Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

HISTOIRE D'UNE BIBLE

***

Dans une des parties les plus montagneuses de la Suisse, là où les grandes fermes des paysans commencent à devenir rares, on peut encore voir aujourd'hui une petite hutte de chétive apparence, surmontée d'un toit de chaume que recouvre une mousse épaisse et brunâtre.

Écoutons le récit de ce qui s'y passa il y a longtemps.

Quoiqu'il soit midi, aucune trace de fumée ne sort de la cheminée, la porte est fermée, tout est tranquille comme si la maison était vide et abandonnée. Elle est habitée pourtant; mais la mort va y accomplir son œuvre.

Sur un misérable grabat est couchée une veuve; les rides profondes de son visage et les plis de son front trahissent bien des angoisses. Que de lourdes peines sont ensevelies dans ce cœur qui va bientôt cesser de battre! Près du lit est agenouillé un jeune homme, c'est le fils de la veuve; et la mère mourante, posant sur la tête de son enfant en pleurs une main amaigrie, lui donne sa bénédiction.

Adieu, Paul, murmura-t-elle... Ton père m'attend là-haut depuis quinze ans, je vais auprès du Seigneur... C'est pour toi que Dieu m'a laissée si longtemps ici-bas... Tu m'aimes, n'est-ce pas?...

Mais tu aimes aussi le monde... Les plaisirs et les frivolités de la terre te tiennent plus au cœur que les choses de Dieu; tu as perdu ta pieuse simplicité d'autrefois...

Je t'en supplie, redemande-la à Dieu, tourne-toi vers Lui, redeviens comme un petit enfant pour recevoir le salut par Jésus...

Lorsque tu m'auras ensevelie, tu vas sûrement quitter le pays et vendre le pauvre bien que je te laisse; que Dieu te dirige et te conseille; va gagner ailleurs ton pain, si cela te paraît meilleur, mais garde toujours avec toi une seule chose: ma Bible...

Promets-le-moi, mon fils, conserve ma Bible... ma mère me l'a transmise, je te la confie. Ce livre n'a pas quitté la chaumière de tes pères. Tes ancêtres l'avaient apporté de Bohême (De 1620 à 1621, la Bohême, où se trouvaient beaucoup de protestants, fut livrée par l'empereur Ferdinand II, l'élève des Jésuites, à des bandes de soldats et de moines qui forcèrent ces chrétiens à s'expatrier. Les soldats pillaient, les moines voulaient convertir.), lorsqu'on les persécuta pour leur foi; tous leurs noms y sont inscrits depuis 1620.

Tous ont été pauvres, mais ils sont demeurés fidèles à la Parole de Dieu et sa bénédiction ne les a point quittés.

Tu es le dernier... Ah! conserve bien cette Bible; elle a donné à tes parents la paix du cœur, elle peut te la donner encore à toi... garde-la, je t'en prie, promets-le-moi...»

Paul articula une promesse étouffée par les pleurs et les sanglots. La veuve, ranimée un instant au souvenir de ses ancêtres, laissa retomber sa main refroidie, et, après un faible soupir, ce cœur de mère cessa de battre. Mais sur sa figure était restée une expression de paix et de joie, gage assuré que Dieu avait introduit cette âme dans le séjour où ne coulent plus de larmes. Et Paul, s'il avait pu en ce moment effacer de ses pleurs les soucis et les peines que sa légèreté avait causés à sa pauvre mère, oh! comme il eût été heureux... Mais il était trop tard! En vain il regardait la couche; la mort avait placé sa main glacée sur ce cœur maternel, et un silence lugubre régnait dans la demeure.

Lecteur, vous qui peut-être possédez encore des êtres chers auxquels vous avez causé des chagrins, n'attendez pas que Dieu les mette au bord de la tombe, pour leur demander pardon, de peur que ces mots «trop tard» ne sonnent tristement à vos oreilles et ne remplissent votre cœur d'amertume.

Songez surtout, cher ami qui n'auriez pas la paix de l'âme, que vous avez plus que vos parents terrestres à contenter.

Dieu, le Dieu vivant, vous invite encore à vous tourner vers lui. Il vous attend aujourd'hui; c'est le jour de grâce et de salut; il vous attend tel que vous êtes, il n'exige pas que vous deveniez un peu meilleur qu'hier; non, il veut vous recevoir, comme dans la parabole du fils prodigue le père reçut son enfant couvert de haillons.

Dieu pardonne à celui qui vient à Lui au nom de Jésus, au pécheur qui Lui confesse ses fautes; car le sang du Christ est toujours puissant, pour laver, pour effacer la souillure.

Repoussez les mensonges de l'ennemi, fuyez sa voix qui vous crie: «Tu y penseras demain.» Demain, si la mort vient vous surprendre, vous n'aurez peut-être en partage que des tourments éternels! Aujourd'hui venez à Christ qui a préparé pour chaque croyant une place dans la maison du Père.

