Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

QUATRIÈME LEÇON

EXODE, II, 11-21.


11 En ce temps-là, Moïse, devenu grand, se rendit vers ses frères, et fut témoin de leurs pénibles travaux. Il vit un Égyptien qui frappait un Hébreu d’entre ses frères.

12 Il regarda de côté et d’autre, et, voyant qu’il n’y avait personne, il tua l’Égyptien, et le cacha dans le sable.

13 Il sortit le jour suivant; et voici, deux Hébreux se querellaient. Il dit à celui qui avait tort: Pourquoi frappes-tu ton prochain?

14 Et cet homme répondit: Qui t’a établi chef et juge sur nous? Penses-tu me tuer, comme tu as tué l’Égyptien? Moïse eut peur, et dit: Certainement la chose est connue.

15 Pharaon apprit ce qui s’était passé, et il cherchait à faire mourir Moïse. Mais Moïse s’enfuit de devant Pharaon, et il se retira dans le pays de Madian, où il s’arrêta près d’un puits.

16 Le sacrificateur de Madian avait sept filles. Elles vinrent puiser de l’eau, et elles remplirent les auges pour abreuver le troupeau de leur père.

17 Les bergers arrivèrent, et les chassèrent. Alors Moïse se leva, prit leur défense, et fit boire leur troupeau.

18 Quand elles furent de retour auprès de Réuel, leur père, il dit: Pourquoi revenez-vous si tôt aujourd’hui?

19 Elles répondirent: Un Égyptien nous a délivrées de la main des bergers, et même il nous a puisé de l’eau, et a fait boire le troupeau.

20 Et il dit à ses filles: Où est-il? Pourquoi avez-vous laissé cet homme? Appelez-le, pour qu’il prenne quelque nourriture.

21 Moïse se décida à demeurer chez cet homme, qui lui donna pour femme Séphora, sa fille.


* * *

C’était une scène bien touchante que celle de dimanche dernier, mes chers enfants.

Le père et la mère de Moïse recevaient leur enfant de la main de la princesse royale d’Égypte, ou plutôt ils le recevaient une seconde fois de la main de Dieu.

Jugez de leur joie, de leur attendrissement, de leur reconnaissance!

Après avoir, au péril de leur vie, gardé trois mois ce précieux dépôt, non seulement par une affection bien légitime, mais «par la foi,» nous est-il dit, ils l’avaient enfin déposé dans un panier, sur le Nil; et maintenant, voici que Dieu le leur rend pour le nourrir et pour l’élever dans sa connaissance dès ses plus jeunes ans.

«Ah!» pensai-je hier, en voyant un père et une mère pleins de gratitude de ce que Dieu avait rendu dans une grande mesure la santé à un cher petit enfant qui était, il y a quelques jours, en danger de mort, et qui est encore dans son berceau, «voilà bien ce que durent éprouver Hamram, Jokabed et Marie!»

Je me rappelai aussi avoir vu, il n’y a pas longtemps, des parents pieux déposer avec foi leur cher enfant, consacré par le baptême, dans un berceau funèbre, dans un cercueil, pour être emporté sur le fleuve de la mort. Ils le déposaient dans la ferme assurance que le Seigneur le leur rendra au jour où il viendra sur les nuées, accompagné de tous les saints avec la voix de l’archange et la trompette de Dieu; en ce jour bienheureux où il appellera tous ses morts et où il ne manquera pas un seul des enfants que des parents pieux lui ont consacrés par beaucoup de prières.

Nous avons étudié dimanche la naissance de Moïse et l’histoire merveilleuse des trois premiers mois de sa vie.

Nous allons lire aujourd’hui, en quelques versets, celle de ses quarante premières années: c’est le tiers de sa vie; car elle fut de cent vingt ans, et partagée en trois parties égales.

1. Quarante années, il fut prince royal;

2. quarante autres il fut berger, faisant paître ses brebis et ses vaches dans les montagnes de Madian, content de son sort, adorant Dieu, vivant avec lui, se préparant, sans le savoir, à la grande oeuvre à laquelle il était destiné;

3. enfin, pendant le reste de sa carrière, il fut le conducteur, le protecteur et comme le roi de tout un peuple.

Ce que nous devons considérer en premier lieu aujourd’hui, c’est l’admirable sagesse et la paternelle bonté que Dieu déploya dans les dispensations extraordinaires, en apparence sévères, mais en réalité toutes pleines de miséricorde, par lesquelles il voulait préparer cet homme éminent à la mission qu’il lui réservait.

