Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'hypocrite

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Parmi les bruits semés sur les Églises fidèles qui se fondent et s'affermissent de nos jours, un des plus accrédités est que «ceux qui s'en mettent, ou qui font semblant d'en être, reçoivent bientôt et facilement des secours d'argent ou de protection, qui se calculent et se prolongent en proportion de leur assiduité aux Assemblées des frères.»

Cette opinion a probablement découlé du fait, que LES CHRÉTIENS S'AIMENT D'UNE AFFECTION SINCÈRE, et qu'ils exercent entre eux la charité, quant aux biens temporels et spirituels que le Seigneur leur confie.

Un ouvrier, qu'il ne convient de désigner que par le nom de Rusard, n'avait pas fait cette réflexion; et, ne voyant dans le bruit public que ce qui s'accordait avec la bassesse de ses sentiments, il résolut de feindre de la religion, et de faire quelque temps le saint, afin d'«accrocher», comme il pensait, une certaine somme, dont il avait besoin pour payer une mauvaise dette, qui pouvait l'exposer à l'infamie.

Il combina donc quelques ruses qui lui parurent infaillibles; et quand il crut avoir assuré la pleine réussite de son projet, il ne songea qu'à l'accomplir.

Il eut bien quelque effort à faire pour cela. Tout abject qu'il était dans ses sentiments, il n'était rien moins que supérieur au qu'en-dira-t-on; et la crainte d'être raillé et bafoué par les polissons qui insultaient ceux qui se rendaient aux Assemblées des frères, le retint quelque temps. Enfin, l'avidité l'emporta sur la faiblesse; et, après s'être armé de toute sa résolution, il s'achemina, mais d'abord de nuit, vers l'une de ces Assemblées.

En entrant dans l'église, il eut bien soin de revêtir l'extérieur de la dévotion, et de se placer de manière qu'il fut remarqué. Durant tout le service, et surtout pendant la prédication, il faisait certains gestes de tête, et poussait des soupirs, comme s'il eût été pénétré de ce qu'il entendait; et, en sortant de l'église, il prit une démarche et une expression de visage qui semblaient dire: «Voyez comme je suis ému.»

Ses parents et ses connaissances s'aperçurent de cette trahison. «Tu vas vers ces religionnaires, lui dit-on: veux-tu devenir un fou, ou un tartufe?» — «Il n'y a rien que d'excellent là-dedans, répondit-il d'un ton dévot; et si vous m'en croyez, vous en ferez tout autant que moi.» — Et pour soutenir son dire, il prit un certain air grave, et porta dans sa poche un livre de prières, qu'il avait bien soin aussi de tenir à la main, quand il entrait à l'église.

Rusard continua ce manège pendant quinze jours, malgré tout l'ennui qu'il y trouvait; car, pour se rendre à l'Assemblée, surtout le dimanche, il fallait manquer au rendez-vous du cercle ou du cabaret, et se soumettre à entendre de longs prêches, auxquels son cœur double et très éloigné de Dieu, ne pouvait trouver aucun plaisir.

«Mais, se disait-il pour s'encourager, c'est par cela qu'on commence. Encore quelques semaines, et j'aurai mon affaire.» Et afin de l'obtenir plus sûrement, il chercha quelque relation avec deux ou trois habitués de la même église, qu'il aborda, soit en s'y rendant, soit au retour, et avec lesquels il fit semblant de chanter les cantiques sur le même livre.

«Peut-on parler facilement à votre pasteur?» demanda-t-il un jour à l'un de ces compagnons de route. On lui répondit qu'il n'avait qu'à se présenter chez lui pour être reçu; et dès le jour suivant il vint frapper à sa porte.

La personne qui l'ouvrit s'informa du but de sa visite; et il déclara qu'il avait besoin de voir le pasteur pour un entretien de religion. Aussitôt, il fut admis par le ministre du Seigneur, qui lui demanda, avec affabilité, quel était le sujet qui l'amenait vers lui.

Rusard soupira, en disant qu'il n'était pas heureux dans son âme; que ses péchés l'empêchaient de dormir, et qu'il venait chercher quelque bon conseil. Il ajouta, aussitôt, qu'il fréquentait l'Assemblée des frères depuis plusieurs semaines, et qu'il avait fort envie d'en être.

Le ministre crut remarquer dans la manière dont Rusard s'exprimait, et dans toute l'habitude de sa personne, quelque chose d'incertain et de calculé; mais il repoussa le soupçon qui s'élevait dans son cœur; et, après un entretien plein de bonté et de patience, où il expliqua l'Évangile de la Grâce de Dieu, il exhorta Rusard à tourner sincèrement son cœur vers les choses du ciel.

«Mais prenez garde à votre démarche, lui dit-il cependant, et avec beaucoup de solennité. Que votre cœur soit droit devant le Seigneur.

- Examinez bien si quelque intérêt de ce monde ne vous séduit point; et si réellement vous désirez connaître Dieu et son grand amour envers nous.

- Ne vous méprenez pas sur vos intentions.

- Si vous cherchez en effet le Royaume des cieux, vous trouverez la bénédiction de l'Éternel; mais c'est sa colère que vous rencontrerez, si vous marchez dans une voie ténébreuse.

- Adressez votre âme à Jésus, et vous vivrez. Je vous l'ai montré: Qui croit en lui, a la vie éternelle.»

