Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !


Bienheureux les débonnaires, car ils hériteront la terre.

FRÉDÉRIC DE ROUGEMONT

1869

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Heureux les débonnaires, car ils hériteront la terre!

Matt. 5, 5 (V: S;)

Débonnaire: se caractérise par une grande bonté, une tendance à se montrer favorable et secourable à autrui (lexilogos)


Ceux qui pleurent leurs fautes se dépouillent de leur orgueil; ceux qui sont consolés revêtent la douceur.

Un tel changement doit-il nous surprendre?

Quand la mort d’un être chéri donne à l’homme le plus sec des larmes et des paroles de tendresse, comment la plus intense des douleurs, celle de la repentance, n’amollirait-elle pas nos cœurs endurcis par l’égoïsme?

Quand la passion terrestre modifie le caractère,

quand l’ambition met le sourire sur les lèvres de l’homme hautain et la prévenance dans ses manières,

Quand l’amour remplit la jeune fille altière d’assez de joie pour la rendre humble et douce, comment les joies bien autrement intimes du pardon et de l’amour divin n’inspireraient-elles pas aux cœurs brisés des sentiments de bonté?


Tout pauvre qui pleure et que Dieu console, devient nécessairement débonnaire; non point de cette débonnaireté naturelle, simple vertu de tempérament qui dégénère en lâcheté et qui fait plus de mal aux autres que tous les calculs de la méchanceté; mais de cette douceur, de cette bénignité qui est un fruit céleste de l’Esprit saint, qui est inséparable de la tempérance, et qu’accompagne la paix de l’âme et la joie (Galates V, 22.).

Bienheureux sont les débonnaires selon l’esprit.

Mais, dira-t-on, la débonnaireté est une vertu féminine, qui ne se concilie pas avec la dignité de l’homme et sa sublime vocation.

Qu’on ne s’y trompe pas! Elle héritera la terre.

Les disciples de l’Agneau immolé sont eux-mêmes des agneaux; mais,

TOUT AGNEAU QU’IL EST, JÉSUS-CHRIST EST LE LION DE JUDA,

le seul vrai lion de la terre entière, et ses disciples sont aussi des lions.

Nous allons voir ces débonnaires de la troisième béatitude mourir dans les tourments pour avoir tenté d’apporter au monde leur paix intime; et pour affronter les bûchers ou surmonter les tortures, il faut un bien autre courage que celui dont les zouaves eux-mêmes ont fait preuve, dans l’ivresse du combat, à Magenta, à Solferino.

Aussi dans la guerre de l’Agneau-lion et du monde, la victoire est-elle assurée à l’armée la plus intrépide.

Les Nébucadnésar, les Cyrus, les Alexandre, les César, les Napoléon imaginent que la terre est à eux, parce qu’ils la parcourent à la tête de leurs soldats et que le succès couronne leurs entreprises. Ils croient que les monarchies universelles dont ils jettent les fondements subsisteront toujours, et ils ne se doutent pas que LE SEUL ROYAUME ÉTERNEL EST CELUI DU CHRIST ET DE SON ÉGLISE.

Le monde se flatte d’exterminer les débonnaires, qui le troublent dans ses plaisirs avec leur Évangile, et le feu des bûchers qu’il allume, se communique à ses vêtements et le consume.

Le monde pense pouvoir impunément verser le sang des martyrs, et Dieu l’abreuve à son tour de son propre sang dans d’effroyables guerres civiles (Apoc. XVI, 6.).

Le monde est persuadé que les morts ne peuvent plus revivre, et il ignore que leurs âmes, réunies dans le ciel devant l’autel, font descendre sur lui les jugements de Dieu (Apoc. VI, 9-11; VIII, 3-6.).

Dieu renverse les uns sur les autres tous les empires du monde, pour établir sur leurs ruines celui de l’Agneau et de ses pacifiques guerriers.

Heureux les débonnaires, car ils posséderont la terre à la fin des temps, lorsque Satan sera enchaîné dans l’abîme (Apoc. XX.) et que toutes les nations adoreront le Seigneur.

Mais ils la posséderont déjà dans cette vie, car ils apprendront à user en rois de tous les biens qu’elle leur offre.

Les gens du monde se croient sans doute les maîtres du monde, parce qu’ils vivent dans le monde;

ils croient posséder l’or et l’argent, parce qu’ils entassent ces métaux dans leurs coffres-forts;

ils croient posséder les plaisirs, parce qu’ils s’en entourent à leur gré;

ils croient posséder les honneurs, parce qu’ils commandent aux nations.

Les insensés!

Ils ne voient pas que ce sont les honneurs, les plaisirs, les richesses qui les possèdent, et qui font d’eux tous leurs esclaves.

Le débonnaire, au contraire, trouve en soi l’énergie morale nécessaire pour être maître de soi-même et pour JOUIR DEVANT DIEU DE TOUS LES BIENS TEMPORELS SANS Y DONNER SON CŒUR.

Il les domine, il les reçoit, il les abandonne, sans que sa paix intérieure en soit troublée. Elle est placée en Dieu qui la garde. Bienheureux les débonnaires, car ils posséderont la terre.



 

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