Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

La Valaisane

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ÉCOUTEZ mon récit, Âmes sincères qui cherchez du repos; Vous qui seriez bienheureuses d'avoir trouvé la paix de DIEU, d'être sûres de son amour. — Je vous raconterai, simplement, ce que j'ai vu, ce que j'ai moi-même dit. — Ce n'est pas un grand événement; ce n'est pas une action héroïque, ou quelque brillante scène de ce monde que je vous présenterai. — Non; je n'aime, je ne loue plus ce que le monde estime. Ce qu'il appelle noble et grand, souvent je le méprise, parce que Celui qui m'enseigne maintenant à juger des choses d'ici-bas, ne juge pas comme jugent les hommes.

C'est de la joie de la plus pauvre des femmes, d'une paysanne obscure et sans nom, que je vais parler. — Je dirai comment une âme, ignorante et vile aux yeux du monde, acquit le plus précieux des savoirs, et trouva la gloire qui est au-dessus de celle des dignités et des trônes.

Je suis heureux de l'avoir rencontrée sur la terre. Elle rendit gloire à DIEU de m'avoir entendu: Bénie seras-tu, Âme qui lis ces lignes, si la vérité qu'elles renferment demeure en toi: si c'est aussi pour toi que la bonne nouvelle y est annoncée!


I. La Justice de l'ÉTERNEL.

Un peuple est-il dans l'impiété, ne s'inquiète-t-il plus de l’ÉTERNEL?

Parce que les affaires de la vie n'en ont pas moins leur suite; parce que les villes et la campagne gardent leurs habitants; que le laboureur poursuit ses travaux, le trafiquant son négoce, l'homme inutile ses vanités; parce que tout, à l'extérieur, retient la même apparence, et que le train du monde passe au travers des mêmes heures, des mêmes craintes, et des mêmes espérances; ce peuple ne s'aperçoit plus de ses ténèbres, plus de sa révolte. — Il subsiste, et il croit vivre; il possède, il gagne, il recueille; et entouré de dons, il RENIE Celui qui les dispense.

L'ÉTERNEL a vu ce peuple: Depuis longtemps sa patience se prolonge; mais il est juste, et il frappera; il est miséricordieux, et il ramènera sa créature. Ses châtiments sont prêts, et pour punir et pour sauver.

C'était ainsi que la fertile et riante vallée de Bagnes (Canton du Valais, en Suisse), s'était endormie dans sa prospérité, et que l'homme y avait oublié l'Ami de l'homme, le SEIGNEUR. — Était-elle en cela plus coupable que les autres vallées de la Suisse? Ses habitants furent-ils plus irréligieux que les vôtres, ô Contrées voisines, Pays, témoins de leur infortune? — Non, dit DIEU; et si comme eux vous oubliez encore l’ÉTERNEL, comme eux vous serez visités de l’ÉTERNEL.

Il est puissant, car il est le Maître. — À son ordre, des glaces entassées s'écroulent du haut d'un mont. — Un ruisseau dont elles arrêtent le cours, amasse incessamment ses ondes contre cette mobile barrière. Leur masse et leur poids croissent d'heure en heure: un lac est suspendu sur une muraille d'eau, et les prudents de ce siècle prévoient sa chute prochaine, inévitablement suivie de la dévastation, de la ruine de la vallée.

Ninive, menacée de sa perte, pleura devant l’ÉTERNEL, et la destruction fut révoquée. — L'humiliation, les prières et les larmes eussent-elles été moins puissantes, ô mon DIEU, du milieu de nos montagnes, que dans les plaines d'Assyrie?

Mais elle fut terrible la colère du SEIGNEUR. Sa main ouvre la digue; et dans un temps égal à celui que met la pensée de l'homme à se former et à se reconnaître, le fleuve bondissant de montagne en montagne, franchit, renverse tous les obstacles, les saisit dans ses eaux bouillonnantes, et traverse la vallée, comme un messager de mort, de la part du Souverain des Juges. Les forêts sont arrachées avec les rochers qui les portent: les terres, les habitants, les bestiaux roulent et se confondent dans le torrent, et les hommes qu'il surprend, qu'il atteint, sont traînés au jour de la gloire et de l'immortalité, ou bien au jugement de DIEU, au jour de la fureur de l'ÉTERNEL et de la destruction des impies.