Mais reprenons notre récit.

La mère est ensevelie; quelques jours après, Paul abandonne le pays; il a vendu la chaumière de la veuve, il n'emporte comme souvenir des siens que la vieille Bible usée, que protègent de grosses couvertures de cuir et des fermoirs de métal. C'est une vraie Bible de famille, et sur les premières pages sont inscrits en gros caractères les noms des pieux ancêtres de l'orphelin. Ils avaient tout quitté pour fuir les persécutions des prêtres. Ils avaient abandonné pour le Seigneur les riches fermes qu'ils possédaient dans la Bohême. Ils étaient devenus pauvres des biens de cette terre; ils avaient quitté leur patrie terrestre pour conserver la Bible, la précieuse Parole de Dieu.

Paul avait eu de la peine à glisser le saint livre dans sa sacoche, et en emballant son maigre héritage, il eût volontiers laissé cette grosse Bible de côté, si la parole de sa mère mourante: «Promets-le-moi!» n'eût pas retenti à ses oreilles.

Après une longue journée de marche, harassé de fatigue, il entra dans une auberge pour y passer la nuit. La Bible lui avait paru bien lourde le long du chemin; comme pour se dédommager de sa fatigue, après le souper, il voulut en lire une portion. Il tira du sac le gros volume, l'ouvrit et se mit en lecture. Mais, hélas! quelques autres jeunes gens, qui voyageaient aussi, s'approchent avec curiosité, regardent par-dessus son épaule et se moquent de lui.

«Comment peut-on lire dans la Bible aujourd'hui? C'était bon quand on n'avait pas d'autres livres. Mais maintenant il n'en manque pas d'amusants, remplis d'histoires risibles ou de belles images... N'as-tu pas de roman à porter avec toi au lieu de ce gros livre; ce serait moins lourd et cela t'amuserait davantage?... »

Ils en dirent tant que notre pauvre garçon, tout honteux, ferma sa Bible, et n'eût été le «Promets-le-moi» de sa mère, il l'aurait volontiers abandonnée ou vendue pour un peu d'argent. Il résista néanmoins, mais il ne l'ouvrit plus pendant son voyage.

Un an plus tard, dans un hôpital de la ville de H..., on apporte deux blessés: l'un d'eux, frappé d'un coup de couteau dans un sombre café de faubourg, après une querelle avec de mauvais compagnons; l'autre tombé d'un échafaudage. Ils sont couchés l'un à côté de l'autre.

Longtemps entre la vie et la mort, ils sont enfin hors de danger, grâce aux soins dont on les entoure. Dès qu'ils sont remis, ils se font raconter par l'infirmier comment ils se trouvent dans ces lits, combien de jours et de nuits ils sont restés sans connaissance.

Le premier réclame son sac et demande où on l'a placé; l'infirmier le lui montre auprès de son lit. Aussitôt il y porte la main et le fouille dans tous les sens; il cherche sa bourse, il veut retrouver son argent, il ne rencontre que quelques haillons et un gros livre. Voilà tout ce qui lui reste. Les mauvais camarades qui l'ont blessé lui ont sans doute dérobé la petite somme qu'il avait gagnée à la sueur de son front. Il ne peut croire qu'on l'ait volé. Il tire à lui le sac, en sort les haillons, puis la Bible, et voit que le sac est bien vide. Il sera donc sans ressource au sortir de l'hôpital; comment s'achètera-t-il des outils? comment gagnera-t-il son pain?

Transporté de fureur à cette idée, il s'écrie, en voyant sa Bible:

«Pourquoi m'avoir encore laissé cela? Ils auraient bien pu emporter ce livre dont je ne sais que faire.»

Et, avec un jurement, il jette le volume loin de lui. Son compagnon, effrayé de ses paroles, lui dit:

«Que jettes-tu ainsi?

Rien; ce n'est qu'une vieille Bible.

Tu ne la veux donc plus?

Oh! non, je crois qu'elle me porte malheur.

Donne-la-moi, alors.

Prends-la, je le veux bien, j'en serai débarrassé.»

Puis il cacha son visage dans les oreillers, comme s'il voulait oublier Dieu et le monde, et ne plus rien entendre ni du ciel ni de la terre. Sa mère, depuis longtemps déjà, il l'avait oubliée.

L'infirmier avait relevé la Bible pour la donner à l'autre malade. Celui-ci l'ouvrit, la lut et y goûta les invitations que le Seigneur adresse aux âmes travaillées et chargées. Plusieurs semaines s'écoulèrent, et nos deux jeunes gens firent place à d'autres. Sur le registre de l'hôpital on pouvait lire, à la même date:

Charles B.. , sorti guéri, comme évangéliste;

Paul N..., sorti guéri, engagé comme marin.

