Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

QUINZIÈME LEÇON

EXODE, VIII, 1-12


8:1 L’Éternel dit à Moïse: Va vers Pharaon, et tu lui diras: Ainsi parle l’Éternel: Laisse aller mon peuple, afin qu’il me serve.

2 Si tu refuses de le laisser aller, je vais frapper par des grenouilles toute l’étendue de ton pays.

3 Le fleuve fourmillera de grenouilles; elles monteront, et elles entreront dans ta maison, dans ta chambre à coucher et dans ton lit, dans la maison de tes serviteurs et dans celles de ton peuple, dans tes fours et dans tes pétrins.

4 Les grenouilles monteront sur toi, sur ton peuple, et sur tous tes serviteurs.

5 L’Éternel dit à Moïse: Dis à Aaron: Étends ta main avec ta verge sur les rivières, sur les ruisseaux et sur les étangs, et fais monter les grenouilles sur le pays d’Égypte.

6 Aaron étendit sa main sur les eaux de l’Égypte; et les grenouilles montèrent et couvrirent le pays d’Égypte.

7 Mais les magiciens en firent autant par leurs enchantements. Ils firent monter les grenouilles sur le pays d’Égypte.

8 Pharaon appela Moïse et Aaron, et dit: Priez l’Éternel, afin qu’il éloigne les grenouilles de moi et de mon peuple; et je laisserai aller le peuple, pour qu’il offre des sacrifices à l’Éternel.

9 Moïse dit à Pharaon: Glorifie-toi sur moi! Pour quand prierai-je l’Éternel en ta faveur, en faveur de tes serviteurs et de ton peuple, afin qu’il retire les grenouilles loin de toi et de tes maisons? Il n’en restera que dans le fleuve.

10 Il répondit: Pour demain. Et Moïse dit: Il en sera ainsi, afin que tu saches que nul n’est semblable à l’Éternel, notre Dieu.

11 Les grenouilles s’éloigneront de toi et de tes maisons, de tes serviteurs et de ton peuple; il n’en restera que dans le fleuve.

12 Moïse et Aaron sortirent de chez Pharaon. Et Moïse cria à l’Éternel au sujet des grenouilles dont il avait frappé Pharaon.


* * *

Voici, chers enfants, une nouvelle sommation de Dieu à Pharaon, une nouvelle plaie sur l’Égypte, un nouveau repentir dont son roi semble pénétré, et une nouvelle compassion de Moïse pour ce prince coupable. Nous devons étudier aujourd’hui ces trois objets:

1. Le fléau de Dieu;

2. le repentir de Pharaon;

3. la compassion et la prière de Moïse.

Ce second fléau était plus redoutable encore que l’autre, bien qu’il ne paraisse pas tel au premier abord. Qui, en effet, aurait pensé à employer des grenouilles pour humilier le puissant roi d’Égypte?

Et qu’est-ce, ce semble, que ce misérable animal pour punir un grand peuple?

Une faible petite créature qui rampe et sautille dans l’herbe, qui nage et barbote dans les marais, qui ne fait de mal à personne, et qui n’est même incommode que par son coassement. Elle se cache tout l'hiver dans les trous de la terre ou dans la boue des étangs; et, si elle est vile et dégoûtante, elle est cependant innocente et sans venin.

Cela est vrai, chers enfants; mais très souvent Dieu, pour nous humilier et nous rappeler notre néant, se sert des plus humbles et des plus viles de ses créatures pour abattre l’orgueil des rois les plus superbes, et pour réduire au désespoir les peuples les plus rebelles.

Quand il veut nous renverser, les moyens ne lui manquent pas; il n’a pas besoin des tonnerres et de la foudre, des tempêtes et des tremblements de terre, des incendies et des autres grandes commotions de la nature. Non; quand il le veut, la rencontre d’un vermisseau suffit à nous consumer (Job, IV, 19.).

De petits vers imperceptibles rongent-ils jusqu’au nerf la dent d’un fier général d’armée: cet homme qui faisait trembler la terre est tourmenté, sans sommeil, sans repos, ni le jour ni la nuit; il pousse des gémissements, il est comme dans une rage de douleur...

