévérant dans vos péchés. Là, dit Jésus-Christ, il y aura pleurs et grincement de dents, lorsqu’ils verront Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes au royaume de Dieu et qu’ils seront jetés dehors; comme nous le voyons dans le XIIIe chapitre de saint Luc.

La plupart des gens s’imaginent qu’il leur suffit d’être nés dans le sein de l’Église, quoiqu’ils vivent comme les enfants du siècle. C’est ce qui a perdu les Juifs. Ils disaient à Jésus-Christ: Nous sommes les enfants d’Abraham. Mais Jésus-Christ leur dit: Si vous étiez les enfants d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham. Le Père, dont vous êtes nés, c’est le diable; car vous faites les œuvres du diable.

C’est aussi ce qui a perdu les chrétiens qui sont tombés dans l’idolâtrie. Ils ont dit, et ils disent encore à toute heure: Nous sommes la postérité des saints: et cependant ils se sont entièrement corrompus à l’égard des mœurs et de la doctrine.

Nous pouvons bien dire la même chose d’une infinité de misérables pécheurs, qui vivent parmi nous, qui persévèrent dans leur péché, et qui ne cessent pas de se flatter, sous prétexte qu’ils sont dans la communion extérieure de l’Église.

Ils sont dans sa communion EXTÉRIEURE, mais ils ne sont pourtant pas les membres de Jésus-Christ. Car, comme dit saint Paul dans le IXe chapitre aux Romains, tous ceux qui sont d’Israël, ne sont pourtant pas Israël.

Ces mondains et ces profanes sont l’ivraie, qui est mêlée avec le bon grain. Mais, comme dit Jésus-Christ dans le XIIIe chapitre de saint Matthieu, à la fin du monde, Dieu enverra ses anges, qui cueilleront premièrement cette ivraie mystique, et qui la jetteront dans le feu: au lieu que les justes reluiront comme le soleil dans le royaume de leur Père.


Combien y en a-t-il qui se disent à eux-mêmes:

Dieu est miséricordieux, nous nous repentirons quelque jour, nous implorerons la miséricorde de ce bon Dieu, et la grâce de Jésus-Christ notre Sauveur; et Dieu aura pitié de nous: ET QUI CEPENDANT CONTINUENT TOUJOURS À OFFENSER DIEU PAR LEURS PÉCHÉS?


Ces profanes changent la grâce de Dieu en dissolution.

Ils veulent être méchants, parce que Dieu est bon;

ils veulent pécher, afin que la grâce de Dieu abonde.


Mais, comme dit saint Paul dans le IIIe chapitre aux  Romains, la condamnation de ces gens est juste. La miséricorde de Dieu n’est pas pour eux, mais pour:

ceux qui embrassent sa grâce lorsqu’elle leur est offerte,

qui se convertissent sans délai, lorsqu’il les appelle à la repentance,

qui ont une sainte horreur de leurs péchés,

qui y renoncent entièrement,

qui cessent de faire le mal, et qui font désormais le bien.


Aujourd’hui, comme dit l’esprit de Dieu dans le IIIe chapitre aux Hébreux, si vous entendez sa voix, n’endurcissez point vos cœurs, de peur qu’il ne  jure en sa colère que jamais vous n’entrerez dans son repos.

C’est le démon qui met dans l’esprit des pécheurs la pensée de différer leur repentance, afin de les faire périr.

Dieu ne veut pas pour son peuple, des gens qui croupissent dans les impuretés du vice, dans l’injustice, dans l’impiété, ou dans l’infidélité; et qui, par là, font bien connaître qu'ils n’ont pas sa crainte et son amour, comme ses enfants.

Nous disons bien avec saint Paul dans le IIIe chapitre aux Romains, que nous ne sommes pas justifiés par nos œuvres, mais par la foi; c’est-à-dire, que les œuvres des plus justes ont toujours quelque défaut; qu’il y a toujours quelque imperfection dans les personnes les plus régénérées, et que nous ne pouvons être justifiés devant Dieu que par la foi, par laquelle nous embrassons Jésus-Christ comme notre Sauveur, afin que nous soyons lavés dans son sang, et que nous soyons revêtus de sa justice et de son innocence.


Mais la véritable foi est jointe avec la conversion. Repentez-vous, dit Jésus-Christ dans saint Marc, chapitre 1, v. 15, ou convertissez-vous, car c’est le sens et la force du terme de l’original, et croyez à l'Évangile.


Voilà les deux conditions sous lesquelles le salut nous est offert, LA REPENTANCE ou la conversion ET LA FOI.

Or, d’un côté, la conversion n’est pas véritable, si on persévère dans le péché.

La véritable conversion est:

une vive douleur que nous avons d’avoir offensé Dieu,

une sainte horreur que nous avons pour nos péchés,

un sincère renoncement à nos mauvaises habitudes et à nos désirs mondains, impurs et iniques,

et un entier changement de vie.