Bagnes a été désolée. Ses villages et ses champs ne sont plus. Elle a perdu de ses enfants: le deuil et la misère l'affligent .....

O SEIGNEUR! aura-t-elle reconnu ta main? Se sera-t-elle retournée vers toi?

II. La miséricorde de l'ÉTERNEL.

Cette pensée occupait mon âme. Je venais de visiter ces tristes lieux et je cheminais lentement parmi les débris. Déjà j'avais passé St. Branchier; j'allais descendre la route pavée qui conduit au petit pont, sous Bovernier, lorsqu'en relevant la tête je vis à quelques pas, devant moi, une vieille femme assise, et qui s'efforçait de se lever pour venir à ma rencontre. Je m'approchai d'elle.

«Donnez-moi quelque chose, me dit-elle!» Hélas! ces mots sont d'ordinaire l'unique, la pénible ressource de l'homme malheureux, auprès d'un autre homme, son semblable. Telle est la pauvreté: elle abat, elle humilie le cœur, et fait courber la tête. — Ah! vous n'en connaissez pas l'amertume, vous qui ne connûtes jamais le besoin. Dans l'abondance qui vous entoure, vous ne savez pas ce que c'est que désirer vainement; que manquer de tout, et toujours; que ne pouvoir plus espérer. — O nécessiteux, indigent, que d'angoisses, que d'ennuis tu dois dévorer! — Combien il te doit être difficile, si ton cœur n'est pas entièrement flétri, de demander, puis d'être.... refusé!

«Ne vous levez pas, pauvre femme, lui dis-je; — je me reposerai près de vous. — Vous êtes malheureuse, à ce que je vois.» «Tant malheureuse, dit-elle, en essuyant des larmes avec le bord de son vêtement. Je ne sais plus que devenir.»

Et en effet tous les dehors de la misère étaient réunis sur cette infortunée. Son corps de haute taille, était à peine enveloppé d'une mince étoffe de laine. Ses pieds étaient sans chaussure et l'un d'eux blessé. Sur son visage décharné, dans ses yeux enfoncés et éteints, se voyaient les marques d'une longue souffrance. Quelques cheveux blancs sortaient de dessous le linge qui lui ceignait la tête: près d'elle, sur le sable, un petit sac en lambeaux: contenait des fruits et un peu de pain.

Ah! si celui qui, dans l'aisance de la vie, abuse de ses biens; qui multiplie les mets de sa table, et se plaint s'ils ne sont exquis; qui dédaigne un vêtement dont la couleur est ternie, dont la forme a vieilli, et qui n'hésite pas à dépenser pour des frivolités, si l'infidèle dispensateur, en un mot, éprouvait, durant quelques heures seulement, les rigueurs de la privation: s'il passait soudainement sous les haillons du pauvre, et dans son dénuement, il lui serait impossible, après avoir goûté l'indigence, de ne pas élargir en faveur du malheureux, cette bourse qu'il ne sait ouvrir que pour d'inutiles profusions.

«N'avez-vous donc plus de famille, dis-je à cette infortunée; êtes-vous délaissée et sans aucun appui?»

«Mon dernier fils est mort il y a vingt ans. — Je vivais chez son fils, près du village de Morgne; mais depuis le jour où le DIEU du Ciel nous a châtiés, ce pauvre enfant n'a pas été revu: il aura été entraîné avec sa maison. — Sa femme et ses enfants sont recueillis à trois lieues d'ici dans la montagne: la charge était assez grande et je suis demeurée.

D'ailleurs il me faut peu pour vivre, et peu de temps encore.»