Et d’abord, qu’est-ce qui importait le plus pour Moïse?

Ah! c’était qu’il connût son Dieu; il était adopté par une princesse, par la fille du plus grand roi de la terre, à l’époque la plus brillante de l’antique et puissant empire d’Égypte, c’est-à-dire à l’époque des immenses conquêtes du grand Rhamésès III, le fameux Sésostris.

On l’élèvera comme un prince; il aura part à toutes les richesses de l’Égypte; car nous voyons que la princesse Thoasar, qui régna dix-neuf ans et demi et qui paraît avoir été sa mère adoptive, mourut sans enfants et eut son frère pour successeur; mais que lui feront toutes ces grandeurs s’il ne connaît pas le vrai Dieu?

À quoi lui aurait-il servi d’être riche comme un fils de roi, d’être savant dans toute la science des Égyptiens, d’être beau, «divinement beau,» s’il avait marché dans le chemin de la perdition?

À quoi lui aurait-il servi d’être le fils d’une reine, le petit-fils du grand Sésostris, s’il était resté un enfant du diable comme nous le sommes tous par nature, s’il ne s’était pas converti, s’il n’était pas devenu un enfant de Dieu?

«Que servirait-il à un homme de gagner le monde entier,

s’il venait à perdre son âme?»

Ah! mes chers enfants, il vaut quarante fois, quarante mille fois mieux être le fils d’un berger sur la montagne, le fils d’un manœuvre occupé à faire des briques et du mortier et maltraité comme un esclave ainsi que l’était Hamram, le père de Moïse, que de perdre cette âme si infiniment précieuse.

Oui, mieux vaut mille fois être un pauvre mendiant comme Lazare dont les chiens léchaient les ulcères, et être porté comme lui par les anges dans le ciel, que d’être comme le mauvais riche comblé de biens en ce monde, et perdu pour l’éternité.

Le cher Moïse fut préservé de ce malheur; le voilà confié à sa tendre mère; elle l’élèvera selon le Seigneur; elle lui apprendra de bonne heure à prier; elle lui parlera d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.

Elle lui dira qu’il est pécheur et mortel, mais que Dieu veut le sauver; elle lui parlera du juste Abel, d’Hénoch, de Noé, du déluge; surtout elle lui fera, pour l’encourager, l’histoire du jeune Joseph, qui était pieux déjà quand il était petit et qui fut vendu par ses frères et devint vice-roi d’Égypte.

Elle n’avait pas la Bible pour l’instruire, mais, grâce à la longue vie des hommes de ces temps-là, elle pouvait connaître l’histoire du monde.

Abraham, son aïeul, était né l’année même de la mort de Noé, et avait, par conséquent, vécu longtemps sur la terre avec Sem l’un des hommes du déluge.

Je me figure donc Moïse écoutant sa mère comme faisait plus tard le cher petit Timothée lorsque, à peine sorti du berceau, il apprenait déjà la Bible, c’est-à-dire l’Ancien Testament, avec sa mère et sa grand-mère (2 Tim., 1,5; III, 15.) et lisait sans doute à Derbe, en Asie Mineure, dans le livre de l’Exode, l’histoire de Moïse.

C’est ainsi également que le petit roi Josias, à l’âge de huit ans, cherchait déjà le Dieu de David son père (2 Rois, XXII, 1), et que Samuel, quand il portait encore la petite robe que sa mère lui faisait chaque année (1 Sam., Il, 19.), cherchait aussi la face de Dieu.

Je pense que Moïse fut élevé par Jokabed à la campagne jusqu’à ce qu’il eut à peu près votre âge, car notre texte dit qu’il était déjà grand quand elle le ramena à la princesse.

Celle-ci le nomma Moïse, parce que, dit-elle, je l’ai tiré des eaux, et il lui fut pour fils. Sans doute que toute la nation des Israélites dut trouver bien heureux le sort de cet enfant. Au lieu d’avoir été noyé et mangé par les crocodiles du fleuve, le voilà dans le palais des rois; le voilà élevé comme un prince, tandis que les autres sont esclaves; le voilà dans l’opulence et la gloire, tandis que ses frères sont traités avec la plus horrible rigueur.

