Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CINQUIÈME LEÇON

EXODE, II, 22-25; III, 1-3.


22 Elle enfanta un fils, qu’il appela du nom de Guerschom, car, dit-il, j’habite un pays étranger.

23 Longtemps après, le roi d’Égypte mourut, et les enfants d’Israël gémissaient encore sous la servitude, et poussaient des cris. Ces cris, que leur arrachait la servitude, montèrent jusqu’à Dieu.
24 Dieu entendit leurs gémissements, et se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob.
25 Dieu regarda les enfants d’Israël, et il en eut compassion.

3:1 Moïse faisait paître le troupeau de Jéthro, son beau-père, sacrificateur de Madian; et il mena le troupeau derrière le désert, et vint à la montagne de Dieu, à Horeb.
2 L’ange de l’Éternel lui apparut dans une flamme de feu, au milieu d’un buisson. Moïse regarda; et voici, le buisson était tout en feu, et le buisson ne se consumait point.
3 Moïse dit: Je veux me détourner pour voir quelle est cette grande vision, et pourquoi le buisson ne se consume point.

* * *

Chers enfants, notre dernière leçon comprenait quarante années de la vie de Moïse; quarante années de richesses et d’honneurs au milieu des cités, dans le tumulte des camps et l’agitation des palais, dans les grandeurs de ce siècle et les joies de ce monde.


Celle d’aujourd’hui comprend quarante autres années passées dans les solitudes de l’Arabie ou sur les montagnes de Madian, avec les enfants du désert et au milieu des troupeaux.

Alors il était un prince puissant, un homme instruit, un brillant militaire portant le bâton du commandement; — aujourd’hui c’est un pâtre, un montagnard, un inconnu, portant la houlette des bergers.

Et pourquoi ce changement?

Il n’a point été causé par ce que les hommes appellent les rigueurs du sort, mais par son libre choix: il a cru aux promesses de Dieu, il a regardé à la cité à venir, au royaume qui ne peut être ébranlé, à la patrie meilleure; et, pour l’acquérir, il a choisi d’être un exilé, un proscrit, d’abandonner le palais de celle qui a été sa bienfaitrice et sa mère, de s’exposer même à la colère du roi. Et pour que vous ne croyiez pas que cette idée vienne de mon propre esprit, lisez-moi ce qui nous est dit à ce sujet dans l’épître aux Hébreux. (Un enfant lit Hébr., XI, 24-27.)

Quand est-ce que Moïse fit ce choix?

Quand il était déjà grand; en effet, nous apprenons, dans le VIIe chapitre des Actes, qu’il avait quarante ans.

Et que refusa-t-il?

D’être nommé fils de la fille de Pharaon.

Que préféra-t-il?

D’être affligé avec le peuple de Dieu que de jouir des délices du péché.

Qu’est-ce qu’il regarda comme un grand trésor?

L'opprobre de Christ.

Et pourquoi cela?

Parce qu’il avait en vue la rémunération ou la récompense. Car il demeura ferme, ajoute l’Apôtre, comme voyant Celui qui est invisible.

Mes enfants, voilà un modèle pour vous. Ayez tellement communion avec Dieu que dans la journée, au collège, à l’école, à l’atelier, près de vos parents ou dans la société de vos amis, vous voyiez «Celui qui est invisible;» alors tout vous sera facile, comme vous venez de le chanter dans votre cantique:

Non, ta loi n’est point pénible

Pour quiconque est né de toi;

Toute victoire est possible

Pour qui combat avec foi.

Mais comment Moïse voyait-il Celui qui est invisible?

Par le moyen de cette «foi qui est victorieuse du monde (1 Jean, V, 4.).» Par elle, il estima que l’opprobre de Christ, c’est-à-dire des noms injurieux, la pauvreté, l’esclavage, des dangers et de rudes travaux acceptés pour l’amour du Messie promis, étaient un plus grand trésor que les richesses de l’Égypte.

Il avait eu de grands desseins dans son cœur; il était jeune (pour ce temps-là, où la vie était fort longue); il était vaillant; il avait cru qu’il lui suffirait de paraître au milieu de ses frères pour en être écouté et pour les délivrer, lui, un grand, un prince. Hélas! Non: il les avait trouvé abattus, querelleurs, ingrats. Il avait exposé sa vie pour eux, et, en retour, il avait été dénoncé au roi, qui était devenu furieux:

«Comment!» s’était-il sans doute écrié, «comment! ce Moïse, auquel on a fait un si grand honneur, renie sa bienfaitrice! l’ingrat, le lâche, l’esclave! il ose tuer un Égyptien!»

