Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'égalité des pécheurs

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«Il n'y a point de différence, puisque tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu.» (Rom. III, 22.)


Les hommes se trouvent placés dans des circonstances morales si diverses, qu'il doit nécessairement y avoir entre eux une grande diversité morale.

Les païens, dont parle saint Paul en tête de son épître, livrés au culte le plus dégradant, écrasés sous le joug de castes oppressives, égarés par les fausses lumières de leurs sages, n'étaient pas en des conditions analogues à celles des Israélites, dépositaires des oracles du Dieu vivant.

De nos jours, les peuples chrétiens ont des prérogatives incontestables; et, parmi ces peuples, il en est qui sont particulièrement favorisés. Aussi, à partir des pays où l'Évangile est en général prêché dans sa pureté, et en traversant ceux où il est comme étouffé sous le poids des superstitions, pour arriver chez les peuples encore idolâtres, quelles différences ne remarquerons-nous pas dans le développement du sens moral.

Sans doute qu'il n'est pas besoin d'être né à la Nouvelle-Zélande pour avoir du penchant à la cruauté, ni en Turquie pour être voluptueux, ni dans les Indes pour savoir mentir. Sans doute que, si l'on fait la part des circonstances, le pécheur de la Chine n'est pas plus pécheur que celui du canton de Vaud, ou de la France. Toutefois, on ne saurait dire qu'aux yeux de l'homme il n'y ait pas de différence entre eux.

Il faut convenir encore qu'au sein de circonstances toutes semblables, on voit des hommes qui sont loin de suivre la même route. Un individu rangé, laborieux et moral, comme le fils aîné de la parabole de l'Enfant prodigue, devra toujours nous paraître fort supérieur à celui qui dissipe son bien dans la débauche.

Il est des gens qu'on appelle honnêtes et qui le sont au sens qu'on entend; il en est d'autres dont le cœur est décidément perverti. Là, règnent la probité, les affections décentes, une certaine vertu; ici, la fraude, la licence et souvent le crime.

Ces différences sont considérables assurément, et quelquefois elles existent entre des personnes qui ont reçu, de tous points, la même éducation religieuse et morale, et qui furent placées dans des positions parfaitement semblables.

Qu'on les attribue à la diversité des caractères, ou à d'autres causes internes, peu importe; nous avons toujours en résultat, et aux yeux de l'homme, des différences marquées entre les pécheurs.

Lors donc que nous parlons de l'égalité des pécheurs, nous parlons, non pas de ce qu'ils nous paraissent à nous, mais de ce qu'ils sont devant Dieu.

Et là-dessus encore, il faut éviter de se faire des idées qui seraient erronées. Pour expliquer l'égalité de tous devant Dieu, l'on se sert quelquefois de la comparaison d'un homme qui, placé sur une haute montagne, voit disparaître à ses yeux les inégalités de la plaine. Cependant, c'est à cause de la faiblesse de ses organes que les collines se confondent ainsi avec les vallées.

Mais Dieu qui discerne toujours toutes choses, «car rien n'est caché devant ses yeux,» Dieu pourrait-il ne pas voir les différences réelles qui existent d'homme à homme? Pourrait-il surtout ne pas voir et apprécier les différences que sa grâce a mises entre eux?

«Convertissez-vous,» nous dit-il, «et vous verrez la différence qu'il y a entre le juste et le méchant, entre celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert point.»

Et ailleurs: «Qui est-ce qui a mis une différence entre, toi et un autre? Qu'as-tu que tu ne l'aies reçu, et si tu l'as reçu, pourquoi te glorifies-tu comme si tu ne l'avais pas reçu?»

Mais il est manifeste, mes frères, que, si Dieu voit mieux que nous-mêmes toutes les différences, il voit aussi mieux que nous les ressemblances, et dans mon texte, saint Paul parle de l'homme, abstraction faite de ce que l'Esprit de Dieu peut avoir produit en lui de vie nouvelle. Il fait pareillement abstraction de la diversité des circonstances, et même de celle des caractères. Il envisage ce qu'il y a de commun entre tous, et il y voit un fond de péché qui l'autorise à prononcer cette parole:

«Il n'y a point de différence; tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu.»

