Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.

FRÉDÉRIC DE ROUGEMONT

1869

***

Heureux les affligés, car ils seront consolés!

Matth. 5, 4. (V. S.)


Le pauvre, heureux d’avoir compris le véritable état de son âme, en sonde les vides ténébreux. Il ne craint pas d’y apporter la lumière; il n’hésite pas à en explorer les plus sombres profondeurs.

Car c’est la pauvreté spirituelle qui lui a frayé le chemin, ouvert la porte du royaume des cieux, et la tristesse qu’il se prépare à lui-même ne saurait être qu’une bonne et sainte tristesse qui le conduira à la vie.

L’homme mondain avait été péniblement affecté à la vue du peu de biens qu'il possédait: après le sincère examen qu’il vient de faire de lui-même, il est profondément affligé de tout le mal qu’il a commis.

Il aurait dû aimer Dieu de toute son âme, son prochain comme lui-même, et toutes ses pensées, toutes ses paroles, toutes ses actions ont été celles d’un égoïste!

La loi de Dieu se résume en ces deux grands commandements, et il les a transgressés chaque jour, à chaque heure! Il les avait appris par cœur dès sa première enfance, et il n’a jamais songé à les observer!


Il a vécu dans l’égoïsme, dans le péché, et il est sans excuse.

Que devient à ses propres yeux sa prétendue honnêteté?

Il n’a pas tué;

MAIS IL A HAÏ, ET LA HAINE VAUT LE MEURTRE.

Il n’a pas séduit d’épouse, de jeune fille;

MAIS QUE DE REGARDS DE CONVOITISE N’A-T-IL PAS ARRÊTÉS SUR DES FEMMES! ET LE REGARD VAUT L’ADULTÈRE.

Il n’a pas volé avec effraction; mais que de marchés, que d’affaires où, pour grossir ses profits,

IL A FAIT TAIRE LA VOIX DE LA PROBITÉ DANS SA CONSCIENCE!

Il ne s’est pas parjuré devant un tribunal pour perdre un ennemi par un faux témoignage;

MAIS QUE DE CALOMNIES! OU DU MOINS QUE DE MÉDISANCES!


Il se croyait pauvre, mais il est criblé de dettes! de dettes envers son prochain, surtout de dettes innombrables et immenses envers Dieu!

Et ce Dieu qu’il offensait sans relâche le comblait de biens temporels, l’entourait de ses grâces spirituelles, préparait de loin son salut par les attraits de son Esprit, lui envoyait son Fils unique qui lui apportait le pardon. À ta parole, ô Jésus, son cœur s’ouvre à l’amour de Dieu, et il pleure ses péchés.


Le péager pleure aussi, mais avec de déchirantes angoisses; il pleure ses vices et ses actes criminels, il pleure sa honte et ses turpitudes.

Mais il ne pleurerait pas, s’il ne croyait pas déjà confusément en Jésus-Christ, s’il n’éprouvait pas déjà quelques sentiments d’amour pour Dieu qui lui fait annoncer la bonne nouvelle du salut.

Sans amour, sans foi, il frémirait d’épouvante et fuirait loin de Dieu. Marie-Madeleine n’inonde de ses larmes les pieds de Jésus que parce qu’elle est certaine qu’il pardonne, et ses péchés lui sont remis parce qu’elle a déjà beaucoup aimé (Luc VII, 47.).


Les larmes du péager et de l’honnête mondain sont de bienheureuses larmes.

Demandons à l’enfant qui, le cœur gros, avoue une lourde faute à sa mère, si la joie de cet aveu ne dépasse pas toutes celles que lui ont jamais données ses amusements.

Demandons à Marie-Madeleine si l’ivresse de toutes les voluptés réunies donne autant de bonheur qu’elle en trouve dans sa muette confession aux pieds du Sauveur.

Celui qui a dit: Bienheureux ceux qui pleurent, connaissait le cœur de l’homme. Le remords n’est-il pas la seule vraie douleur, et l’aveu de nos fautes notre première joie véritable?

Car ils seront consolés. Ils le seront à cette heure solennelle où dans leur esprit ils entendront Jésus leur dire par son Esprit: «Allez en paix, vos péchés vous sont remis; je les ai expiés sur la croix.»

Ils le seront encore, chaque fois qu’effrayés de voir leur vie terrestre se précipiter comme un torrent vers la mort et leur vie spirituelle n’avancer que par un progrès imperceptible vers la perfection, ils pleureront leurs infirmités, leur tiédeur, leur somnolence, leurs rechutes. Ils le seront dans leurs prières de tous les jours, lorsqu’en disant:

Pardonne-nous nos offenses, ils pourront ajouter du fond du cœur: Au nom de Jésus-Christ mort pour nos péchés. Ils le seront, enfin, d’une consolation parfaite, après leur mort, dans le ciel où Dieu lui-même essuiera toute larme de leurs yeux (Apoc. XXI, 4.).



 


- Table des matières -