Supposez que vous vissiez dans la rue l’enfant d’un mendiant, ou, dans le bagne de Toulon, celui d’un galérien; et que l’empereur de Russie ou la reine d’Angleterre, passant par là et arrêtant ses regards sur ce petit malheureux, s’écriât: «Je l’adopte pour mon fils!» le fit porter dans son palais, revêtir d’habits somptueux, nourrir à sa table, élever à ses côtés et même préparer pour le trône. «Oh!» penseriez-vous, «quel changement de vie! quel bonheur pour cet enfant!»

Et si c’était un ange, un archange, un séraphin qui l’adoptât pour en faire, si possible, un ange qui ne pût plus mourir, ce serait mille fois plus glorieux encore.

JUGEZ MAINTENANT DE CE QUE C’EST QUE DEVENIR UN FILS DE DIEU!

Et c’est pourtant là ce que nous pouvons tous devenir par la foi en Jésus-Christ. Quelle étonnante gloire! quel bonheur insigne!

Aussi saint Jean s’écrie-t-il:

«Oh! quel amour nous a montré le Père, que nous soyons appelés enfants de Dieu (1 Jean, III, 1.)

Et saint Paul:

«Béni soit Dieu, le père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ. Nous ayant prédestinés pour nous adopter à soi par Jésus-Christ (Ephés., I, 3-5.)

Et c’est «par la foi» que nous «devenons enfants de Dieu (Gal., III, 26.),» dit encore saint Paul, mais par une foi vivante, «opérante par la charité (Gal., V, 6.)

«Il donne le droit d’être faits enfants de Dieu à ceux qui croient en son nom» nous dit saint Jean (Jean, I, 12.).

Mais, mes enfants, ce bonheur n’arriva à Moïse que beaucoup plus tard; il ne paraît pas que les instructions de ses parents eussent opéré en lui ce que l’Écriture appelle la conversion.

Dès ses premières années, il avait reçu la connaissance des paroles de Dieu; il les respectait; il était, sans doute, reconnaissant envers ses parents de les lui avoir enseignées; mais elles n’étaient pas encore la nourriture de son âme; il semble même que sa jeunesse se passa en Égypte, je ne dirai pas dans la frivolité (je n’en sais rien), mais dans une vie qui n’était pas entièrement consacrée à Dieu; et ce ne fut que vers sa quarantième année que s’accomplit pour lui le grand événement de la conversion.

Mais revenons à son histoire.

Il nous est dit, au chapitre VIII des Actes, qu’il fut «instruit dans toute la science des Égyptiens, et qu’il était puissant en paroles et en actions.»

Il paraît donc qu’il profita abondamment de la brillante éducation que lui faisait donner la princesse et qu’il devint un très grand personnage, non seulement par sa position auprès de sa mère adoptive, mais par ses talents distingués.

L’Égypte était le pays le plus savant de la terre; on y apprenait toutes les sciences et les arts: l’astronomie, l’histoire, les mathématiques, le dessin, l’architecture, la musique. On y bâtissait des pyramides, des temples, des tombeaux, des obélisques qu’on va voir encore.

On y faisait des ouvrages admirables en orfèvrerie, et on trouve, dans les cercueils des momies, des objets pour le moins égaux à ce qu’on fait à présent de plus beau.

Mais ces hommes, si habiles dans les arts et dans les sciences, étaient stupides quant à la religion; ils adoraient des chats, des chiens, des crocodiles et certains oiseaux; leur plus grande divinité était un bœuf. C’est ainsi que les peuples les plus instruits qui n’ont pas la Bible sont souvent les plus absurdes en fait de religion, et que les sauvages qui étudient ce saint livre ont de plus saines idées que n’en avaient les Grecs et les Romains, et que n’en ont aujourd’hui les Chinois et les Hindous.

La semence que sa mère avait répandue dans l’âme de Moïse ne fut pas perdue; longtemps elle demeura comme enfouie; mais enfin il saisit les promesses de Dieu, il les crut, et il leur sacrifia tout son avenir terrestre.

Quel acte de foi! un prince, un riche, un savant, un grand, un roi se faire esclave, s’associer à un peuple dégradé, à un peuple qui lui-même avait oublié Dieu! renoncer aux divinités du pays, se couvrir d’opprobre!

