Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

TROISIÈME LEÇON

EXODE, II, 1-10.


1 Un homme de la maison de Lévi avait pris pour femme une fille de Lévi.

2 Cette femme devint enceinte et enfanta un fils. Elle vit qu’il était beau, et elle le cacha pendant trois mois.

3 Ne pouvant plus le cacher, elle prit une caisse de jonc, qu’elle enduisit de bitume et de poix; elle y mit l’enfant, et le déposa parmi les roseaux, sur le bord du fleuve.

4 La soeur de l’enfant se tint à quelque distance, pour savoir ce qui lui arriverait.

5 La fille de Pharaon descendit au fleuve pour se baigner, et ses compagnes se promenèrent le long du fleuve. Elle aperçut la caisse au milieu des roseaux, et elle envoya sa servante pour la prendre.

6 Elle l’ouvrit, et vit l’enfant: c’était un petit garçon qui pleurait. Elle en eut pitié, et elle dit: C’est un enfant des Hébreux!

7 Alors la soeur de l’enfant dit à la fille de Pharaon: Veux-tu que j’aille te chercher une nourrice parmi les femmes des Hébreux, pour allaiter cet enfant?

8 Va, lui répondit la fille de Pharaon. Et la jeune fille alla chercher la mère de l’enfant.

9 La fille de Pharaon lui dit: Emporte cet enfant, et allaite-le-moi; je te donnerai ton salaire. La femme prit l’enfant, et l’allaita.

10 Quand il eut grandi, elle l’amena à la fille de Pharaon, et il fut pour elle comme un fils. Elle lui donna le nom de Moïse, car, dit-elle, je l’ai retiré des eaux.


* * *

Notre leçon de ce jour doit vous intéresser tout particulièrement, mes amis, car c’est l’histoire d’un enfant, ou plutôt de deux aimables enfants: le pauvre petit Moïse, âgé de trois mois, et sa jeune sœur Marie, qui devait avoir dix ou douze ans.

Nous avons vu dimanche l’affreuse détresse du peuple israélite; aujourd’hui voici les préparatifs de sa délivrance, voici la naissance de celui qui doit être son libérateur!

Mais qui pourrait encore le prévoir? Car c’est un petit enfant qu’on cache quelques mois; puis on le couche dans un panier, on le porte à la rivière, on le met à l’eau.

Le voilà flottant entre les joncs qui bordent le fleuve!... il pleure... Et d’ailleurs quand délivrera-t-il son peuple?

Sera-ce à vingt, à trente, à quarante ans?

À quarante ans il voudra le tenter, mais ses frères le repousseront. Non: ce sera seulement lorsqu’il aura atteint l’âge de quatre-vingts ans qu’il deviendra le libérateur d’Israël.

Et pourquoi ces longs retards?

Ah! c’est que ce pauvre peuple a besoin de longs châtiments!

Je vous l'ai dit, il y a huit jours, chers enfants, la famille de Jacob était depuis bien des années en Égypte;elle y était devenue un grand peuple; mais elle s’y était corrompue: elle avait oublié la promesse de Dieu; elle ne pensait qu’à la terre, qu’à ses troupeaux, à ses pâturages, à ses biens, à ses plaisirs; elle imitait les païens; elle se souvenait à peine du Dieu de ses pères Abraham, Isaac et Jacob. C’est pour cela que Dieu abandonna ce peuple, pour un temps, à la méchanceté de ce roi qui n’avait point connu Joseph.

Il était esclave; on l’obligeait au travail le plus rude, celui de manœuvre, pour construire des palais, des temples et des pyramides; il faisait du mortier et des briques, et tout le service qu’on tirait de lui était, avec rigueur.

Mais cela ne suffit pas; le roi veut l’humilier et l’écraser; et quand il le voit, malgré toutes ses cruautés, se multiplier encore, il ordonne qu’on prenne tous les pauvres petits garçons qui viendront au monde et qu’on les jette à la rivière aussitôt après leur naissance. Figurez-vous la douleur de ces malheureux israélites; le désespoir des pères, les larmes et les sanglots des frères, des sœurs, et surtout des mères!...

Après des journées de fatigue, d’esclavage et de coups, ils n’ont pas même de consolation à rentrer chez eux... Ah! c’est alors qu’ils reviennent à la prière, c’est alors qu’ils se ressouviennent de l’Éternel, c’est alors qu’ils le supplient d’avoir pitié! Mais ils se disent sans doute: «Dieu nous oublie; nous sommes écrasés, nous allons être détruits; il n’y a personne pour nous délivrer...»

