Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

DÉTAILS SUR LA MORT DE SAMUEL MUNSON ET DE HENRY LYMAN, MISSIONNAIRES AMÉRICAINS


***


Quelques feuilles politiques, entre autres le Journal des Débats du 17 février, ont déjà publié le récit de la fin tragique de ces deux missionnaires. Mais on lira, sans doute, avec intérêt des détails plus étendus sur le caractère et sur la mort de ces nouveaux martyrs. Nous empruntons ce qui suit aux journaux américains, The Boston Recorder et The New-York Observer.

Samuel Munson et Henry Lyman avaient été envoyés par le comité américain pour les missions étrangères dans les îles de la Sonde, à l’orient de l’Asie, afin d’annoncer l'Évangile aux habitants de cette partie du globe, et de pénétrer, s’il leur était possible, parmi les tribus sauvages des Battas. Ces tribus occupent la partie nord-ouest de l'île de Sumatra, et l'on assure qu’elles unissent aux mœurs les plus féroces quelques arts des peuples civilisés, tels que la lecture, l'écriture et une législation positive.


Les jeunes missionnaires entreprirent avec une humble confiance en Dieu la tâche difficile qui leur était confiée, et l'on peut voir, par la lettre suivante que l’un d’eux écrivit six semaines avant sa mort, les pieux sentiments dont ils étaient animés:

«Pour ce qui me concerne, disait Henry Lyman, je puis déclarer que je n’ai jamais joui d’une paix aussi douce que depuis que j’ai quitté l’Amérique, et même depuis que je me suis séparé de ma femme pour commencer ce voyage. (Les femmes des missionnaires étaient restées à Batavia). Il est vrai que j’ai éprouvé des peines; mon éloignement de ma patrie, et plus récemment ma séparation d’avec ma femme ont été pour moi des breuvages amers, mais je consentirais à traverser de nouveau les mêmes épreuves, si elles étaient accompagnées des mêmes consolations d’en haut.

Je dis cela pour montrer qu’une tranquille demeure dans la Nouvelle-Angleterre, avec toutes ses joies, n’est pas l’unique moyen d’être heureux ici-bas. Plusieurs de mes concitoyens s’imaginaient que je me rendais volontairement malheureux en acceptant la vocation de missionnaire. Je ne pouvais pas leur faire comprendre que les lits d'épines deviennent un doux oreiller par la bénédiction du Seigneur. Eh bien! je puis parler maintenant par expérience.

Oui, la Nouvelle-Angleterre offre beaucoup de moyens d’être heureux; mais le vrai bonheur ne consiste pas dans ces moyens; il est dans le cœur de l’homme, dans l’homme lui-même. Tel pourrait être complètement misérable dans la Nouvelle-Angleterre, et tel autre peut être parfaitement heureux au milieu des sauvages.

Et comment le missionnaire trouve-t-il ce bonheur? C’est que le Seigneur accomplit sa promesse envers lui:

«Voici, je serai avec vous jusqu’à la fin du monde.»

«Dans notre petite barque conduite par des Malais, fort médiocres marins, dans notice petite cabine construite à fond de cale avec des nattes, et qui ne nous permet pas de nous tenir debout; au milieu de nos coffres qui nous servent à la fois de pupitres pour écrire et de lits pour dormir, n’ayant qu’une natte par terre pour manger notre riz, parce que l’espace manque pour placer une table, je suis heureux, et même je n'ai jamais été aussi heureux, excepté pendant les premières heures qui ont suivi ma conversion à l’Évangile de Christ.

Pourquoi donc tant de personnes s’occupent-elles uniquement d’amasser les biens du monde, comme si tout le bonheur possible y était renfermé; comme si Dieu n’en pouvait pas faire le tourment et le poison de notre existence; comme s’il était incapable de donner de la joie à ceux qui suivent ses ordonnances, et de changer en douces bénédictions leurs sacrifices apparents!