Alors Moïse fut obligé de fuir; il avait été trop prompt: il fallut qu’il se cachât, qu’il se fît oublier.

Il s’était cru appelé à prendre en main la défense des opprimés, mais il fallait qu’il attendit le moment marqué de Dieu, qu’il devînt petit, humble, soumis à la volonté de son Père céleste. Probablement son amour propre de prince se révolta; il ne put supporter d'être blâmé; c’est pourquoi il s’enfuit à l’Est de la mer Rouge, au pays de Madian...

Ce sont les événements de cette seconde période de sa vie, ou plutôt les premiers et les derniers de ces événements que nous allons étudier aujourd’hui.

Nous dirons d’abord quelques mots de l’union de Moïse avec une habitante de ces montagnes, et de la joie que Dieu lui accorda dans son exil par la naissance d’un fils qu’il nomma Guerson, c’est-à-dire étranger, sans doute afin que toutes les fois qu’il l’appellerait, il se souvînt des vicissitudes et des bénédictions de sa carrière; puis nous parlerons de sa vocation miraculeuse, imposante, solitaire.

Dieu voulut, je le répète, qu’il passât quarante années dans la retraite, afin qu'il apprît l’obéissance et la prière, et sans doute aussi, afin que les bienfaiteurs de Moïse fussent morts avant qu’il revînt dans le pays, pour y être l’instrument des jugements divins.

Mais entre ces deux événements, la naissance de Guerson et la grande vision de Sinaï, que s’était-il passé en Égypte pour les enfants d’Israël?

Voyez leurs souffrances d’abord, et enfin leur retour au Dieu de leurs pères trop longtemps oublié, leurs gémissements, leurs cris, leurs sanglots, leurs ardentes invocations: Or, il arriva, longtemps après, nous dit notre texte (verset 23), que le roi d’Égypte mourût et les enfants d’Israël soupirèrent à cause de la servitude; et ils crièrent, et leur cri monta jusqu’à Dieu à cause de la servitude.

Le roi d’Égypte finit son règne, mais les souffrances des Israélites ne finirent pas leur cours. On ne jetait plus leurs enfants à la rivière, c’est vrai; Moïse avait probablement obtenu pour eux cet adoucissement à leurs maux, mais on continuait de les employer comme des esclaves à construire tous ces édifices gigantesques que les voyageurs visitent encore aujourd’hui.

Enfin, ils se souvinrent de Dieu et de ses promesses; ils pensèrent à leur ingratitude envers lui et envers Moïse, et ils commencèrent à soupirer.

Ah! voilà ce qu’attendait le Seigneur pour leur faire grâce: des larmes, des humiliations, le retour à lui, le dégoût de l’Égypte, des prières ardentes. Vous avez dans ce verset trois expressions différentes qui indiquent ce changement:

ils soupirèrent à cause de la servitude;

ils crièrent, et leur cri monta jusqu’à Dieu, parce qu’il fut sincère et qu’il s’y mêla quelque peu de foi.

Ah! voilà où Dieu veut amener ses enfants quand il les frappe et les abandonne pour un temps entre les mains des méchants.

Vous avez aussitôt après, dans les versets suivants, quatre expressions qui dépeignent la bonté de Dieu pour ce peuple malheureux:

1. Dieu ouït leurs sanglots,

2. Dieu se souvint de l’alliance qu’il avait traitée avec Abraham, Isaac et Jacob;

3. Dieu regarda les enfants d’Israël;

4. Dieu fit attention à leur état.

Et remarquez que le nom de Dieu est répété quatre fois dans ce verset comme pour exprimer avec plus de force la gratuité et la souveraineté de sa bonté envers les Israélites.

Certes, ce n’était pas à cause de leurs mérites qu’il avait pitié d’eux, pas plus que ce n’est à cause des nôtres qu’il nous envoie son Évangile à nous qui avons violé ses lois, qui l’avons négligé, outragé par notre ingratitude, à nous qui avons péché le sachant et le voulant. Mais lui il nous appelle et nous dit:

«Ne veux-tu pas venir à moi pour avoir la vie éternelle?»


Je passe au chapitre IIIe.

Or, Moïse fut berger du troupeau de Jéthro son beau-père, sacrificateur de Madian, et, menant le troupeau derrière le désert, il vint à la montagne de Dieu jusqu’en Horeb.

Il y a là trois mots qui demandent explication.

