Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

NEUVIÈME LEÇON

EXODE, IV, 13-20.


13 Moïse dit: Ah! Seigneur, envoie qui tu voudras envoyer.

14 Alors la colère de l’Éternel s’enflamma contre Moïse, et il dit: N’y a-t-il pas ton frère Aaron, le Lévite? Je sais qu’il parlera facilement. Le voici lui-même, qui vient au-devant de toi; et, quand il te verra, il se réjouira dans son coeur.

15 Tu lui parleras, et tu mettras les paroles dans sa bouche; et moi, je serai avec ta bouche et avec sa bouche, et je vous enseignerai ce que vous aurez à faire.

16 Il parlera pour toi au peuple; il te servira de bouche, et tu tiendras pour lui la place de Dieu.

17 Prends dans ta main cette verge, avec laquelle tu feras les signes.

18 Moïse s’en alla; et de retour auprès de Jéthro, son beau-père, il lui dit: Laisse-moi, je te prie, aller rejoindre mes frères qui sont en Égypte, afin que je voie s’ils sont encore vivants. Jéthro dit à Moïse: Va en paix.

19 L’Éternel dit à Moïse, en Madian: Va, retourne en Égypte, car tous ceux qui en voulaient à ta vie sont morts.

20 Moïse prit sa femme et ses fils, les fit monter sur des ânes, et retourna dans le pays d’Égypte. Il prit dans sa main la verge de Dieu.


* * *

Mes chers enfants, remarquez d’abord un trait intéressant dans votre leçon: c’est que Moïse nous raconte lui-même ses coupables résistances à la volonté de son Dieu.

Au lieu de s’enorgueillir des grands dons qu’il a reçus et du glorieux ministère qui lui est confié, il a soin de nous dire combien il était timide, opiniâtre, incrédule quand Dieu daigna l’appeler à son service.

Cette véracité, cette humble droiture des hommes de Dieu, qui ne cachent rien de leurs fautes et de leurs faiblesses, est un caractère admirable que présentent, d’un bout à l’autre, les saintes Écritures.

Vous vous rappelez Jonas racontant sa fuite à Tarsis et ses murmures sous le kikajon; et dans le Nouveau Testament, c’est Matthieu qui nous apprend qu’il a été péager. (Matth., IX, 9.); c’est Marc, l’ami de Pierre, qui nous rapporte sa chute le plus au long (Marc, XIV, 54-72.); Paul reprend Pierre en face (Gal., II, 11.), et c’est Pierre qui recommande le plus fortement les épîtres de Paul (2 Pierre, III,15, 16.).

Ici Moïse parle avec détail de sa résistance, par cinq fois répétée; il nous dit même que la colère divine s’alluma contre lui. Vous vous rappelez toutes ses objections et les réponses de Dieu si pleines de bonté et de patience.

Enfin, l’Éternel lui dit: Va donc maintenant et je serai avec ta bouche et je t'enseignerai ce que tu auras à dire, et voici Moïse qui répond: Hélas! Seigneur, envoie je te prie celui que tu dois envoyer.

Il ose résister encore! Il demande que Dieu en envoie un autre! un autre plus capable, plus digne! Qu’il le laisse, lui, à ses troupeaux; il n’est plus bon qu’à cela; il craint les dangers, les obstacles, les combats; il est content de son sort et redoute la mort ou la perte de son repos; il est trop vieux, trop affaibli, que sais-je?

C’est ainsi que nous avons vu Jonas reculer devant sa mission (Jonas, I, 3.); c’est ainsi qu’Elie... s’en alla au désert, s’assit sous un genêt et demanda que Dieu retirât son âme (1 Rois, XIX, 4.).

Au découragement de ces hommes de Dieu il se mêlait un vif sentiment de leur profonde indignité; jamais, il est vrai, nous ne serons assez convaincus de notre impuissance, de notre ignorance, de notre incapacité; mais il faut prendre garde:

s’il est bon de nous défier de nous-mêmes,

il est mauvais de nous défier de Dieu.

Quand il nous appelle à un devoir, nous sommes très coupables de dire: «Je ne puis pas le remplir; je suis incapable; je suis indigne; c’est plus fort que moi; envoies-en un autre!»

Ah! un autre... Oui, mais voulez-vous qu’un autre soit sauvé, qu’un autre aille au ciel, qu’un autre soit agréable à Dieu, qu’un autre le serve et lui obéisse à votre place?

