IV
Le paradis
Texte: Apocalypse. VII. 13 -17.
Alors un des vieillards prit la parole et me dit: Ceux qui sont vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d'où sont-ils venus?
— Et je lui dis: Seigneur, tu le sais.
— Et il me dit: Ce sont ceux qui sont venus de la grande tribulation et qui ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau. C'est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et ils le servent jour et nuit dans son temple; et celui qui est assis sur le trône habitera avec eux. Ils n'auront plus faim, ils n'auront plus soif; et le soleil ne frappera plus sur eux, ni aucune chaleur; car l'Agneau qui est au milieu du trône les paîtra et les conduira aux sources d'eaux vives, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.
M. B. A. F.
Plusieurs personnes rebutées par l'obscurité de l'Apocalypse, ou par son contenu, s'expriment légèrement au sujet de ce livre. Il en est qui le considèrent à peine comme digne d'attirer l'attention des Chrétiens. Et cet esprit de légèreté n'est pas nouveau; dans les divers siècles de l'Église, on a entendu de ces jugements précipités et téméraires.
C'est
une
singulière façon de raisonner, il faut l'avouer, M. F. «Cela ne
s'accorde pas avec mes idées, cela m'est obscur, donc, ce n'est
pas divin.»
Voici un autre raisonnement que je vous propose:
Un caractère de vérité et de sainteté est imprimé à tout ce
livre. Celui qui écrit d'une manière si propre à inspirer toute
confiance, se nomme lui-même. Il se donne le nom de Jean, le
titre de serviteur de
Jésus-Christ, lequel a annoncé la parole de Dieu et le
témoignage de Jésus-Christ, et tout ce qu'il a vu
(Apocalypse 1:
2),
il nous apprend qu'ayant
part à l'affliction,
au règne et à la patience
de Jésus-Christ, il
se
trouvait lorsqu'il reçut cette révélation, dans l'île
appelée
Patmos, à
cause de la parole de
Dieu et du témoignage de Jésus-Christ
(Apocalypse 1:
9).
Or il est historiquement (1)
démontré que le livre de l'Apocalypse existait au premier siècle
de l'Église, que l'un des Apôtres de Jésus-Christ se nommait
Jean, et que cet Apôtre a été relégué par l'empereur Domitien
dans l'île de Patmos: peut-on trouver une coïncidence plus
remarquable, un accord plus exact?
Qui douterait après cela que ce livre ne soit de l'Apôtre St
Jean, du disciple bien-aimé du Seigneur, auteur de cet Évangile
et de ces Épîtres admirables qui font partie du Nouveau
Testament?
N'était-il
pas
de ceux auxquels Jésus avait tout particulièrement promis le Consolateur
qui
devait
leur enseigner toutes
choses (Jean
14:
26)
Ce livre est donc aussi l'œuvre de cet Esprit
de
vérité.
Humilions-nous et disons avec ce
fidèle serviteur: Heureux
celui
qui lit et ceux qui écoutent les paroles de celle prophétie, et
qui gardent les choses qui y sont écrites; car le temps est
proche (Apocalypse 1:
3).
Ce
bonheur
nous est donc offert. Il peut aussi devenir le nôtre. Mais
n'appartiendrait-il qu'à ceux qui saisissent tout l'ensemble du
livre, qui en sondent les profondeurs?
Non, M. F. Sans doute ceux qui le comprennent et qui peuvent en
classer toutes les révélations, non dans un esprit de système, de
curiosité ou de suffisance, mais dans un esprit d'humilité,
d'attente et de vigilance, sont les plus heureux. Néanmoins nous
aimerions vous prouver aujourd'hui que ce ne sont pas ceux-là seuls
qui sont heureux; qu'il en est de l'Apocalypse comme du reste des
Écritures, que, même dans des parties de ce livre dont on n'aperçoit
pas la liaison, on peut trouver une vraie nourriture spirituelle.
Ainsi la
scène que nous retrace notre texte appartient encore à
l'ouverture du sixième
sceau. Des
tremblements
de terre, un désordre dans les éléments, l'effroi et la
confusion parmi les habitants du globe, les
rois
de la terre, les grands du monde, les riches, les capitaines et
les puissants se cachant dans les cavernes et les rochers annoncent
le
grand jour de la colère
de l'Agneau (Apocalypse 6:
12-16).
Après cela il se fait une suspension, un délai a lieu, les quatre
vents des cieux (Apocalypse 7:
1)
qui doivent souffler sur la terre, sont retenus. Les serviteurs
de Dieu doivent être marqués
au
front.
