Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

MESSAGES AU FÉMININ

FRANCES R. HAVERGAL

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Frances R. Havergal

Quelques-unes de nos lectrices connaissent-elles un petit volume, joliment recouvert d’une reliure vert foncé ou gris éteint, sur laquelle se détache le titre: «Gardé pour le service du Maître» et, en dessous, le nom de l’auteur «F. R. Havergal?»

Si vous ne connaissez pas ce trésor, ô mes sœurs unionistes, je vous plains!

On fait, par le temps qui court, beaucoup d’éloges de livres qui... ne les méritent pas toujours; mais je me hâte de vous le dire, chères abonnées du Journal de la Jeune Fille, il n’en est pas ainsi dans ses colonnes, et je sais pertinemment, qu’à la rédaction on est impitoyable pour les ouvrages à vous présenter; on n’accepte que les meilleurs d’entre les bons!

Aussi, permettez-moi de vous faire en toute liberté l’éloge de ce cher petit volume dont je parlais plus haut.

Il est uniquement religieux — pas un recueil d’histoires —, mais j’en sais peu qui soient plus intéressants, surtout quand on connaît l’auteur et qu’on sent jusqu’à quel point la consécration complète dont elle parle a été tout d’abord vécue par elle.

Je pense donc qu’on ne saurait mieux vous recommander «Gardé» qu’en vous racontant quelques traits de la vie de Miss Havergal. Heureuse serai-je si ce que je vous en dirai vous donne l'envie d’en savoir plus long!

Frances Havergal naquit en 1837, à Astley (Angleterre), elle était la plus jeune fille d’un pasteur distingué par ses talents et sa piété.

Le «baby» de la famille devint rapidement une petite fille toute frêle et menue, à laquelle ses grandes boucles blondes et ses jolis yeux clairs donnaient l’air d’une fée mignonne. Frères et sœurs aînés la choyaient, l’instruisaient et se réjouissaient de voir se développer en elle, avec les dons du cœur les plus attrayants, une vive intelligence.

Jusqu’à onze ans, elle passa presque toutes ses journées à errer dans le vieux jardin du presbytère, se faisant «de grands amis des nuages» et pensant déjà plus que ne le croyaient ceux qui l’entouraient. En effet, elle-même a fait remonter à ce moment un intense désir de devenir chrétienne. Elle en souffrait, priant souvent avec larmes, mais sans oser rien avouer à ceux qui l’aimaient.

En 1848, alors qu’elle avait onze ans, Dieu envoya sur cette enfant sensible et délicate, la plus grande douleur qui puisse abattre une petite âme. Il lui enleva sa mère. Frances eut un violent accès de désespoir, puis, réservée comme toujours, elle dissimula son chagrin; bien des années après, elle disait que ce coup avait fait à son cœur une inguérissable blessure.

À treize ans, on la mit en pension. Là, elle apporta son esprit avide de savoir et son cœur anxieux d’apprendre à aimer Dieu. L'un et l’autre devaient trouver ce qu’il leur fallait.

Un réveil éclata dans l’école; plusieurs des amies de Frances se donnaient à Dieu, des réunions de prières s’organisaient dans les chambres de pensionnaires et notre fillette, découragée, assoiffée de vraie paix ne parvenait pas à la trouver.

Pourtant le jour de la délivrance était proche. Pendant les vacances, la petite fille timide ouvrit son cœur à une amie de sa mère et celle-ci, d’un mot, fit luire le rayon après lequel elle soupirait: «Chérie, jetez-vous tout simplement, ce soir, dans les bras de Jésus» dit l’amie. Et Frances, quittant brusquement la chambre, alla s’agenouiller dans la sienne; quand elle se releva, elle avait trouvé son Sauveur pour jamais.

Dès lors une vie tout autre commença pour elle; en apparence rien ne fut changé; elle continua ses études soit à Belmont, soit en Allemagne, faisant des progrès qui émerveillaient ses professeurs, jouissant avec intensité de ses voyages en Suisse et en France — mais, au fond, tout était différent.

Le chemin qui avait paru si rocailleux aux pieds frêles de la pauvre enfant aura encore des épines, mais elle a saisi la main du Maître et Il lui devient chaque jour plus cher.

Ceux qui savaient qu’elle connaissait le grec, l’hébreu, trois langues vivantes, et qu’elle s’était essayée aux études les plus ardues, sans négliger son admirable talent de poète et de compositeur, ceux-là n’avaient pourtant jamais l’idée de l’appeler un «bas bleu» quand ils la voyaient, jeune fille simple, gaie, aimable, rire et jouer comme une enfant avec ses neveux.

Ce fut là toujours le grand charme de Miss Havergal. Elle avait à un haut degré une piété attrayante, une de ces vies chrétiennes heureuses, qui font dire: «Comme elle a l’air heureuse! Il faut qu’elle possède quelque chose que nous n’avons pas!»

Ce «quelque chose», secret de sa vie, c'était sa confiance en son Maître, son absolue consécration à Son service, son habitude de prendre à la lettre Ses ordres comme Ses promesses.

Nous chercherions en vain dans la vie de notre auteur quelque grand exploit, quelque œuvre particulière. Miss Havergal — et c’est à cause de cela que nous voulons vous proposer son exemple — avait une vie pareille à celle de beaucoup de jeunes filles, mais elle sut suivre elle-même le conseil qu’elle donnait un jour à une amie: «Remettez à Dieu votre vie, Il en tirera le meilleur parti possible.»