Il est de fait que le chrétien ne s’impose aucun sacrifice réel lorsqu’il marche derrière Christ, pas plus que le pécheur quand il laisse le monde pour obtenir les trésors de la religion.

Il reçoit cent fois plus qu’il ne donne: si ce n'est ici bas, bien certainement au moins dans l’héritage à venir.

Oh! si j’avais une voix qui pût arriver jusqu’aux oreilles de tous les chrétiens, je leur crierais sans relâche: Vivez pour Christ! Consacrez-vous tout entier à Christ! et ma voix ne cesserait de retentir jusqu'à ce qu’elle eût fait, par la grâce d’en haut, une profonde impression sur le cœur des enfants de Dieu, et qu’ils eussent abandonné leur vaine confiance dans les choses terrestres pour chercher le royaume de Dieu et sa justice. Je ne leur dirais pas: Je suis meilleur que vous; mais je leur dirais: Voici le meilleur chemin; marchons-y ensemble.

Ce n’est pas que l’on doive nécessairement abandonner sa patrie et sa maison, mais il faut constamment demander, avec un sérieux désir de connaître la vérité:

Seigneur, que veux-tu que je fasse aujourd’hui?

Dirige et conduis-moi de telle manière que je travaille pour les choses éternelles et pour la gloire de ton saint nom.»


Ainsi s’exprimait Henry Lyman à l’époque où il se proposait d’aller parmi les Battas; et il est réjouissant de penser que, s’il est mort si tragiquement, il était prêt à comparaître devant le tribunal du Juge suprême. Il avait disposé sa maison dès sa jeunesse, et il a pu voir arriver le mort sans crainte.


MM. Munson et Lyman quittèrent Batavia, le 7 du mois d’avril dernier. Ils visitèrent les îles de Batu et de Nias, et se rendirent ensuite à Tappanooly, établissement hollandais dans l’île de Sumatra. Ils firent alors leurs préparatifs pour continuer leur voyage dans le pays des Battas.

Quelques amis essayèrent de les en détourner, en leur disant que c’était un peuple de cannibales qui ne respectaient la vie d’aucun étranger. Mais les missionnaires répondirent que sir Stamford Baffles et d’autres Européens avaient pénétré, sans accident fâcheux, parmi ces tribus; que leur mission était une mission de paix, que leurs intentions étaient inspirées par la charité, et qu’ils n’avaient guère à craindre d’actes de violence. Ils se confiaient d’ailleurs en Dieu, et savaient que pas même un cheveu ne tomberait de leur tête sans sa volonté. La veille de leur départ, ils écrivirent à l’un des secrétaires du comité des missions américaines:


«Nous avons fait nos préparatifs pour nous avancer jusqu’au grand lac, situé au centre du territoire des Battas, et pour revenir par une autre route. Le maître de poste de ce lieu-ci a lui-même été ou milieu d'eux. Il pense que notre voyage durera un mois. Tous les témoignages s’accordent à dire que la route est très difficile à cause de la hauteur des montagnes et de l’étendue des forêts.... Jusqu’à présent le Seigneur nous a bénis au-delà de notre attente.

Nous espérons que le comité et les églises d'Amérique feront tout ce qui leur est possible pour donner suite à ces commencements, et pour envoyer des ouvriers là où les campagnes sont blanches et prêtes à être moissonnées. L’oeuvre dont le soin nous a été remis est semée de perplexités; elle est laborieuse, pesante pour le corps et pour l'esprit. Mais nous travaillons avec joie. Nous ne redoutons qu’une chose, c’est que notre foi ne vienne à défaillir...»


Le 23 juin ils se mirent en route, et le reste de ce récit a été fait par un fidèle et pieux serviteur des missionnaires, nommé Sijan.