De l’autre, la véritable foi produit nécessairement les bonnes œuvres; et CELLE QUI NE LES PRODUIT PAS, EST UNE FOI MORTE, comme dit saint Jacques dans le IIe chapitre de son épître catholique, c’est une FAUSSE foi.

L’arbre est connu par son fruit. Un bon arbre ne saurait produire de mauvais fruits, ni un mauvais arbre produire de bon fruit. Or, tout arbre qui ne produit pas de bon fruit, est coupé, et jeté au feu.

La véritable foi, comme dit saint  Paul dans le Ve chapitre de son épître aux Galates, est opérante par la charité, c’est-à-dire ceux qui ont la véritable foi obéissent à Dieu, parce qu’ils l’aiment; et ils ne font point de tort à leur prochain, parce qu’ils ont aussi de l’amour pour lui, et qu’ils ne veulent faire à autrui que ce qu’ils voudraient qui leur fût aussi fait à eux-mêmes.

L’Apôtre dit que nous sommes appelés à être saints, et que ceux que Dieu a élus, il les a sanctifiés.

En effet, dans l’Écriture, les fidèles sont appelés saints et justes, parce qu’ils sont tels en comparaison des hommes du monde, et qu’ils vivent et se plaisent dans la sainteté et dans la justice.

S’ils pèchent quelquefois par surprise et par infirmité, ils pèchent rarement en comparaison des enfants du siècle. D’ailleurs, ils ne se font pas une habitude du péché, ils reviennent rapidement à eux-mêmes, ils s’humilient devant Dieu, ils versent des larmes d’une sincère repentance, ils se corrigent de leurs défauts, et ils font continuellement des progrès dans la sanctification.

On a bien vu quelquefois des saints hommes qui sont tombés dans de grands péchés, comme David, qui commit un adultère et un meurtre; et comme saint Pierre, qui renia son Sauveur.

Mais ces exemples sont aussi fort rares. Et s'il arrive quelquefois que les fidèles tombent dans ces grandes fautes:

ils se relèvent rapidement,

ils pleurent amèrement leur péché,

ils réparent par une repentance publique et éclatante, le scandale que leur faute a causé,

et désormais ils glorifient Dieu et édifient son Église par la sainteté de leur vie et par leur fidélité.


Éternel, dit maintenant le roi-prophète, qui est-ce qui séjournera, dans ton tabernacle? Qui est-ce qui habitera en la montagne de ta sainteté?

Celui qui marche dans l’intégrité, et qui fait ce qui est juste, et qui profère la vérité comme elle est dans son cœur.


***


Ce que nous venons de dire suffit, pour l'intelligence de ces paroles. Maintenant, il faut que nous appliquions à notre usage (surtout au 21e siècle!) les choses que vous venez d’entendre.


Nous avons vu que ceux qui séjournent dans le tabernacle de Dieu, ceux qui habitent en la montagne de la sainteté, c'est-à-dire ceux qui sont du nombre de ses enfants et les véritables membres de son Église, sont ceux qui le craignent, qui obéissent à ses commandements, et qui lui sont fidèles.

Cependant quelle était la conduite de ceux qui dans ce royaume se disaient les réformés, et qui faisaient profession d'être le véritable peuple de Dieu?

Hélas! de tous les peuples qui avaient la connaissance de la vérité, c’était le plus impur qui fût sous le ciel. On ne voyait dans les enfants que malice et que perversité dès le ventre de leur mère; dans les jeunes gens, on ne voyait qu'impiété et que dérèglement; et dans les personnes plus âgées, on voyait croître l'amour du monde, l’avarice, et l'injustice, à mesure qu’elles avançaient dans l'âge.

Il y avait un grand nombre de pasteurs, qui ne menaient pas une vie édifiante. Au lieu d'être sans reproche, d’être les modèles du troupeau en bonnes œuvres, comme doivent être les ministres de l’Évangile, plusieurs d’entre eux scandalisaient l'Église par leurs mauvaises mœurs. On était contraint de dire, à l’égard de plusieurs d'entre eux, ce que Jésus-Christ disait à l'égard des scribes et des pharisiens: Ils sont assis sur la chaire de Moïse: toutes les choses donc qu’ils vous diront d’observer, observez-les, MAIS NE FAITES PAS SELON LEURS ŒUVRES.

C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner que le dragon ait jeté en terre un grand nombre de ces étoiles mystiques, c’est-à-dire qu’il ait entraîné dans l’apostasie un grand nombre de ces pasteurs mondains, impurs et profanes.

Il y avait aussi peu d’anciens et de diacres, qui ne donnassent au peuple de mauvais exemples, les uns en une manière, les autres en une autre. Ils étaient bien plus propres pour corrompre l’Église et pour la perdre, que pour l’édifier. Aussi la plupart d’entre eux ont été les premiers et les plus insignes apostats; et maintenant, ils sont les plus endurcis dans cette noire infidélité.