Si aujourd’hui un fils de roi se faisait juif, le monde en serait confondu; et cependant c’est maintenant une race noble que la race juive, et nous adorons un de ses fils; mais alors c’était un peuple de bergers et d’esclaves. Et Moïse, pour se joindre à eux, quitte sa seconde mère; il quitte le repos, la grandeur, tous les biens de la terre, les délices du péché; à l’âge de quarante ans, nous dit Étienne (Actes, VII, 23.), il se rendit auprès de ses frères; il refusa d’être nommé fils de la fille de Pharaon; il voulut partager l’opprobre et le mépris sous lesquels gémissaient les Israélites. Pourquoi cela? Parce qu’il reconnut en eux le peuple de Dieu, bien que ce peuple lui-même fût tombé dans l’incrédulité.

Moïse s’informa, sans doute, de toutes les choses qui regardaient les promesses faites à Abraham, à Isaac et à Jacob; il se rappela que Dieu avait dit que le peuple sortirait un jour de l’Égypte; il alla visiter ses frères: il les vit faisant des briques sous les coups de bâtons, réduits à la dernière misère, traités comme la boue des rues.

Il fut ému de pitié; il voulut consacrer sa vie à les délivrer. On l’appellera un insensé, un enthousiaste, un ingrat; on le chassera peut-être du palais, et surtout il aura la douleur d'affliger sa mère adoptive; mais n’importe! Il voulut se donner au service de son Dieu; il alla auprès de ses frères; il les trouva occupés à travailler comme ils sont représentés dans le tableau de l’architecte du roi Moeris, privés de vêtements, accablés de coups; et c’est alors qu’il voulut se faire leur semblable.

Il vit bien, qu’il faudrait tout perdre; mais il avait le cœur si plein de prières et de foi qu’il «ne craignit pas la colère du roi (Héb., XI, 27.);» il résolut d’abandonner tout ce qu’il avait jusque-là aimé et respecté; il mit sous ses pieds toute sa science égyptienne, toutes les richesses et tous les honneurs dont il était entouré; et nous avons déjà vu qu’il reçut alors une adoption plus magnifique que celle de la princesse.

Il se rendit donc auprès de ses frères; il se crut appelé à les défendre, et, en les voyant maltraiter, il lutta avec un Égyptien et le tua.

Comprenant que si le fait était connu, il serait un homme mort et que toute sa nation tomberait sous le châtiment du roi, il cacha le corps dans le sable, croyant n’être vu de personne.

Le lendemain, il retourna encore vers ses frères, et en voyant deux qui se querellaient, il voulut rétablir la paix en reprenant celui qui avait tort; mais celui-ci, dans sa colère, lui dit: «Veux-tu me tuer comme l’Égyptien?» Moïse, se voyant découvert, s’enfuit, passa la mer Rouge ou l’isthme du Suez et arriva dans la presqu’île arabique, où demeuraient les Madianites, peuple qui, comme les Iduméens, était descendu d’Abraham aussi bien que les Israélites.

Triste, découragé, se voyant seul au monde, Moïse s’assied au bord d’un puits. On reconnaît à ses vêtements qu’il est Égyptien. De jeunes filles viennent abreuver leurs troupeaux, des bergers leur disputent la place.

Moïse , doué d’un cœur noble et généreux, habitué d’ailleurs au commandement, oublie qu’il est étranger, prend la défense des jeunes filles, les aide à puiser l’eau, en sorte qu’elles reviennent en peu de temps chez leur père. Celui-ci, étonné de leur prompt retour, en apprend d’elles la cause, et leur reproche de n’avoir pas amené l’étranger qui les a secourues. Il va à sa recherche, le retient chez lui comme berger, et lui donne ensuite sa fille Séphora en mariage.

Cet homme était un sacrificateur du vrai Dieu, et Moïse se retrouva ainsi hors de la société des idolâtres.

Vous voyez, mes enfants, les voies admirables de Dieu.

Il fallait que Moïse acquît les qualités nécessaires au chef d’une grande nation, et il fût quarante ans dans un palais;

il fallait ensuite qu’il vécût dans la retraite, qu’il fût préparé dans la méditation et la prière à la grande tâche qui lui serait confiée plus tard; et le voilà exilé, en quelque sorte, dans les déserts de Madian.

Il fallait que le peuple israélite, qui n'était point disposé à quitter l’Égypte, reçût de grandes leçons et en vînt à désirer la délivrance.

Souvent, Dieu n’emploie pas, pour accomplir une grande œuvre, les moyens qui semblent les plus puissants:

Moïse, au lieu d’être prince, sera berger;

il redescendra des montagnes, à l’âge de quatre-vingts ans, dépouillé de tout, mais enrichi de la force de son Dieu, ne comptant plus sur lui-même et attendant tout d’en haut.



 

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