Il ne s'agit donc pas d'établir que tous ont commis exactement les mêmes péchés, ou que tous les péchés sont égaux, ou qu'à fin de compte la balance du mal est la même pour tous. L'Écriture nous dit que «TOUS N'ONT PAS PÉCHÉ PAR UNE TRANSGRESSION SEMBLABLE À CELLE D'ADAM.»

Elle nous déclare en outre qu'au jour du jugement il en est «qui seront traités plus rigoureusement que d'autres.»

Malgré ces réserves, il ne demeure pas moins vrai (et c'est ici la doctrine de l'Apôtre), premièrement, que tous sont pécheurs, transgresseurs de la loi et porteurs du péché dans leur sein. Quand il y aurait des différences au sujet des péchés commis, de leur nombre et de leur gravité, il serait difficile, pour le moins, d'établir une différence relativement à l'inclination naturelle au péché, inclination commune à tous.

En second lieu, à ne considérer que les péchés commis, tous les hommes, même les moins coupables, le sont assez devant Dieu pour mériter d'être exclus de sa gloire dans l'éternité.

Enfin la doctrine de saint Paul renferme cet autre principe, que, déjà dans ce monde, et VU NOTRE ÉTAT ET NOTRE VIE DE PÉCHÉ, LA GLOIRE DE DIEU N'EST PAS NATURELLEMENT EN NOUS.

Je ne me propose pas, mes frères, de reprendre chacune de ces idées et d'en montrer séparément la vérité. Je les réunis toutes dans cette seule affirmation: Nous tous qui sommes ici, nous sommes de grands pécheurs.

Ce sera dire assez qu'il en est de même de tous les hommes. En généralisant ainsi l'accusation, aurai-je trouvé le moyen de vous la faire trouver moins dure? Et dans tous les cas n'entreprends-je pas une tâche à la fois bien difficile et bien ingrate?

Mes frères, je m'efforce de vous être utile, encore plus qu'agréable. Je vous dois la vérité, parce qu'elle seule peut vous sauver tout en glorifiant Dieu, et j'espère qu'il me sera donné de ne pas y faillir. Quant à la difficulté de mon entreprise, je ne me la dissimule pas. Demander au juge de se déclarer coupable de crime capital, et le lui demander au nom d'une loi qu'il ne reconnaît pas! quelle hardiesse! C'est la mienne, je le sens.

Il faut que, juges dans votre propre cause, vous en veniez à vous condamner vous-mêmes; et que, pour reconnaître votre crime, vous consentiez à mettre de côté la morale que vous vous faites, pour accepter celle qui vient de Dieu!

Ah! mes frères, oserais-je seulement essayer, si je ne comptais beaucoup sur la puissance de la vérité et sur l'assistance du Seigneur et de son Saint-Esprit!

VOULEZ-VOUS CONNAÎTRE VOTRE ÉTAT RÉEL DEVANT DIEU? Il faut d'abord vous souvenir qu'il est plusieurs péchés, fort communs, qu'on regarde généralement comme peu de chose, et qui, selon Dieu, sont énormes. Tels sont la plupart des péchés de la langue.

«Les médisants n'hériteront point du royaume de Dieu.»

«La part des menteurs est l'étang ardent de feu et de soufre.»

«L'Éternel ne tiendra point pour innocent celui qui aura pris son nom en vain.»

Je n'ai pas à justifier la loi sainte de votre Créateur. Je pourrais vous dire que la médisance provient d'une absence totale de charité, que le mensonge est le fruit d'un entier oubli du Dieu de vérité, une sorte d'athéisme pratique, et enfin que le jureur blasphème et méprise Dieu. Mais je prends la loi telle qu'elle est. Je vous l'applique; et voilà déjà la médisance, le mensonge et les jurements; vos jurements, dis-je, vos mensonges et vos médisances, qui s'élèvent en témoignage contre vous.

N'avez-vous jamais médit, jamais menti, jamais pris le nom de Dieu en vain, ou même prononcé d'horribles imprécations?

Au nombre des péchés que le monde traite avec beaucoup d'indulgence, en comparaison surtout de ce que fait la loi de Dieu, il faut compter les péchés de la chair: l'impureté et le libertinage, l'ivrognerie, la gourmandise.

Il est dit aussi des impurs, des ivrognes et des gourmands, gens «qui font de leur ventre leur dieu, qu'ils n'hériteront point de la vie éternelle.»