1. Pourquoi ce beau-père est-il nommé ici JÉTHRO et ailleurs RÉHUEL?

2. Pourquoi et dans quel sens est-il appelé sacrificateur de Madian? Était-il donc un prêtre païen?

3. Pourquoi la montagne, dont il est ici question, est-elle appelée la montagne de Dieu?

Et d’abord, quant à Jéthro, nous voyons très souvent, dans l’Ancien Testament, des hommes porter deux noms: Jacob s’appelait Israël, Esaü Edom, Joseph Tsaphenat, etc., etc., comme vous vous appeler Auguste Maire, Jean Panchaud | etc., etc.

Mais il y a une autre raison peut-être meilleure: le mot hébreu chothain, qu’on a traduit par beau-père, a un sens plus vague et signifie simplement un allié par mariage; le père, la mère, les frères, les soeurs d’une femme deviennent les chothain de l’homme qu’elle épouse.

Ce mot, qui n’a pas d’équivalent en français, peut donc ici indiquer le beau-frère de Moïse aussi bien que son beau-père; d’autant plus qu’en Orient le frère aîné d’une famille hérite à la mort du père du respect et des égards dont celui-ci était entouré.

J’ai même connu en Italie une famille juive distinguée, dont un membre m’a raconté qu’il désirait quitter l’Italie pour la France où les Israélites sont mieux traités, mais qu’il avait dû y renoncer parce que son frère aîné s’y était opposé, Jéthro avait donc probablement succédé à son père, et nous voyons au livre des Nombres (Nomb., X, 29.) que Réhuel avait encore un autre fils qui s’appelait Hobab et qui vint se joindre au peuple de Dieu pendant le voyage du désert pour ne le plus quitter, tandis que Jéthro s’eu retourna dans les montagnes de Madian (Exode, XVIII, 27.). Je vous raconterai, tout à l’heure, un trait intéressant sur cette famille.

Voyons maintenant ce que signifie le mot de sacrificateur appliqué à Jéthro.

Les Madianites n’étaient point des païens, mais des enfants d’Abraham par Kéturah, qu’il avait épousée après la mort de Sara.

Madian reçut du vivant d’Abraham (Gen., XXV, 1-6.), quelques biens, c’est-à-dire des troupeaux, comme ses autres frères, et s’en alla au loin vers l’Orient, conformément aux directions que Dieu avait données à Abraham.

Ses enfants devinrent une grande nation comme les Israélites et les Iduméens, selon cette promesse: «Je te ferai devenir des nations, et même des rois sortiront de toi (Gen., XVII, 6.)

Il n’y avait pas encore quatre cents ans qu’Abraham était mort, en sorte que ces tribus conservaient le souvenir du Dieu de leur père et que plusieurs de leurs chefs exerçaient la sacrificature au milieu de leur famille, comme Job (Job, I, 5.), par exemple, qui était aussi un descendant d'Abraham bien que ce ne fut pas par Israël.

Mais je vous ai dit qu’avant d’aller plus loin, je vous ferais un petit récit sur la famille de Jéthro.

Tous les Madianites ont péri; c’est une race effacée de dessous les cieux, mais les enfants de Jéthro subsistent encore à l’heure qu’il est.

Voici leur histoire.

Lorsque Moïse voyageait dans le désert, son parent, son second beau-frère Hobab était venu à sa rencontre et Moïse l’avait prié très instamment de ne le point quitter (Nomb., X, 29.).

Hobab y avait consenti et cette famille, qu’on appela les Kéniens, fut dès lors adjointe au peuple d’Israël.

Or, il arriva, quelques siècles plus tard, qu’un des chefs de ce peuple s’appela Récab, et à cause de lui, on les nomma Récabites. Le fils de ce Récab, appelé Jonadab, donna à ses frères, afin qu’ils ne se confondissent pas avec leurs voisins, l’ordre de ne jamais boire du vin, de ne point demeurer dans des maisons et de ne point cultiver la terre (Jér., XXXV.); ils furent fidèles à cet ordre pendant des centaines d’années; en sorte que Dieu dit un jour à Jérémie: «Regarde les Récabites: ils ont obéi aux ordres de leur père, et leur père n’est qu’un homme; tandis que mon peuple ne m’a point obéi à moi qui suis son Dieu. C’est pourquoi il n’arrivera jamais qu’il n’y ait quelqu’un de la race de Jonadab qui assiste devant moi tous les jours.» — Ces paroles furent prononcées plus de six cents ans avant Jésus-Christ.

