Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

Le soldat mourant.


***


Chose étrange! m’écriai-je, que ces premières instructions n’aient pas été effacées de votre esprit, pendant les courses lointaines que vous avez faites sous le drapeau, parmi tant de camarades qui n’ont aucune religion, et sans un seul ami pour vous guider et vous garantir des piéges du vice!

Ah! me dit-il d’une voix émue, mon instituteur de l’école du dimanche ne m’a jamais oublié! non jamais! ses bons conseils, ses pieux avertissements, ses puissantes invitations m’ont accompagné partout sur la terre étrangère. Il ajoutait souvent quelques lignes aux lettres de mes parents; d’autres fois, il m’adressait des lettres entières, dans lesquelles il m’exhortait à penser au salut de mon âme. Ces appels furent souvent, souvent réitérés, et de même qu'une goutte d’eau tombant après l’autre creuse la pierre la plus dure, ils produisirent enfin de vives impressions sur mon cœur.

L'Évangile entra donc dans votre âme?

Oui, mais après une longue résistance; j'avais un excellent instituteur, et un Sauveur encore plus excellent. Car le Sauveur connut bien que je resterais éloigné de lui, et que je m’opposerais à ses desseins de miséricorde, aussi longtemps que je me trouverais dans la société de mes camarades sans religion. C’est pourquoi il me tira à part; il fit autour de moi une sorte de solitude.

Il y avait dans l’une des îles des Indes Occidentales une petite station qui n’exigeait qu’une garnison de quelques hommes, et j’y fus envoyé. C’était un poste peu agréable, un vrai désert; mais il vint à fleurir pour moi comme la rose, avant que je l’eusse quitté! Je commençai à réfléchir beaucoup, presque aussitôt après mon arrivée dans cette station et plus je méditais, plus je sentais augmenter mon malaise intérieur.

Je pensais à la brièveté de ma vie, et à la venue du jugement. Tout cela joint à l'isolement où je me voyais alors, m’inspira le désir de lire ma Bible avec plus d’attention et de suite que je ne l'avais fait jusque-là.

Je m’étais imaginé que la Bible n’avait rien que de triste et de sombre, et qu’elle répondait très bien par cela même à ma pénible position. Elle y répondait en effet, mais d’une manière complètement différente. Chaque verset me remettait en mémoire quelques souvenirs de l’école du dimanche, et plus je sondais les Écritures, plus je pénétrais dans la connaissance de mes misères intérieures. Je ne tardai pas à comprendre que ma situation était aussi mauvaise que possible.

Dieu et moi, nous étions opposés l’un à l’autre: comment n'aurais-je pas été malheureux et accablé d’angoisses?

Mais le Seigneur aplanit bientôt le chemin de la conversion devant mes pas.


Il y avait un petit nombre de soldats pieux qui se réunissaient pour s’entretenir sur les choses religieuses, et qui possédaient quelques livres d'édification, ils étaient stationnés dans une autre île, et je leur écrivis pour les prier de me prêter un bon livre. Ils satisfirent à ma demande avec empressement, et allèrent même plus loin; car l’envoi de ce livre de piété était accompagné d'une lettre d’exhortation.

O précieuses paroles! Elles furent pour mon âme comme l’eau qui étanche la soif du voyageur altéré. J'avais entendu bien souvent parler de Christ; mais je n’avais jamais compris jusque-là quelle est la valeur infinie du salut qu’il offre au pécheur. Toutes mes prières se terminaient par le nom de Jésus-Christ, mais ce nom était resté comme une lettre morte pour mon intelligence.

Je commençai dès lors à comprendre que, hors du sacrifice expiatoire et du salut qui est en Christ, toute espérance de pardon est vaine. La pensée de la justice et de la sainteté de Dieu, de l’Être souverainement parfait «dont les yeux sont trop purs pour voir le mal,» accompagna mes nouvelles convictions sur les mérites de la mort du Sauveur.