Plusieurs même d’entre eux sont devenus des instruments dans la main du diable, pour séduire et faire périr le peuple, qui avait été commis à leur conduite, et dont ils doivent un jour rendre compte devant le tribunal de Dieu. Et pour ce misérable peuple, ses péchés étaient cause qu’il était tombé entre les mains de ce mauvais conducteur: car il était lui-même plongé dans une corruption affreuse.


En général, on ne voyait parmi nous qu’orgueil, que vanité, qu’amour du monde, que luxe, que danses, que jeux, que débauches, qu’ivrognerie, et que paillardise, même une paillardise si horrible, si générale, si publique, et si scandaleuse, qu’il n’y en a jamais eu de plus abominable parmi les païens.

Les hommes ne faisaient aucun scrupule de séduire les femmes et les filles;

et les femmes et les filles, dont  le partage doit être la chasteté, la modestie et la pudeur, étaient la plupart si libertines dans leurs discours et dans leurs actions, qu’elles PROVOQUAIENT l’impudicité des hommes.

Elles employaient aussi pour cela le fard et les ornements des prostituées; elles exposaient même leur propre sein à la vue et à l’attouchement des hommes, AFIN D’ALLUMER PLUS FACILEMENT DANS LEURS CŒURS DES FLAMMES IMPURES.

D’ailleurs, les pères et les mères abandonnaient tellement la conduite de leurs filles qu’ils les laissaient, DE JOUR ET DE NUIT, avec les jeunes hommes dans les occasions du péché.

C’est pourquoi il arrivait tous les jours des scandales parmi ces faux réformés.


D’un autre côté, il n’y avait parmi eux que mauvaise foi. Chacun ne songeait qu’à s’enrichir  au préjudice d’autrui. Pourvu qu’il pût se cacher aux yeux des hommes, cela lui suffisait; car on n’avait aucune crainte de Dieu, qui voit tout, et qui a les yeux trop purs pour voir le mal sans le punir.

Les juges, les avocats, les procureurs, les greffiers, les notaires, et les autres personnes qui, établies pour être les ministres de la justice et de la vérité, étaient la plupart des ministres d'injustice et de mensonge.

Les marchands se faisaient une maudite habitude de mentir, de jurer faussement, et de tromper.

On ne voyait aussi que fraudes parmi les artisans. Il n’y avait qu’infidélité parmi les domestiques, et parmi ceux qui ont le soin de cultiver la terre.

Il y avait même partout une infinité de larrons, qui ne se faisaient pas scrupule de dérober

Tout cela marquait qu’il y avait dans le cœur des uns et des  autres, un fonds de corruption et d'iniquité horrible.

De là naissaient les haines, les divisions, les querelles, les meurtres, les procès, les chicanes, les faux témoignages, les faussetés, les calomnies, les parjures et les injustices, dont on entendait parlerez tous lieux et à tout moment.

Les pères et les mères n'avaient aucun soin d'inspirer à leurs enfants la crainte et l’amour de Dieu; l’équité et la charité envers le prochain, et de les châtier sévèrement lorsqu’ils tombaient dans quelque péché:


et les enfants à leur tour n’avaient aucun respect pour leurs pères et pour leurs mères.

On n’avait non plus aucun zèle pour le service de Dieu.

On ne se rendait dans les saintes assemblées que par coutume.

On ne faisait aucune réflexion sur la Parole de Dieu, qui y était lue et prêchée;

on n’était pas plutôt sorti du temple, qu’on oubliait les choses qu'on y avait entendues.


Le moindre prétexte suffisait même à ces profanes, pour se dispenser de rendre à Dieu le service qui lui est dû. Il y avait encore un grand nombre d’impies, qui témoignaient du mépris pour le chant des louanges de leur Dieu, ou qui les chantaient sans aucune piété.


Lorsque l’Église était assemblée pour rendre à Dieu ses hommages religieux, la plupart des gens ne faisaient paraître aucun respect pour la souveraine majesté de ce grand Dieu, qui est assis sur son trône dans l’assemblée de ses fidèles; et ils ne daignaient pas seulement dans la prière s’humilier sous ses yeux, et fléchir les genoux en sa présence.

Ce grand Dieu, qui est jaloux de sa gloire, a consacré à son service le jour du repos. Mais ce misérable peuple le profanait continuellement par ses visites mondaines, par ses promenades, par ses jeux, par ses danses et par ses débauches.

On n'avait aussi aucun respect pour les ministres du saint Évangile, qui sont les ambassadeurs de Jésus-Christ. On se fâchait, même de leur payer les petites pensions qui devaient servir à leur entretien.