Ils
doivent
échapper à ces jugements. Cent quarante-quatre
mille
marqués d'entre les tribus d'Israël, et ensuite une multitude
innombrable de toute
nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute langue
(Apocalypse 7:
9),
se tiennent devant le trône et devant l'Agneau, en disant: Le
Salut
vient de notre Dieu qui est assis sur le trône, et de l'Agneau
(Apocalypse 7:
10).
Ils l'adorent de concert avec les anges, les vieillards et les
chérubins, en disant: Amen!
louange,
gloire, sagesse, actions de grâces, honneur, puissance et force
à notre Dieu, aux siècles des siècles. Amen
(Apocalypse 7:
12).
C'est
là-dessus
que viennent la question et la réponse qui font le sujet de ce
discours.
Et pour le traiter, M. F., nous ne chercherons aujourd'hui ni
l'époque, ni le temps, ni la signification et les circonstances du
sceau et des évènements qui l'accompagnent; mais nous nous bornerons
à envisager ce que nous dit l'Apôtre sous le point de vue le plus
général, comme une scène du monde céleste, de cet autre monde auquel
nous faisons profession de croire, et que nous faisons profession
d'attendre.
Ceux qui se
présentent là sont, d'après la réponse de l'ancien
ou
vieillard,
ceux qui sont venus de la
grande tribulation, rejoindre
l'armée
céleste, ceux
qui ont blanchi leurs robes dans le sang de l'Agneau.
Quel
est
leur bonheur?
Ils sont devant le trône de Dieu.
Ils
le servent jour et nuit dans son temple.
Celui qui est assis sur le trône habite avec eux.
Ils n'auront plus
faim, ils n'auront plus soif, et le soleil ne frappera plus sur
eux, ni aucune chaleur. Car l’Agneau qui est au milieu du trône
les paîtra et les conduira aux sources d'eaux vives, et Dieu
essuiera toute larme de leurs yeux.
Démêlons
ces
images.
Lorsqu'un prince siège sur son trône,
c'est
le moment où il se montre dans tout l'éclat de son rang. Être devant
le trône de Dieu, c'est
donc
être en présence de la Majesté divine, voir Dieu dans son
centre, si je puis m'exprimer ainsi; se trouver dans un point de
vue d'où l'on puisse apercevoir tout l'éclat de ces perfections,
objets de l'admiration et de l'adoration des créatures célestes,
sa grandeur, sa sainteté, son pouvoir, sa justice, sa bonté, sa
miséricorde: c'est avoir les yeux ouverts sur ses œuvres et sur
les voies de la Providence, en discerner et l'ensemble et les
détails, et cela toujours en sa présence, c'est-à-dire sans le
perdre de vue, en revenant toujours à lui.
Quels sentiments n'éprouvons-nous pas, déjà en ce monde, quoique
nous n'apercevions que
les bords des voies de Dieu
(Job
26:
14), lorsque le spectacle des cieux et de la terre se déploie à
nos regards, lorsque nos yeux s'élèvent vers la voûte étoilée,
lorsqu'ils se promènent sur les charmes d'une contrée
ravissante; ou bien lorsque nos pensées s'arrêtent sur les
dispensations innombrables et variées par lesquelles il dirige
la vie des hommes et des nations; sur les appels, sur les
sollicitations et les secours de la grâce!
Mais
que
sont toutes ces impressions, comparées à celles qui émouvront
les cœurs dans le séjour de la perfection?
Abîmes de grandeur, de justice et de compassions, où l'âme du
fidèle sera absorbée!
C'est ce que l'Apôtre exprime en ces termes: Alors
nous
verrons face à face....
Alors nous connaîtrons
comme nous avons été connus
(1
Corinthiens
13: 12).
Et tout comme ceux qui entourent le trône d'un prince sont ceux
que leur rang et leur dignité rapprochent de lui; ainsi le
fidèle en la présence de Dieu, ressemblera à son Dieu, et jouira
de cette ressemblance. Et ceux qui peuvent dire déjà en ce
monde: nous tous qui
contemplons comme dans un miroir la
gloire du Seigneur à visage découvert, nous sommes transformés
en la même image de gloire en gloire, comme par l'Esprit du
Seigneur (2
Corinthiens 3:
18), ne
peuvent-ils pas à plus forte raison, en pensant au monde à
venir, s'appliquer ces belles paroles: Alors,
nous
serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est
(1
Jean
3: 2). Je verrai ta face
en justice, et à mon réveil je serai rassasié de ta ressemblance
(Psaume 17:
15).
Les
fidèles
seront dans le temple de
Dieu.
