Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

UN REMPART DE NEIGE

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L'année 1814 commença bien tristement pour les habitants de la ville de Sleswig, en Allemagne. Des détachements de Suédois, de Russes et de Cosaques campaient à une demi-heure de la ville. Un armistice avait été conclu, mais il devait expirer dans la nuit du 5 janvier, et la guerre, avec toutes ses horreurs et toutes ses violences, devait alors recommencer.

En dehors de la ville, sur le bord de la route et du côté par lequel les ennemis devaient entrer, se trouvait une maison isolée d'assez belle apparence. Là vivait une femme âgée qui aimait le Seigneur et se confiait en lui. Sans cesse en prière, elle se plaisait à répéter ces paroles d'un vieux cantique allemand:

Éternel, ô Dieu des batailles,

Abaisse sur nous tes regards,

Et, tout autour de nos murailles,

Bâtis toi-même des remparts.

«Oui, Seigneur», disait-elle souvent, «élève des remparts autour de notre demeure, afin que les ennemis ne puissent pas nous attaquer.»

Sa fille, qui était veuve, et son petit-fils, jeune homme d'une vingtaine d'années, habitaient avec elle. Un jour que la grand-mère avait prié avec sa ferveur accoutumée, son petit-fils lui dit:

Grand-mère, pourquoi demandes-tu à Dieu une chose impossible? Es-tu assez simple pour croire réellement qu'il puisse élever un rempart autour de nous?

Mon ami, répondit-elle, je n'entends pas la chose tout à fait comme je l'exprime. Je demande à Dieu de nous préserver de tout mal, peu m'importe par quels moyens. Mais, du reste, rien ne lui est impossible. Et penses-tu donc que, s'il le voulait, Il ne pourrait pas exaucer ma prière à la lettre? Assurément cela lui serait facile.


Le 5 janvier tant redouté arriva.

Le jour s'écoula dans les alarmes, et vers minuit les troupes commencèrent à avancer. La nuit était terrible; un véritable ouragan s'était déchaîné sur le pays; la neige tombait à gros flocons et le vent soufflait avec une violence extraordinaire.

Bientôt la grand-mère et ses enfants entendirent sur la route le piétinement des chevaux. Les cris, les détonations, le cliquetis des armes, leur prouvaient que des bandes de Cosaques pénétraient dans la ville.

Tremblants, ils écoutaient, craignant à chaque instant de voir les soldats se précipiter dans leur demeure; mais, à leur grand étonnement, personne ne vint les troubler, on ne frappa même pas à la porte.

Le jour parut, et tout fut expliqué. Le vent, pendant la nuit, avait entassé tant de neige devant la maison qu'il n'y avait pas moyen d'y arriver de la route: portes et fenêtres étaient solidement barricadées.

Eh bien! mon enfant, dit la grand-mère, tu vois combien il a été facile au Seigneur d'élever des remparts autour de notre maison!...


E. P.


 

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