Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE PRISONNIER DE GLATZ

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Dans une ouverture étroite d'une chaîne de montagnes de la Haute Silésie, à travers laquelle la sauvage rivière de Neisse s'est forcé un passage vers l'Oder, se dresse l'inexpugnable forteresse prussienne de Glatz, forteresse naturelle, presque sans égale dans le monde, ceinte d'une muraille de montagnes à pic et fortifiée encore par l'art humain. La vallée elle-même est séparée du reste du monde, et l'homme qui se trouve enfermé derrière les murailles épaisses et sous les barres de fer du château, est aussi exilé du monde que s'il était enterré vivant. Malheur au prisonnier de Glatz; tout lui répète: «II n'y a point d'espérance pour toi, point d'espérance!»

Dans les premières années de ce siècle, la forteresse renfermait un prisonnier d'une haute naissance, le comte de M., autrefois fêté et choyé dans le monde et maintenant sans espérance sous ces verrous et ces barres, condamné pour la vie à un emprisonnement solitaire pour trahison et crime de lèse-majesté envers Frédéric-Guillaume III de Prusse.

Pendant une année entière il vécut dans cet affreux donjon, sans qu'un rayon extérieur ni intérieur vînt éclairer son âme, car il était un sceptique. Le seul livre qu'on lui eût laissé était une Bible, et pendant longtemps il ne voulut pas l'ouvrir, et lorsqu'il était obligé, pour ainsi dire, de la prendre pour tuer le temps et pour calmer l'ennui qui le consumait, c'était avec un sentiment de colère et des grincements de dents contre ce Dieu qu'elle révèle.

Cependant l'amère affliction, cet agent impitoyable, mais béni, qui a amené plus d'une âme au bon Berger, porta ses fruits chez le comte de M. Plus il lisait la Bible, plus il sentait le poids de la main de Dieu sur son pauvre cœur désolé et perdu.

Par une orageuse nuit de novembre, la tempête hurlait autour de la forteresse, la pluie tombait à torrents, et la Neisse, enflée et mugissante, se précipitait le long de la vallée; le comte était étendu sur sa couche, en proie à une horrible insomnie, car la tempête qui grondait dans son âme n'était pas moins forte que celle du dehors.

Toute sa vie passée s'était dressée devant lui, le convainquant de péché et lui montrant que la source de toute sa misère était dans son oubli de Dieu. Pour la première fois de sa vie, son cœur est amolli et ses yeux se remplissent des larmes d'une vraie repentance.

Il se lève, ouvre sa Bible, et son regard tombe sur le verset 15 du Psaume L:

«Invoque-moi au jour de la détresse, je te délivrerai, et tu me glorifieras.»

Cette parole atteint les profondeurs de son âme, il se jette à genoux, implorant la miséricorde de Dieu. Et ce Dieu tendre et plein de compassion, qui ne se détourne pas du premier regard de foi dirigé vers Lui, entendit le cri poussé dans ce donjon battu de la tempête et donna au prisonnier non seulement la délivrance spirituelle, mais aussi la délivrance temporelle.

Cette même nuit, dans son palais, à Berlin, le roi Frédéric-Guillaume, torturé par la souffrance physique, cherchait en vain du repos sur son lit. Complètement épuisé, il demanda à Dieu de lui accorder une heure de sommeil rafraîchissant. Sa prière fut exaucée, et quand il s'éveilla, il dit à sa femme, la généreuse Louise:

— Dieu a agi miséricordieusement à mon égard, et j'ai bien lieu d'être reconnaissant envers Lui. Quel est l'homme de mon royaume qui m'a le plus offensé? Je lui pardonnerai.

— Le comte de M., qui est enfermé à Glatz,
répondit la reine.

— Vous avez raison: qu'il soit mis en liberté.


Le jour ne s'était pas levé sur Berlin que déjà le courrier était parti, qui portait au prisonnier de Glatz sa grâce et sa liberté.

C'est ainsi qu'agit habituellement le bon Berger lorsqu'il rassemble ses brebis perdues pour lesquelles II est mort. Il le fait sans éclat et sans que rien puisse s'y opposer, et lorsqu'il met au jour un cas frappant comme celui qui vient d'être retracé, nul doute que ce ne soit afin de nous montrer que sa puissance sauve en dépit de toutes les difficultés.

Le cœur de ce pauvre comte semblait plus imprenable encore que la forteresse dont les murs criaient: «Point d'espérance! point d'espérance!» Mais pour Dieu il n'y a point d'obstacles.

Pour que le dessein d'amour de Dieu à son égard pût s'accomplir, il fallait qu'il fût mis en prison et que son cœur y fût brisé; mais une fois ce but atteint, comme tout le reste se fait aisément!

Une fois devenu enfant de Dieu, il faut qu'il ait la meilleure chose; non pas que l'emprisonnement n'eût été la meilleure chose pour lui, si Dieu l'avait trouvé bon; mais, comme ce n'était pas le cas, sa délivrance n'est pas une difficulté.

Quelle leçon difficile à apprendre pour nous, que notre difficulté n'est pas une difficulté pour Dieu, et que notre «impossibilité» pour Lui se change en «toutes choses sont possibles.»

Pour la foi aussi toutes choses sont possibles.

Puisse notre foi Le saisir plus fermement et compter sur Lui, non seulement pour nous-mêmes, mais dans ce qu'il nous donne à faire pour les autres.


 
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