Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'INCRÉDULE

***

I

Le soleil brillait avec une ardeur presque tropicale sur une des plages les plus fréquentées de l'Océan, dont les ondes tranquilles étincelaient comme du cristal et, par leurs reflets chatoyants, semblaient augmenter encore la chaleur déjà accablante d'une journée de juillet. Aussi, à l'exception des joyeux ébats de quelques groupes d'enfants jouant sur le sable, rien ne troublait la tranquillité des baigneurs installés au bord de la mer, les uns simplement pour se reposer, d'autres pour se guérir.

Tout à coup les jeux cessent et l'attention générale se porte sur un homme encore jeune, qui s'avançait lentement et péniblement, bien que soutenu des deux côtés. Deux dames, de leur fenêtre, ont vu, elles aussi, ce malheureux, et leur sympathie lui est aussitôt acquise.

Sans attendre plus longtemps, la jeune fille partit, et, bientôt après, le pauvre voyageur était installé sur un siège où il perdit aussitôt connaissance.

Jamais des soins n'arrivèrent plus à propos, et jamais peut-être ils ne furent donnés avec plus de bonté et de délicatesse.

Avons-nous besoin de dire que celle qui se dévouait ainsi était à la fois une bonne mère et une chrétienne qui avait été l'objet des soins particuliers du Seigneur, et qui était maintenant heureuse de faire du bien pour Lui.

Aussi ce fut avec un sentiment visible de joie qu'elle vit l'inconnu recouvrer les sens; elle allait pouvoir s'informer de l'état de son âme. Elle avait déjà vu sur ce visage pâle et amaigri les rides profondes que les souffrances morales avaient contribué à creuser, peut-être plus encore que les douleurs physiques, et, s'adressant à Dieu, elle intercédait pour cet étranger, comme peuvent le faire seulement ceux qui connaissent par expérience la puissance de la prière.

Quand le jeune homme revint à lui, il commença à remercier la dame compatissante, et sa voix faible toucha encore celle-ci, en sorte qu'elle s'enhardit à l'interrompre en disant:

J'espère, monsieur, que vous connaissez le Seigneur Jésus et que vous avez trouvé en Lui un ami sûr et fidèle, qui sympathise toujours à nos infirmités?

Ces mots produisirent sur le malade un effet inattendu: une vive rougeur colora ses joues pâles, et, se relevant avec une énergie étonnante après ce qui venait de se passer, il s'écria:

Plus un mot, madame, plus un mot; je ne veux pas entendre ce nom; j'en hais jusqu'au son. Faut-il donc qu'il retentisse encore à mes oreilles jusqu'ici?

Un instant déconcertée, cette fidèle chrétienne ne se découragea pas, et, tenant les yeux fixés sur le vidage sombre de son interlocuteur, elle répéta d'une voix douce et un peu émue ces beaux vers:

Oh! Jésus, que ton nom est pour moi plein de charmes!

Il calme mes douleurs, II guérit mes langueurs, dissipe mes alarmes

Et sèche tous mes pleurs.

C'était trop pour le cœur endurci de l'incrédule. Ses paupières fatiguées se fermèrent, et, en dépit d'une lutte intérieure évidente, une larme coula le long de sa joue amaigrie, et, tandis que la dame remerciait Dieu pour cette petite émotion qui lui faisait prévoir la victoire, le malade, déjà debout, essayait de s'en aller, s'excusant d'avoir causé tant de dérangement.

Monsieur, lui répondit vivement la dame, ne me remerciez pas, moi, mais plutôt Celui dont vous haïssez le nom, sans le connaître, sans doute; car c'est Lui qui vous a envoyé du secours au moment du besoin. Laissez-moi seulement vous dire ceci de sa part...

Et, sans attendre de réponse, elle répéta, en appuyant sur les mots, ce verset du Psaume CXVII: «Sa miséricorde est grande envers nous, et la vérité de l'Éternel demeure à perpétuité»; puis, lui prenant la main, elle ajouta avec l'accent, de la conviction:

Dieu, dans sa compassion et son amour, a abandonné son Fils bien-aimé à la mort de la croix, afin que son sang précieux expiât complètement les péchés.