Eh bien! mes enfants, dix-neuf cents ans plus tard, c’est-à-dire il y a cinq cents ans, un voyageur espagnol, B. de Tudela, affirma qu’il avait vu des Récabites; on ne le crut pas, et voici que dernièrement, un missionnaire juif, M. S. Wolf que nous connaissons, qui vit encore et dont le fils a été longtemps sur vos bancs, fut vendu comme esclave dans ces pays. En traversant la Mésopotamie, il rencontra un beau cavalier dont il demanda le secours. Étant entré en conversation avec lui, il lui présenta une Bible, puis il lui (demanda de quelle race il était ce cavalier, ouvrant la Bible au XXXVe chapitre de Jérémie , lui dit: «Nous sommes au nombre de six mille. Hobab Jéthro est notre père. Nous habitons sous des tentes et nous ne buvons point de vin!»

Voyez, mes enfants, quelle est la fidélité et la puissance de Dieu!

Des voyageurs, qui ont parcouru dernièrement l’Arabie, déclarent aussi y avoir retrouvé les trois races des enfants d’Abraham;

les uns se disent fils de Sara: ce sont les Israélites;

les autres d’Agar: ce sont les Sarrasins,

et enfin une troisième peuplade prétend descendre de Kéturah.

Quant à ce nom de montagne de Dieu, il est probablement donné au mont Horeb, parce que Dieu venait d’y promulguer sa loi quand Moïse rédigea le Pentateuque. Horeb est un des sommets du Sinaï.

Mais, retournons à Moïse; la seconde quarantaine d’années est passée; Dieu va l’appeler à de grandes choses du sein de son obscurité.

De même qu’il l’a retiré d’une corbeille de joncs où il pleurait, enfant, au milieu des crocodiles, pour le faire devenir prince, il va maintenant le prendre du milieu des chameaux et du bétail pour être le conducteur de plusieurs millions d’hommes, le vengeur d’Israël, la terreur de Pharaon.

Il se trouvait, sans doute, fort heureux en gardant ses troupeaux;

il méditait sur les bontés de Dieu et sur ses promesses;

il attendait en paix que le Seigneur lui révélât sa volonté;

il était content de son sort;

il l’avait accepté de bon cœur, non pour quelques mois seulement, en attendant qu’il pût aller reprendre en Égypte son ancienne splendeur, mais sans regret et sans arrière-pensée.

Il s’était marié pendant son abaissement; il avait préféré une simple fille du désert, qui, sans doute, était une vraie fidèle, à toutes les grandes dames de l’Égypte; et Rehuel, à cause de sa piété, s’était trouvé heureux de lui confier, bien qu’il fût pauvre, sa chère Séphora.

Mes enfants, voilà ce que produit la vraie foi: le contentement d’esprit (1 Tim., VI, 6.), l’assurance que tout ira bien pour nous, que Celui qui a fait le plus en notre faveur fera le moins, que s’il nous a «donné son Fils, il nous donnera toutes choses avec lui ( Rom., VIII, 31.)

Aussi saint Paul, qui avait tout quitté comme Moïse, disait-il:

«J’ai appris à être content de l’état où je me trouve; je sais être abaissé, je sais aussi être dans l’abondance; je puis tout en Christ qui me fortifie (Phil., IV, 12, 13.)

Notre bienheureux Félix Neff reprenait courage pendant ses rudes marches, au travers des neiges des Alpes, en chantant ce cantique:

Toujours content, c’est la maxime

D’un cœur ami du Rédempteur.

Dès que sa grâce nous anime,

Elle adoucit toute douleur.

Le chrétien, malgré ses tourments,

Passe encor les plus doux moments.

Moïse donc ne recherchait point «les choses élevées (Ps. CXXXI, 1.)

Il n’avait point soif de changements; il restait là où il se trouvait, disant avec le Sage: «Un cœur joyeux est un banquet perpétuel. Un peu de bien vaut mieux, avec la crainte de l’Éternel, qu’un grand trésor là où il y a du trouble (Prov., XV, 15,16.);» et avec David: «L’Éternel est la part de mon héritage (Ps. XVI, 5.)

Et c’est là ce qui rend aimable; aussi, ce cher Moïse était devenu «le plus doux des hommes (Nomb., XII, 3.),» tandis que, par nature, il semble avoir été ardent et emporté, ainsi qu’il le montra dans ses premières tentatives en faveur de ses frères; comme Paul, qui, après avoir été un lion, devint doux «comme une nourrice, qui nourrit tendrement ses propres enfants (1 Thes., II, 7.)

Ce fut alors qu’arriva le moment choisi de Dieu pour l’appeler à sa grande tâche.

Il fallait que les temps fussent mûrs;

il fallait que les Israélites fussent humiliés et soumis;

il fallait aussi que Moïse ne fût pas le fléau des princes qui avaient été personnellement ses bienfaiteurs.



 

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