Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

Whitefield, considéré comme prédicateur.

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Un vénérable ministre de l’Église anglicane, M. Venu, disait du célèbre Whitefield que, depuis le temps des apôtres, personne ne l'avait surpassé, personne peut-être ne l’avait égalé.

Un autre de ses contemporains, dont le nom jouit encore dans sa patrie d’une haute estime, M. Toplady, a, s’il est possible, renchéri sur cet éloge, en disant que si l’Angleterre a produit le prince des théologiens, l’archevêque Bradwardin; le prince des poètes Milton; et le prince des philosophes, Newton,; elle a produit aussi le prince des prédicateurs: Whitefield.

C’est exclusivement comme prédicateur que nous nous proposons de considérer aujourd’hui cet homme extraordinaire, en empruntant quelques traits à une notice sur sa vie que M. Robert Philip vient de publier à Londres.


Les adversaires de Whitefield sont d’accord avec ses amis pour reconnaître l’excellence de son caractère et l’éminence de son talent oratoire. Sa popularité commence dès l’entrée de sa carrière, lorsqu’il n’avait encore que peu l’habitude de la chaire et que des vues théologiques fort incomplètes; et pendant un ministère de trente-quatre ans, il n’a jamais cessé d’en jouir.

Partout où il se rendait, dans les villages de l’Angleterre comme dans sa capitale et dans ses grandes villes, en Irlande connue en Écosse, en Amérique comme en Europe, il trouvait auprès de ses auditeurs, quels que fussent leur rang et la culture de leur esprit, la faveur la plus inouïe. Savants et ignorants prenaient un extrême plaisir à l’entendre, et ceux mêmes qui repoussaient le plus les doctrines du prédicateur, ne pouvaient se lasser de l’admirer. Aussi les plus vastes églises étaient insuffisantes pour contenir les multitudes qui se pressaient pour l’entendre, Whitefield fut-il obligé de prêcher en plein air dans les champs, où souvent dix, vingt, et quelquefois même trente mille personnes se rassemblaient autour de lui. Il lui arriva fréquemment, durant sa longue carrière, de visiter de nouveau des lieux où il avait déjà prêché autrefois, et toujours il y retrouvait le même accueil.


Whitefield a eu pour contemporains des hommes plus remarquables que lui par la force de leur esprit, plus habiles que lui comme écrivains; mais aucun d’eux n’a obtenu une popularité pareille à la sienne. Il serait intéressant de rechercher à quoi l’on peut attribuer les effets qu’il savait produire; car si la bénédiction qui reposa sur son ministère remonte à Celui de qui procèdent toutes les grâces accordées aux ministres de la Parole, et s’il faut humblement reconnaître que tous les efforts humains seraient inefficaces sans l’assistance du Seigneur, qui seul convertit les âmes, il est permis cependant d’examiner quels sont les moyens dont l’emploi est le plus propre à préparer les résultats que les prédicateurs désirent obtenir: il s'agit ici, non d'expliquer ces résultats, non de les faire dépendre nécessairement des qualités du prédicateur, mais simplement de mettre celui-ci sur la voie de quelques-unes des facultés au développement desquelles il doit s'appliquer, en les lui montrant actives dans l’un des ministres qui ont eu le plus de succès dans la prédication.


Whitefield possédait sans doute à un haut degré les dons naturels qui contribuent à former le puissant orateur; nous ne pensons cependant pas qu’il faille classer exclusivement parmi les dons naturels celui de donner à ses sentiments et à ses pensées toute l’expression qu’ils peuvent recevoir des inflexions de la voix, des mouvements du corps et des gestes.

Or, Whitefield soignait extrêmement ces détails, et l’habitude où il était de prêcher souvent les mêmes sermons, ce qui s’explique suffisamment par la nature de son ministère, qui l’appelait à monter sans cesse en chaire dans des lieux différents, mettait ses auditeurs à même de s’en apercevoir. Il s’appliquait à ne laisser au hasard aucune des choses dont il pouvait calculer l'effet. Franklin a dit de lui:

«À force de l'entendre, j’en suis venu à pouvoir distinguer facilement les sermons qu’il avait composés depuis peu de ceux qu’il avait prêchés souvent dans le cours de ses voyages. Le débit de ces derniers était si remarquable, chaque accent, chaque inflexion de voix convenaient si bien aux choses qu’il disait, qu’il était impossible de ne pas prendre plaisir à son discours, même si l’on n’en aimait pas le sujet.»