Ils ne savaient pas que ce petit garçon qu’Hamram et Jokabed faisaient porter à la rivière était le libérateur mis à part pour les tirer d’Égypte, de la maison de servitude, et pour les faire devenir une grande nation

De même aujourd’hui, peut-être que celui qui doit rassembler les Israélites et les ramener en Judée est déjà né; peut-être est-ce un petit enfant que sa mère allaite, et que Dieu prépare pour cette grande œuvre... (Note de la bibliothèque Regard: Ouvrage imprimé en 1866. Israël est redevenu une nation en mai 1948)


* * *

Mais reprenons notre leçon verset par verset, car cette histoire semble faite pour vous.

Vous y voyez comment Dieu prend soin de l’enfance, comment il conduit toutes choses pour qu’un petit être, dont il veut faire un de ses rachetés, soit préservé du mal, et arrive à la lumière de la foi; vous y voyez qu’il prend soin du petit Moïse dans son panier de joncs, tout autant qu’il prendra soin de lui sur la montagne d’Horeb, quatre-vingts ans plus tard, quand il lui apparaîtra au milieu d’un buisson ardent.

Il y avait un homme de la famille de Lévi. Vous savez que Jacob fut père de douze fils et que Lévi était un de ceux qu’il avait eus de Léa (Gen., XXIX, 34.). Ce Lévi avait lui-même déjà trois fils quand il descendit en Égypte avec son père.

Eh bien, parmi les nombreux enfants et petits-enfants qu’eurent ces trois fils de Lévi au bout des cent vingt ans de séjour en Égypte, il y en eut un qui s’en alla et prit une fille de la famille de Lévi.

Cet homme et cette femme ne sont pas nommés ici, mais ils le sont ailleurs (Exode, VI, 16-20.). Il ne faut pas croire qu’ils se fussent mariés dans le temps où le cruel Pharaon venait de faire paraître son décret monstrueux; le verset devrait plutôt se traduire ainsi: Un homme de la famille de Lévi s’en était allé et avait pris une fille...

En effet, Hamram et Jokabed étaient unis depuis longtemps, puisqu’ils avaient déjà deux enfants, dont le cadet s’appelait Aaron, et avait trois ans à la naissance de son petit frère. Il commençait à parler la langue des Hébreux; il avait, sans doute, la gaieté de son âge; et tandis que toute la maison de ses parents était au désespoir, ce pauvre petit jouait dans l’insouciance, comme on le fait à trois ans; mais sa sœur Marie était déjà en état de s’associer aux préoccupations de sa famille; il fallait qu’elle eût au moins dix ans puisqu’elle fut mise dans la confidence de ses parents quand ils cachèrent son petit frère.

Pauvre Jokabed! Quel trouble elle dut éprouver quand cet enfant arriva au monde!

Quoi! faudrait-il le tuer! «Oh! heureuses les stériles et celles qui n'ont point allaité (Luc, XXIII, 29.)!» dut-elle s’écrier.

Tous les jours on portait de pauvres petits garçons dans le Nil, où ils étaient bientôt mangés par les nombreux crocodiles qu’il y avait alors et qu’on voit encore aujourd’hui dans ce fleuve. Vous vous rappelez qu’il devait naître chez les Israélites environ six enfants par jour dont la moitié naturellement étaient des garçons. Eh bien, tous ceux de ces pauvres petits que leurs parents ne réussissaient pas à cacher étaient précipités dans la rivière.

Beaucoup d’enfants de Genève sont enlevés dès les premiers jours de leur vie par des catarrhes, des fièvres, des convulsions, des maladies de tous genres. Croiriez-vous, mes amis, que dans nos pays d’Europe, la moitié des enfants qui naissent meurent avant l’âge de vingt ans, un quart meurent dans leur première année et un tiers avant la fin de la seconde? «Mon Dieu!» devez-vous donc dire, «mon Dieu, puisque tu m’as préservé de toutes ces chances de mort, et que tu m’as laissé vivre, que ce soit pour que je te serve, pour que je t’appartienne, pour que je m’attache à toi de tout mon coeur! Ah! que deviendrais-je, si je négligeais un si grand salut (Héb., Il, 3.)! Ô mon Dieu, que mon âme vive afin qu’elle te loue (Ps. CXIX, 175.)

