Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

N° 1

Viens, Seigneur Jésus!

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Sermon

pour le premier dimanche de l’Avent.

Amen! Seigneur Jésus, viens!

Apoc. XXII, 20.


Bien-aimés frères,

Ceux d'entre vous qui se servent du calendrier biblique ou du livre de textes des frères moraves, et sans doute bien d'autres encore savent que c'est aujourd'hui le premier dimanche de l'Avent; ils savent aussi qu'on appelle Avent, c'est-à-dire approche, arrivée, le temps pendant lequel l'Église se prépare à célébrer dans la fête de Noël la venue du Sauveur, de même que nous comptons avant Pâques les sept semaines de la Passion, de même ce n'est pas de trop de penser quatre semaines d'avance au don que Dieu nous a fait de son Fils, afin de nous disposer à bien recevoir celui qui au premier Noël est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, et qui à chaque nouveau Noël vient à nous pour nous bénir.

Le Seigneur Jésus vient à nous de bien des manières différentes: par les événements de l'histoire et les destinées de son Église, par les bienfaits dont il nous comble, les épreuves qu'il nous dispense, et les appels qu'il nous adresse, mais aussi et en particulier par les cultes et les fêtes chrétiennes qu’il nous invite à célébrer. De sorte que nous pouvons toujours, dans un sens ou dans un autre, le prier de venir à nous et nous préparer à bien le recevoir; et que ce n’est pas trop de le lui dire quand il s'agit pour nous de ce temps précieux de l'Avent, si nous voulons célébrer d'une manière qui lui agréable et qui soit bénie pour nos âmes les belles fêtes de Noël qui s'approchent.

Faisons-le donc aujourd'hui de tout cœur!

Nous pouvons le lui dire avec d'autant plus de liberté et de confiance que, dans plusieurs passages remarquables de l’Écriture, le Christ, le Messie annoncé par les prophètes, par les Juifs et manifesté dans la personne du Seigneur Jésus, est appelé tout simplement celui qui vient.

Nous lisons au commencement du chapitre troisième du prophète Malachie: Voici, je vais envoyer mon ange, et il préparera le chemin devant moi; et aussitôt le Seigneur que vous cherchez, l’ange de l’alliance que vous attendez, entrera dans son temple; voici, il vient; dit l'Éternel des armées (Mal. III, 1.).

Et nous savons que d'après cette prophétie on s'était accoutumé, dans le langage religieux des Juifs, à désigner le Messie impatiemment attendu, par cette expression: celui qui vient, ou plus exactement encore: le venant!

Et précisément nous nous rappelons à ce sujet une parole de Jean-Baptiste. Du fond de la

prison où Hérode le tenait enfermé, il se scandalisait de ce que Jésus n'accomplissait pas l’œuvre du Messie telle que lui, Jean-Baptiste, se la représentait d'abord; de ce que, au lieu de détruire le pouvoir des ennemis d’Israël pour établir le Royaume de Dieu à Jérusalem et dans le monde, il se bornait à parcourir les villes et les bourgades de la Galilée en prêchant l'Évangile et en guérissant des malades.

Il en était arrivé dans son découragement à se demander si peut-être le Jésus qu'il avait salué et introduit comme le Messie auprès du peuple ne serait encore qu'un précurseur comme lui; et il envoya deux de ses disciples pour lui poser cette question positive: Es-tu celui qui doit venir, c’est-à-dire celui qui vient, le venant, le Messie définitif, ou devons-nous en attendre un autre? (Matth. XI, 3.)

Et dans l'Apocalypse, partout où il est question de celui qui est, qui était, et qui sera (Apoc. I, 4. 8.), il faudrait pour être exact traduire: et qui vient! Ne nous en étonnons pas, mes frères, car la venue de Christ dans le monde est le grand ressort, et l'on peut dire la raison d'être de l'histoire de l'humanité, qui pourrait se résumer dans ces quatre mots:

LE CHRIST VENAIT

ET IL EST VENU;

IL VIENT ET IL REVIENDRA.

Le Christ venait: c'est toute l'histoire de l’ancien monde. La formation et la succession des grandes monarchies antiques jusqu'à l'extension de la civilisation grecque et l'établissement de l’empire romain, la longue série des révélations divines pendant la période patriarcale, celle de la Loi et des prophètes, aboutissant enfin à former un milieu où le Christ pourrait naître, vivre et mourir, la promesse et l'attente toujours plus précise de la venue du Messie chez les Juifs et même chez les païens, tout cela n'était au fond que la préparation de cette venue. À travers toutes les complications de cette histoire, le Fils de Dieu se frayait les voies, se rapprochait de l’humanité, et venait à elle d'une manière spirituelle et invisible.