Oh! arrêtez, madame, dit-il, c'est une peine inutile que vous prenez là: je ne crois pas à la Bible, je ne crois pas à ce Dieu dont vous parlez, et je vous prie de ne plus ouvrir la bouche sur ce sujet devant moi.

Je le vois, monsieur, que vous n'y croyez pas; mais il n'en est pas moins vrai que la parole de Dieu demeure éternellement comme Lui-même, dont vous voulez nier l'existence.

Mais, madame, s'il en est ainsi, pourquoi ne me montrez-vous pas un fait qui prouve avec évidence que Dieu existe?

Je ne l'essaierai pas, monsieur, car, lorsque le Fils de Dieu était sur la terre, face à face avec les hommes, leur montrant les miracles qu'il faisait de la part de Dieu, II n'a rencontré que l'incrédulité, accompagnée souvent de moqueries, de mépris et de blasphèmes; dès lors, comment croiriez-vous à moi?

Je vous donnerai seulement le message de Dieu pour la foi et pour l'incrédulité: 


«Celui qui croit au Fils a la vie éternelle;

celui qui ne croit pas ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui.»


Le malade n'avait plus rien à dire; mais, comme l'homme dans la parabole de Matthieu XXII, qui s'est présenté dans la salle du festin sans avoir une robe de noces, «il eut la bouche fermée», tant il est vrai que la parole de Dieu est plus puissante pour faire taire l'incrédule que tous les arguments humains qui lui laissent toujours plus ou moins de prise.

Le malade habita près de ces dames, mais ils n'eurent ensemble que des rapports de simple politesse; néanmoins, elles apprirent qu'il se nommait E... et qu'il arrivait d'Amérique.

Apparemment il était revenu à son pays natal pour se guérir ou se distraire; mais depuis son arrivée il paraissait de plus en plus sombre, et, d'autre part, sa santé, déjà chancelante, ne semblait point s'améliorer.

Que se passait-il dans cette âme toujours absorbée, livrée à elle-même?

Et quel serait, pendant l'éternité, le sort de ce malheureux qui s'acheminait visiblement vers la tombe?

Dieu seul le savait, et seul Il pouvait incliner ce cœur rebelle et l'amener à ses pieds. Malheureusement, le pauvre malade ne paraissait point penser à Lui; non seulement cela, mais il évitait même de rencontrer sa bienfaitrice qui cherchait à le voir, tant il semblait appréhender d'être amené sur le terrain de la vérité.


II

Quelques jours s'étaient écoulés depuis l'arrivée au bord de la mer du pauvre malade qui venait y chercher la santé; mais, comme nous l'avons fait pressentir, il semblait décliner rapidement. C'était une raison de plus pour que la dame qui s'était intéressée à lui cherchât à le rencontrer pour lui parler de son âme. Celui-ci, de son côté, au contraire, évitait soigneusement de lier conversation avec elle. Un matin cependant, tandis qu'il était seul et dans une attitude de profond affaissement physique et moral, elle vint à lui: «Qu'avez-vous?» s'écria-t-elle en voyant le pauvre malade déjà si faible tout bouleversé par son apparition et essayant de se remettre de son embarras.

Rien, rien; je désire seulement être seul, répondit-il avec vivacité.

Sans avoir paru comprendre, elle ajouta:

Cher monsieur, vous souffrez. Voulez-vous me confier vos peines? Vous savez, n'est-ce pas, que vous pouvez compter sur ma sympathie?

Il hésita un instant, puis, tout à coup, il s'écria sur un ton qui se radoucit peu à peu:

Eh bien, je pensais à ma famille: j'ai une femme et deux chers enfants en Amérique, et quoique j'aie mis des centaines de lieues et la mer entre nous, il me semble les sentir plus près de moi que jamais. J'entends leur voix qui m'appelle, je sens leurs bras qui m'étreignent, et, si je marche pour oublier leur souvenir, je crois entendre le bruit de leurs pas, et, tenez, votre arrivée m'a surpris dans ce moment même où je luttais contre mon imagination qui me les faisait voir se rapprochant de moi; c'est ce qui a causé le trouble qui vous a frappée en me voyant. Oh! que je suis malheureux! Et j'ai été ainsi surtout depuis mon arrivée ici où je croyais être en repos, depuis le moment où vous m'avez parlé et m'avez mis en face de la parole de Dieu. Aussi, depuis, vous avez sans doute remarqué, madame, le soin que j'ai mis à vous éviter...