Je reconnus que «toute âme qui pêche doit mourir,», mais que le Seigneur est plein de compassion, de gratuité, toujours disposé à recevoir dans son alliance et dans son amour ceux qui s’approchent de lui par Jésus-Christ. Oh! que le plan de la rédemption est admirable! Le Père est glorifié et le pécheur racheté par le même Sauveur! La loi est affermie, et le transgresseur de la loi est délivré de la condamnation! L'amour est manifesté dans la justice de Dieu, et sa justice dans son amour.


Quand le sergent eut achevé cette intéressante narration, je désirai connaître par lui jusqu’à quel point le motif sur lequel s’appuient les soldats pour manquer à leurs devoirs religieux est fondé. Je le priai donc de me dire s’il lui avait été difficile de faire une profession ouverte de la foi chrétienne, quand il revint au milieu de ses camarades.

Oui, me répondit-il avec franchise, les difficultés furent d'abord très grandes; car j’avais beaucoup d’orgueil, et je ne pouvais souffrir les moqueries qui me poursuivirent de toutes parts. Néanmoins, j’allai en avant, et bientôt les épigrammes devinrent surannées, les dérisions moins fréquentes, et Pou me laissa suivre paisiblement mon propre chemin.

Vous ne croyez donc pas, continuai-je, que l’état militaire oppose des obstacles sérieux à la pratique de la piété?

Certainement, non. Il est vrai que si un militaire affecte les dehors de la religion, tandis que sa conduite dément ses principes, il ne peut manquer d’être en butte à beaucoup de sarcasmes, et par conséquent malheureux; car les soldats sont fort vigilants. Mais qu’un militaire montre que l’amour de Christ dirige toutes ses actions; qu’il ait des mœurs honorables, qu’il s’acquitte régulièrement de son devoir, et il finira par être respecté de tous. Il peut quelquefois être accusé faussement; les procédés dont il sera l’objet auront de temps à autre quelque chose de pénible; mais sa patience surmontera toutes ces choses; il se sentira d’autant plus fortifié intérieurement qu’il aura triomphé d’une plus vive opposition, et ses camarades incrédules rendront eux-mêmes justice à son caractère. Oh! plût à Dieu que tous les soldats fussent chrétiens!

Notre courte conversation se termina de cette manière. C’était un samedi au soir. Le lendemain nous avions un temps magnifique, et le vaisseau reposait sur une mer parfaitement calme. Nous nous assemblâmes sur le pont pour célébrer le service divin. On avait préparé l'église selon l'usage observé sur les navires; une large tente surmontée d'un pavillon abritait une partie des auditeurs.

Beaucoup de soldats, de matelots et de passagers se réunirent autour de la Parole de Dieu. Nous demandâmes avec ferveur que ce paisible jour du dimanche fut aussi pour nous tous un temps de véritable repos spirituel, et pendant que nos chants remplissaient l’étendue, on aurait pu croire que les grandes eaux se réjouissaient de porter l’encens de nos louanges et de nos prières jusqu'au souverain Créateur et Maître du monde.

À peine était achevé notre culte religieux que les voiles, qui étaient depuis longtemps immobiles, commencèrent à frémir et à s'agiter le long des mâts; ensuite un vent frais vint les remplir, et comme il nous poussait dans une bonne direction, nous en fûmes tous réjouis. La coïncidence de la fin de notre service et de la venue d’un vent favorable parut exercer une heureuse influence sur des esprits qui étaient peut-être mal disposés à s’enquérir des vérités religieuses; chacun voulut avoir des traités, en sorte que, durant le reste du jour, la plus grande partie de l’équipage s’occupa de lectures d’édification et de pieux entretiens.

Le sergent n’était pas sur le pont. Le grand air était trop vif pour ses poumons affaiblis. C’est pourquoi je m’empressai d'aller à sa cabine, pour lui apprendre comment s’était passé notre service religieux; car j’avais la conviction qu'il aurait de la joie de ce que les autres avaient obtenu une grâce qu’il n’avait point partagée. Mais au moment de descendre, je rencontrai le sergent sur l’escalier de la cabine, où il était resté pendant tout le service. Cependant cette excitation l’avait beaucoup fatigué, et il se retira pour prendre un peu de repos.