Mais continuons nos versets.

Les parents de Moïse voyant, qu’il était d’une beauté remarquable, résolurent, au péril de leur vie, de le tenir caché pendant trois mois. Il paraît que cette beauté avait quelque chose de si extraordinaire qu’ils en conçurent l’idée que cet enfant était peut-être destiné de Dieu à accomplir de grandes choses. Peut-être aussi avaient-ils reçu à son sujet quelque révélation miraculeuse, comme Anne et, comme Marie; car Étienne, dans son discours, dit que l’enfant «était divinement beau (Actes, VII, 20.),» c’est-à-dire BEAU DE PAR DIEU; et saint Paul déclare que ce fut «par la foi que ses parents le cachèrent.» Lisez-moi ce passage. (Un enfant lit Hébr., XI, 23.)

Dieu met quelquefois une marque visible sur les enfants: Samson (Juges, XIII, 24.), Samuel (1 Sam., II, 18.), Timothée (2 Tim., IV, 14.) furent indiqués, dès leurs plus jeunes ans, par quelque signe extérieur, comme étant destinés à une vocation spéciale.

Quoi qu’il en soit, les parents de Moïse résolurent de tout faire pour le sauver; et tant qu’ils pensèrent être seuls en danger, ils persévérèrent à le cacher, disant sans doute comme Esther (Esther, IV, 16.): «Si l’on nous tue, qu’on nous tue!» ou comme notre Seigneur le dit à ses disciples: «Ne craignez pas ceux qui ne tuent que le corps (Luc, XII, 4.)

Mais quand ils apprirent qu’on avait découvert, ou au moins soupçonné l’existence de cet enfant, qui, sans doute, trahissait sa présence par ses cris, alors, tout en se confiant en Dieu, ils pensèrent devoir prendre, pour le préserver, d’autres moyens que Dieu bénirait sans doute.

Ainsi, quand vous êtes malades, vos parents ne vous laissent pas sans secours; ils appellent un médecin; ils cherchent des remèdes; mais tout cela, sans Dieu, ne vous guérirait pas plus que le panier de Moïse ne l’eût préservé d’être noyé ou dévoré, si Dieu n’eût été avec lui.

Ils prennent donc des joncs; ils en font un petit coffre; ils l’enduisent de bitume ou de poix pour que l’eau n’y pénètre pas; ils y mettent sans doute un lit de lin ou de coton (car le coton croissait alors en Égypte et on en trouve autour des momies); puis ils le recouvrent soigneusement d’un couvercle fait de manière à laisser respirer le pauvre petit (Les Égyptiens faisaient des bateaux de cette substance, comme nous le voyons dans Ésaïe, XVIII, 2, pour descendre le Nil et pour en traverser les cataractes.), et le portent, avec beaucoup de larmes et de prières sans doute, à la rivière; mais, pour qu’il ne soit pas entraîné par le courant, ils l’exposent dans les roseaux qui croissaient au bord de l’eau.

On se représente les émotions de la famille; la mère n’ose pas accompagner le coffre: sa présence aurait excité les soupçons; mais elle pense: «Pauvre petit! Dieu te gardera!» et elle a raison. Si Moïse avait su parler, il aurait pu dire: «Quand mon père et ma mère m'auraient abandonné, l’Éternel me recueillera (Ps, XXVII, 10.);» et, en effet, Dieu le recueillera, et, afin de montrer sa puissance, il se servira des plus grands ennemis de son peuple pour sauver cet enfant qui doit un jour les humilier.

Ce sera la fille du roi Pharaon qui l’élèvera dans le palais de son père, et il sera nourri par sa propre mère, afin que tout petit, et dès sa plus tendre enfance, il entende parler de son Dieu et qu’il apprenne à le prier.

Sa mère ne pouvait donc le suivre; mais elle chargea la petite Marie de se tenir près pour voir ce qui arriverait. Pauvre enfant! elle devait avoir environ votre âge.

Représentez-vous ce que vous éprouveriez si vous deviez voir exposer et peut-être mourir un de vos petits frères! Comme elle pleurait et comme elle priait sans doute le Dieu d’Israël!