Mais, monsieur, pourquoi avez-vous quitté votre famille et vous êtes-vous séparé de ceux que vous aimez et dont la présence auprès de vous vous serait si nécessaire?

Je vais vous le dire, madame, si vous voulez bien m'écouter, répondit-il visiblement ému.
 J'ai été élevé par une mère chrétienne; malheureusement, jeune encore, je fis la connaissance d'un homme bien connu dans le comté d'York, qui exerça sur moi une étrange influence: c'était un incrédule qui avait été autrefois un prédicateur populaire et qui, plus tard, prêchait publiquement contre la Bible, et, me trouvant constamment dans sa société, je fus bientôt imbu de ses idées.

Ma pauvre mère en eut le cœur brisé, et ce fut pour échapper à ses continuelles
exhortations que je m'embarquai pour l'Amérique. Là, je me mariai, et, environ quatre ans après, ma femme fut convertie, et naturellement mon incrédulité la rendait malheureuse. Jour après jour elle me suppliait de venir au Sauveur, mais cela ne servait à rien. Je m'étais tellement ancré dans l'incrédulité, que désormais rien n'avait plus de puissance sur mon âme...

Lorsque je prenais sur mes genoux ma petite Nelly, l'aînée de mes enfants, elle me regardait avec des yeux suppliants et elle s'écriait: «Papa, quand est-ce que tu aimeras Jésus?» Aussi ne pouvais-je plus entendre ce nom sans être aussitôt mis hors de moi à en devenir fou.

Un jour enfin, n'y tenant plus, je quittai ma femme et mes chers enfants: voilà comment maintenant je me trouve ici seul, séparé pour toujours de ceux que j'aime encore cependant. Depuis que j'ai fui comme un insensé, j'ai voyagé de lieu en lieu, sans pouvoir trouver de repos, jusqu'ici où vous m'avez rencontré, et, sans le vouloir, vous avez renouvelé toute ma misère en me parlant de Celui que vous appelez le Christ Jésus.

Ah! monsieur, comment avez-vous pu abandonner votre famille pour échapper aux appels d'un Sauveur plein d'amour? reprit la dame, et elle ajouta:

D'ailleurs, où pouvez-vous fuir la présence de Celui qui est partout?

Ne savez-vous pas ce que dit David dans le Psaume CXXXIX, v. 7 et suivants:

«Où irai-je loin de ton Esprit, et où fuirai-je loin de ta face? Si je monte aux cieux, tu y es; si je me couche au sépulcre, t'y voilà. Si je prends les ailes de l'aube du jour et que je me loge au bout de la mer, là même ta main me conduira, et ta droite m'y saisira. Si je dis: Au moins, les ténèbres me couvriront: la nuit même sera une lumière autour de moi. Même les ténèbres ne me cacheront point, et la nuit resplendira comme le jour, et les ténèbres comme la lumière.»

Hélas! je le vois à présent, je n'ai devant moi que la mort, une mort prochaine peut-être, qui sera une séparation sans espoir de revoir tout ce que j'ai aimé; la mort avec son lugubre cortège, la mort avec son sinistre silence que rien ne pourra plus interrompre, la mort affreuse, mais inévitable, la mort sans espérance, la mort éternelle, et... l'enfer.

Il s'arrêta. Il avait fini sa confession, et la lutte aussi était finie; dès lors, il fut comme un petit enfant. Une fois encore, la parole de Dieu avait été plus pénétrante qu'une épée aiguë à deux tranchants, atteignant jusqu'aux divisions de l'âme et de l'esprit, des jointures et des moelles, elle avait sondé les pensées et les intentions de ce cœur incrédule. Toutes choses étaient nues et à découvert devant Dieu.

