Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.

FRÉDÉRIC DE ROUGEMONT

1869

***

Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde!

Matthieu 5, 7 (V. S.)


L’âme, que sa pauvreté et ses pleurs avaient rendue débonnaire, ne peut avoir été quelque peu rassasiée de la justice de Dieu sans être émue de compassion pour les pécheurs.


Elle a compris le contraste entre le royaume des cieux, où tu l’as fait entrer, ô Jésus, et le monde plongé dans le mal.

Elle a maintenant acquis la pleine conscience de son propre bonheur et, par contraste, celle du malheur de quiconque ne croit pas en toi, ô Sauveur.

Elle se sent bienheureuse, et nul doute ne lui vient sur la parfaite réalité de sa joie.

Sa joie procède non de biens extérieurs qui pourraient à chaque instant lui être enlevés, mais d’un don de l’Éternel qui est devenu partie intégrante d’elle-même; non de raisonnements et de doctrines qui pourraient être erronés, mais de toi, qui es le Soleil des esprits et qui les restaures de tes rayons.

En toi, elle se sait dans le véritable (Jean V, 20.), et elle ne saurait être plus certaine de la lumière du jour que de la tienne, ô Toi qui es la lumière du monde.

Quand ses regards se détournent de toi et s’arrêtent sur ses frères, elle les voit malheureux, égoïstes, vicieux, comme elle l’était elle-même naguère.

À cette vue, s’irritera-t-elle contre eux?

Les traitera-t-elle avec mépris?

S’enorgueillira-t-elle de sa propre supériorité?

Impossible: est-ce elle qui a fondé ou découvert le royaume des cieux?

Elle qui s’est prise d’elle-même à pleurer sur ses péchés et qui s’est consolée?


NON, elle serait ce que sont tous les autres, si tu ne lui avais pas enseigné la vérité et donné le bonheur.

Aussi est-ce par le cœur et non par l’intelligence que le fidèle contemple les souffrances du monde, et ces souffrances l’émeuvent jusque dans ses entrailles. Il est saisi d’une profonde pitié pour tous ces êtres immortels qui se perdent, corps et âmes, quand ils n’auraient besoin, pour être sauvés des morsures du serpent ancien, que d’élever leurs regards vers ta croix (Jean III, 14.).

Bienheureux est le fidèle par sa miséricorde, car Dieu éprouvera pour lui un sentiment tout pareil de miséricorde.

Comment en effet pourrait-il en être autrement?

Cette compassion du chrétien pour le monde n’est-elle pas de même nature que celle que tu ressentais, ô Jésus, sur la terre à la vue des brebis égarées d’Israël (Math. XV, 24.), et toi-même, ô Dieu tout-puissant, ô Seigneur Éternel, n’est-ce pas par un sentiment d’infinie compassion pour l’humanité déchue, que tu lui as donné ton Fils unique afin de la sauver?

Quand donc, à ta parole, ô Verbe fait chair, le cœur de l’homme s’essaie à battre à l’unisson avec ton propre cœur:

Comment n’aurais-tu pas à ton tour pitié de ton infirme serviteur, de ses fautes et de ses chutes, de ses sommeils et de ses langueurs?

Comment te montrerais-tu sévère et dur envers lui, que tu as fait doux et bon, et, après l’avoir aimé quand il ne te connaissait point encore ou qu’il te repoussait, comment ne lui pardonnerais-tu pas ses péchés involontaires, maintenant qu’il est entré dans ton royaume?




 

- Table des matières -