Or, remarquez, mes frères, que, d'après l'Écriture, s'il y a une différence très réelle entre les péchés d'habitude et ceux qui sont l'effet d'une tentation inopinée, en sorte que les premiers sont le propre des pécheurs non convertis, et les seconds, seulement le fait possible et trop fréquent sans doute des pécheurs reçus en grâce; toutefois la condamnation n'est pas prononcée contre l'habitude du péché, mais contre le péché, n'eût-il été commis qu'une fois. Cette observation faite, redites-vous bien que l'impureté, l'ivrognerie, la gourmandise sont des péchés déclarés énormes par la Parole de Dieu; et jugez-vous vous-mêmes.

Mais un péché surtout auquel on ne prend pas trop garde, péché qui est moins un acte particulier, qu'un péché renfermé dans tous ceux dont je viens de parler et dans quelques autres encore, c'est le scandale.

Mal d'une portée immense, mal irréparable, mal anathématisé d'une manière si redoutable par le Seigneur, le scandale est une semence de péché jetée dans les âmes, et par conséquent c'en est le meurtre; et de quelle mort terrible ce meurtre n'est-il pas la cause? Aussi est-il écrit:

«Malheur à celui par qui le scandale arrive; car il vaudrait mieux pour lui qu'on lui mît au cou une meule de moulin et qu'on le jetât dans la mer.»

Or, mes frères, à supposer que vous vous soyez repentis de vos mensonges, et de vos jurements, et de vos excès; à supposer que vous en soyez parfaitement corrigés et que par là vous ayez réparé, autant qu'il était en vous, vos souillures et vos méchancetés; comment ferez-vous, je vous en prie, pour retirer de leur perdition les personnes que vous avez entraînées par votre exemple, ou séduites par vos tentations, et dont plusieurs ont déjà comparu devant le tribunal de Christ! Ce péché! ah! ce péché du scandale! qui ne l'a pas à sa charge?

Les meilleurs et les plus saints d'entre vous ont, à cet égard, le plus lourd fardeau; car plus votre piété est généralement reconnue, plus vos péchés, même légers, sont pour un grand nombre de personnes, des occasions de chutes, et de chutes mortelles.

Voilà donc, mes frères, un premier point: des péchés fort communs et pourtant très-considérables.

En voici d'autres qui se commettent encore plus universellement, et dans lesquels il n'y a pas moins de gravité. D'ordinaire, on ne dit pas qu'un péché soit commis s'il ne s'est produit au-dehors par des paroles ou par des actes.

Mais on oublie qu'il s'agit ici du jugement de Dieu, et qu'à ses yeux nos pensées sont des actes, aussi bien que nos paroles et nos actions proprement dites.

On oublie que ce qui constitue l'homme essentiellement, c'est la pensée. Quelqu'un pourrait être privé par une maladie de l'usage de tous ses membres, ne plus être en état de communiquer avec personne, sans cesser d'avoir, dans son âme, toute une activité, ou si l'on veut toute une vie avec Dieu, mais aussi toute une vie loin de Dieu.

Or faudra-t-il vous rappeler, mes frères, ce qu'il est dit des regards de convoitise, qu'ils sont l'adultère dans le cœur? Et de la haine, qu'elle équivaut au meurtre?

Faudra-t-il vous faire entendre que tous les péchés dont vous avez entretenu et caressé la pensée, que tous ces péchés dont vous ne vous êtes abstenus peut-être que pour n'avoir pu ou osé les réaliser, ou bien encore par le seul motif de votre intérêt mieux compris, faudra-t-il, dis-je, vous faire entendre que tous ces péchés sont autant de péchés commis?

Écoutez, mes frères, ce que je pourrais en quelque sorte appeler une parabole.

Un homme sortit un soir de sa demeure, ayant avec lui tout ce qu'il fallait pour exécuter de sinistres projets. Dans la journée, il a vu comment il pourrait, avec succès, mettre le feu à la maison de son ennemi; mais préoccupé par sa passion, il n'a pas remarqué certains matériaux, bois ou pierres, que des voisins avaient déposés tout près de sa porte. C'est le moyen que Dieu a préparé pour empêcher l'exécution du crime. Ah! que de péchés qui avortent ainsi par une bonne et patiente providence, sans que les hommes le sachent!