Le trône est l'image de Dieu dans sa gloire; le temple est
l'image de Dieu en sa condescendance et sa faveur. C'est le lieu
dans lequel Dieu s'abaisse en quelque sorte, pour donner et
aussi pour recevoir tour à tour. Il y a déjà de ces temples
ici-bas. Tels furent le tabernacle au désert (Exode 25: 8),
le temple de Jérusalem (1 Rois 6: 12-13); tels furent et
tels sont encore ces deux ou trois assemblés au
nom
du Seigneur, et
au
milieu desquels il se
trouve (Matthieu
18:
20, tels sont ces Bethels,
ces
endroits
solitaires, où l'âme avide de pardon et de grâce, où l'âme
reconnaissante rencontre le Seigneur (Genèse 28: 16-22); tel est
le corps du
chrétien,
que St Paul appelle le
temple du Saint-Esprit (1
Corinthiens 6:
19).
Mais tous ces temples ne sont que de faibles images du Paradis
que
Jésus
promettait au brigand régénéré, de ce séjour de la gloire, où se
disent des choses qu'aucune langue humaine ne peut raconter (2
Corinthiens 12: 4).
Existence incompréhensible, indicible; mais qui doit réunir tout
ce qui peut combler une âme de délices. Les fidèles auront dit
dans le temps, et ils répéteront avec transport dans l'éternité:
«Ta
bonté est meilleure que la vie (Psaume 63:
4).
Éternel des armées? Que,
tes tabernacles sont
aimables (Psaume 84:
2).
O qu'heureux est celui
que tu as
élu et que tu as
fait approcher de toi,
afin qu'il habite dans tes parvis. Nous
serons rassasiés des biens de ta maison et du saint lieu de ton
Palais (Psaume 65:
5).
C'est là donc que les fidèles serviront Dieu. Entourés de ses grâces, ils les raconteront devant lui. Ils recevront et donneront tour à tour. Oui, ils donneront, et Dieu acceptera. Une communion mutuelle de grâces d'un côté et de louanges de l'autre régnera dans ce séjour. Les accents de ces louanges, la fumée de ce parfum spirituel seront bien venus, acceptés, et Dieu, source de tout, n'ayant besoin de rien, consentira à être encore dans un temple pour recevoir. Quelle grâce! Quelle condescendance paternelle! Tu es le Seigneur. Le bien que je fais ne va point jusqu'à toi (Psaume 16: 2), et cependant tu daignes l'agréer!
C'est
déjà
une grande jouissance que de contempler, mais c'est une
jouissance plus grande encore, de produire. C'est dans la nature
d'un être intelligent, non seulement d'observer, mais aussi de
créer. Cette activité fait partie de son bonheur. Mais que faire
en présence de Dieu?
Le bénir, le louer. Il est
doux
d'admirer; il est plus doux encore de donner une voix à son
admiration. Il est doux de jouir, même dans l'isolement; il est
doux de sentir, il est doux d'aimer; il est plus doux encore de
jouir en commun. Voilà le bonheur des fidèles. Ils
servent
Dieu jour et nuit dans son temple.
Ils
le
servent véritablement, tandis qu'ici-bas ils ne le servent
encore qu'en partie et sous le poids d'un
corps
de mort (Romains 7:
15-25).
Ils le servent avec constance, avec joie et sans interruption.
C'est une joie sans fin, sans nuage, sans période; c'est une
lumière resplendissante, un bonheur constant. Celui
qui
est assis sur le trône habite au milieu d'eux. Ta face est un
rassasiement de joie, et il y a des plaisirs à ta droite pour
jamais (Psaume 16:
11).
Supposons
un
état de choses semblable, au degré où il est possible ici-bas;
nous avons déjà devant les yeux l'image du bonheur. Qu'une âme
puisse dire: «je suis habituellement devant le trône de Dieu, je
le sers continuellement; Christ habite avec moi. Il
s’est
tenu à la porte et il a frappé, j'ai entendu sa voix, je lui ai
ouvert, il est entré chez moi, il a soupé avec moi et moi avec
lui (Apocalypse 3:
20)»
une telle âme est, au fond, à l'abri de toutes les angoisses, de
toutes les peines de la vie.
Qu'un homme ait à souffrir la faim, la soif, les intempéries des
saisons, la fatigue du travail, qu'il ait à supporter mainte
douleur, mainte privation dans ce monde de misères; s'il est en
communion avec Dieu, — le
juste a des maux en grand nombre; mais l'Éternel le délivre de
tous (Psaume 34:
20),
s'il est en paix avec Dieu, rien ne lui manque.
Mais
dans
les demeures célestes, nous voyons bien autre chose.
D'un côté, joies si grandes qu'elles sont incompréhensibles,
qu'elles ne peuvent même être comparées aux joies religieuses
d'ici-bas que comme la réalité à l'ombre; et de l'autre, absence
de tous les maux, de toutes les privations, de toutes les
infirmités, qui nous abattent et nous dominent si souvent en ce
monde. Ils n'auront plus
faim, ils n'auront plus soif. Le soleil ne les frappera plus, ni
aucune chaleur.