On croit s’être assuré que beaucoup de maladies éruptives procèdent d’insectes microscopiques et à peine microscopiques, qui, répandus dans l’air, et transportés d’un homme à l’autre, et d’une contrée à l’autre, se mêlent à notre sang ou à nos humeurs, s’y multiplient à l’infini et causent des pustules, des désordres intérieurs, et toutes ces épidémies qui portent des noms si redoutés: la petite vérole, la rougeole, la fièvre jaune, la peste, et ce choléra qui vient de faire mourir plus d’hommes sur la terre que ne l’aurait fait la guerre la plus désastreuse.

Dans quel état de détresse était l'Europe, il y a très peu de temps, sous la menace de la famine par la destruction de la pomme de terre!

Quelles tristes nouvelles nous recevions l’an dernier du grand royaume d'Irlande! Le peuple, à la lettre, y mourait de faim (Ces leçons se donnaient en 1848), et sans des secours d’une abondance inouïe, il aurait été presque tout entier balayé de dessus la terre; en bien des lieux, il y avait des maisons pleines de cadavres; on les fermait quand tous les habitants étaient morts parce qu'on n’avait plus de bières pour enterrer ces malheureux.

L’Angleterre dépensait plus de millions pour nourrir ce peuple qu'elle ne le ferait pour soutenir une grande guerre; et des centaines de vaisseaux traversaient l’Atlantique pour apporter en Irlande le blé du Nouveau Monde.

Et d’où venait cette détresse de toute une nation?

D'une petite plante, dit-on, d’un parasite invisible, qui, comme un champignon, végétait, croissait, et se multipliait dans la pomme de terre, détruisant ce précieux tubercule comme le lierre détruit la substance des arbres.

D’autres fois c’est un mal tout à fait semblable qui s’attache aux blés, qui les ronge, les pourrit, et réduit leur farine en une poussière noire, retranchant ainsi à l’homme le bâton du pain, selon l’expression de la sainte Écriture (Ézéch., IV, 16; V, 16.).

Les révolutions qui bouleversent depuis quelques temps l’Europe pourraient prendre en quelques jours l’aspect le plus terrible; en sorte que «les hommes seraient comme rendant l’âme de frayeur (Luc, XXI, 26.),» ainsi que le prédit le Seigneur; mais Dieu n’aurait pas même besoin de si grandes commotions pour nous réduire à la dernière détresse; qu’il laissât seulement multiplier tel ou tel insecte, tel ou tel ver, telle ou telle plante invisible à nos yeux, et voilà la disette, la peste et la mort qui se promèneraient sur la terre.

C’est ainsi que Dieu peut nous renverser par les plus faibles instruments!

C’est ainsi qu’il peut réduire notre fol orgueil, et verser son mépris sur nos grandeurs imaginaires!

Avez-vous pensé quelquefois que si Dieu n’avait pas pourvu à ce que les animaux servissent à la nourriture les uns des autres, on les verrait bientôt se multiplier de manière à réduire les hommes au désespoir?

Les grenouilles, par exemple, sont ovipares, et leur frai, qu’elles déposent à l’approche du printemps, après qu’elles sont demeurées engourdies pendant l’hiver dans la vase des eaux stagnantes ou dans les trous qu’elles creusent au-dessous de leurs bords, leur frai consiste en un amas d’œufs transparents et gélatineux; le nombre de ces œufs que dépose chaque mère est de six cents à mille, en sorte que si Dieu ne contrebalançait cette multiplication par la sagesse de sa providence, s’il n’avait pas pourvu à ce que ces œufs fussent dévorés ou détruits en grande partie, la terre entière serait, en trois ou quatre ans, couverte de ces reptiles dégoûtants, comme le fut l’Égypte aux jours de Moïse.

Supposons qu’il y en ait un million dans les marais du canton de Genève, dont la moitié ponde des œufs: cela donnerait, au bout d’un an, cinq cents millions de grenouilles; au bout de trois ans, cent vingt-cinq millions de millions; au bout de quatre ans, mille millions de millions; la Suisse entière en serait couverte, et elles monteraient jusque sur la table où nous mangeons.

Un savant anglais raconte, dans un livre sur les merveilles de la nature, que, se promenant un soir à cheval, il fut surpris de voir une immense quantité de grenouilles qui traversaient la route; il les suivit, et quel fut son étonnement quand il trouva deux ou trois acres, c’est-à-dire quatre ou cinq poses de terrain, qui en étaient entièrement couvertes et qui les recevaient d’un seul étang du voisinage.