Le malheureux dont je vous parle se lève donc de son lit au milieu d'une nuit obscure, telle qu'il la lui faut. Mais cette obscurité même est ce qui trompe ses espérances criminelles. Il se heurte, il tombe, il se blesse dangereusement. On vient à ses cris et on le replace sur sa couche. Il se garde bien, vous le comprenez, de dire pour quelle cause il s'était trouvé hors de chez lui. Cependant son mal empire, et il meurt sans s'être converti.

Eh bien, mes frères, qu'en pensez-vous?

Cet homme ne sera-t-il pas, au tribunal de Dieu, jugé comme incendiaire? LE PÉCHÉ N'A-T-IL PAS ÉTÉ COMMIS DANS SON MAUVAIS CŒUR?

Après cela, pensez aux vœux détestables que vos haines, vos jalousies, votre avance vous ont si souvent inspirés; pensez aux désirs coupables que vos passions fomentent et entretiennent en vous, à la complaisance avec laquelle vous nourrissez le souvenir des jouissances criminelles que vous procurent vos ressentiments, votre malignité, vos goûts sensuels; et puis, vous commencerez, je crois, à reconnaître que vous êtes tous, en effet, de grands pécheurs devant Dieu.

Ce qui affaiblit souvent en nous l'humiliation que de telles considérations devraient produire, c'est que nos péchés passés nous semblent comme nuls et non avenus. Quand vous pouvez dire de quelques-unes de vos fautes: Oh! il y a bien longtemps de cela; j'étais alors fort jeune, ma manière de voir a beaucoup changé depuis, et je ne le referais sûrement pas; mais surtout, quand vous pouvez parvenir à oublier tout à fait les péchés que vous avez commis (et quelle multitude s'en est effacée de votre souvenir!), vous vous tenez pour justifiés ou du moins pour acquittés par votre juge. Mais ce juge, ne le perdez pas de vue, c'est Dieu et non pas vous.

En nous parlant d'un livre où tout est écrit, la Révélation nous enseigne que rien ne s'efface de la mémoire de l'Éternel.

Pour vous il y a un passé, il n'y en a point pour lui. Oublier vos crimes n'est pas plus les annuler, qu'oublier une dette n'est la payer.

Que de fois le Seigneur, par les vengeances tardives que, dans ce monde même, sa justice souveraine exerce sur les coupables, n'a-t-il pas montré que, s'il se souvient de faire miséricorde à ceux qui invoquent sa grâce, que, s'il peut même «enfermer leurs péchés dans un sac et les jeter au fond de la mer,» aucune de nos iniquités les plus secrètes ne lui échappe et qu'il se réserve de les soumettre à son jugement.

«Il nous faut tous comparaître devant le tribunal de Christ, afin que chacun reçoive suivant le bien ou le mal qu'il a fait étant en son corps.»

Ce ne sont donc pas seulement les péchés dont nous nous souvenons, ni les derniers péchés commis par nous, qui nous seront alors représentés; mais tous ceux que nous aurons commis durant notre vie entière.

Faut-il rappeler des vérités si élémentaires?

Ne savons-nous pas, par expérience, que le souvenir de fautes oubliées depuis longtemps s'offre souvent à nous avec une vivacité telle, que c'est comme si nous venions de les commettre?

N'est-ce pas là ce qui explique bien des remords, bien des angoisses chez ceux qui s'obstinent d'ailleurs à ne pas confesser leurs péchés et à rejeter le salut?

N'est-ce pas ce qu'éprouvent surtout les pécheurs en qui le Saint-Esprit a produit la conviction du péché pour les amener à Jésus?

On m'a parlé d'un vieillard entre autres, dont la grâce divine toucha le cœur sur son lit de mort. C'était un homme honorable qui n'avait pas vécu plus mal que la plupart d'entre vous assurément. Il disait à ses enfants, peu de jours avant de les quitter pour aller vers son Sauveur: J'ai refait deux fois cette nuit, dans mon esprit, toute l'histoire de ma longue vie. Que de péchés et que de grands péchés! Mais ce qui m'étonne surtout, c'est de me rappeler si bien une foule de choses auxquelles je n'avais jamais repensé...

Ainsi, mes frères, dites-vous bien que tous vos péchés, quels qu'ils soient, et les plus anciens comme les plus récents, sont là, sur votre âme, bien que le souvenir que vous en avez soit si confus.