Et l'Agneau, oui est au milieu du trône, les paîtra et les
conduira aux sources d'eaux vives.
Ici
la
multitude immense des rachetés est comparée à un troupeau, et
l'Agneau qui est au milieu du trône, à leur Berger.
L'image est bien forte, M. F. Mais que vous indique-t-elle?
Que ce berger est de la même nature que le troupeau. Et pourtant
cet Agneau est au milieu du trône, à la place même qui est celle
de Dieu. O mystère! O mystère consolant! Ce Jésus a voulu être
leur égal, leur ami, leur frère. Et c’est
lui qui, vivant de la nature divine, en possédant toute la
majesté, ayant en lui corporellement,
réellement,
toute la plénitude de la
divinité (Colossiens 3:
2),
ayant donc en lui tout ce que Dieu peut transmettre à des
créatures telles que nous, mettra encore, par sa ressemblance
avec son troupeau, tous ces biens à sa portée. La distance qui
existe entre Dieu et ses créatures sera comblée. Ce bon Berger,
Dieu-homme, les
paîtra et les conduira
aux sources d'eaux vives.
La
nourriture
et la boisson du monde présent auront cessé. Les besoins de ce
monde ne seront plus. Et cependant il y aura une pâture, il y
aura une boisson pour le troupeau de Dieu. Cela suppose des
progrès, une augmentation, une prolongation de bonheur. Et si
déjà dans ce monde le Roi-Prophète et tant de fidèles ont
tressailli de joie, en disant: L'Éternel
est mon berger; je n'aurai point de disette. Il me
fait reposer dans des
parcs herbus et me conduit le long des eaux tranquilles. Il
restaure mon âme; il me mène par des sentiers unis pour l'amour
de son nom (Psaume 23
1:
3): — que sera-ce dans le monde à venir, où le fidèle sera
conduit par son Sauveur à la source même des eaux vives?
Alors son âme aura pour nourriture tout ce qui est bon, beau,
pur, saint, divin (Psaume 65: 5); alors elle sera rassasiée
d'un
fleuve de délices
(Ésaïe
66:
11), dont
la
somme et l'étendue augmentera éternellement.
L'Ancien
dit
enfin à St Jean: Dieu
essuiera toute larme de leurs yeux.
Aucun
regret,
aucune souffrance, aucune privation ne se feront sentir dans ce
séjour céleste. Ici-bas l'homme est exposé à pleurer pour les
douleurs du corps, à pleurer pour les douleurs de l'âme; car
nous ne parlerons pas de ce dont il ne saurait être ici
question, des pleurs de la colère, du dépit, de l'orgueil. Il y
a des pleurs de repentir, il y a des
pleurs de reconnaissance et de joie. La vue des grâces et des
bénédictions de Dieu, peuvent les faire verser. C'est dans la
Cène, c'est dans la prière que plusieurs versent des larmes,
précisément parce qu'ils y rencontrent la paix.
Quelles larmes que celles de l'enfant prodigue dans le sein de
son Père!
Qui ne voudrait pouvoir les verser aujourd'hui en cet instant
même dans le sein de Dieu?
Qui oserait leur préférer même les joies du monde?
Mais quelle sérieuse indication que ce fait!
Quel est cet être que le pardon, que la joie font pleurer?
C'est
un
être malade, un être en proie au désordre, usé par le mal,
distrait pour l'ordinaire, séparé de son Dieu: quand il le
rencontre, il pleure. C'est encore le poids du péché, c'est
encore le souvenir ou l'influence du péché qui lui arrachent ces
larmes.
Cependant elles sont belles, M. F. — Nous pouvons même croire
qu'elles ne seraient pas déplacées dans le séjour de la gloire;
que, contemplant de plus près et dans tout leur éclat les
compassions du Seigneur, le fidèle pénétré d'une repentance et
d'une reconnaissance nouvelles pourrait encore en verser. Eh
bien! Il nous est dit: Dieu
essuiera toute larme de leurs yeux.
Celles-là
aussi
feront place à la joie.
Le fidèle ne sera plus devant Dieu comme un être racheté, et qui
n'a pas encore posé toute sa chaîne, comme un être libéré,
affranchi; mais comme un être libre. Il ne sera plus devant Dieu
comme un être coupable, pardonné et justifié; mais comme un être
pur, innocent, juste, heureux, qui n'a jamais connu le péché, ou
qui n'en a de souvenir que pour goûter plus profondément la joie
de son Seigneur. Comme
nous avons porté l'image de l'homme terrestre, nous porterons
aussi l'image du céleste (1
Corinthiens 15:
49). C'est lui qui nous
fera paraître sans tâche et comblés de joie en sa glorieuse
présence (Jude
24).
