MISÉRABLE QUE JE SUIS!

FRÉDÉRIC DE ROUGEMONT

1869

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Misérable que je suis! qui me délivrera du corps de cette mort-là. Rom. VII, 24.

On imaginerait difficilement une existence plus misérable que celle d’un homme plein de vie qu’un tyran aurait condamné à être attaché à un cadavre corps contre corps.

Ce supplice est à peu près celui de saint Paul, qui se sent animé par l’Esprit même de Dieu, et qui en même temps se sent lié à une nature corrompue qui l’expose à des chutes continuelles.

Elle lui apparaît comme un être réel, comme une espèce de corps, et il s’écrie dans son angoisse:

«Misérable que je suis! qui me délivrera du corps de cette mort et de cette pourriture-là!»

Misérable.... Hélas! que ne donnerais-je pas pour être malheureux comme saint Paul? Pour éprouver avec la même vivacité cette opposition en moi entre la chair et l’entendement, cette antipathie mortelle entre le vieil homme et l'homme nouveau?

Chez moi, ce n’est pas le mort qui est lié au vif, mais c’est le vif qui l’est au mort, et parfois même, je l’avoue à ma honte, le mort crie:

«Misérable que je suis! qui me délivrera du corps de cette vie-là, qui me trouble dans mes jouissances et dans mes convoitises?»

Et cependant, ô Dieu, je ne désespère pas entièrement de mon salut, parce que je sais que ma foi, toute chétive qu’elle est, est un don de ton infinie miséricorde, et que TU N’ARRACHES PAS LES PLANTES QUE TU AS TOI-MÊME DÉPOSÉES EN TERRE.

O mon Sauveur, aie pitié de moi, fais croître et grandir ce germe de vie nouvelle que ta Parole a jeté dans mon cœur!