«... Peu de temps! répétai-je.» La prochaine mort de cette pauvre femme, son départ pour l'éternité, s'offrirent à mon esprit; j'en fus ému et je me demandai: «Où ira-telle, en quittant ce monde?»

«Vous croyez donc ne pas demeurer longtemps ici bas? «Non, non, dit-elle, en me fixant. Les jours de mon voyage sont finis. J'ai quatre-vingt-quinze ans accomplis, et je sens que bientôt, bientôt il me faudra paraître devant la face de DIEU.» Elle gémissait en disant ces dernières paroles. «Eh! bien, pauvre femme, votre âme est prête sans doute à rencontrer l'ÉTERNEL?» «Non, Monsieur, non, je ne le crois pas; et voilà ce qui me trouble; ce qui m'ôte toute paix.»

«Vous cherchez donc votre salut? Vous voulez échapper à la colère à venir, au terrible jugement de DIEU? «Oui, que je cherche mon salut, s'écria-t-elle en se couvrent le visage d'une de ses mains, et avec l'accent du plus ardent désir: Oui, je voudrais aller au Ciel, et je ne sais plus comment.»

«Est-ce depuis longtemps que vous y pensez?» «Il y aura deux ans aux fêtes prochaines, que je me trouvais vers les vaches, dans la montagne. — Un voyageur étranger arriva sur le soir à notre chalet, et y passa la nuit. — Il parlait de DIEU et du Ciel, comme s'il en fût venu. — Il avait un livre d'où il nous lut beaucoup de belles choses sur les pécheurs et sur le SAUVEUR JÉSUS. — Il s'adressait souvent à moi. — Je l'entendis même dans la nuit prier pour nous, et pour la vieille femme, «qui allait paraître, disait-il, à DIEU, en jugement, dans peu de temps.» À son départ, vers l'aube du jour, il me prit la main et me dit: (il me semble encore entendre sa voix, si sérieuse,) «Pauvre femme, vous allez dans peu mourir; je ne vous verrai plus ici-bas, souvenez-vous du SAUVEUR. Cherchez-le, cherchez-le, tandis qu'il se trouve. — Depuis ce jour, je n'ai plus eu de repos. Ce que m'a dit cet homme, cet ange du ciel, est là, sur mon cœur. Je me suis sentie pécheresse; j'ai tout fait pour me rassurer, et je suis encore dans ma condamnation.»

«Quelle a donc été votre vie?»

«Ah! ma vie n'a pas été plus mauvaise que celle d'une autre: mais DIEU est saint, il est saint, et il regarde au cœur. — Non, je ne puis pas, comme je suis, entrer au Ciel et je ne sais plus que faire!»

Bienheureux ceux qui pleurent, dit le bon SAUVEUR, car ils seront consolés. — Cette douce promesse de l'Ami des pécheurs se présenta vivement à mon âme pendant le récit de la Valaisane. Il me semblait entendre le SEIGNEUR la lui adresser lui-même, et attirer déjà, par son puissant et irrésistible amour, cette brebis encore sans berger. — Je tressaillis en moi-même, et demandant à CELUI qui ouvrit le cœur de Lydie, d'ouvrir aussi celui de cette pauvre paysanne, je dis avec gravité, et en arrêtant mes yeux sur les siens:

«Je sais, moi, ce que vous devez faire, et comment vous pouvez être délivrée de vos péchés, et certainement sauvée dans le paradis de DIEU.»

Alors tendant vers moi ses mains sèches et tremblantes, elle s'écria: «Ayez pitié de moi; ayez pitié de mes cheveux blancs, car je vais bientôt descendre en terre!»

«Non pas avant de connaître votre salut, lui dis-je en prenant une de ses mains; non, chère femme, vous ne vous en irez point d'ici-bas que JÉSUS ne vous ait appelée; qu'il ne vous ait donné sa paix. Écoutez-moi:

Ne savez-vous pas, cet étranger ne vous dit-il pas, que JÉSUS, le Fils de DIEU, nous a été donné pour SAUVEUR?»