Quel
tableau!
M. B. À. F.! Quel tableau !...
Quelle empreinte du doigt même de Dieu !...
Les hommes, n'ont rien su inventer de semblable. Lorsque, perçant
par l'imagination le voile de l'avenir, ils ont cherché à se
représenter le monde de l'âme: qu'ont-ils trouvé?
Le monde au corps rendu plus facile.
Les peuples sauvages pensent y retrouver leurs forêts, mais plus
belles, mais pleines de gibier.
Les peuples paresseux s'y représentent le repos.
Les anciens païens s'y promettaient les plaisirs de ce monde.
Mahomet n'y place que des délices analogues à ces contes dont les
Arabes sont avides. Les philosophes de l'antiquité, Socrate, le
sage Socrate, par exemple, va bien jusqu'à attendre la compagnie
des sages.
Mais le chrétien attend la compagnie de Dieu, le service de Dieu,
la contemplation de Dieu, la communion avec Dieu, la jouissance
même de Dieu.
C'est une paix qui n'est pas de ce monde (Jean 14: 27), une paix dont la clarté, dont l'aurore apparaît déjà dans ces bas lieux, mais qui n'appartient nullement aux choses visibles (2 Corinthiens 4: 17-18). Ce sont des choses que l'œil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui ne sont point montées au cœur de l'homme, et que Dieu a préparées à ceux qui l'aiment (1 Corinthiens 2: 9).
O vous! qui vous faites une idée par votre expérience de ce que c'est que la paix du cœur, l'union avec Christ, la vie cachée avec Christ en Dieu (Colossiens 3: 3): vous qui, quoique étant coupables et pécheurs, avez déjà passé de ces journées, ou de ces heures ou de ces moments dans lesquels les passions se taisent, dans lesquels la conscience, sans être morte, suspend ses menaces à la vue de la croix de Christ, dans lesquels la présence de Dieu remplit le cœur, l'espérance anticipe sur les biens à venir, dans lesquels la foi nous y transportant avec clarté et vivacité, fait naître dans nos cœurs une affection ardente pour Celui qui nous a tant aimés, pour son Fils qui s'est livré lui-même comme notre rançon; ô vous! qui connaissez cela, non seulement par ouï-dire, mais pour l'avoir senti; n'est-il pas vrai que vous auriez voulu prolonger ces moments, que l'idée de les voir s'étendre à l'infini aurait causé à vos âmes de saints transports?
Quel témoignage rendu par cette expérience aux grandes joies du ciel! O que tes biens sont grands, que tu as réservés pour ceux qui te craignent (Psaume 31: 21) Voilà le bonheur qui est offert au chrétien: bonheur dont nos faibles paroles ne peuvent représenter la substance, bonheur qui passe toutes nos expériences, bonheur que peint la Bible, mais comme par un verre obscur (1 Corinthiens 13: 12), à cause de notre faiblesse actuelle. Dans ce que nous en connaissons, dans ce que nous en comprenons, quelle ravissante perspective! Et il nous présente l'infini, soit en durée, soit en grandeur.
Voilà
l'offre
de Dieu, M. F. — L'acceptez-vous?
Pourrait-on concevoir que quelqu'un y fût tout à fait
indifférent?
Nous allons tous au-devant de l'éternité, et nous nous plaisons
tous à y placer une perspective de bonheur. Nous sommes de plus
forcés d'avouer qu'en fait de bonheur, nous ne saurions nous
figurer rien de plus grand, rien de plus beau, rien de plus pur
que ce bonheur que l'Évangile nous présente. — Le
Paradis.
Ce mot est pour tous les âges.
Il charme l'enfance, il soutient le vieillard; il exprime le but
de l'ignorant, l'espoir du philosophe, lors même qu'il se le
retrace sous un autre nom.
Oui, j'ose le dire: sous peine de renoncer à votre qualité
d'êtres raisonnables et moraux, vous êtes obligés de le désirer
tel que Jésus vous l'offre.
Vous accepteriez donc avec plaisir cette parole: tu seras aujourd'hui avec moi en Paradis (Luc 23: 43). Il y a plus; vous espérez (je n'examine ici, ni la nature, ni le fondement de cette espérance,) vous espérez d'y parvenir. Je crois entendre un oui bien décidé sortir de la bouche de chacun de vous.
Pardonnez-moi,
M.
B. A. F., si, après vous avoir par le moyen de la Parole de Dieu
ouvert un jour sur son royaume, je vous appelle à reporter vos
regards sur vous-mêmes. Vous désirez le bonheur dont nous avons
parlé. L'imagination, le cœur peuvent s'emparer de ces images. Il y
a de quoi attacher notre âme par toutes ses facultés et toutes ses
forces.