Ce sont des caractères de formes différentes et de nombre infini, qui s'entrelacent, se surchargent et composent un mot indéchiffrable à tout autre qu'à Dieu. Mais ce mot se lira une fois, et vous verrez alors qu'il est au fond le même pour tous: «Il n'y a point de différence, TOUS ont péché et sont exclus de la gloire de Dieu.»

J'ai tout dit, semble-t-il, et pourtant, sous un certain point de vue, tout me reste à dire:

Le péché, ce n'est pas seulement le mal commis, mais c'est encore LE BIEN NÉGLIGÉ ET LE MAL QUE NOUS AVONS LAISSÉ FAIRE.

Nos grands péchés sont moins peut-être dans la violation des défenses, que dans l'oubli des commandements.

Passez en revue tous vos devoirs et voyez si vous les avez remplis fidèlement, chaque Instant de votre vie.

Vous parlerai-je de vos devoirs envers le genre humain? mais vous me demanderez avec étonnement ce que je veux dire; et votre question prouvera, mieux que tous mes discours, vos péchés à cet égard.

Je serais mieux compris sans doute en vous parlant de vos devoirs envers votre patrie.

Quel est le Vaudois qui n'aime le berceau de ses pères et qui ne sente qu'il a des obligations à remplir comme membre du corps politique?

N'est-il pas vrai toutefois que vous exigez tout de votre pays, et que vous vous dévouez à son service le moins possible?

N'est-il pas vrai que vos droits de citoyen vous sont plus chers que vos devoirs?

N'est-il pas vrai que vous secouez autant que vous le pouvez toute responsabilité dans la chose publique, que ceux qui acceptent des emplois ne le font guère que parce qu'ils y trouvent leur compte de manière ou d'autre, et que, dans les nominations auxquelles tous prennent part, on consulte plus ses affections particulières que l'intérêt général?

Si de l'État nous passons à l'Église... !

Il se trouve que nul, pour ainsi dire, ne s'en occupe, à moins que des circonstances accessoires ne viennent mettre en jeu les passions.

Songe-t-on seulement qu'on appartient à une Église? et quand il s'agit de ce qui pourra la vivifier, n'est-on pas unanime à dire: Cela ne me regarde pas? Mais au moins l'on se sentira membre d'une famille.

Père, époux et maître, vous voudrez être comme les représentants de Dieu auprès des vôtres. À la fois sévères et bons, vous avez à cœur par-dessus tout que Dieu soit servi et glorifié dans votre maison.

L'âme de vos enfants vous est plus chère que leur corps; et leur salut, plus que le meilleur établissement.

Comme Booz, sans doute, vous bénissez chaque jour vos domestiques au nom de l'Éternel, et comme Lois et Eunice vous instruisez, dès leur enfance, vos Timothée dans les saintes lettres.

Toute votre famille, à votre exemple, comprend le sérieux de la vie. Elle ne se permet, en fait de plaisirs, que ceux qui n'éloignent pas du Seigneur; c'est à Lui que tous rapportent leurs occupations et la gloire de leurs succès;

enfin c'est en Lui que tous s'aiment, se supportent et se préviennent.

Que pensez-vous, mes frères, de cette peinture? Ne vous semble-t-elle pas une ironie?

Allons donc à autre chose, et puisqu'il y a tant de gens qui négligent leur famille pour leurs amis, voyons comment vous remplissez vos devoirs envers eux.

Ici, je laisse le monde vous faire lui-même votre procès.

Il dira que vous aimez vos prétendus amis, juste le temps où ils vous sont bons à quelque chose; que vous êtes des premiers à leur tourner le dos avec la fortune; qu'une fois empêchés par les circonstances de partager vos plaisirs, ils ne vous sont plus rien, et qu'à peine enlevés par la mort de la scène du monde, les voilà par vous tout oubliés.

Il dira que les amis se déchirent à belles dents, qu'ils se portent, dans l'occasion, tout le dommage que réclament leurs propres intérêts; mais ce qu'il ne dira pas et ce que je dois ajouter, c'est que vos amitiés ne vous enseignent sûrement pas à vous reprendre mutuellement de vos défauts, à vous encourager réciproquement dans l'amour de Dieu, à prier les uns pour les autres.