«Oui, il nous en parla beaucoup, mais je ne me souviens plus de ce qu'il nous dit. Je me rappelle seulement qu'il nous déclara qu'il n'y a point d'autre SAUVEUR que le Fils de DIEU, et que si le pécheur n'est pas reçu par JÉSUS, il n'y a plus d'espoir pour lui.»

«Eh bien, chère âme, croyez-vous que cela soit vrai; ou bien penserez-vous que l'homme puisse se racheter lui-même, et qu'à force de vertus il parvienne à effacer, à faire oublier ses péchés?»

«Ah! cette idée-ci m'a quittée; je l'avais bien autrefois. Avant que j'eusse entendu l'étranger, je m'imaginais bien que je serais assez sainte pour être reçue de DIEU, et que ma bonne vie ferait passer par-dessus mes fautes. Aujourd'hui je ne vois que trop que je suis une grande pécheresse, et que moi, je ne puis ni ôter mes péchés, ni réparer le mal que j'ai commis

«En êtes-vous certaine? Avez-vous essayé de vous en délivrer?»

«Je crois avoir fait tout ce que l'homme peut faire. — Du moment où mes yeux s'ouvrirent sur mon état de péché, et que je me vis ainsi maudite par la loi de DIEU, je fus effrayée et je pensai sérieusement à mieux vivre. Depuis ce jour j'ai tout quitté, tout laissé ce que j'avais aimé dans ce monde. J'ai renoncé à mes habitudes, à mes goûts, à mes relations. J'ai vécu dans la pénitence, dans les privations les plus dures. J'ai donné à l'Église et aux pauvres tout ce que j'avais, même mes habits. J'ai fait des pèlerinages; j'ai récité mille prières; j'ai assisté à tous les offices, à toutes les fêtes; j'ai lu et appris des psaumes et des oraisons dévotes, et tout dernièrement encore je viens de faire une neuvaine à tous les saints. Tout est inutile! — On m'assure bien que mon salut est certain; que je suis en état de grâce; on m'appelle même «la Sainte;» mais j'ai là.... dans le cœur.... sur la conscience, un poids qui me fatigue; une crainte continuelle. Ah! si vous pouviez me l'ôter!»

«JÉSUS est puissant pour vous délivrer. C'est pour cela qu'il est venu dans ce monde; c'est afin de soulager ceux qui sont travaillés et chargés. Si vous allez à lui, il donnera du repos à votre âme.»

«Hélas! me recevrait-il dans l'état où je suis? Si vous saviez combien de fois déjà j'aurais voulu le faire, je me serais donnée sans réserve à ce SAUVEUR, si mon indignité ne m'eût aussitôt repoussée. Hier encore je me suis ressouvenue de ce que l'Étranger nous dit de l'Enfant prodigue, et je n'ai pu m'empêcher de pleurer en pensant à son bonheur. Ah! disais-je, et je le dis encore, qu'il dût être heureux dans les bras de son père!»

Et croyez-vous, chère âme, que ces bras éternels vous soient moins ouverts aujourd'hui qu'ils ne le furent à ce Fils égaré?»

«Moi! Ah! je ne suis pas digne de m'y jeter.»

«Et lui l'était-il? Et s'agit-il de dignité, quand on parle de grâce?»

La pauvre femme me regarda comme cherchant à comprendre ce que je venais de dire; mais elle ne le comprit pas.

Il est donc bien difficile au cœur de l'homme de croire qu'il puisse être aimé de DIEU! Parlez au plus grand pécheur, au scélérat, de racheter lui-même ses crimes, il écoute; et s'il est effrayé, s'il est ému, une vie d'austérités, de sacrifices de tout genre ne l'épouvantera pas. — Mais annoncez-lui son pardon gratuit; dites à ce coupable, qui se sent condamné, que son CRÉATEUR, que son DIEU, devenu son SAUVEUR, lui remet son crime et lui donne la vie, l'homme ne le croit plus, ne le veut plus. Il ne peut admettre la miséricorde de DIEU, ou plutôt il la rejette, parce que son superbe cœur prétend acheter, mériter la récompense, et non pas recevoir une grâce.