Mais on pourrait à cet égard se croire sincère, sans l'être?
Les chimères, permettez-moi le terme, M. F., ne sont pas difficiles
à concevoir, et il ne coûte rien à l'esprit de les transporter dans
le monde à venir. Il n'est peut-être pas beaucoup de vicieux, pas
beaucoup d'êtres travaillés par leurs passions, qui n'aient dans
certains cas rêvé un changement, qui ne se soient représenté un état
d'indépendance et de paix en opposition au péché, tyran de leur âme.
Ils se croient sincères dans ces désirs, dans ces projets même de
changement. Combien y en a-t-il qui changent?
Plusieurs hommes désirent le bonheur du Paradis; mais ils ne prennent pas ce bonheur tel qu'il est, ils ne le voient pas dans son centre. Comme la fatigue fait naître le désir du repos, et la soif celui d'une source; ainsi il arrive que le néant des choses du monde, les mécomptes des passions, les souffrances de la vie, l'isolement, nous font désirer un monde où il n'y ait ni illusions, ni mécomptes, ni douleurs, ni privations; c'est bien là une partie du bonheur des Cieux, mais ce n'en est qu'une portion, l'essentiel manque à ce désir; c'est le besoin d'être uni à Dieu et à Christ. Le vrai désir du Paradis doit être dans notre âme le désir d'un bien et non d'un pis-aller.
D'autres,
suivant
le penchant naturel de l'homme, reportent dans l'éternité le
monde où ils vivaient. Je dis: où ils vivaient, car il s'agit
ici de ceux qui ont souffert des séparations. À Dieu ne plaise
que nous voulions ici blesser leurs sentiments. Mais ces
personnes en pensant au bonheur à venir, sont plus occupées d'y
chercher les créatures que le Créateur.
C'est pour rejoindre ces objets de leurs affections légitimes,
quelquefois même de leur idolâtrie, qu'elles souhaitent le monde
à venir. Ce n'est pas Dieu le Sauveur qui, dans ce désir, occupe
tout premièrement et essentiellement leur pensée. Elles ne
désirent pas le bonheur d'un monde où Christ
sera
tout en tous (Colossiens 3:
11,
elles ne désirent pas en vérité le bonheur de ceux qui, devant
le trône de Dieu, dans son temple céleste, le servent jour et
nuit, et sont remplis de sa présence.
Que de gens s'imaginent désirer ce monde à venir! On croit être
sincère.
Tel homme, à quelque moment que vous l'interrogiez, de jour, de
nuit, dans ses loisirs ou dans ses affaires: «Désires-tu le
bonheur éternel?» répondra sans hésiter: «Oui certes!»
Mais, si vous ne l'y faites penser de cette façon, ou d'une autre, il n'y pense guère. Il sait bien s'occuper de ses projets et de ses succès selon le monde. Souvent ces idées le poursuivent, interrompent son sommeil, le font se lever matin et se coucher tard (Psaume 127: 2): il a un bonheur en vue; mais, quant au bonheur du monde à venir, il n'est quelquefois pour lui (pourrait-on le croire?) qu'une idée importune, une nécessité gênante.
Vous
désirez
ce bonheur éternel sincèrement, dites-vous, et tel que l'Écriture le
dépeint?
Voulez-vous savoir si ce désir est sincère?
Voyez quelles sont vos joies, vos plaisirs, vos préférences?
Qu'est-ce qui vous recrée le plus? Qu'est-ce qui vous soulage le
mieux?
Sont-ce des jouissances qui ressemblent au bonheur promis, ou qui en
diffèrent?
Croyez-vous que ces dissipations si différentes de la joie du
chrétien, cet étourdissement qui règne dans vos habitudes, cette
recherche de ce qui brille, de ce qui distrait, de ce qui amuse
l'homme animal, s'accordent avec l'état d'une âme qui est et qui
désire être en communion avec Dieu?
Non, vous ne désirez pas d'être avec le Seigneur en Paradis; car là vous ne trouverez pas ce qui vous plaît.
Quelles
sont
les jouissances qui ressemblent le plus aux joies du Paradis?
Ne sont-ce pas les jouissances religieuses?
Aimez-vous, recherchez-vous ce qui peut vous rapprocher de Dieu, la
lecture de la Bible, la prédication de la Parole, le culte public et
particulier, les conversations sérieuses et chrétiennes, la prière?
Ce sont là des moyens sans doute, le but est la jouissance même de
Dieu; mais ce sont des moyens précieux à toute âme fidèle, soit en
eux-mêmes déjà, soit à cause du but.
Si ces choses n'ont aucun attrait pour vous, qu'attendez-vous du
Paradis?
Si
nous
devons être heureux, il faut absolument que nous soyons en communion
avec ce qui se fait en Paradis. Celui qui ose espérer le bonheur
sans cela, se moque de lui-même et de Dieu.