Dieu, disons-nous, pourvoit d’ordinaire à ce que ces animaux soient détruits par d’autres, ou s’entre-détruisent eux-mêmes, afin que leur multiplication se maintienne dans les bornes nécessaires à l’équilibre de la nature; mais nous voyons ici qu’il en fit, au contraire, un fléau pour l’Égypte.

On parle souvent de la sévérité de Dieu envers Pharaon; admirons plutôt sa patience et sa longue attente.

Ce malheureux roi a dit: Qui est l'Éternel? Je ne connais pas l'Éternel. Et aujourd’hui nous voyons Dieu lui envoyer une nouvelle sommation: Laisse aller mon peuple afin qu’il me serve. Que si tu refuses de le laisser aller, voici, je m’en vais frapper de grenouilles toutes tes contrées; le fleuve fourmillera de grenouilles qui monteront et entreront dans ta maison, et dans la chambre où tu couches, et sur ton lit, et dans les maisons de tes serviteurs.

Ce qui aurait dû faire rentrer ces rebelles en eux-mêmes, c’est que, non seulement les fléaux portaient des caractères manifestes de l’action de Dieu, mais c’est que chacun d’eux était prédit.

Et l’on peut en dire autant des bouleversements auxquels le monde est aujourd’hui livré. Non seulement ils portent, comme je vous le rappelais, les caractères d’une action de Dieu; mais, quand on étudie les Écritures, on y reconnaît que cette démocratie des derniers temps, et cette anarchie vers laquelle le monde s’avance, ont été clairement annoncés; et c’est là ce qui doit rendre de nos jours, plus que jamais, les chrétiens attentifs et sérieux, disposés à la prière et à l'humiliation.

L’Éternel donc dit à Moïse: Dis à Aaron: Étends ta main avec ta verge sur les fleuves, sur les rivières, sur les marais, et fais monter les grenouilles sur le pays d’Égypte.

Tous les ordres devaient, vous vous le rappelez, passer par Moïse pour arriver à Aaron: Tu lui seras Dieu et il sera ton prophète, c’est-à-dire ta bouche, avait dit l’Éternel. Et Aaron étendit sa main sur les eaux de l’Égypte, et les grenouilles montèrent et couvrirent le pays.

Le roi n’en fût pas exempt; les reptiles dégoûtants vinrent jusque sur sa table et sur son lit; son sommeil en fut troublé comme celui de son peuple, de ses grands, de ses prêtres et de ses serviteurs.

Mais les magiciens firent survenir aussi des grenouilles!

Certes, s’ils avaient eu une vraie puissance, ils auraient dû l’employer à combattre le fléau plutôt qu’à l’augmenter, à délivrer des reptiles au moins le palais de leur roi. Mais non; Pharaon lui-même, voyant leur impuissance, fait chercher les deux hommes qu’il haïssait; il reconnaît le pouvoir suprême de Dieu et le malheur d'attirer sur soi sa colère: Fléchissez l'Éternel par vos prières afin qu’il retire les grenouilles, leur dit-il, et je laisserai aller le peuple!

Il se recommande à Moïse et à Aaron, lui et son peuple; il s’abaisse, il supplie, il fait une promesse; mais cette promesse est extorquée par la souffrance; elle est menteuse; il la rétractera bientôt.

Cependant Moïse ne repousse pas sa demande. Glorifie-toi sur moi, lui dit-il, (c’est-à-dire parle avec confiance; Dieu est avec moi. Aie bon courage, demande hardiment).

Pour quel jour fléchirai-je l'Éternel pour toi?

Pour demain, répond Pharaon.

Et Moïse dit: Il sera fait selon ta parole afin que tu saches qu’il n'y a nul Dieu que l'Éternel.

La pénitence forcée et trompeuse de Pharaon, la compassion et la prière de Moïse: voilà, chers enfants, deux objets qui nous donnent de grandes leçons.

La pénitence de Pharaon nous montre qu’il ne faut pas attendre pour se convertir l’heure de la maladie, de l’épreuve et de la mort; car les conversions apparentes qui se voient à cette heure peuvent n’être que simulées et passagères, comme le fut la sienne.

On voit la mort de près, le jugement, l’enfer, le diable et ses anges; on n’a plus de ressources, plus de secours des hommes, plus de force en soi-même; le corps souffre; il va être réduit en poudre... Alors on appelle des ministres de la religion; on demande l’appui des gens qu’on dédaignait, qu’on haïssait, peut-être; on leur dit: Fléchissez Dieu pour moi.