Et quand les temps furent accomplis (Gal. IV, 4.), lorsqu’il y eut d'une part une famille où il pouvait être élevé, un peuple où il pouvait être reçu au moins par quelques-uns, et d'autre part des circonstances extérieures favorables à la propagation de son Royaume, alors le Fils de Dieu vint dans le monde.

Il vint chez les siens, il naquit à Bethléem, fut élevé à Nazareth, prêcha l'Évangile, groupa

des disciples et fonda son Royaume, Il vint chez les siens, mais les siens ne le reçurent pas (Jean I, 11.); lui qui était le Messie promis, la révélation vivante du Père, la vie éternelle s'offrant au monde perdu, il fut repoussé, crucifié, et au lieu de pouvoir établir immédiatement son Royaume ici-bas, il dut remonter dans le ciel, n'ayant pu en jeter que les fondements par son œuvre de salut accomplie.

Mais il n'a pas pour cela et dès lors renoncé à venir dans l’humanité.

Au contraire, du haut de la gloire céleste où il est rentré, il prépare sa venue glorieuse et définitive telle qu'elle aura lieu au dernier jour. Toute la direction qu'il donne à l'histoire du monde moderne et aux développements de son Église n'est qu’une VENUE PROGRESSIVE, SPIRITUELLE ET INVISIBLE AUX YEUX DE LA CHAIR, mais tout aussi réelle que celle par laquelle il préparait les voies à son incarnation.

Et c'est là le sens de la déclaration solennelle par laquelle il répondit à l’adjuration de Caïphe: Dès maintenant vous allez voir le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance divine et venant sur les nuées du ciel (Matth. XXVI, 64).

Par la prédication de sa parole, par l'action de son Esprit, par les appels de sa grâce, par son intervention dans la marche des événements, il revient dans le monde, et quand de nouveau les temps seront accomplis, quand son Évangile aura été prêché à toutes les nations (Marc XIII, 10) et aura comme un levain transformé toute l'humanité, cette venue progressive, spirituelle et invisible, aboutira à son apparition manifestée et à son glorieux retour,

Alors il viendra sur les nuées, et tout œil le verra, même ceux qui l'ont percé (Apoc. I, 7.); il enverra ses anges pour rassembler ses élus (Marc XIII, 27.), les morts ressusciteront (1 Corinth. XV, 52.), les vivants seront transformés et le Seigneur se réunira aux siens pour les faire vivre avec lui dans la félicité éternelle de son Royaume enfin réalisé.

Et c'est ainsi que toute l’histoire du monde se divise en deux périodes signalées chacune une venue du Fils de Dieu, lente, progressive, spirituelle et par conséquent invisible, mais aboutissant chacune à son apparition visible: la première, pendant laquelle il venait et au terme de laquelle il est venu; la seconde, pendant laquelle il revient et au terme de laquelle il reviendra.

Le Seigneur est donc celui qui vient.

Et c'est pourquoi l’Esprit et l’Épouse peuvent lui dire: Viens! et quiconque l’entend, peut lui dire également: Viens! (Apoc. XXII, 17.)

Mais cette prière instante signifie deux et même trois choses.

Oui, l’Église du Seigneur, en butte ici-bas à toutes sortes de luttes extérieures et de misères intimes, soupire après la venue glorieuse et définitive de son divin chef, qui la délivrera de toutes ces souffrances et la purifiera de toutes ces misères; et elle appelle de

tous ses vœux le moment béni où il reviendra sur les nuées pour la faire régner avec lui dans la félicité éternelle.

Mais, comme nous savons bien que le Seigneur Jésus ne reviendra dans la gloire que lorsqu'il aura, PAR LE TRAVAIL FIDÈLE DE SES DISCIPLES, pris réellement possession de l'humanité tout entière, cette prière doit donc signifier d'abord:

Viens par ta parole et par ton Esprit;

Viens par le témoignage de tes enfants, établir ton règne dans les coeurs, afin que tu puisses bientôt le réaliser par ta venue glorieuse!

Et enfin, comme nous ne saurions réellement et sincèrement demander au Seigneur d'agir sur les autres pour qu'ils travaillent à l'avancement de son règne, sans que nous nous mettions nous-mêmes à son service afin d'y travailler nous-mêmes, cette prière doit signifier en même temps dans notre bouche:

Viens à moi, Seigneur Jésus;

Viens en moi par ton Esprit;

Viens prendre possession de mon cœur et de ma vie, afin que je puisse, que je sache et que je veuille contribuer selon mes forces, selon ma tâche et selon les circonstances où je suis placé, à réaliser ta venue dans le monde et à hâter ta venue dans la gloire!