Là vous retrouverez le même Dieu, le même Sauveur, qui se montre à
vous dans l'Écriture.
Là, le bonheur qui vous est offert, c'est celui de la prière, de
l'adoration, de la louange. Vous dites que vous désirez ce bonheur,
et vous pouvez à peine y consacrer un instant !....
Ne serait-ce pas un supplice pour vous que de
servir ainsi Dieu jour et nuit pendant toute l'éternité; vous, qui
savez à peine le prier un moment, chercher un moment sa face?
Vous, qui êtes bientôt rebutés et fatigués, lorsque votre attention
se porte sur l'Évangile?
Dans
votre
penchant à la curiosité, dans votre goût pour la variété, ce bonheur
vous serait à charge. Et cependant le seul vrai bonheur consiste en
ce que toute pensée, toute affection, tout désir se concentrent sur
Dieu.
Sans doute, vos prières, telles qu'elles sont, seraient un supplice
dans l'éternité, mais non pas telles qu'elles devraient être. Nous
changeons et nous cherchons le changement dans nos jouissances,
parce que nous ne tenons pas le bonheur, vacillant comme l'aiguille
aimantée, tant qu'on l'agite; mais, ayant retrouvé une fois le nord,
elle reste immobile, elle semble heureuse, quoique inanimée, elle
est dans l'ordre: il en est ainsi de notre âme par rapport à Dieu.
La vôtre se tourne-t-elle, se dirige-t-elle aussi avec la même
conséquence, avec la même ténacité vers la source de son bonheur?
On pourrait avec raison vous demander
là-dessus:
«Y croyez-vous à ce bonheur céleste?»
«Oui, j'y crois,» répondez-vous.
D'où vient donc qu'en vue de ce bonheur vous ne savez rien
supporter?
D'où vient que vous vous laissez souvent abattre en perdant
courage?
D'où vient que vous ne savez rien souffrir, ou que vous ne savez
que peu souffrir en vue du poids
éternel d'une gloire infiniment excellente
(2
Corinthiens 4:
17)?
D'où vient que vous faites si peu de sacrifices à votre céleste
vocation?
D'où vient que vous avez si peu de consolation dans vos peines?
D'où vient que la pensée de la mort vous effraie, ou vous est
indifférente?
Lorsqu'on
promet
une jouissance à l'enfant, voyez comme il
y pense, comme il s'en entretient, comme il s'en réjouit. Ne
devons-nous
pas
être comme des enfants par rapport au Royaume des Cieux? Où est
votre foi en ce bonheur céleste?
Mais je dirai plus: Où est votre espérance?
Où serait-elle, si elle n'a pas la foi pour base?
Sur quoi reposerait-elle?
Elle est faible en moi, direz-vous, elle est faible; mais
pourtant elle existe.
M.
F.,
je l'ai déjà dit, il arrive quelquefois que l'homme appelle
espérance ce qui n'est qu'illusion. N'en serait-il point ainsi
dans ce cas?
Nous admettrons que vous croyiez au bonheur que présente
l'Évangile; que vous le désiriez, que vous vous en fassiez le
tableau le plus vif; que, quoique n'étant pas vous-mêmes en
harmonie avec ces grandes scènes du Royaume des Cieux, vous ne
voyiez pourtant que là ce qui mérite le nom de paix, de repos,
de bonheur; nous admettons que vous l'espériez vraiment, et que
cette espérance luise quelquefois comme un rayon de lumière sur
le sentier de votre vie: mais nous vous demanderons maintenant:
Sur quoi est fondée cette espérance?
D'où vient que vous vous attendez à être un jour revêtus
de
robes blanches, la palme de
la
victoire à la main, devant
le
trône de Dieu?
Écoutez
l'ancien
qui vous fait la même question qu'à l'Apôtre St Jean: Ceux
qui sont vêtus de robes blanches qui sont-ils et d'où sont-ils
venus?
Écoutez la réponse qu'il y fait:
Ce sont ceux qui sont venus de la grande tribulation, et qui
ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de
l'Agneau.
Lorsque
vous
aurez franchi le seuil de
l'éternité, pourra-t-on dire cela de vous?
Y paraîtrez-vous avec une robe souillée, ou avec une robe
blanchie?
Il est facile S'il ne s'est rien passé de nouveau en vous, sous
le point de vue religieux, depuis votre naissance jusqu'à
maintenant, si vous n'avez pas été régénérés, convertis à Dieu,
vous avez encore votre première robe; elle est naturellement
souillée: non, si vous ne changez!