Est-ce sincère?

Le malade le croit lui-même; mais s’il se relève, ne sera-t-il point comme auparavant?

N’oubliera-t-il point, comme Pharaon, ses promesses, ses humiliations, ses aveux, ses apparences de conversion?

Ah! mes enfants, telle est la sérieuse leçon que nous donne l’exemple de Pharaon; il ne faut pas attendre, je le répète, la maladie ou le danger pour se tourner vers Dieu, pour embrasser ses promesses, pour chercher son adoption; il faut, au contraire, que le repentir vienne dans les bons temps de la jeunesse, de la santé, de la prospérité.

Il faut «chercher l’Éternel pendant qu’il se trouve, et l’invoquer tandis qu’il est près (Ésaïe LV, 6.)

Il faut se pourvoir de lampe et d’huile avant la venue de l’Époux, avant que sa porte soit fermée et qu’il crie du dedans à ceux qui frappent: «Je ne vous connais point; retirez-vous de moi (Matth., XXV.)

Quant à l’enseignement que nous donne l’exemple de Moïse, le voici.

Il avait certes bien des raisons de ne pas accorder une grande confiance à la parole du roi. Dieu avait dit: J’endurcirai son cœur, et Pharaon avait déjà montré beaucoup d’orgueil, de dureté et de fausseté; cependant il ne le repousse pas; il sait que Dieu peut convertir une âme à sa dernière heure.

D’ailleurs Pharaon fait des promesses: «la charité croit tout (1 Cor., XIII, 7.),» Dieu seul est juge des cœurs.

Mes enfants, nous devons être prêts à assister de nos consolations et de nos prières même les personnes qui auraient été les plus hostiles, les plus opposées, les plus méprisantes; nous devons avoir envers elles beaucoup de compassion, imiter la patience de Dieu, nous souvenir de nos propres fautes et de la bonté dont il a usé envers nous.

Nous devons leur rendre tous les services en notre pouvoir, leur témoigner une ardente charité, prier pour elles, espérer contre espérance et nous rappeler que «si quelqu’un tire un pécheur de son égarement, il sauve une âme de la mort en couvrant la multitude de ses péchés» du manteau de la justice de Christ (Jacq. V, 20.).

Moïse cria donc à l’Éternel au sujet des grenouilles, et l'Éternel fit selon la prière de Moïse.

Il faut que nos prières ressemblent à un cri.

Hélas! chers enfants, elles ressemblent, au contraire, trop souvent à de vaines redites! Vos dévotions du matin et du soir ne se bornent-elles pas quelquefois à de froides répétitions des mêmes mots, à des demandes languissantes, lâches, vagues, tandis que lorsque vous éprouvez un vif désir ou un pressant besoin d’obtenir quelque faveur de vos parents, vous les suppliez avec ardeur, avec persévérance, quelquefois avec larmes.

Ah! quand un enfant commencé à sentir sa misère, son péché, le besoin d’un cœur nouveau, alors sa prière à Dieu devient quelque chose de réel; alors elle commence à ressembler à celles de David, qui pouvait dire: «Ô Dieu! sois attentif à la voix de mon cri! Ô Éternel je crie à toi tout le jour (Ps., V, 3; XXVIII, 1.)

Puis, il faut nous souvenir de nos ennemis, si nous en avons; il faut prier pour les méchants, pour ceux qui nous outragent, a dit Jésus, et si personne ne nous outrage, du moins pour ceux qui ne nous aiment pas (Matth., V, 44-47.); c’est à cela que Dieu prend plaisir.

Je connais un cher pasteur du canton de Vaud, qui, dans le temps des persécutions, avait eu beaucoup à souffrir parce qu’il prêchait l’Évangile; il fut même obligé de quitter sa paroisse et d’aller s’établir dans une autre. Cela se passait en 1829.

Il n’y a pas longtemps que l’un des hommes qui avaient été des plus méchants contre lui s’est converti au Seigneur; il a aussitôt voulu aller auprès de son ancien pasteur pour lui apprendre cette bonne nouvelle. «Combien il sera surpris!» pensait-il tout en marchant. Il arrive au village, il sonne à la cure, c’est le pasteur lui-même qui ouvre la porte: «Je viens vous dire que je suis converti, moi qui vous ai fait tant de mal!Je n’en suis point étonné,» répond le pasteur; «il y a sept ans que je prie pour vous.»



 

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