En bref, ce que les païens appelaient l'amitié, des chrétiens devraient le nommer, d'après l'Évangile, l'amour fraternel; et en remplissez-vous les devoirs?

Puisque vous traitez si souvent vos amis comme il n'est pas même licite de traiter ses ennemis, vous demanderai-je si vous vous acquittez des devoirs que Jésus-Christ vous impose envers ces derniers?

Les aimez-vous?

Les bénissez-vous!

Leur rendez-vous le bien pour le mal?

Priez-vous pour eux?

Il ne suffit pas de dire que vous ne leur en voulez pas; que vous leur pardonnez, que vous êtes prêts à faire quelque chose pour eux; surtout si vous ajoutez que vous ne voulez plus les voir, ni même en entendre parler.

Encore une fois, priez-vous pour eux?

Ce n'est pas grand-chose qu'une prière, pensez-vous peut-être; qu'est-ce que cela coûte et qu'est-ce que cela prouve après tout? Eh bien, cette petite chose, ce rien que Dieu vous demande pour vos ennemis, le leur donnez-vous?

Que vous dit, après cela, votre conscience sur la manière dont vous remplissez le devoir de la sympathie chrétienne.

Que vous sont les pauvres et les affligés, et que faites-vous pour ceux que le monde estime heureux?

Vous, jeunes gens, quels sentiments vous inspirent les vieillards! et vous, personnes âgées, quel genre de soins avez-vous de ceux qui sont plus jeunes?

Et pour tout dire, où sont parmi vous ceux qui vivent dans la pensée habituelle du devoir? Cette pensée ne vous est-elle pas plutôt importune? Les devoirs d'autrui à votre égard! oh! pour cela, vous y pensez beaucoup et trop; mais il s'agit de vos devoirs à vous.

Et quand on néglige son devoir envers ses frères, savez-vous bien ce qu'il en résulte, de coutume?

C'EST QU'ON DEVIENT INDIRECTEMENT L'AUTEUR DES PÉCHÉS QU'ILS COMMETTENT!

Oh! comme on oublie volontiers cet article du compte que nous aurons à rendre!

Voyez ce Ruben qui se vante d'avoir pris le parti de Joseph, quand il est démontré qu'il le défendit trop faiblement. S'il eut parlé comme il le devait, peut-être eût-il prévenu le crime. Voyez le sacrificateur Héli de quels désordres et de quel châtiment sa faiblesse pour ses coupables fils ne fut-elle pas cause?

Voyez enfin Pilate qui, traître à son devoir de magistrat, cède aux cris de la multitude celui qu'il déclare lui-même innocent de tout mal.

Évaluez donc, si vous le pouvez, le nombre et la gravité des péchés que vous auriez pu prévenir et que votre lâcheté a commis par d'autres mains; vous par vos enfants, vous par votre femme, vous par vos domestiques, vous par vos administrés, vous par vos paroissiens, vous par vos amis et vos frères, et vous vous effraierez, je m'assure, de l'énorme dette que vous avez contractée dans cette solidarité qui unit à ceux qui font le mal tout individu qui le tolère.

Cette fois, sans doute, je m'en vais conclure.

Non, mes frères, je n'ai pas fini, et IL ME RESTE L'ESSENTIEL; car jusqu'ici je n'ai pas encore touché à ceux de vos devoirs qui ont spécialement Dieu pour objet.

Il n'en est pas sur lesquels il soit plus aisé de se faire des illusions. On communie régulièrement, on n'abandonne pas les assemblées publiques du temple, on y ajoute même des réunions d'édification plus intime, on prie aussi, peut-être, et on lit la Bible; mais aime-t-on Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa pensée?

Se conduit-on, à l'égard de Dieu, comme on le fait à l'égard de quelqu'un qu'on aime de tout son cœur?

Y pense-t-on presque malgré soi; en parle-t-on avec un vif intérêt?

Cherche-t-on par-dessus tout à lui plaire en faisant sa volonté?

Questions accablantes pour qui les comprend; et si vous ne les comprenez pas, c'est une démonstration sans réplique de votre indifférence pour Dieu.

Ce dernier trait, ajouté à tous les autres, doit vous convaincre que vous êtes tous... Ah! mes frères, je dis mal, il doit nous convaincre que NOUS SOMMES TOUS, DEVANT DIEU, DE GRANDS PÉCHEURS.