Vous aussi, mes enfants, quand on vous donne à garder un petit frère ou une sœur, vous devez prier Dieu de le bénir en le préservant du mal et surtout du péché. Marie le suppliait sans doute de ne pas permettre que les flots enlevassent son frère et surtout qu’un de ces horribles crocodiles qui se tiennent dans le Nil vînt le dévorer.

Les Égyptiens adoraient cet animal; c’est un grand lézard quelquefois long de vingt pieds et plus, et si vorace que des Anglais racontent que, traversant en bateau une rivière et menant avec eux un beau cheval qui nageait tenu par un licol, arrivés à l’autre bord, ils ne trouvèrent plus que la tête attachée au licol: tout le corps avait été dévoré par les crocodiles.

Comme Marie se tenait au bord de l’eau, voici venir la princesse. Dieu l’envoie tout exprès pour sauver le petit Moïse; il n’aurait pas fallu qu’elle vînt une heure plus tôt ni plus tard. Elle ne pensait qu’à se rafraîchir par un bain ou qu’à faire quelque ablution religieuse; mais Dieu la conduisait comme par la main, sans qu’elle le sût, pour l’œuvre à laquelle il l’avait destinée; elle sera la mère de Moïse; elle le fera élever dans le palais des rois; il apprendra l’art de gouverner; il sera «instruit dans toute la science des Égyptiens

C’est ainsi que Dieu mène le monde!

Mais à quoi servira-t-il à Moïse d’être sauvé de la mort, d’être élevé par une grande reine, d’être riche, savant, s’il ne connaît pas Dieu?

Et comment pourra-t-il le connaître dans le palais idolâtre du méchant Pharaon?

Attendez! Dieu, qui lui donne une mère, va lui donner aussi une institutrice, et ce sera la pieuse Jokabed.

Les dames d’honneur, se promenant pendant le bain, voient un coffre au milieu des roseaux: «Allez le prendre,» dit la princesse. On l’ouvre. On y trouve un enfant merveilleusement beau, qui pleure... Dieu a donné pour protection aux enfants les larmes et la grâce.

La princesse est touchée: «Ce sera,» dit-elle, «un de ces enfants des Hébreux que mon père fait jeter à la rivière.» Alors la petite Marie , aidée de Dieu, qui répond à sa prière, prend courage, accourt, ose s’approcher et lui dire: «Madame, irai-je appeler une nourrice? Va!»

Et Marie court à la maison. On y est effrayé à sa vue; l’enfant serait-il déjà mort?...

Mais non: elle paraît joyeuse: «Il est donc sauvé!» s’écrie Jokabed; «mais le reverrai-je? Oui, ma mère, et même c’est vous qui serez sa nourrice.»

Ô surprise, ô bonheur d’Hamram et de Jokabed!

Oh! comme ils adorent la bonté, la sagesse, la fidélité, la puissance de ce Dieu, qui est «admirable en conseil et riche en moyens (Ésaïe, XXVIII, 29.)!» Avec quelle reconnaissance envers Dieu la mère dut entendre encore cette parole de la princesse: Emporte cet enfant et me l’allaite et je te donnerai ton salaire. Elle se dit sans doute: «C’est mon Dieu qui me dit aussi: emporte cet enfant et me l’allaite, et je te donnerai ton salaire. Oui, je l’élèverai pour mon Dieu. C’est lui qui me l’a donné, c’est lui qui me l’a rendu. C’est de lui que je le reçois une seconde fois.»

Eh bien, chers enfants, c’est là ce que doivent se dire vos parents: «J’emporte cet enfant, je l’élèverai pour Dieu.»

Les mères de ces temps-là nourrissaient fort tard les petits enfants; mais Jokabed eut le sien plus longtemps encore, paraît-il, et put jeter dans son âme, avant de s’en séparer, les semences de la foi.

Quand il fut devenu grand, est-il dit, elle le mena à la princesse, qui le prit pour son fils et le nomma Moïse, c’est-à-dire tiré des eaux.

Cette fille de Pharaon était probablement son héritière, puisqu’il nous est dit, dans l’épître aux Hébreux que Moïse aurait pu, s’il l’avait voulu, posséder toutes les richesses de l’Égypte. Ce qui semble confirmer cette supposition, c’est que, sur une pierre apportée d’Amphipolis au musée britannique, on a trouvé gravée une liste des rois d’Égypte où est le nom du grand Sésostris, sous lequel doit avoir vécu Moïse, et de sa fille, qui régna après lui.


 

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