Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES TROIS SORTES DE CHRÉTIENS

FRÉDÉRIC DE ROUGEMONT

1869

***


I

LE CHRÉTIEN TIMORÉ.


La conscience. — Oh! qui me délivrera de moi-même?

La foi. — Toujours triste!

Comment ne pas l’être dans cette vie de péché?

Mais l’apôtre ne nous fait-il pas un devoir d’être toujours joyeux?

Il s’adressait à des chrétiens plus fidèles et plus saints que moi.

Mais Jésus-Christ n’est-il pas mort pour toi comme pour tous les hommes?

Il est mort pour tous ceux qui croient en lui, et je ne sais si j’ai la foi qui sauve.

Dieu ne t’a-t-il pas retiré de ton incrédulité et de ta mauvaise voie? Ne t’a-t-il pas manifesté sa présence et son amour par des grâces extraordinaires?

Tu veux dire ces heures de prières où j’étais comme ravi au ciel; c’étaient des appels de sa miséricorde auxquels j’ai mal répondu et qu’il ne répète plus depuis longtemps.

Et tu crois qu’aujourd’hui que tu te lamentes sur tes péchés, il t’aime moins qu’au temps où tu marchais, le front levé, sur la voie de la perdition?

Je dois bien le croire, puisqu’il me refuse l’assurance de mon salut.

Mais ne te donne-t-il point de son Esprit?

Je ne sens point en moi un esprit d’en haut distinct de mon esprit naturel, égoïste, corrompu.

N’as-tu donc point l’intelligence des choses spirituelles, et peux-tu l’avoir reçue d’un autre que de Dieu?

Cette intelligence ne fait que rendre ma culpabilité plus grande; car je n’ai fait aucun progrès de sainteté depuis le moment de ma prétendue conversion.

Mais les vieillards les plus pieux ont fait le même aveu.

Prétendrais-tu donc émousser en moi le sentiment du péché?

Dieu m’en garde! mais je veux t’apprendre à te confier pleinement en la grâce divine, à ne pas tenir abaissés tes regards sur toi-même qui n’es que ténèbres et mort, mais à les élever vers Jésus-Christ qui est lumière et vie, et qui pardonne non seulement les péchés de l’inconverti, mais les œuvres mortes du fidèle....

Tais-toi, tu me séduis avec tes discours antinomiens.



II

LE CHRÉTIEN PRÉSOMPTUEUX.


La foi. — Qu’il est doux de sentir que tous vos péchés vous ont été pardonnés en Jésus-Christ!

La conscience. — Toujours joyeux?

Certainement, ainsi le veut saint Paul.

Même quand tu pèches?

Ah! te voilà de nouveau avec tes sophismes, cherchant à m’assaillir de doutes qui sont des injures faites à la grâce infinie de Dieu!

Eh bien! secoue ces doutes à ta manière; prends un livre qui te distraie, ou fais un tour de promenade.

Pour triompher de la tentation, il faut lui tourner le dos, et non l’attaquer de front.

Peut-être; mais ne suis-je pas plutôt la voix de Dieu qui t’avertit du danger de mort que tu cours?

Celui qui croit au Fils, ne redoute plus le jugement et la mort.

C’est vrai; mais crois-tu?

Je n’en doute pas un instant; je sais le jour et l’heure où Dieu m’a fait le don ineffable de croire en mon Sauveur.

Mais il n’y a pas de communion possible entre Jésus-Christ et Bélial, entre les ténèbres et la lumière: ta vie est donc lumière.

Je marche avec toutes mes infirmités à la lumière de Dieu.

Tu te vantes! car tu ne te sondes point toi-même et ne connais ni tes infirmités ni tes péchés. Tu hais tes ennemis, et la haine, c’est le meurtre.

Je prie au contraire pour eux.

C’est-à-dire, soir et matin tu demandes à Dieu qu’il les convertisse à tes vues, et le reste du jour tu t’irrites contre eux dans le fond de ton cœur.

Mais surtout ton orgueil spirituel dépasse toute borne; or la fierté d’esprit va devant l’écrasement, et tu seras donc écrasé.

Tu cherches en vain à m’épouvanter. Dieu m’a fait don de la vie éternelle, et ses dons sont sans repentance.

Démas pourtant avait déchu de la foi.

Il n’y avait jamais été solidement établi.

Saint Paul traitait durement son corps, de peur de devenir de mauvais aloi.

Saint Paul savait que la couronne de justice lui était réservée (2 Tim. IV, 8.).

Il le savait après avoir combattu le bon combat, mais toi, luttes-tu à son exemple contre ton corps, ta chair, tes convoitises, ton orgueil?

Tais-toi, tu cherches à me séduire avec ton salut par les œuvres et tes hérésies catholiques.


III

LE VRAI CHRÉTIEN.


J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi.

J’étais autrefois un orgueilleux pharisien et je persécutais Jésus-Christ. Mais lorsque le Sauveur m’a arrêté sur le chemin de Damas, pendant les trois jours que j’ai passés sans manger ni boire, je suis mort et ressuscité.

Mort à mes vieilles erreurs, à mes péchés, à ma volonté propre, à moi-même.

Ressuscité en une existence toute nouvelle, marchant à la lumière de l’Évangile, le cœur plein d’amour pour mon Sauveur crucifié, et me plaçant entre ses mains comme un instrument docile.

Depuis ce moment j’ai vécu pour Dieu, libre du péché, esclave de la justice, traitant rudement mon corps, cherchant pour mon âme toute ma force en Dieu, et pressé dans mon esprit par la charité de Christ, de faire retentir dans le monde entier le message de la réconciliation (2 Cor. V, 14, 19.).


Aussi la couronne de justice m’est-elle réservée,

et le Seigneur, juste juge, me la donnera en ce jour-là,

et non seulement à moi,

MAIS AUSSI À TOUS CEUX

qui auront aimé son avènement.

(2 TIm. IV, 8.)



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