Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L’IDÉAL ET LE PARDON

FRÉDÉRIC DE ROUGEMONT

1869

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Mettre dans le carrousel Il est, ô mon Dieu, des jours où j’éprouve pour tes Écritures une secrète aversion. Cependant, si je...


Soyez parfaits comme votre Père qui est dans les cieux est parfait.

Matth. V, 48.

Ne dis point en ton cœur: Qui montera au ciel ?...

Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.

Rom. X, 2-13.


Il est, ô mon Dieu, des jours où j’éprouve pour tes Écritures une secrète aversion.

J’aimerais à les laisser fermées sur ma table, je ne les ouvre qu’à mon corps défendant, je ne les lis qu’en les effleurant d’un regard distrait.

Elles ne savent que me répéter sous toutes les formes que je dois être saint et parfait comme toi, t’aimer par-dessus tout, me haïr moi-même, et je ne le puis.

Ça me fatigue et m’irrite de t’entendre toujours exiger de moi l’impossible.

Dans mon aveugle présomption, je me compare à un pauvre cheval qui est attelé à un char trop lourd pour ses forces, et qu’un maître impitoyable pousse en avant de la voix et du fouet: il voudrait bien gravir la côte qui se dresse devant lui, mais tous ses efforts sont vains, et il se laisse tomber sur ses genoux, et il reste immobile, désespéré, sous les coups du fouet qui tonnent en vain à ses oreilles.


Cependant, si je surmonte mon lâche découragement, et me recueille à genoux devant toi;

la douce parole de ton Évangile ne tarde pas à remplir de nouveau mon cœur.

Elle me rappelle que TOUS MES PÉCHÉS ONT ÉTÉ EXPIÉS PAR TON FILS UNIQUE SUR LA CROIX,

qu’il n’y a PLUS DE CONDAMNATION POUR CEUX QUI CROIENT EN LUI et que (ô miracle de grâce et d’amour) il te suffit pour nous sauver que nous invoquions ton nom.

Alors la joie renaît en moi, et avec la joie la force.

Ce qui me semblait impossible me devient facile, ou du moins je suis forcé de confesser que tu n’exiges de nous que ce que tu nous donnes la force de faire,

que si nous ne le faisons pas, c’est que nous ne le voulons pas,

et que nous ne voulons pas,

parce que nous ne croyons pas du cœur en Jésus-Christ!

Alors aussi j’admire, ô Dieu, la vérité de ta révélation, qui sait tout à la fois nous proposer l’idéal d’une perfection infinie SANS NOUS DÉSESPÉRER, et nous pardonner tous nos péchés SANS NOUS AUTORISER À PÉCHER POUR QUE LA GRÂCE ABONDE.

Il est quelques philosophes qui ont fait à l’homme un devoir absolu de commander à leurs passions et de suivre les ordres de la raison.

Mais aux âmes sincères qui se tourmentent de ne point faire le bien qu’elles aiment et de faire le mal qu’elles réprouvent, qu’ont-ils à offrir pour les apaiser? Rien.

Il est plus d’une religion qui abonde en indulgences et dans ce monde et dans l’autre, pour les transgresseurs de la loi.

Mais comment réveilleraient-elles les consciences qu’elles endorment?

Redresseraient-elles les esprits qu’elles ont faussés?

Pousseraient-elles au bien les cœurs qu’elles retiennent dans le mal?

Il n’était pas donné à l’homme déchu d’inventer un système de morale qui réunit les contraires: le repos et l’activité; la paix dans le sentiment de la miséricorde, et la poursuite incessante de la sainteté; après un passé plein de souillures, la joie au milieu d’un présent plein d’infirmités, et une aspiration ardente à une pureté parfaite.

Toi seul, ô Dieu, pouvais le faire, car seul tu connaissais assez la puissance de l’idéal que tu as déposé dans nos cœurs, pour oser nous remettre en plein et gratuitement toutes nos transgressions.




 
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