Rappelez-vous les paroles de Mardochée à la reine Esther: «Si tu te tais en ce temps-ci, les Juifs seront délivrés par quelque autre moyen; mais tu périras, toi et la maison de ton père. Et qui sait si tu n’es pas parvenue au royaume pour un temps comme celui-ci (Esther, IV, 14.)?»

Aussi nous est-il dit que la colère de Dieu s’enflamma contre Moïse.

Nous ignorons par quel signe elle se manifesta; peut-être la flamme du buisson jeta-t-elle un éclat plus ardent et s’éleva-t-elle dans les airs d’une manière plus effrayante; peut-être les accents de la voix de Dieu devinrent-ils terribles comme le tonnerre.

Toutefois admirez en même temps sa bonté! (il n’y a que lui pour porter la patience jusque-là): non seulement il daigne, quoique irrité de la résistance opiniâtre de Moïse, condescendre à réfuter ses craintes et ses objections, et raisonner encore avec lui, mais il lui promet une grande joie; il va lui donner un aide qui l’encouragera, et cet aide sera son propre frère, dont il est séparé depuis quarante années: «Aaron le Lévite n’est-il pas ton frère?» (Voyez la tendresse de ce langage...) «Eh bien! je l’envoie au-devant de toi; tu vas le revoir, tu vas trouver en lui un serviteur de Dieu, un frère dans la foi, un compagnon, un ami; il parle très bien, et quand il te verra il aura le cœur joyeux.»

Aaron était lévite, c’est-à-dire fils de Lévi; mais Moïse l’était aussi, et il y en avait cinquante mille; ce mot semblerait donc indiquer qu’Aaron était devenu célèbre parmi les Hébreux en Égypte et qu’on le distinguait entre tous.

Il avait pour parents Hamram et Jocabed, et pour sœur cette aimable Marie qui avait eu une si belle part à la délivrance de Moïse et qui fut plus tard une prophétesse. Pendant que Moïse était prince, il avait peut-être pris soin de leur faire donner une éducation distinguée. En tout cas, il paraît qu’Aaron était fort éloquent, car l’Éternel dit: «Je sais qu’il parlera très bien;» et il ajoute: «Et même le voici qui sort à ta rencontre.»

Quelle nouvelle pour Moïse! Oui, dans le même temps où Dieu lui apparaissait, il avait parlé à son frère, il lui avait mis au cœur de partir, il s’était révélé à lui, et déjà ce cher Aaron était en marche! «Quand il te verra, il se réjouira dans son cœur.»

Ah! on la comprend, leur joie de se retrouver après s’être crus séparés pour toujours, et de se retrouver frères en la foi, frères pour l’éternité, frères pour continuer ensemble le voyage de la vie et pour s’y entraider! Et quelle joie plus grande encore de retrouver, non sur les montagnes de Madian, mais dans l’éternité, son frère, son père, sa mère, ses enfants et tous ceux qu’une même foi rassemblera autour du trône de Dieu et de l’Agneau!

Mais admirez, mes enfants, comment Dieu mène les choses de ce monde et de son Église. Quand il veut sauver une âme ou appeler un serviteur, il fait concourir à ce but les personnes et les événements; tout arrive à point nommé. Comme un habile général envoie chacun des corps de son armée, à l’insu les uns des autres, se réunir sur un même champ de bataille, de même le Seigneur envoie ses serviteurs, qui combattent le bon combat, chacun à la place et à l’heure où ils doivent se trouver.

C’est ainsi qu’il envoya Pierre à Corneille (Actes, X, 9-23.), Ananias à Paul (Actes, IX, 10,11.), Philippe à l’eunuque (Actes, VIII, 26-40.).

C’est ainsi qu’il envoie aujourd’hui Gobât (Alors missionnaire en Abyssinie et maintenant évêque anglican, à Jérusalem.) à quelque Abyssin et qu’il sait déjà pour quel Hindou de Rodt (Jeune frère qui partait alors de la Suisse comme missionnaire et qui est mort aux Indes.) va aux Indes.

C’est ainsi qu’il fit rencontrer Farel et Calvin dans Genève pour qu’ils s’y entraidassent et liassent une amitié qui dura autant que leur vie, et contribua puissamment au succès de leur travail... Combien cette pensée éclaire, relève, console, réjouit le ministère d’un serviteur de Dieu!

Tu lui parleras donc et tu mettras ces paroles en sa bouche, et je serai avec ta bouche et avec la sienne, et je vous enseignerai ce que vous aurez à faire. Malgré l’éloquence d’Aaron, IL FALLAIT QUE L’ÉTERNEL FÛT AVEC SA BOUCHE POUR QUE SA PAROLE FÛT EFFICACE.