Il n’y avait dans ces efforts aucune recherche de lui-même: Whitefield cherchait seulement, si l’on peut ainsi dire, à être correct dans son ton et dans ses gestes, comme tout homme qui parle en public cherche à l’être dans son langage. Nul ne peut se donner une voix mélodieuse ou un extérieur agréable, mais tout le monde peut se corriger des défauts de prononciation ou de maintien, qui sont souvent des obstacles plus sérieux qu’on ne le pense, et qui peuvent nuire au recueillement des auditeurs même les mieux disposés.


Si Whitefield prenait tant de soin de son débit, il n’en prenait pas moins de son style, où l’on ne remarque cependant aucune trace d’un laborieux travail. Au contraire, le style de Whitefield se distingue par une noble simplicité, de laquelle il ne s’écarte jamais, et qui certes n’est pas la qualité la moins difficile à acquérir. Ce grand prédicateur semble surtout s’être attaché à s’interdire tout ornement qui aurait pu détourner l’attention de ceux qui l’écoutaient.

Il voulait que le sujet qu’il traitait les occupât exclusivement, sans que des défauts ou des beautés dans la manière de l’exposer pussent les en distraire, en éveillant en eux la critique ou l’admiration. Les mots qu’il emploie sont toujours ceux qui conviennent le mieux; l’ordre dans lequel il les dispose est le plus propre à donner clairement l’idée qu’il veut transmettre; il semble ne considérer son discours que comme un verre transparent destiné à aider à mieux voir la vérité. Cette simplicité de moyen résulte de la simplicité de son but; mais quelque simple que le moyen puisse être, peut-être faut-il plus d’efforts quand on aspire à être également compris de tous ses auditeurs que quand on se propose de les étonner.

Après s’être appliqué à arriver à la vérité dans le débit et à la simplicité dans le style, Whitefield cherchait surtout, en prêchant, à se mettre en rapport avec son auditoire. Aussi ne reproduisait-il jamais sous une forme tout à fait semblable les discours qu’il répétait plusieurs fois.

Quand il prêchait, ce n’était pas seulement sa mémoire qui était active, c’étaient toutes ses facultés. Il omettait les passages qu’on avait paru écouter avec plus d’indifférence ou auxquels son sentiment aurait eu peine à s’associer pleinement dans le moment où il parlait, et il leur en substituait d’autres que les impressions sous lesquelles il se trouvait lui fournissaient en abondance. C’est ainsi qu’il savait unir les avantages de la méditation la plus soutenue à ceux de l’improvisation la plus libre, et qu’on trouvait dans sa prédication la vivacité unie à la profondeur. Il excellait aussi à peindre les scènes par lesquelles il voulait émouvoir, telles, par exemple, que le sacrifice d’Abraham ou que les souffrances du Christ. Sa belle imagination lui venait puissamment en aide pour ces tableaux, qui ne paraissaient si animés que parce qu’il s’attachait surtout à les rendre vrais.


Tout ce que nous avons dit jusqu’ici de l’éloquence de Whitefield ne se rapporte guère qu’à ce qui en formait le mécanisme extérieur; mais son vrai ressort, c’était la piété du prédicateur.

Si ses dons naturels étaient extraordinaires, sa ferveur, sa joie chrétienne, sa communion habituelle avec Dieu l’étaient plus encore. De là ce besoin insatiable qu’il éprouvait, non seulement de prêcher, mais de prêcher bien; de là cette sainte ardeur qui ne cessait de l’animer et qu’il faisait partager aux autres;

«Le grand secret de la puissance de Whitefield, dit son nouveau biographe, c’est sa ferveur. S’il eût moins été un homme de prière, il aurait eu moins de force dans la chaire. Son visage brillait quand il descendait de la montagne, parce qu’il avait été longtemps sur la montagne avec Dieu.»

Et cependant, si Whitefield avait seulement été un homme pieux, il n’aurait pas été un prédicateur si influent. On ne peut pas séparer ce qui est l’âme de l’éloquence de ce qui en est le mécanisme. Pour bien parler de la religion, il faut être très pieux; mais quelque pieux que l’on soit, il faut s’appliquer à bien parler.

Archives du christianisme 1838 09 08


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