Rusard protesta que c'était son seul désir; il fut touché; il pleura même; et en quittant le pasteur, il lui demanda la permission de le revoir encore.

Cependant tout se bornait, jusqu'alors, à se trouver quatre fois, au moins, chaque semaine à l'église, ce qui était beaucoup pour un paresseux et un ivrogne qui auparavant n'y mettait les pieds qu'aux grandes communions.

Il lui fallait aussi recevoir, et faire semblant d'avoir lu, certains petits livres ou traités de religion, auxquels il ne comprenait rien, parce qu'il détestait ce qui s'y trouvait renfermé.

Ce n'était pas ce qu'il fallait à ce misérable: c'était de L'ARGENT qu'il cherchait, et non pas le CIEL.

Son créancier l'inquiétait: les mensonges étaient connus, les défaites épuisées, et le jour approchait auquel tout délai devait finir. Ne pouvant donc plus attendre sa solde, et jugeant d'ailleurs qu'il avait écouté bien assez de sermons pour recevoir quelque chose, il vint frapper à la porte de la charité des chrétiens, avec les mots de persécution, et de martyre.

Il parut donc plus sérieux que de coutume, et prit un air triste, et abattu; et comme un de ceux qu'il avait abordés plusieurs fois en se rendant à l'Assemblée, lui demandait le sujet de cette tristesse, il se fit arracher l'aveu de la contradiction qu'il avait rencontrée depuis qu'il s'était mis de la Société. Il raconta, en plaignant les pauvres mondains qui le persécutaient, comment on lui avait retiré l'ouvrage; et comment un de ses parents, qui était un homme à moyens, lui avait déclaré, qu'il était rayé de son testament, puisqu'il avait changé de religion. Mais, ajouta-t-il, qu'est-ce que tout cela, quand il s'agit du salut de notre âme, et de montrer qu'on est un élu?

«Vous feriez bien, lui répondit le crédule auditeur de cette histoire, de parler de tout cela à notre pasteur: car si vous souffrez pour le Nom du Seigneur Jésus, il est de notre devoir de vous soulager.»

«Ah! je suis trop heureux, reprit modestement Rusard, de supporter quelque ennui pour le Nom du Seigneur; et je me garderai bien de charger les frères. D'ailleurs, on dirait bientôt que c'est pour de l'argent que je les fréquente; et j'ai trop de sincérité, pour m'exposer à une telle calomnie.»

«Voulez-vous, lui dit-on, que j'en parle moi-même?» — Rusard y consentit, quoiqu’avec peine; et sur l'invitation qu'il reçut du pasteur, il vint lui faire le même récit qu'il avait déjà produit.

Malheureusement pour cet hypocrite, le pasteur était un homme prudent, et qui connaissait, par la Parole de Dieu, quelle est la duplicité du cœur d'un méchant et d'un avare.

Rusard fut requis de donner les détails de sa malheureuse affaire; ce qu'il ne put faire sans imaginer une suite de mensonges qui ne furent rien moins que d'accord entre eux; tellement que le pasteur eut l'évidence de la basse fourberie de ce coupable ouvrier, qu'il voulut confondre et reprendre sévèrement.

Il lui donna donc un nouveau rendez-vous; et après avoir acquis, par de sûres informations, les preuves matérielles de la honteuse menée de Rusard, il l'attendit à l'heure indiquée.

«J'aurai mon argent, se disait Rusard, en s'approchant de la maison du pasteur. Ces bons frères me l'auront recueilli; et ce ne sera pas le dernier que je leur accrocherai.»

«Vous avez donc beaucoup souffert, lui dit de nouveau le pasteur, en le regardant fixement; et vous dites que c'est pour le Nom de Jésus?»

«Il n'y a que moi qui sache, répondit Rusard, quels traitements j'endure, même de la part de mes amis et de ma famille. Mais je veux être fidèle,... et porter la croix.»

«Hé bien, prenez cette lettre, poursuivit le pasteur: vous l'ouvrirez chez vous; et que Dieu veuille vous faire, par elle, tout le bien que je souhaite qu'elle vous procure.»

Rusard remercia mille fois le ministre de sa grande charité pour un frère. Il répéta combien il était heureux d'entendre de si beaux sermons, et de fréquenter les enfants de Dieu; puis il se hâta de sortir, pour aller ouvrir la lettre, dans laquelle il allait trouver quelque bon billet.

Il y trouva trois choses également bonnes:

1°Les preuves de son hypocrisie.

2° Une sérieuse remontrance.

3° Ces mots de la Bible:

Retire-toi de ceux qui estiment que la religion est un moyen de gagner de l'argent. 1 Tim. VI, 5.


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Si quelqu'un enseigne autrement, et ne s'attache pas aux salutaires paroles de notre Seigneur Jésus-Christ, et à la doctrine qui est selon la piété,

Il est enflé d'orgueil, il ne sait rien; mais il a la maladie des contestations et des disputes de mots, d'où naissent l'envie, les querelles, les médisances, les mauvais soupçons,

Et les vaines discussions de gens qui ont l'esprit corrompu, qui sont privés de la vérité, et qui regardent la piété comme une source de gain. SÉPARE-TOI DE CES GENS-LÀ.

Or, c'est un grand gain que la piété avec le contentement d'esprit.1 Tim VI, 3-6



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