C'était l'erreur de la vieille Valaisane. Instruite apparemment à regarder le salut de l'homme, comme étant l'œuvre de l'homme, elle avait vécu dans cette fatale méprise; et n'avait pas même l'idée qu'il en sort autrement. — Je m'aperçus des ténèbres de son intelligence, et pour les dissiper je lui dis:

«Vous n'avez donc pas encore compris pourquoi le SEIGNEUR JÉSUS est venu sur la terre.»

«Pour sauver les pécheurs, dit-elle.»

«Et vous ne voyez pas comment il l'a fait? Vous ne savez pas qu'il s'est mis à la place de ses rachetés; qu'il a pris leur dette. Qu'il les a vus de loin, perdus et sans ressource dans leur iniquité; que par un amour tout-puissant, et que la créature ne peut comprendre, ce DIEU-SAUVEUR a mis sur lui, sur lui-même cette iniquité, ces souillures, et que chargé du fardeau, qui n'était pas le sien, mais dont il délivrait son peuple, il a fait venir, il a reçu sur lui l'épouvantable malédiction du péché, dont il a racheté notre âme?»

«Heureux sont les rachetés! Qu'ils doivent être bénis!»

«Oui, bénis; et vous l'éprouverez, j'espère. Si vous croyez en JÉSUS, vous aussi vous aurez part à son amour, à ses grâces.»

«Ah! quand ce bon SAUVEUR pourra-t-il assez m'aimer pour me recevoir et me pardonner?»

«Dès que vous croirez en Lui, vous sentirez qu'il vous a aimé d'un amour éternel. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis, et ne donnait-il pas la sienne pour vous, oui, pour vous qui l'entendez, lorsqu'il expirait au Calvaire? Ne le croyez-vous pas?»

«serait-il possible? Mourait-il alors pour moi, pour mes péchés; les miens? Les auraient-il donc pris sur lui?»

«Et pourquoi était-il frappé de DIEU si non pour des pauvres pécheurs tels que vous et moi? Qui plus que vous, hélas! plus que moi-même, avait besoin qu'un SAUVEUR vint se mettre en notre âme et la justice éternelle du Très-haut? Et puisqu'il est écrit que JÉSUS est venu chercher et sauver ce qui était perdu,» qu'il est mort pour le premier des pécheurs, n'est-ce pas pour moi, n'est-ce pas pour vous, pauvre âme, perdue hors de lui et sans lui, qu'il est venu, qu'il a été crucifié, maudit; qu'il a dit: «Tout est accompli!» Pourquoi ne le croiriez-vous pas?» O Évangile de CHRIST, parole de paix et de vie, qui pourra connaître et raconter ta puissance!

Quels mots emploierai-je pour dépeindre les émotions diverses qui se succédaient sur le visage et dans toute l'attitude de cette pécheresse, fatiguée de ses péchés, et concevant l'espoir de son pardon, de sa délivrance!

La plante desséchée par les ardeurs du soleil d'été, est moins rafraîchie par la pluie du soir; — La mère qui doutait cruellement de la vie de son premier-né depuis longtemps absent, est moins réjouie par la lettre qui lui annonce sa prochaine arrivée, que cette âme ne l'était par la voix de DIEU; car le PÈRE Lui-même l'attirait au FILS.

L'heure du réveil était venue: ses yeux s'ouvraient: son cœur, pour la première fois, sentait en lui l'amour de JÉSUS; l'ESPRIT-SAINT, le CONSOLATEUR allait lui apprendre qu'elle pouvait appeler DIEU, son Père, et se croire aimée de CELUI qu'elle avait toujours redouté comme un Juge. «Je puis donc croire que JÉSUS m'a sauvée? me dit-elle en hésitant et comme si elle eût craint de l'affirmer.» «En douteriez-vous, et vous sépareriez-vous ainsi vous-même du sacrifice du RÉDEMPTEUR?»