Il fallait aussi que Dieu enseignât aux deux frères non seulement ce qu’ils auraient à dire, mais ce qu’ils auraient à faire.

Aaron parlera pour toi au peuple, ajoute l’Éternel; ainsi il te sera pour bouche et tu lui seras pour Dieu, c’est-à-dire que Moïse devait lui transmettre ces paroles telles que Dieu les lui révélait.

Donc Aaron, bien que son aîné, devait être son inférieur, mais, d’un autre côté, Aaron saurait mieux parler que lui au peuple.

C’est ainsi que Dieu distribue ses dons dans son Église, afin que ses serviteurs s’entraident et se complètent les uns les autres, comme dans notre corps tous nos membres et tous nos sens se complètent et s’entr’aident. Dieu aurait pu accorder à Moïse tous les dons à la fois, mais il trouva bon de les partager entre les deux frères.

Tu prendras aussi en ta main cette verge avec laquelle tu feras ces signes-là.

Remarquez que cet ordre est encore répété ici, mes enfants.

Nous nous sommes déjà demandé, dans notre précédente leçon, ce que Dieu avait à faire de la pauvre verge de Moïse?

Y avait-il une vertu dans ce bâton?

Non, assurément! mais Dieu en avait besoin comme il avait besoin de Moïse. C’est comme s’il lui avait dit: «Je n’ai pas plus besoin de toi que de ton bâton. Je le prends pour te montrer que tu n’es rien par toi-même, et que je me sers des plus petits instruments pour accomplir de grandes œuvres.»

Je vous le disais l’autre jour, quand Dieu envoie douze paysans pour renouveler le monde; quand il envoie de faibles missionnaires, ou un colporteur, un évangéliste, un ministre, pour prêcher sa Parole, ils ne sont, en quelque sorte, que comme le bâton de Moïse et ne reçoivent leur puissance que de Dieu.

Ainsi Moïse s’en alla et retourna vers Jéthro, son beau-père et lui dit: Je le prie que je m’en aille et que je retourne vers mes frères qui sont en Égypte pour voir s’ils vivent encore.

Et Jéthro lui dit: Va en paix.

Il paraît que Moïse ne parla point à son beau-père des grâces de Dieu, des grandes œuvres qu’il avait vues, ni de celles qu’il était appelé à accomplir; comme Marie , il garda ces choses soigneusement dans son cœur (Luc, Il, 19.) ne voulant pas en faire un sujet de se glorifier; c’était un trésor sacré, un secret entre Dieu et lui jusqu’à ce que le Seigneur lui-même jugeât à propos de le faire connaître.

Mais, d’ailleurs, il se montre plein d’égards envers son beau-frère; l’honneur d’être en communication directe avec Dieu ne lui fait pas oublier ses devoirs domestiques; malgré les visions dont il a été favorisé, il «craint Dieu et rend honneur à tous (1 Pierre, II, 17.)

Il demande son congé avec respect, selon l’usage des pays orientaux, où le frère aîné d’une famille y prend la place du père, ainsi que je vous l’ai déjà expliqué.

Remarquez l’isolement dans lequel vivaient alors les nations. On ne savait pas en Madian l’état des Israélites en Égypte; aussi l’Éternel daigne-t-il faire encore une révélation à Moïse: Ceux qui cherchaient ta vie sont morts. La crainte de retrouver ses ennemis régnait probablement dans les pensées de Moïse, bien qu’il ne l’eût pas exprimée; peut-être dominait-elle aussi dans ses refus; et Dieu, qui connaît les cœurs, vint encore au-devant de cette objection secrète.

Ainsi Moïse prit sa femme et ses fils et les mit sur un âne, et retourna au pays d’Égypte. Moïse prit aussi la verge de Dieu en sa main. Encore une mention de la verge! mais remarquez que cette fois elle n’est plus appelée seulement la verge de Moïse, mais la verge de Dieu, parce qu’il allait s’en servir pour faire de grandes choses.

On appelle hommes de Dieu ceux que Dieu emploie.

Par nature, ils ne sont que de misérables pécheurs qui ont «bu l’iniquité comme de l’eau (Job, XV, 16.),» qui ont besoin de miséricorde et de grâce, qui pourraient être «consumés à la rencontre d’un vermisseau (Job, IV, 19.),», mais s’il veut les fortifier et les employer, ils seront vraiment des «hommes de Dieu.»



 

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