Quelque temps après, il dit en me revoyant: j’ai une grande soif aujourd’hui. Comme je ne comprenais pas le vrai sens de ces paroles, je répondis que j'allais lui faire apporter un peu d’eau, lorsqu’il ajouta: c’est l’eau vive qui me manque! c'est l’eau vive que je supplie le Seigneur de me donner, je désire d’être rempli des richesses de Jésus-Christ. Sans lui, je n'ai point de bonheur, et je ne jouis d’aucun contentement, lorsque je n’ai pas tout ce que je peux recevoir de lui.

Le pieux sergent m’apprit alors que ses pensées et son cœur étaient souvent bien éloignés du Seigneur. C'est là ma plus grande affliction, poursuivit-il, et mon plus grand péché. J'en éprouve une peine amère.

Je lui fis observer que ce n’était peut-être pas un péché dans toute l’étendue de ce mot, puisque la faiblesse de son corps pouvait réagir, malgré lui, sur son état spirituel, et que, dès que nous aimons le Seigneur de toute notre force, Dieu daigne accepter le peu que nous pouvons lui offrir. J’ajoutai une question que je n’avais pas encore osé lui faire sur la possibilité de sa mort prochaine, et je lui demandai s'il croyait aller bientôt dans un monde meilleur.

Oui, me dit-il avec beaucoup de calme, mon départ est proche.

Cette perspective est douce, continuai-je, pour celui qui s’attend à contempler Christ tel qu’il est.

Oh! oui, mais combien ma foi est faible!

Cherchons notre paix dans cette pensée, lui dis-je, que nos souffrances et la longueur de nos souffrances dépendent de la volonté parfaite de Dieu.

Ah! je n'en doute pas, s'écria-t-il avec une grande énergie; c’est là mon lieu de refuge et de repos. Je suis encore ici-bas parce que Dieu le veut; je souffre parce qu'il le veut; je mourrai quand il le voudra, Oui, je trouve une douce paix dans cette pensée.

L’ingénuité et l'humilité de ce chrétien faible, mais fidèle, étaient admirables. Il n’avait pas des ravissements de joie, mais il possédait l’esprit d’adoption, par lequel il donnait à Dieu le nom de Père, et se reposait sur sa volonté souveraine. En vérité, si un soldat doit se soumettre en toutes choses à la volonté de son chef, combien plus un chrétien doit-il se soumettre à la bonne et miséricordieuse volonté du Seigneur! Et comme il est doux, disait un autre disciple de Christ, d'abandonner sa volonté propre!

Depuis que j’ai fait ce sacrifice, je suis heureux. Il ne peut plus y avoir de mécompte pour moi, car je n’ai plus aucun désir, sinon que la volonté de Dieu soit faite.

Poussés par un bon vent, nous arrivâmes bientôt en vue de notre patrie. Deux petites éminences indiquaient de loin au sergent le village où il était né, et il les considérait avec beaucoup d'attention.

Vous devez être fort heureux, lui dit quelqu'un, de voir enfin votre pays natal, mon ami?

Le sergent tourna sa figure pâle et résignée vers l'homme de l'équipage, et lui dit d'une voix tranquille: j’ai déjà fait le sacrifice de ce bonheur!

Et c'était vrai. Il pouvait contempler la mort d’un regard calme et assuré; car il attendait une grande paix et une couronne incorruptible au-delà du tombeau. Sa conversation était dans les cieux, et ses paroles prouvaient que toutes les scènes de la terre lui paraissaient êtreire déjà des choses passées.

Nous jetâmes l'ancre dans le port. Après avoir embrassé ses parents qui attendaient son retour avec anxiété, le sergent demanda aussitôt des nouvelles de son excellent instituteur de l'école du dimanche: c'était le seul ami qu'il désirât de revoir encore sur la terre! Mais cet instituteur habitait un village éloigné, et une maladie grave le retenait dans son lit. Ils n'eurent donc pas la joie de se revoir.

L’instituteur écrivit au soldat de tenir ferme sa confiance; et le dernier message du soldat fut celui-ci: TOUTES MES ESPÉRANCES SONT EN CHRIST, QUI EST MORT POUR MOI.

Quinze jours après son retour au toit paternel, il avait cessé de vivre.

Archives du christianisme 1836 11 26


 
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