Mais nous avons rappelé que le Seigneur vient à nous de bien des manières et dans bien des circonstances différentes. Et aujourd'hui, dans ce premier dimanche de l’Avent, ce que nous désirons surtout avoir en vue, c'est que le Seigneur va venir à nous d'une manière toute spéciale et dans un sens tout particulier par la fête même de Noël que nous nous apprêtons dès maintenant et qu’il nous invite lui-même à célébrer.

Or il pourrait sembler superflu de lui demander de venir à nous dans cette fête de Noël, car c'est bien évidemment sa volonté. Mais nous savons bien aussi que, pour qu'il vienne réellement à nous, il faudra que nous le recevions; et notre prière qu'il vienne à nous consistera donc, si nous sommes sincères, à lui demander qu'il nous dispose à le recevoir.

Dire: Seigneur Jésus, viens! c'est lui dire:

Dispose et prépare nos coeurs, afin qu'en ces fêtes de Noël qui s'approchent tu puisses venir habiter en nous et te manifester dans la grâce que révèle ton nom de Seigneur Jésus.

Nous avons besoin, mes frères, de nous rappeler que celui qui va venir à nous d'une manière spéciale dans la fête de Noël, par sa parole, par son Esprit, par les bénédictions de sa sainte table, c'est Jésus, c'est-à-dire le Sauveur!

Nous avons besoin de nous rappeler qu'il nous a sauvés en droit par son œuvre de rédemption,

et

qu'il veut nous sauver en fait, en nous en communiquant les fruits.

Sentir combien nous sommes de pauvres pécheurs, combien nous avons besoin de pardon pour effacer toutes nos fautes, ce sera la meilleure manière de nous disposer à recevoir Jésus et c’est là le sentiment que nous devons le prier de vivifier en nous, si nous voulons qu’il puisse réellement venir à nous en sa qualité de Sauveur.

Nous l’invoquons en même temps comme Seigneur, c'est-à-dire comme celui voulons servir. Et nous avons besoin en effet de le recevoir plus réellement comme le Maître à qui nous appartenons, et pour qui nous devons vivre.

Tout chrétien que nous sommes, il y a dans nos coeurs et dans notre vie bien des choses qui ne s'accordent pas avec son service;

IL NE RÈGNE PAS SANS PARTAGE sur nos affections; nos actions et nos paroles ne sont pas toutes à sa gloire.

Si nous voulons le recevoir, si nous voulons qu’il puisse réellement venir à nous comme le Seigneur Jésus, il faut que son Esprit nous y dispose, et c'est là le sentiment que nous devons le prier de vivifier en nous.

Besoin du pardon et de la paix de Jésus le Sauveur, désir d'une consécration plus fidèle au service de Jésus le Seigneur, telles sont les dispositions avec lesquelles nous pourrons réellement dire au Seigneur Jésus: Viens!

Est-ce que les conférences auxquelles bon nombre d'entre nous ont assisté, et où nous

avons entendu parler du péché, de la rédemption et de la vie nouvelle, n'auraient pas déjà

éveillé dans nos cœurs ce double désir d'un pardon plus complet et d’une fidélité plus grande?

Est-ce que le simple fait que nous entrons aujourd'hui dans les semaines de l’Avent, et que Noël s'approche ne suffirait pas à nous rappeler que le Seigneur Jésus vient à nous, et que, pour qu'il vienne réellement à nous, il faut que nous nous

apprêtions à le recevoir comme le Seigneur Jésus?

C'est là maintenant pour nous la seule vraie manière, le seul sens réel qui puissent nous permettre de répéter avec espoir d'exaucement la prière constante et instante de l'Église: Seigneur Jésus, viens!


Car si nous le lui demandons ainsi, chacun en particulier pour soi et tous ensemble les uns pour les autres, si pendant ces semaines de l'Avent, nous nous préparons ainsi à célébrer à Noël la venue du Seigneur Jésus dans le monde et dans nos coeurs, cette petite portion de son Église que nous sommes en sera vivifiée, et nous pourrons alors, un peu mieux que nous ne l'avons fait jusqu'ici, travailler à réaliser la venue progressive et spirituelle du Seigneur Jésus dans son Église et dans le monde, et par là hâter un peu aussi sa venue glorieuse pour son Église et pour le monde.

Puisse-t-il en être ainsi pour nous tous!

Le Locle, 27 novembre 1904.


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