Habitant surtout dans la paroisse de son père, elle sut y exercer un vrai ministère d’amour. Monitrice zélée de l’École du dimanche, certes l’auteur de «Lilla» l’était! «Je ne puis trouver d’expression pour dire l’amour que je portais à mes enfants», écrit-elle.

Membre des Unions chrétiennes de Jeunes filles, elle le devint en 1867 et dès lors, parle souvent de cette œuvre. Nos Unionistes françaises aimeront savoir que c’est elle qui choisit la devise encore aujourd’hui imprimée sur nos cartes de membres actifs:

«Non par puissance ni par force, mais par mon Esprit, dit l’Éternel des Armées.»

Elle ne devait jamais être missionnaire en pays païen, mais avec quel enthousiasme elle encourageait ceux, qui «pouvaient partir», comme elle le disait avec une ombre de tristesse. Ainsi, tout ce qu’on entreprenait pour la cause du Maître trouvait une aide énergique dans cette femme fragile toujours minée par la maladie.

Et son œuvre littéraire!... À part «Lilla», «Gardé», «l’Invitation royale», «Jésus mon Roi» qu’une excellente traduction, une traduction faite con amore, a mis entre les mains du public français, combien d’autres que nous ignorons!

Toute son oeuvre poétique est forcément perdue pour nous. Elle écrivait beaucoup pour les revues, consacrant aux œuvres d’évangélisation et de bienfaisance presque tout l’argent ainsi gagné. Sa correspondance était très étendue; amis connus ou inconnus, éditeurs, écrivaient pour demander conseils ou articles et, de sa main souvent fatiguée Miss Havergal répondait toujours par un mot affectueux, un sage avis, un doux reproche ou une promesse.

Ce fut sa vie jusqu’à la fin; pourtant, dans ses progrès spirituels se place une date spéciale, souvenir d’une grande bénédiction qui la transforma encore et «la transplanta, dit-elle, dans une atmosphère de soleil perpétuel.»

En décembre 1870, elle reçut un petit livre: «Tout pour Jésus», dont le contenu la toucha profondément. Elle sentit qu’elle n’était pas au point de vue spirituel, à la hauteur de consécration dont parlait ce livre et, humblement, simplement comme toujours, elle pria pour pouvoir atteindre ce nouveau degré. Dieu l’exauça et elle put écrire ces mots, expression d’une vérité éprouvée:

«Le bonheur que j’ai eu en Lui sacrifiant ma propre volonté est dépassé par celui que je ressens à la pensée qu’il a pris tout ce que je Lui ai donné et qu’il est puissant pour garder mon dépôt....

TOUT POUR JÉSUS — IL N’Y A PAS DE MILIEU

Cette consécration austère, cette abdication complète d’elle-même n’avait rien de mystique. Frances Havergal n’a jamais compris les obéissances abstraites qui n'ont aucun écho dans la vie et la mutilent sans l’enrichir. Elle se donnait, et son Roi agissait, comme II agit toujours, avec une infinie douceur, rendant plus pur son cœur, plus utile sa vie.

C’est après ce moment de halte bénie dans sa vie chrétienne qu’elle écrivit «Gardé pour le service du Maître». Aussi pensons-nous que ce récit vécu, d’expériences faites ne sera trouvé par personne exagéré ou étroit.

Qui songera à s’étonner qu’elle demande au nom de son Maître la consécration de nos voix, quand on saura qu’elle-même, compositeur et artiste distingué, renonça à chanter autrement que «pour Jésus», c’est-à-dire presque exclusivement des chants sacrés, trouvant ainsi accès dans bien des cœurs?

«Nos talents pour Jésus». Il y a dans sa biographie une touchante illustration de ce chapitre. Elle écrit à un jeune auteur qui lui avait sans doute demandé des conseils, et lui donne seulement celui d’écrire «avec Jésus», ajoutant: «Il est si bon de s’attendre à Lui, de sentir qu’il guide notre plume! Je souris parfois quand on me dit que je suis bien douée, et je pense qu’en réalité, sans Lui, je serais incapable d’écrire une seule ligne.»

Mais la main lassée allait laisser tomber la plume, du corps faible et maladif allait s’envoler l’âme.

En 1879 Miss Havergal projetait d'aller passer quelque temps en Irlande, lorsqu’elle tomba gravement malade, après avoir pris froid en réunissant en plein air autour d’elle, quelques jeunes garçons à qui elle voulait parler de Jésus «leur capitaine

Tout d’abord elle ne se crut pas mortellement atteinte, mais chaque jour amenant une aggravation, elle comprit la vérité et l’accepta avec une joie intense. Le vieux docteur, se levant pour prendre congé, au matin du jour où elle mourut, lui dit:

Adieu, je ne vous reverrai plus!

Alors vous pensez que je m’en irai?...

Oui, répondit-il.

Aujourd’hui?

Probablement....

Magnifique! trop beau pour être vrai! s’écria-t-elle.

Et toute la journée se passa à envoyer de doux messages à ses amis, à ses œuvres, à l’Union qu’elle avait encore présidée quelques jours auparavant: «Je les aime tant, disait-elle, il faut qu’ils viennent tous au ciel! Dites-leur de se confier à Jésus!»

Et dans un effort pour chanter encore à la gloire de son Roi, elle franchit la vallée sombre, devenue pour elle étincelante de rayons!

Mes sœurs, une telle vie ne vous pénètre-t-elle pas d'un saint enthousiasme pour Celui qui a pu la rendre si utile et si heureuse — et qui est prêt à le faire pour la vôtre — si vous Le laissez agir?

J. MADLEN.

Organe des Unions chrétiennes de jeunes filles – 20 juillet 1893



 

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