«Non, non, il m'est trop doux de croire pour me refuser à le faire. O comment ne l'ai-je jamais su?»

Elle se tut quelques moments. Son âme contemplait cette vérité: elle paraissait à la fois étonnée et attendrie. Enfin, joignant ses mains et pleurant avec abondance, elle dit en me regardant: «J'ai donc été sauvée! Le SEIGNEUR JÉSUS m'avait rachetée, et je ne le savais pas! — O quelle nouvelle! Mon DIEU! quelle bonne nouvelle! O que mon coeur est soulagé! Que je suis heureuse!»

À ces mots elle se courba et pencha la tête, comme pour se reposer après une longue fatigue. — Ses larmes tombaient sur ses mains jointes et sur son vêtement, et les noms de PÈRE, de JÉSUS, de SAUVEUR se mêlaient à ses sanglots.

«Je suis donc sauvée, redit-elle en me regardant encore; JÉSUS a donc payé ma dette; toute ma dette! Il la payait quand il était sur cette Croix, où je l'ai vu tant de fois, et ne l'ai jamais connu! — Mon DIEU, mon DIEU, s'écria-t-elle en levant les yeux au Ciel, tu as donc eu pitié de ta vieille créature! Tu n'as pas voulu que je descendisse dans la terre sans t'avoir connu comme mon SAUVEUR? O quel amour! Quel amour!»

«Oui, son amour est grand! Nous étions ses ennemis, et il a exposé son Fils à la mort de la croix, pour nous. Ah, combien ne devons-nous pas l'aimer!»

«Aussi l'aimerai-je et me hâterai-je de le servir. Ah! Monsieur, si vous saviez ce qui vient de se passer en moi! C'est comme si je me réveillais. Et en disant cela elle appuyait son front sur ses mains. — II me semble que je viens d'être délivrée d'une montagne qui pesait sur mon âme. — Voilà ce que l'Étranger me disait, je m'en souviens, qu'il fallait que je renaquisse. Oui, je suis renouvelée; j'appartiens à DIEU. — Allons, dit-elle en se levant, et prenant son bâton, laissez-moi partir; il faut que j'aille, tout de suite, porter toutes ces paroles à ma petite-fille et à ses enfants. — Mon pauvre Abel, s'il eût su cela avant de mourir?»

«Ma mère, lui dis-je alors en me levant et me découvrant la tête, laissez votre fils entre les mains de DIEU, qui l'a fait et l'a retiré; et vous, allez au nom du SEIGNEUR JÉSUS raconter et à vos petits-enfants, et à toutes les âmes, ce que le SAUVEUR a fait pour la vôtre. — Allez dire par tout et jusqu'à l'heure où vous irez vers CELUI qui vous a tant aimée, que vous étiez une pécheresse; que vous cherchiez à mériter le salut de CHRIST; mais que CHRIST vous avait aimée avant que vous fussiez dans ce monde; et que maintenant vous croyez en lui, et savez, parce qu'il vous l'a lui-même appris, que son sacrifice a été offert pour votre âme, et que son sang, répandu pour les péchés, a lavé les vôtres. — Allez, chère âme, pendant les courts moments qui vous retiendront encore loin de votre DIEU, vous consacrer à son service, en lui offrant ce qu'il vient de vous donner, ce cœur nouveau, ce cœur consolé et vivifié, qu'aujourd'hui lui-même il a mis en vous.»

«Amen! dit-elle en prenant ma main qu'elle baisa à plusieurs reprises. Que DIEU me conduise lui-même, car je ne suis qu'une paysanne et ne sais rien. Mais il m'enseignera.»

