LUMIÈRE ET CHARITÉ

FRÉDÉRIC DE ROUGEMONT

1869

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Je suis la lumière du monde.

Jean VIII, 13.

LA LUMIÈRE ÉCLAIRE.

Ô Dieu, tu m’as donné plus de cœur que d’intelligence, et les hommes font peu de cas de mon esprit.

Je vis dans une humble chaumière avec ma chère femme et nos petits enfants; je travaille de mes mains, je suis pauvre, très pauvre. Mais j’ai ta parole et je puis l’épeler.

Je te rends mille fois grâce de ce trésor.

L’Écriture me semble si lumineuse! et elle éclaire si bien toutes choses!

Comme il est évident

– que le monde est plongé dans le mal,

– que le péché fait souffrir et mourir,

– que nous ne pourrions l’arracher nous-mêmes de nos cœurs,

– que sans ta miséricorde nous serions tous perdus,

– que notre seul Sauveur est Jésus-Christ,

– et que Jésus-Christ ne nous a pas trompés en se disant ton Fils unique!

COMME LA FOI REND HEUREUX!

– Comme elle remet bien tout en place au dedans de nous!

– Comme elle nous rend victorieux du monde!

– Comme elle nous fait supporter courageusement la souffrance!

– Comme elle ôte à la mort son aiguillon!

Je ne sais pas parler aux autres; mais il me semble que, si je le savais, je les convaincrais tous que tu es le vrai Dieu...

Hélas! ils le croiraient sans peine, s’ils aimaient moins les ténèbres, et s’ils voulaient en sortir. Quand je vois tant de gens mille fois plus savants que moi ne pas comprendre et rejeter ton Évangile, je me souviens que tu as trouvé bon de cacher ces choses aux sages et aux intelligents et de les révéler aux enfants (Lux. X, 21.).

LA LUMIÈRE RÉCHAUFFE.

Ô Dieu, tu m’as donné plus d’intelligence que de cœur, et l’étude remplit toutes mes journées.

Cependant tu m’as amené par la repentance au pied de la croix, et tu as mis ton livre entre mes mains.

Je lis et je médite; mais que d’ombres dans sa lumière!

– Que d’obscurités dans les moindres paroles du Sauveur!

– Que d’apparentes contradictions entre les écrivains sacrés!

– Que de livres d’une authenticité contestée!

– Que de miracles étranges!

– Que de prophéties inexplicables!

– Que de dogmes qui se concilient à peine avec la raison!

– Que de mystères incompréhensibles!

Malgré tout, la vérité n’est que là; partout ailleurs, j’enfonce dans des sables mouvants, je respire un air empesté.

Là, là seulement mon esprit se sent chez soi et s’apaise.

Ce qui me surprend le plus, c’est que mon cœur si aride, que les passions rongent sans l’échauffer, parfois s’émeut, palpite, bouillonne à la lecture des saintes Écritures; un amour inconnu pour Dieu et pour Jésus-Christ le saisit et l’emporte je ne sais où.

D’autres fois aussi, quand il m’arrive de parler de l’Évangile, je me sens pris d’une ardente compassion pour tous ceux qui le rejettent, et d’une tendresse inexprimable pour ceux qui le reçoivent.

D’où me viennent ces affections toutes nouvelles et qui me surprennent moi-même plus que je ne puis le dire?

Elles ne montent point de mon propre fonds, elles descendent d’en haut comme un vent léger qui viendrait du ciel.

C’est là sans doute cette charité spirituelle qui animait les Colossiens depuis leur conversion (Col. I, 8.).

C’est là cet amour de Dieu qui est épanché dans nos cœurs par le Saint-Esprit (Rom. V, 5.).

Ô Dieu, je te rends grâces, ton Esprit atteste à mon esprit que tes promesses sont véritables et que Jésus est oui et amen (2 Cor. I, 20.), aujourd’hui comme au temps de saint Paul.

* * *

TA PAROLE EST UNE LAMPE À MES PIEDS, Et une lumière sur mon sentier.

Psaume 119: 105

TA PAROLE EST ENTIÈREMENT ÉPROUVÉE, Et ton serviteur l’aime.

Psaume 119: 140

TA PAROLE EST LA VÉRITÉ.

Jean 17: 17