Après quelques années, lecteur, accompagnez-nous dans le lointain Groenland, où l'hiver éternel n'est interrompu que par un pâle été de deux mois à peine. Jusque-là sont allés quelques serviteurs de Christ pour annoncer aux Esquimaux la bonne nouvelle du salut.

Un jour que sur la haute mer l'orage se déchaîne, un vaisseau est mis en danger par la tempête. Il est perdu dans les glaces, et les vagues vont le briser au milieu d'un détroit dangereux si on ne vient pas à son secours en lui montrant le bon chemin. Les missionnaires ont vu la détresse du navire; ils rassemblent quelques Esquimaux pour aller, avec eux, essayer de le sauver.

Par la grâce de Dieu, les longues et étroites barques sur lesquelles ils sont montés ne sont pas englouties par les flots; ils se font remarquer de l'équipage du baleinier en péril, et, après bien des efforts, ils arrivent à lui montrer une voie sûre. Le vaisseau les rejoint, et les matelots sont sauvés. Mais le vent a précipité sur le pont du haut d'un mât où il était en vigie un jeune marin; étendu sans connaissance, le malheureux est couvert de sang; ses blessures sont mortelles; il n'a plus longtemps à vivre.

Nos Esquimaux l'emportent sur la terre ferme et le couchent sur le lit d'un des missionnaires. Un de ceux-ci veille au chevet et parle de Dieu au mourant. Paroles inutiles! Même dans cet instant terrible, il refuse la grâce du Seigneur, lui qui va comparaître devant le Dieu vivant.

Le serviteur de l'évangile ne se décourage pas, il prend une grosse Bible, recouverte de cuir, en défait les fermoirs et veut en lire quelques versets... Mais le matelot a les yeux fixés sur le livre, il se relève convulsivement et d'une voix effrayante il s'écrie:

«Arrière, ce livre... il était à moi, je l'ai jeté; je ne le veux plus... Mère! mère! tu m'appelles, mais je ne puis pas aller avec toi... Il est trop tard, je suis perdu.»

Puis, retombant sur son coussin, il meurt agité par une dernière convulsion, pour comparaître ainsi devant la face de Dieu!

Lecteur, qui venez de parcourir ces lignes, ou vous qui les avez entendu lire, et n'êtes pas encore réconciliés avec Dieu par Jésus, vous qui ne pouvez pas saluer le ciel comme la demeure de votre Père, soyez sûrs qu'il n'est que deux manières de paraître devant Dieu:

on l'appelle mon Père,

ou bien, chose effrayante, on trouve en Lui un juge dont les yeux sont trop purs pour voir le mal... même une mauvaise pensée.

Cher ami, dans cette Bible rejetée par le pauvre Paul, il est écrit:


«Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils,

afin que quiconque croit en lui ne meure point, mais ait la vie éternelle.»


Croyez-le, c'est Dieu qui vous invite; si Satan vous insinue que vous êtes trop mauvais, la Bible vous affirme que Jésus est venu sauver, non pas des justes, mais des pécheurs.

Le Sauveur qui est mort pour vous, comme pour moi, comme pour le brigand attaché à la croix, vous appelle comme tant d'autres pauvres créatures aveuglées par les mensonges du diable.


Si Dieu hait le péché, Il aime le pécheur.

Christ est mort pour le pécheur; Il a payé la rançon pour votre âme.


Mais à Satan, vous ne devez rien; il est le prince du mensonge et de la mort, ne restez pas plus longtemps sous son triste esclavage.

L'histoire que je viens de vous raconter n'est pas une invention, elle est vraie; prenez garde de la reproduire vous-même en quelque manière; craignez que pour vous, comme pour Paul N., le cri: «trop tard» ne soit demain la conséquence du rejet des appels que le Seigneur vous adresse aujourd'hui.

Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé. Il a été navré pour nos forfaits et frappé pour nos iniquités.

Que le Seigneur Lui-même bénisse sa sainte Parole pour tous, donnant à ceux que le diable retient dans ses pièges, la grâce de croire à Celui qui veut leur ouvrir les yeux et leur apporter le salut.

Que le Seigneur mette aussi au cœur de tous ceux qui connaissent sa grâce et son amour de prier pour tant d'âmes qui errent sans espérance et sans Dieu, de prier sans se lasser, car:


CELUI QUI RESSUSCITE LES MORTS PEUT SAUVER TOUT PÉCHEUR PERDU.

«Demandez, et il vous sera donné


Priez et croyez. Dieu se révèle comme Celui qui exauce la prière:


«J'ai cherché l'Éternel et Il m'a répondu,

et Il m'a délivré de toutes mes frayeurs.»


(Psaume XXXIV, 5.)


A. F.


 
- Table des matières -