«Et voici comment, lui dis-je en lui présentant un Évangile que j'avais avec moi. Voici le livre que vous lut l'Étranger. — Tout ce qu'il vous dit de JÉSUS et de son amour pour nous, enfants des hommes; ce que je vous ai dit aujourd'hui: l'assurance de votre pardon, de votre salut, de l'éternel et immuable amour de DIEU pour vous, et tout ce que votre âme pourra désormais désirer et chercher, tout, oui, toute connaissance, toute sagesse, toute vérité, toute vie, toute paix, toute joie parfaite, et pour ce monde, et pour l'éternité, tout est ici, dans ce livre béni que je vous donne, en priant l’ÉTERNEL, témoin de ce que je fais à cette heure, de le mettre lui-même entre vos mains et de vous en donner l'intelligence!»

Elle prit le livre en silence, le baisa et l'appuya contre son cœur. — La pauvre femme était fatiguée. Son âme ne pouvait supportée plus d'émotions. Je lui pris la main que je pressai sur mon sein, et après avoir arrêté quelques moments mes yeux sur les siens, sur son vénérable visage, je me détournai, pour ne la plus voir en ce monde.

Elle me rappela et me dit avec calme: «Nous nous reverrons dans le Ciel?» — Oui, lui répondis-je, car je m'y rends, et vous aussi.»

 III. La paix de l'ÉTERNEL.

Hommes de DIEU, Ministres fidèles qui êtes soumis à JÉSUS votre Maître, que vous aimez et servez nuit et jour; vous qui ne voulez savoir qu'une chose, qui est CHRIST crucifié, maudit à la place des pécheurs, et qui ne vous lassez point, au milieu de la contradiction du monde, d'annoncer à tous, que le salut ne coûte rien; qu'il est sans condition; qu'il est donné et non pas vendu; vous, qui, bénis dans votre travail, êtes témoins des conversions que la Parole opère, c'est à vous, serviteurs du DIEU vivant et ses Messagers de grâce, à Vous, mes Frères et mes Compagnons d'oeuvre, qu'il appartient de comprendre et de partager la joie qui venait d'inonder mon cœur; la paix répandue dans tout mon être.

Je m'étais assis près du pont, et je pleurais. L'amour de CHRIST étreignait mon âme. Le témoignage de ses miséricordes qu'il venait de déployer sous mes yeux; cette preuve visible de l'efficace de la Parole de la Croix: nous prêchons; cette bénédiction descendue sur les discours d'un pauvre pécheur, comme moi; le réveil, la résurrection de cette Âme; toute cette gratuité, cette gloire de l'ÉTERNEL m'entourait, me saisissait et je ne pouvais en soutenir la présence.

«Elle sera donc sauvée, disais-je à DIEU. Le dernier jour ne la détruira pas! O ÉTERNEL, ÉTERNEL que ton saint Nom soit béni, qu'il soit magnifié dans ces montagnes! O JÉSUS que ta voix puissante y pénètre, qu'elle y appelle tes enfants! — Accompagne-la, SEIGNEUR; conduis par la main cette brebis solitaire. — Comme tu viens de te révéler à elle, tiens-toi bien près d'elle, afin de l'affermir en ta connaissance, en ton amour. O dresse-lui son sentier! — Et fais-l'y marcher d'un pas fidèle!» Elle y marchera, dit le Chrétien qui lit ceci, et qui connaissant JÉSUS en son cœur, sait qu'une fois qu'on est à LUI, c'est pour l'aimer et le servir.

Elle a reçu la paix que CHRIST donne; elle est enfant du Royaume; elle marchera dans la lumière. Elle n'a plus besoin maintenant de s'inquiéter, de se lasser sous le joug d'une loi qu'elle ne pouvait accomplir: elle est passée sous la grâce. Elle ne cherchera plus désormais de soulagement là où elle ne trouvait qu'une nouvelle charge. Ses œuvres et ses justices ne la retiendront plus dans leur dure servitude: La justice de CHRIST et les œuvres de CHRIST l'ont affranchie.

Elle n'a plus à craindre l'avenir, et ses terreurs ne l'obséderont plus. Il n'y a plus pour elle de condamnation à redouter. JÉSUS a été condamné pour elle et elle le sait en son âme. Le poids qui l'accablait lui est ôté, et à la place de ces tristes et lamentables paroles: «Qui me délivrera de ma peine? «sa bouche fait entendre les louanges de l’agneau De DIEU dont le sang l'a lavée.