À mesure qu'ils avançaient, le chemin devenait plus difficile. Ils devaient franchir des ravins, gravir des rochers à pic, traverser des forêts immenses; ce n’est qu'à la fin de chaque journée qu’ils rencontraient quelque chose de ressemblant à un village. Parvenus là, ils étaient aussitôt entourés d’une multitude d’indigènes, hommes, femmes et enfants, qui, bien loin de montrer la moindre timidité, s'approchaient hardiment des voyageurs, et les examinaient de la tête aux pieds avec la plus importune curiosité.


Le 28 juin (c’était un samedi après-midi), ils arrivèrent devant une espèce de petit fort, occupé par des hommes armés de fusils, de lances, etc. Ils n’en étaient plus éloignés que de quelques centaines de pas. L’interprète qui accompagnait les missionnaires offrit d’aller auprès des sauvages pour entrer en pourparler avec eux. Mais bientôt deux cents hommes sortirent du fort, et s’approchèrent par diverses directions pour envelopper les voyageurs. Ceux qui portaient le bagage des missionnaires prirent la fuite; l’interprète fil de même.

Les Battas se précipitèrent en avant avec des cris terribles, et en brandissant leurs armes. Les missionnaires écartèrent ces armes de leurs mains, et supplièrent les Battas d’attendre un moment, jusqu’à ce qu’ils leur eussent donné quelques explications. Leur domestique Sijan courut chercher l’interprète, mais il dut revenir sans l’avoir trouvé.

Il était encore à quelques pas des missionnaires lorsqu’il entendit un coup de fusil; au même instant, M. Lyman tomba. Les Battas poussèrent un cri sauvage auquel répondit un autre cri parti de la citadelle, et ils se jetèrent sur M. Munson qui fut percé d'un coup de lance. Un domestique qui portait une veste que lui avait donnée M. Munson fut la troisième victime; il avait essayé de se sauver, mais un coup de hache l’atteignit dans sa fuite. Quant à Sijan, il parvint à s’échapper, et il revint à Tappanooli.


On dit que les cadavres des missionnaires ont été dévorés par les sauvages. On dit même que l'un des missionnaires avait été attaché à un arbre, et qu'il avait vu tuer et dévorer son compagnon, avant de partager son sort. Mais ces rapports ne s'appuient pas sur des témoignages certains. Il n'y a de positivement vrai que la mort de henry Lyman et de Samuel Munson; le reste ne doit être reçu qu'avec beaucoup de réserves.

Ces deux jeunes gens sont morts martyrs dans la sainte cause du Seigneur, et il est permis de croire qu’ils se reposent maintenant de leurs travaux, et qu’ils goûtent auprès de Dieu la félicité réservée aux élus. Ils ont laissé sur la terre deux jeunes femmes, qui se nourrissent maintenant de leurs larmes, mais auxquelles le Seigneur donnera d’abondantes consolations. Le comité des missions américaines ne négligera aucun moyen d’adoucir leur douleur.

On ignore quelle a été la cause de cet acte de barbarie de la part des Battas. Ils veulent peut-être fermer désormais aux étrangers l’entrée de leur pays. On pense aussi que les missionnaires n’avaient pas pris la sage précaution de faire connaître d’avance, par des messagers indigènes, leurs intentions et l’objet de leur voyage.


«Ce que le Seigneur se propose d’accomplir par cet événement, ajoute le Boston Recorder, c’est, on n’en saurait douter, d’éprouver la foi, la patience et le courage de l’Église. C’est un appel nouveau et plus retentissant que ceux qui nous ont été adressés auparavant. Il est rare, dans nos temps modernes, que les missionnaires soient en butte à des actes violents, et plus rare encore qu’ils soient assassinés. Une chose étrange a donc eu lieu.

Qu’elle soit pour nous un sujet d’humiliation et de prières; mais non un motif de crainte ou de découragement! Le Seigneur fera sortir l'ordre du désordre, la lumière des ténèbres, le bien du mal; et le sang de ces martyrs deviendra, d’une manière ou d’autre, la semence de l’Église à l’orient de l’Asie.»


Archives du christianisme 1835 03 14



- Table des matières -