De là résulte, non pas comme il semble quelquefois qu'on le pense, que, tous étant également dignes de condamnation, personne ne risque rien pour son âme; car j'aimerais autant qu'on prétendit que dans les contrées où dure un hiver perpétuel personne n'a jamais froid. Dites qu'à envisager vos seuls péchés, et abstraction faite de la grâce de Dieu, vous ne risquez pas plus les uns que les autres; j'en conviendrai, et vous serez alors semblables aux habitants de cette ville fameuse qui fleurissait jadis au pied du Vésuve. Nul d'entre eux n'était plus exposé que tous ses concitoyens; mais tous périrent sous le feu de la montagne.

Il ne faut donc pas, pour vous tranquilliser, vous borner à prétendre que, puisque tous sont de grands pécheurs, les risques sont égaux; il vous faut hardiment proclamer que, tous étant de grands pécheurs, tous sont assurés des récompenses des justes. Osez-le, et nous verrons la réponse à vous faire.

En attendant, voici les conséquences qu'avec la sainte Parole du Seigneur je déduis de la vérité de fait que j'ai exposée.

La première, c'est qu'il faut absolument que Dieu vous pardonne, et qu'il vous convertisse, si vous voulez avoir «part à l'héritage des saints dans la lumière.» Votre expérience de la vie doit vous assurer que le cœur ne s'améliore pas en vieillissant, à moins que le Seigneur n'y déploie l'efficace puissante de son Saint-Esprit.

C'est pourquoi, mes frères, «si vous ne vous convertissez,» et si vous n'obtenez, par le sang de la nouvelle alliance, une entière rémission de vos péchés, vous périrez tous semblablement; car, pécheurs, vous continuerez d'être pécheurs, et «vous mourrez dans vos péchés

Et puisque tous sont de grands pécheurs devant Dieu, nul, par lui-même, n'a plus de droit au salut qu'un autre. «L'affection de la chair est inimitié contre Dieu; elle ne se soumet pas à la loi de Dieu et même elle ne le peut; c'est pourquoi ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu.»

Il suit de là que, non seulement «le salut vient de Dieu,» dans ce sens que c'est Lui qui nous a donné un Sauveur; mais encore que ce salut est, DANS CEUX QUI CROIENT, l'effet de sa pure miséricorde ou de sa grâce libre et souveraine.


Oh! quelle vérité consolante pour de pauvres pécheurs tels que nous! car c'est nous dire que nul de nous ne doit s'éloigner du salut, parce qu'il s'en estimerait indigne.

Indignes de la vie éternelle, nous ne sommes pas indignes d'être sauvés.

Et puisqu'il n'y a pas, en nous, de raisons pour que Dieu nous fasse grâce plutôt qu'à d'autres, il n'y a pas non plus, en nous, des raisons pour que Dieu ne nous accorde pas cette grâce aussi bien qu'à d'autres.

Dites et répétez avec larmes et confusion: «Je suis un grand pécheur, le premier des pécheurs;» je vous répondrai que Paul l'a dit avant vous, et que pourtant «miséricorde lui a été faite,» afin, ajoute-t-il, «qu'en lui, le premier, Jésus-Christ montrât toute sa longanimité, pour qu'il fût un exemple de ceux qui croiront en lui pour la vie éternelle.»

Ah! mes frères, emportez avec vous, dans vos maisons, et dans vos cœurs, cette bonne parole. Croyez bien que jamais je n'aurais eu le courage de vous dire vos grands péchés, si je n'avais pu vous annoncer aussi un grand salut et un grand Sauveur.

MAIS IL NE SAUVERA PAS TOUJOURS: IL JUGERA UNE FOIS ET BIENTÔT.

Ainsi donc hâtez-vous de vous réfugier vers Lui.

Enfin, mes bien-aimés, recueillons de la triste vérité qui nous a occupés cette dernière instruction que je me contente d'indiquer.

Puisque nous sommes tous de grands pécheurs:

ne méprisons personne;

soyons indulgents, patients et pleins de support;

espérons pour les autres, mais d'une espérance qui ne nous endorme pas sur les dangers que courent nos semblables;

puis, et toujours, prions le Seigneur qu'il donne abondamment et largement «la repentance et la foi pour la rémission des péchés par son nom


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