Mais Dieu a envoyé à ces impies des gens qui les ont rongés jusqu'aux os.

Enfin, les hommes, les femmes et les enfants n'ouvraient la bouche que pour scandaliser le monde, pour offenser Dieu, et pour le déshonorer, par des paroles sales et infâmes, par des chansons impudiques ou impies, par des imprécations, par des serments vains et téméraires, par des reniements et par des blasphèmes horribles.


Après cela, faut-il s'étonner que Dieu ait chassé ce misérable peuple de son tabernacle mystique et de la montagne de Sa Sainteté?

Était-ce là la nation sainte et la sacrificature royale?

C’était bien plutôt un peuple impur, un peuple inique, un peuple profane, un peuple impie, un peuple hypocrite. C'est pourquoi, c’est fort justement que Dieu l'a chassé de la maison, et qu’il l'a privé de ses grâces.

Ha! ne vous flattez point, peuple pervers et abruti; nous vous dénonçons de la part de Dieu, que VOUS PÉRIREZ  ÉTERNELLEMENT, SI VOUS NE VONS CONVERTISSEZ.

La cognée est déjà mise à la racine des arbres; c’est pourquoi tout arbre qui ne fait pas de bon fruit, s'en va être coupé et jeté  au feu.


N’attendez point de délivrance pour vous, pendant que vous persévérez dans vos péchés.

Il n’y a point de paix pour les méchants, a dit mon Dieu, comme par le le prophète Ésaïe dans le LVlIe chapitre de ses Révélations. C'est votre impénitence et votre infidélité, qui sont cause que ceux qui vous affligent, ne sont pas touchés de vos maux, et que la colère de Dieu est toujours enflammée contre vous.

Dieu va maintenant envoyer, et il envoie déjà sur ce royaume de terribles fléaux, qui continueront et augmenteront toujours, jusques à ce qu’ils aient consumé tous les pécheurs endurcis, et surtout tant de malheureux apostats,

qui ne veulent pas donner gloire à Dieu,

qui ne veulent pas souffrir pour son saint nom,

qui ne profèrent pas la vérité comme elle est dans leur cœur,

mais qui, depuis plusieurs années, la tiennent  injustement captive dans leur cœur, et la renientde leur bouche.

Ils renient Jésus-Christ devant les hommes, en reniant sa sainte doctrine; mais un jour Jésus-Christ les reniera eux-mêmes devant son Père et devant ses anges.


Ha! mes chers frères, ayez pitié de vous-mêmes.

Revenez de votre égarement, car vous périssez.

Retournons tous à l'Éternel, notre Dieu en jeûnes, en pleurs et en lamentations.

Sentons bien nos misères, lamentons, et pleurons: Que notre rire soit converti en pleurs, et notre joie en tristesse. Car nos péchés sont grands devant Dieu. Et nous et nos pères, nous sommes rebellés contre lui. C’est pourquoi sa colère s’est embrasée contre nous. C’est pour cela qu’il nous a accablés de tous les fléaux de sa vengeance. C’est pour cela aussi qu’il n’exauce point nos prières, et qu’il n’a pas pitié de nos maux et de nos désolations.

Humilions-nous donc sous ses yeux, implorons sans cesse sa miséricorde et sa grâce; prenons le sac et la cendre, renonçons à toutes les vanités du siècle, à tous les plaisirs profanes et criminels, à toutes nos mauvaises habitudes, et à tous nos mauvais désirs.

Réformons entièrement notre vie.

Que désormais tout le monde nous reconnaisse pour le peuple de Dieu:

à la sainteté de nos mœurs,

à notre sobriété,

à notre chasteté,

à notre renoncement au monde,

à notre humilité,

à notre modestie dans toute notre conduite et dans nos habits,

à nos paroles édifiantes,

à notre bonne foi,

à notre équité,

à notre charité,

à notre concorde,

à notre amour fraternel,

à notre zèle,

à notre piété,

à notre constance

et à notre fidélité.


Alors, mes chers frères, nos ennemis seront édifiés par nos bonnes œuvres, et touchés de notre misère. Et notre Dieu aura lui-même pitié de nous.


Il nous avouera pour ses enfants,

il retournera à nous en ses grandes miséricordes,

il nous consolera,

il mettra fin à notre souffrance.

Il ne retirera point sa gratuité arrière de nous;

il nous fera habiter tous les jours de notre vie dans son tabernacle et sur la montagne de sa sainteté;

il nous rassemblera de tous les pays où nous avons été dispersés, à cause de nos péchés,

il nous remplira de ses grâces;

il nous comblera de ses biens;

il nous couvrira de sa nuée;

il nous fera même voir la conversion de nos ennemis;


et un jour il nous élèvera dans le palais de sa gloire,

où il nous rassasiera éternellement des biens de sa maison,

et nous abreuvera sans cesse.

Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français 1865


 
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