Voilà ce que l'amour de DIEU a fait pour elle. C'est dans cet amour qu'elle va demeurer; c'est par lui qu'elle vivra de la vie des rachetés, des citoyens du Ciel. L'homme de petite foi, ou le Docteur du siècle, s'écrieront:

«Qu'il est dangereux d'annoncer ainsi aux pécheurs leur salut, sans condition pour l'obtenir. Qu'on les bercera d'une fausse assurance, et que leur persuader qu'ils sont pardonnés gratuitement, et qu'il leur suffit de croire pour être justifiés, sera de les inviter à la licence, à la sécurité de la chair.»

Qu'ils sont à plaindre! Ils ne savent donc pas que la connaissance de JÉSUS est une connaissance de vie et d'amour. Que le recevoir en son cœur, c'est avoir le cœur changé par sa présence, et qu'il est impossible à l'âme qui contemple, pour elle-même, JÉSUS mourant sur la croix, de vivre encore au péché qui crucifie le SEIGNEUR, de gloire!

Ils ne savent pas que croire en JÉSUS, c'est cherchera lui plaire.

Ah! si comme moi ils eussent vu la vieille Valaisane, se réveillant de son long et pénible sommeil pour connaître le SAUVEUR et tout son amour; s'ils eussent lu sur ses traits, naguère abattus et défaits, la paix de DIEU, et l'espérance de DIEU, qui ne se trouvent que là où se trouve JÉSUS; s'ils eussent entendu de quel accent elle demanda que DIEU la conduisit lui-même; avec quelle voix elle me parla de nous revoir aux cieux, ils ne pourraient plus dire, pour peu qu'ils fussent simples et sensibles, que ce soit là des illusions qu'il est imprudent de produire dans l'âme des hommes.

Pour moi j'ai un témoignage dans le cœur, et j'espère que c'est le SEIGNEUR qui me le donne; j'aime à me persuader que, ce jour-là même, la vieille Valaisane fut amenée par L'ESPRIT de DIEU à la connaissance de son salut en CHRIST; qu'elle en eut la vue, la certitude et le sceau, parce qu'il lui fut alors donné de croire de cœur en CELUI qui justifie le méchant. — Je tiens pour certain et j'affirme que cette pécheresse, si elle a ainsi cru en CHRIST crucifié pour elle, a été par cette foi, et pour toujours, mise en possession, dans l'espérance, de l'héritage éternel: en sorte que, si elle est partie d'ici-bas, elle est certainement dans la paix de son SEIGNEUR, et que si elle est encore sur la terre des vivants, elle y est comme étrangère et voyageuse vers l'éternité; comme étant morte au monde, et consacrée à Celui qui, par sa mort, lui a acquis la glorieuse immortalité.

***

Réjouis-toi donc en cette pensée, o mon âme, et dis que la miséricorde de l’ÉTERNEL dure perpétuellement et que ses gratuités s'étendent de race en race sur les fils des hommes. — Et toi aussi, tu as trouvé sa paix; sa paix que tu ne connaissais point autrefois et dont tu doutais même. Tu as obtenu cette foi de grand prix qui t'unit, pour l'éternité, à JÉSUS, ton SAUVEUR, ton Ami, ton puissant et fidèle Gardien.

Laisse-toi donc conduire, o mon âme; abandonne-toi sans réserve à la main qui désormais te fera passer par le chemin sacré: qui te guidera par le conseil de DIEU et puis te recevra dans sa gloire.

Et toi, qui viens de lire ce court récit, si tu es sincère, tu n'as plus à craindre, à te troubler, à gémir en cherchant le pardon. — La Valaisane crut à CHRIST et fut délivrée. — Crois de même; oui, crois dans ton cœur que JÉSUS est mort et qu'il est ressuscité pour toi, pour toi-même; et JÉSUS, te donnera de même et sa justice et sa paix!

FIN

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