Tous ne serez pas de ceux-là. Que si vous vous imaginez ou
l'avoir blanchie, ou pouvoir la blanchir par vous-mêmes, la
chose est décidée; si
vous
ne recourez à Christ comme à la victime expiatoire, afin d'avoir
la rémission des péchés par son sang, au jour du jugement, il
n'y aura pour vous ni robe blanche, ni palme, ni présence de
Dieu.
Vous êtes pécheurs, et de plus, toutes vos
justices sont comme le
linge le plus souillé (Ésaïe
64:
6).
Vous ne pouvez donc pas dire à cet égard, de ce bonheur, le seul
raisonnable, le seul véritable, «je l'espère.» Si vous le dites,
vous vous abusez vous-mêmes. «Je ne puis l'espérer, je ne trouve
en moi aucune raison de l'attendre», sont les seules paroles
qui, en ce cas, conviennent et à vous et à la vérité.
Ce
sont
ceux qui sont venus de la grande tribulation,
dit
le
vieillard.
Ce caractère vous convient-il mieux que l'autre?
Ceux que notre texte vous met en quelque sorte sous les yeux,
sont des martyrs qui se sont donnés eux-mêmes pour le nom du
Seigneur Jésus, qui ont été fidèles jusques à la fin.
Oui,
M.
F., c'est pourquoi ils auront les premières demeures dans la
maison du Père céleste. Mais, qu'est-ce que le martyre, si ce
n'est une consécration, un abandon entier de la vie à Christ?
Il y en a de plusieurs espèces.
Le plus sanglant n'est pas toujours le plus long et le plus
terrible. Chaque enfant de Dieu est appelé à subir l'épreuve, à
accepter l'opprobre, à se charger de la croix. L'affliction
produit
la patience, la patience l'épreuve, l'épreuve l'espérance (Romains 5:
3-4).
Rentrez donc en vous-mêmes, examinez votre vie, recherchez vos voies, sondez-les, et demandez-vous en conscience, si les sujets du royaume des cieux célèbreront votre entrée dans l'éternité, par ces paroles de triomphe; «Voici encore une âme qui est venue de la grande tribulation!»
Mais
si,
ayant reconnu votre misère et vos péchés, vous avez invoqué
Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié, l'Agneau
de
Dieu destiné avant la fondation du monde
(1
Pierre
1: 20); si vous criez à lui, et si vous mettez en lui votre
confiance: c'est ainsi que vos robes
seront
lavées et blanchies dans le sang de l'Agneau.
C'est une œuvre faite, et vous
pouvez dire au milieu de vos combats, de vos travaux et de vos
souffrances actuelles; L'Éternel y pourvoira; l'espérance ne me
confondra point: j'y serai aussi.
Êtes-vous fidèles à cette profession?
Marchez-vous dans la voie du renoncement auquel cette profession
vous appelle?
Ne vous réservez-vous rien, ne
vous
mettez-vous
en
peine de rien, votre vie ne vous est-elle point précieuse, prenez-vous
votre
part à la grande tribulation de ce monde; pourvu
que
vous acheviez avec joie votre course et le ministère que vous
avez reçu du Seigneur Jésus pour rendre témoignage, en
paroles
et en action, à l'Évangile
de
la grâce de Dieu (Actes 20:
24)?
S'il en est ainsi, réjouissez-vous en notre Seigneur, je vous le dis encore; réjouissez-vous (Philippiens 4: 4) Cet héritage céleste vous attend. Bientôt les maux cesseront. La foi et l'espérance deviendront vue et réalité. L'ombre aura passé; le corps, la substance des choses arrivera. Bientôt, dans l'héritage céleste vous oublierez les choses passées et les choses à venir, pour vivre dans un éternel présent, toujours ancien, toujours nouveau, toujours le même; pour jouir de la vue du trône de Dieu, pour habiter dans son temple, pour le servir et pour reposer à jamais sous la houlette du bon Berger. Dieu nous accorde à tous cette grâce!
AMEN!
1)
Justin martyr et Irénée, qui vivaient au second siècle de l'Église,
ont l'un et l'autre dans leurs écrits cité l'Apocalypse aussi bien
que d'autres livres du Nouveau Testament. Irénée en désigne l'auteur
en un endroit par ces mots: «le disciple du Seigneur qui avait
reposé sur son sein.» Il parle d'anciens exemplaires de l'Apocalypse
et de personnes encore vivantes qui avaient vu Jean face à face, et
qu'on pouvait en conséquence consulter sur ce livre. (Irén. IV. 7.
V. 30.) — Tous les témoignages les plus anciens s'accordent sur ce
fait, que Jean fut exilé à Patmos sous l'empire de Domitien,
c'est-à-dire entre la 80e et la 90e année de l'ère chrétienne. Ce
témoignage est si ferme que même des hommes qui combattent
l'autorité de l'Apocalypse, l'ont reconnu.
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