Bientôt la pauvre mère, qui pleurait depuis si longtemps ce fils prodigue, arrivait au chevet de son lit pour lui donner les derniers soins, et quelle ne fut pas sa joie de voir qu'une œuvre de Dieu était commencée en lui! Pendant de longues journées, l'angoisse d'esprit du malade fut intense, mais Dieu, dans sa bonté, l'amena à écouter sa parole qu'il avait méprisée; brisé de remords et de chagrins, il s'abandonna sans réserve à Celui qui mourut pour le pécheur perdu, et il ne tarda pas à jouir du pardon et de son acceptation devant Dieu. Il comprenait alors que la dame chrétienne, dont il avait cherché à éviter la société, avait été pour lui, de la part de Dieu, un messager fidèle pour lui apporter la bonne nouvelle du salut.

Sa chère mère aussi avait pu reprendre la place qui lui était due; ses enseignements étaient reçus avec bonheur et profit par ce cœur que Dieu avait préparé. Mais, hélas! elle avait la douleur d'assister aux progrès rapides de la maladie de son fils qu'elle n'avait plus espéré revoir dans ce monde, mais pour le salut duquel elle ne s'était jamais lassée de prier.

Quelques semaines se passèrent après ces scènes émouvantes, dont le résultat avait été si béni pour M. E...; tandis que l'homme extérieur dépérissait, l'homme intérieur était renouvelé de jour en jour. De plus, un pressant besoin de revoir sa femme et ses enfants s'était emparé du malade, qui ne quittait plus son lit. De sa fenêtre, il regardait sans cesse dans le lointain, comme s'il voulait hâter le retour de ces êtres chéris que sa folie lui avait fait abandonner. Un jour enfin, il reçut la nouvelle de leur arrivée prochaine. Ce fut un commencement de fête, mais qui, hélas! ne devait pas être complète. La jeune mère, elle aussi, avait eu à traverser des heures pénibles: la joie de revoir son mari, jointe à celle de savoir qu'il était devenu un enfant de Dieu, l'avait fait s'embarquer précipitamment avec ses chers enfants.

Pendant la longue traversée, la petite Nelly était tombée malade, et, malgré les soins et l'affection de sa mère, elle avait succombé rapidement; un matin, on dut confier son petit corps à l'Océan, jusqu'au jour où la mer rendra ses morts. Si la douleur avait été grande pour la pauvre mère, le coup fut autrement terrible pour le père mourant, lorsqu'il apprit ce qui s'était passé. «C'est moi, s'écria-t-il, qui ai brisé son cœur quand elle me suppliait de croire au Seigneur Jésus, et c'est moi qui l'ai tuée par les conséquences de mon incrédulité.»

Ce furent néanmoins des moments heureux que ces derniers jours que passa le pauvre E..., entouré des siens sur ce coin du monde où il était venu chercher le repos du corps et où il avait trouvé la vie éternelle.

Il suivit de près sa chère enfant auprès du Seigneur, laissant dans ce monde, à côté du souvenir de ses fautes, un nouvel exemple de ce que peut faire la grâce de Dieu, qui ne veut pas la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vie.

Jeunes gens qui avez des parents chrétiens et qui, encore sensibles à leur amour ou soumis à leur autorité, écoutez la parole de Dieu, oh! ne soyez point sourds aux appels pressants du Seigneur! Que de mécomptes, que de moments pénibles, que de hontes vous éviterez, si de bonne heure vous vous confiez au Sauveur.

Vous avez vu ce qu'est un homme sans Dieu dans le monde et l'horizon qu'il a devant lui. Vous savez, d'autre part, quel est cet horizon, quand, la scène ayant changé, l'incrédule est devenu croyant. Nous songeons, avec une amère tristesse, à cet effort perpétuel par lequel l'homme cherche en tout temps à échapper à Dieu, opposant sans cesse à sa lumière tous les sophismes et à son amour les ruses d'un cœur méchant. Prévoyant ce qui devra arriver, nous plaignons ces victimes de l'adversaire terrible qui est leur maître. Heureux ceux qui, échappant à ses séductions, se jettent dans les bras puissants du Sauveur et trouvent en Lui leur bonheur éternel!


 

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